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Classifications de jeux dits « traditionnels »

2.2. Etude de classifications de jeux

2.2.1. Classifications de jeux dits « traditionnels »

Nous abordons ici deux classifications qui portent sur des jeux qualifiés de « traditionnels », s’intéressant à des jeux existant indépendamment du développement des technologies numériques : d’une part nous détaillons la classification établie par Caillois en 1958, d’autre part nous présentons le système de classification élaboré par Garon à partir de 1982. Bien que s’intéressant à des objets similaires, ces deux travaux différent au niveau des domaines dans lesquels ils s’inscrivent, des buts poursuivis et des approches de classification adoptées.

Une classification structurante : les travaux de Caillois

Caillois (1958) adopte un point de vue sociologique et anthropologique et étudie le rôle social du jeu dans le but d’ « élaborer une théorie de la civilisation et de proposer une nouvelle interprétation des différentes cultures ». Comme nous l’avons déjà précisé dans la section

précédente, Caillois définit le jeu comme « une activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée et fictive ».

Afin de mieux comprendre son sujet d’étude, Caillois a cherché à élaborer une classification capable de proposer « un principe de classement qui permette de répartir [tous les jeux] en un petit nombre de catégories bien définies ». Caillois englobe dans sa réflexion des jeux issus de différentes cultures, des sociétés primitives aux sociétés contemporaines. En s’intéressant plus précisément au caractère fondamental du jeu qui pousse le joueur à s’y adonner, c’est-à-dire à « l’attitude du joueur » dans l’activité de jeu, Caillois dégage quatre catégories (étudiées de manière plus approfondie section 4.5.1) :

Agôn pour les jeux basés sur la compétition tels que le football ;

Alea pour les jeux dans lesquels le joueur se livre au hasard tels que les jeux de dés ;

Mimicry pour les jeux de simulacre, dans lesquels les participants endossent des rôles (ex. jouer à la poupée) ;

Ilinx pour les jeux reposant sur la poursuite du vertige tels que la balançoire.

Caillois définit également deux pôles pour situer les jeux en fonction de la présence plus ou moins forte de règles : la païda des jeux libres, non réglés, caractérisés par les notions de «turbulence », «d’épanouissement insouciant », s’oppose au ludus des jeux respectant des conventions «arbitraires » bien définies.

Les travaux de Caillois permettent de structurer le domaine au sens large car ils reposent sur des exemples issus d’époques et civilisations variées. Ils constituent une référence : le cadre de description qu’ils définissent, basé sur l’étude de «l’attitude du joueur » est toujours valide et applicable aujourd’hui.

Une approche multifacettes : le système ESAR

En 1982, dans sa thèse de doctorat en psychopédagogie, Garon propose un système d’analyse et de classement des jeux et des jouets appelé le système ESAR. Basé sur une analyse psychologique du jeu, ce système vise à répondre au besoin des ludothèques quant à la classification de leurs collections de jeux et jouets.

Dans sa première définition datant de 1982, le système ESAR fait apparaître quatre facettes du jeu (facettes A à D) se rapportant aux grandes formes d’activités ludiques définies par Piaget (1945) (facette A), aux dimensions cognitives de l’activité (facette B), à ses dimensions fonctionnelles (facette C) ainsi qu’aux dimensions sociales de l’individu joueur (facette D). Ce système a ensuite été complété par d’autres travaux : ceux de Filion (1993 inGaronet al. 2002), psychopédagogue, qui a étudié les habiletés langagières mises en œuvre dans les jeux (facette E) ; et les travaux de Doucet (1987) qui s’est intéressée à la mise en relation du jeu avec les conduites affectives chez les enfants (facette F).

En 2002, certains principes d’organisation du système ESAR (Garonet al. 2002) ont été revus ou mis à jour d’après les retours d’expérience issus de son utilisation par les professionnels dans les ludothèques, mais également afin de prendre en compte des nouveaux types de jeux, et les évolutions technologiques qui conduisent au développement de ce que Garon nomme les jeux virtuels. Ainsi, des descripteurs ont été supprimés ou ajoutés au sein des différentes facettes du système ESAR. Par ailleurs, dans cette nouvelle version, Garon présente le système ESAR non plus comme un simple outil de classification, mais comme une méthodologie organisationnelle complète permettant la gestion d’ensemble d’une ludothèque.

La nouvelle version du système ESAR (Garon 2002) propose ainsi six facettes composées de deux niveaux de descripteurs. Des descripteurs principaux définissent des catégories générales au sein des facettes (cf. tableau 1) et regroupent une série de descripteurs secondaires.

Facettes Descripteurs principaux

Facette A : Formes de l’activité Jeu d’Exercice, Jeu Symbolique, Jeu d’Assemblage, Jeu de Règles Facette B : Conduites

cognitives

Conduite sensori-motrice, Conduite représentative, Conduite intuitive, Conduite opératoire concrète, Conduite opératoire formelle

Facette C : Habiletés

fonctionnelles

Exploration, Reproduction, Compétence, Performance Facette D : Caractéristiques

sociales

Activité individuelle, Activité associative, Activité compétitive, Activité coopérative

Facette E : Habiletés

langagières

Langage réceptif oral, Langage productif oral, Langage réceptif écrit, Langage productif écrit

Facette F : Manifestations

émotionnelles

Confiance, Autonomie, Initiative, Travail, Identité

Tableau 1 - Les six facettes du système ESAR et leurs descripteurs principaux (d’après Garon et al. 2002)

Les descripteurs de la première facette (facette A) correspondent aux grandes formes de l’activité ludique telles qu’elles se succèdent au cours du développement de l’enfant (Piaget 1945). La facette A classifie ces types de jeux selon quatre descripteurs principaux qui ont donné son nom au système ESAR : jeu d’Exercice, jeu Symbolique, jeu d’Assemblage et jeu de Règles.

Pour les autres facettes, les descripteurs correspondent à des concepts psychopédagogiques. La facette B analyse le jeu sous l’angle des conduites cognitives. Les descripteurs de cette facette sont liés aux principaux niveaux de complexité mentale mis en jeu dans l’activité. La facette C concerne les habiletés fonctionnelles mises en œuvre dans les jeux. La facette D présente les types d’activités sociales mises en place dans les jeux. La facette E répertorie les habiletés langagières sollicitées dans les jeux. La facette F s’intéresse aux manifestations émotionnelles induites par les jeux et propose un répertoire des conduites affectives.

Même si le système ESAR est orienté vers les jeux destinés aux enfants, le principe de définition de critères fondés sur des dimensions cognitives, fonctionnelles, sociales, langagières et affectives est intéressant : ces dimensions ont un sens et un rôle à prendre en compte dans un contexte d’utilisation du jeu à des fins d’apprentissage.