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Les neuf clignotements de l’« Ange de l’Histoire » (Benjamin) et du cinéma : analyse de

2.3 Résurgence de la mort du cinéma dans histoire(s) du cinéma (1988-1998)

2.3.2 Les neuf clignotements de l’« Ange de l’Histoire » (Benjamin) et du cinéma : analyse de

Histoire(s) du cinéma permet également de développer une nécrologie du cinéma,

sous l’influence de Walter Benjamin. Comme l’a tout particulièrement soulignée Alain Bergala343, l’une des références majeures de Godard réside dans la figure de l’« Ange de l’histoire » qui s’élève de la 9e thèse « Sur le concept de l’histoire », figure inspirée du tableau de Paul Klee, l’Angelus Novus :

Il existe un tableau de Klee qui s’intitule « Angelus Novus ». Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès344.

Cette aquarelle de Klee rayonne dans les dix-huit thèses fragmentaires qui composent le texte de Benjamin, rédigé dans le même moment que son analyse de l’appareil

342 Ibid.

343 Cf. Alain Bergala, « L’Ange de l’Histoire », op. cit., p. 221-249. 344

Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire (1940), trad. par M. de Gandillac, R. Rochlitz et P. Rusch, dans

cinématographique qui paraîtra dans L’Œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique. L’Ange de l’histoire incarne une dialectique entre le mouvement du progrès qui l’aspire – auquel ne renoncent ni Godard, ni Benjamin – et le désir d’origine qui doit être conservé – comme une préhistoire de l’art cinématographique en pleine métamorphose qui conserve sa trace dans ses manifestations iconiques. L’Ange devient dans Histoire(s) du cinéma le signe d’une catastrophe et introduit des séquences qui dénoncent les obstacles qui se sont levés dès la naissance du cinéma, comme différentes pièces à assembler dans le procès intenté contre les « pères du cinéma ». Le chapitre 2b des Histoire(s) offre ainsi un sombre raccourci de l’histoire du cinéma, alors que s’affiche à l’écran la formule « sang avenir » : l’avertissement des frères Lumière. sur un art « sans avenir » s’affirme dans l’« état d’enfance » du cinéma qui sera « [perverti] ». Godard renoue dans ce fragment séquentiel avec la toute première mort du cinéma, celle-là même énoncée par le père de Louis Lumière qui prédit que l’usage qu’il sera fait de son invention sera vite délaissé345. Quelques plans plus tard, la voix du cinéaste énonce de nouveau le mouvement tragique du cinéma : « c’est avec les couleurs du deuil avec le noir et avec le blanc que le cinématographe se mit à exister. » La pensée de Godard se poursuit par l’évocation de l’autre mort du cinéma qui dès 1910 entre dans sa vie institutionnalisée et se place sous le signe de la marchandise, comme le cinéaste se presse de le rappeler :

dans le fond

le cinéma ne fait pas partie de l’industrie

des communications ni de celle du spectacle

mais de l’industrie des cosmétiques de l’industrie des masques

qui n’est elle-même qu’une mince succursale de celle du mensonge346.

Godard affuble ainsi le visage du cinéma d'un masque mortuaire et le réduit au rang de simulacre. La vision devient otage de l'image à vendre. Cette compromission du cinéma est posée dès l’épisode 1b, avec, comme jalons méthodiques, les différentes inscriptions

345 Comme nous le précisions dans le premier chapitre de cette partie, ce propos doit être entendu avec nuance,

puisqu’il est motivé par la crainte que les bénéfices de cette invention échappent à ses inventeurs.

346

Nous reprenons la présentation du texte élaboré par Jean-Luc Godard dans le volume publié aux éditions Gallimard (Jean-Luc Godard, 1b. Une histoire seule, dans Histoire(s) du cinéma, op. cit., p. p. 170-171).

convoquant l’Ange de Klee, produisant des séquences de montage qui sont autant de tracts filmiques condamnant les fausses subversions de l’industrie culturelle – que Godard ne dissocie pas de l’industrie de la mort et de la barbarie génocidaire qui symbolisent la chute du XXe siècle – et la marginalisation de la puissance révolutionnaire de l’œuvre d’art qu’est le film.

L’épisode 1b des Histoire(s) est ainsi consacré à la politique de blocage et de

remontage du temps figuré par l’Ange de Klee. L’Ange, associé à un photogramme de La Prison de Bergman (cf. Photogramme 3), ponctue neuf séquences ou plans et introduit ainsi

une continuité iconique sur et sous le montage discontinu de l’épisode, avant d’être l’objet d’une forme de substitution dans le dénouement. Les premières minutes de l’épisode 1b introduisent un plan qui sera récurrent : celui des lettres de « l’ange » inscrites en rouge sur un photogramme en négatif du film La Prison d’Ingmar Bergman (apparition 1347). Thomas et Birgitta Carolina, incarnés à l’écran par Mirger Malmsten et Doris Svendlund, encadrent un projecteur. Au centre du film de Bergman, ces deux personnages sont réunis et visionnent un vieux film burlesque. Il s’agit d’une pause dans le film, durant laquelle les deux personnages se lient, à la faveur du cinéma, avant de retrouver « l’enfer », celui que traverse Birgitta, mais aussi celui du film dans le film, intitulé L’Enfer, que Martin, le metteur en scène, renoncera à réaliser. Pendant cette scène de projection, dans un grenier qui sert de refuge aux deux personnages, Birgitta confesse au jeune journaliste les visions qui la hantent. Après ce tête-à-tête amoureux, qui permet aux deux personnages d’échapper à leur solitude, l’enfer se rétablit dans la suite diégétique du film. L’« enfer » de Birgitta est annoncé dans cette séquence sous forme d’un rêve, véritable extension de l’expérience cinématographique que Thomas et Birgitta viennent de partager. Il est également comme engendré par la boîte à musique qui met en mouvement un petit automate, personnage enfantin qui s’insinue entre les deux amants et favorise la rêverie. Ce rêve récurrent, au centre de la confession parlée de Birgitta, fait retour dans son sommeil et se déploie à l’écran : il prédit la mort de l’enfant qui lui a été arraché et prévoit sa propre déréliction. La séquence onirique est alors une véritable descente aux enfers au centre duquel la culpabilité de Birgitta s’élève comme un destin auquel elle ne peut échapper. La puissance de cette séquence de Bergman est ainsi contenue dans le photogramme cité par Godard, celui des amants qui encadrent le projecteur. Ce plan s’ouvre à la puissance de l’onirisme, comme expérience autre du réel et du temps au sein du film. Godard présente ainsi Bergman comme

347

Nous numérotons les « apparitions » de l’Ange de l’histoire selon leur ordre d’apparition dans l’épisode 1b des Histoire(s) du cinéma.

… le cinéaste de l’instant. Chacun de ses films naît dans une réflexion des héros sur le moment présent, approfondit cette réflexion par une sorte d’écartèlement de la durée, un peu à la manière de Proust, mais avec plus de puissance, comme si l’on avait multiplié Proust à la fois par Joyce et Rousseau, et devient finalement une gigantesque et démesurée méditation à partir d’un instantané. Un film d’Ingmar Bergman, c’est, si l’on veut, un vingt-quatrième de seconde qui se métamorphose et d’étire pendant une heure et demie. C’est le monde entre deux battements de paupières, la tristesse entre deux battements de cœur, la joie de vivre entre deux battements de main348.

La puissance d’un plan étiré par le rêve ou le cauchemar, déjouant la linéarité temporelle du récit, se loge dans ce photogramme choisi et amplement cité par Godard, celui du couple au projecteur, qui déploie ses significations et transcende la chronologie par le pouvoir du rêve au cœur des Histoire(s) du cinéma. Godard l’utilise comme une ponctuation des montages d’images à l’écran. Il est à la fois un éloge de la projection, de la rêverie, et un signe du désastre à venir, un indicateur d’une temporalité tragique, celle du personnage du film de Bergman, celle des différentes apparitions du cinéma. Il incarne ainsi l’ironie de l’histoire : il informe le spectateur sur la nature matérielle et immatérielle des images (toutes sont absorbées par le cinéma) et sur la temporalité négative du siècle à l’échelle de l’individu (l’ombre de la catastrophe qui pèse sur Birgitta). Dans Histoire(s), les lettres rouges et tragiques de l’Ange vont ainsi se superposer plusieurs fois, telle une trace sanglante de l’histoire du XXe siècle, sur ce plan arrêté de Bergman, sur cet « instantané ». L’ange de

l’histoire et le couple au projecteur forment une image qui relève de cet à-présent qui se

loge dans les traces anachroniques qui jalonnent le regard : Birgitta, Thomas, le projecteur et l’Ange actualisent la puissance de projection et de révélation (tragique) du cinéma. C’est de leur point de vue que les séquences de l’épisode 1b semblent procéder.

En effet, l’association du couple au projecteur et de l’ange rouge est réitérée selon des variations : les lettres rouges de l’ange sur le couple au projecteur apparaissent une seconde fois dans l’ouverture de l’épisode 1b, mais obstruées en partie par une pellicule qui défile à écran, dans une volonté de surdéterminer cet ange cinématographique (apparition

2) ; elles forment ensuite un signe tragique, en étant partiellement masquées (ne restent à

l’écran que le "g" et le "e") par l’ouverture en iris du plan de l’accident et de la mort de Camille dans Le Mépris au centre du plan de La Prison. Cette scène du Mépris fait écho et se substitue dans ce montage à la voiture accidentée de Thomas dans le rêve de Birgitta Carolina, alors que la couleur rouge de l’Alpha Romeo vient compléter le tracé du sang de Camille et des lettres rouges de l’ange. L’ange devient alors le témoin du tragique à l’œuvre

dans le cinéma et dans l’histoire (apparition 4).

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Ainsi, les lettres de l’ange apparaissent irrégulièrement mais constamment par clignotements, surimpressions, en transparence, ou masquées partiellement sur ce même photogramme. Elles sont souvent associées à l’iconographie chrétienne et au pouvoir de

résurrection de l’image. Ainsi, l’ange devient « l’ange exterminateur. » Les mots écrits à

l’écran trouvent deux échos visuels : l’ange du détail de la Lamentation sur le Christ mort des Scènes de la vie du Christ (1303-1306) de Giotto, inséré au montage, et la reproduction du visage angélique d’Irène dans le Saint Sébastien soigné par Irène (à la torche) peint par Georges de La Tour vers 1649 (apparition 5). Les lettres de l’ange révèlent également la

puissance ambivalente de vision et d’aveuglement du cinéma. Après une citation de la

séquence de l’œil tranché en ouverture du Chien Andalou de Luis Buñuel (1929), les lettres s’effacent sur un très gros plan de l’homme au projecteur et entrent en dialogue avec le redoublement à l’écran de la formule paulienne « l’image viendra au temps de la résurrection349 » (apparition 6). Elles apparaissent également dans un clignotement sur la photographie de Billy Bitzer, le futur assistant de Griffith, avec sa caméra Mutograph fixée au pare-choc d’une locomotive qui sera lancée à tout allure (ce tournage se déroule à Boston en 1896), alors que la bande-son convoque L’Évangile selon saint Matthieu (1964) de Pasolini. La technique cinématographique, encore à ses balbutiements – la caméra est alors sédentaire – symbolisée par le plan célèbre de L’Entrée d’un train en gare de la Ciotat réalisé en 1895 par Louis Lumière, référent immédiat de la présence de Billy Bitzer, et l’image intense de la résurrection sont synthétisées par les mots de la voix off qui évoquent le rêve « durci et mécanisé »des inventions techniques du XXe siècle (apparition 7 ). Les lettres rouges et le plan de La Prison clignotent sur différents plans de l’histoire du cinéma et en désignent les anges tutélaires (Chaplin et Griffith350) alors que la voix de Maia Casarès récite « Pourquoi des poètes ?351 » de Heidegger (apparition 8).

Deux séquences nous semblent significatives des variations qui affectent cet ange de l’histoire et du cinéma : l’une lui octroie un pouvoir perturbateur, révélant l’éros du cinéma, et se situe en introduction à l’épisode 1b (apparition 3), l’autre dénoue cet épisode par la substitution de l’Ange de Klee par un ange byzantin (apparition 9). Nous les analysons en détail dans les deux points suivants.

349 Godard attribue à plusieurs reprise cette formule à Paul de Tarse, comme, par exemple, dans l’entretien avec

Régis Debray : « Saint Paul l’a dit : l’image viendra au temps de la résurrection » (« Jean-Luc Godard rencontre Régis Debray, Extrait d’un entretien filmé entre Jean-Luc Godard et Régis Debray, op. cit., p. 428). Le passage des épîtres pauliennes qui s’en rapproche le plus est le suivant : « Et de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel » (Corinthiens, 1, 15, 49).

350 Godard articule successivement une séquence du Kid (1921) de Charlie Chaplin et un portrait

photographique de David Wark Griffith.

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- Le sexe et la mort : hantises du cinéma

L’ange rouge et le photogramme de Bergman sont convoqués avec une signification érotisée dans une des premières séquences de l’épisode 1b où les actrices se dénudent et où le genre du musical movie est célébré (apparition 3). Quelques plans précédent cette séquence et laissent entendre la voix de Godard qui énoncent deux fois les noces de sang que célèbrent toutes les histoires du cinéma : « les deux grandes histoires ont été le sexe et la mort352 ». Cette phrase est le commentaire introductif et conclusif d’un extrait monté à l’écran : le dénouement de Duel au Soleil (1946) de King Vidor. Les amants Pearl et Lewt, incarnés par Jennifer Jones et Gregory Peck, meurent en s’embrassant, après un long duel meurtrier, ralenti par le montage de Godard, sur la musique Ballad of Absent Mare (1979) de Leonard Cohen et sur l’ostinato353 de la musique du film Psycho (1960) d’Alfred Hitchcock – ce motif mélodique est un contrepoint tragique à la ballade qui accompagne cette séquence, elle prédit la mort qui s’énonce à l’écran. Puis, quelques plans après, se déroule un échange d’images presque obscène : « l’ange » s’inscrit à l’écran en lettres rouges sur le couple au projecteur, juste après la formule « une industrie de la mort ». La séquence qui s’ouvre est alors consacrée au genre de la comédie musicale et aux corps des actrices. Son obscénité tient à la coprésence antinomique d’images-en-mouvement exhibant le désir – la citation à l’écran des différents transports qui meuvent les corps du cinéma – et d’un commentaire de Godard en voix off qui édicte, comme un contrepoint ironique, le tragique et la barbarie du XXe siècle. « L’industrie des cosmétiques » et « l’industrie des masques354 », périphrases qui désignent le cinéma dans son état actuel, semblent se mettre au service de l’industrie de la mort, dont le Langer a été le produit.

Cette confusion-confrontation est annoncée par le montage de la mort des amants du film de King Vidor, accouplement symbolique de la mort (la mort des personnages à l’écran, la mort qui rôde dans la musique d’Hitchcock) et des corps (le corps rampant et souffrant de Jennifer Jones, le baiser mortel qui unit les amants). Elle est reprise dans la séquence des

musical movies qui s’ouvre sur un montage qui fait alterner une photographie d’Hitchcock,

cadrant de ses mains un plan, et le regard effrayé en gros plan de Marnie, dont la chemise de nuit tombe à ses pieds355. L’horreur des camps convoquée par la formule introductive inscrite

352

Godard donne à son propos une tournure malrucienne, proche de certains discours du ministre des Affaires culturelles qui dénonce en 1964 le machinisme du rêve d’une industrie du cinéma et de la télévision qui assoie sa puissance dans la société en détournant les arts de fiction de Culture ou de l’art.

353 Il s’agit de l’ostinato de la suite Psycho composée pour le film Psycho d’Alfred Hitchcock par Bernard

Hermann (Psycho, 7. The Murder, 1’03’’, 1960).

354

Jean-Luc Godard, 1b, Une histoire seule, op. cit., p. 171.

355

à l’écran, « l’industrie de la mort », conduit alors à son envers obscène : le déploiement illimité de la pulsion scopique et du divertissement spectaculaire qu’incarne le cinéma hollywoodien des années 1950 et 1960. L’ange de l’histoire désigne ainsi à deux reprises le sexe caché des actrices : le cinéma devient l’équivalent d’une industrie érotique qui permet de divertir le regard du spectateur de la mort industrielle, la rationalité irrationnelle de la Shoah, et de le convertir au spectacle des corps vivants. Godard construit un parallèle entre le capitalisme industriel et culturel et cette autre forme de capitalisation de la mort qu’incarne l’industrie génocidaire356. La formule « c’est par là » inscrite à l’écran alterne avec l’ange rouge sur le couple au projecteur et plusieurs portraits de Jean Renoir, cinéaste qui prend la place de l’ange, dont le visage en gros plan est monté en surimpression avec les différents extraits de films qui composent cette séquence et qui accentuent le désir de voir. « C’est par là » en effet désigne le centre du spectacle dans un dispositif multimédiatique qui guide l’attention et la vision du spectateur, qui l’empêche d’avoir une attention flottante. Cette formule, qui indique une direction, telle une anamorphose discursive, s’imprime ainsi sur le plan d’une femme dévoilant ses jambes dans un extrait de Boule de feu (1941) de Howard Hawks, puis sur Cyd Charisse exhibant ses bas et dansant dans La Belle de Moscou (1958) de Rouben Mamoulian. Les plans qui suivent continuent de convoquer les images érotisées du cinéma. Maruschka Detmers, la Carmen X de Godard, passe en culotte rouge devant Joseph, attrapant au ralenti un fruit sur une table. Cette séquence de Prénom Carmen (1983), relue à l’aune de l’épisode de la Chute, alterne avec le spectacle flamboyant de la danse en groupe de La Belle de Moscou et de la jambe que soulève Gigi dansant et chantant The Night

They Invented Champagne dans le film de Vincente Minelli, réalisé en 1958.

L’inscription graphique « c’est par là » devient alors signe sonore pour clôturer la séquence. Godard l’énonce à haute voix pour désigner l’angle obscène de toutes les images : le « derrière » de la caméra et des appareils de vision est représenté ironiquement par une gravure représentant un photographe derrière sa chambre noire. Godard s’autorise un glissement prosaïque de signifiants et une facétie graveleuse, caractéristique de certaines des scènes de sa filmographie : le livre intitulé Entrez sans frapper posé sur les fesses de Brigitte Bardot, nue, prenant un bain de soleil, allongée sur le ventre, dans Le Mépris ; ou encore la scène où le père ausculte et commente le corps de la mère, dans Numéro deux (1975). Cette séquence de Numéro deux procède d’une étude des corps et d’une réactivation de la scène originaire. La « sainte famille » se trouve réunie quand plusieurs plans de Godard font apparaître la fille qui épie le couple parental. Ce montage relève du tiraillement godardien

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Nous reviendrons sur la place centrale de l’extermination des Juifs par l’Allemagne nazie dans l’œuvre et