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Deux conditions paraissaient importantes à respecter pour choisir les jardins où se déroulerait cette enquête. La première, il fallait trouver des jardins collectifs de morphologie différente, allier le jardin familial au jardin partagé. La pluralité de facettes des jardins d’aujourd’hui devait être si possible représentée afin d’éviter de faire un « micro terrain » qui aurait couru le risque de ne pas être représentatif . L’autre condition 42

était de trouver des jardins où il était matériellement possible d’envisager un terrain, c’est- à-dire qu’il me soit possible d’y aller le plus régulièrement possible, sur une longue période.

En effet, choisir ce sujet impliquait une observation participante dans le sens le plus classique. Le but n’était pas de visiter de multiples jardins afin d’en faire un catalogue.

FORTIER Agnes, 2003, « Les vertus du jardinage d’insertion », in Communications, n°74, 2003,

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Bienfaisante nature, sous la dir. de DUBOST Françoise et LIZET Bernadette, Paris, Seuil, 240p, p 85-102

AUGÉ Marc, 1994, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Aubier, 197p

En pratique, il n’a pas été question de choisir quelques jardins parmi un large panel mais plutôt d’en trouver quelques-uns… Saint-Malo n’est pas une grande agglomération et ne compte que quelques sites, pas forcément très visibles. Il a donc fallu commencer par les trouver. En ce qui concerne cette ville, un seul jardin apparaissait lors de recherches internet. On le trouvait sur la toile en raison de sa mention dans des articles de presse locale, qu’il s’agisse d’Ouest France ou du Pays Malouin. Il n’avait pas de site dédié. Il s’agissait de celui du Bignon. Les autres ont été découverts soit par des hasards de rencontres, soit parce que les jardiniers savaient eux-même quels étaient les autres potagers collectifs de la ville : ce fût le cas des jardins de Rothéneuf et de la Gare, tous deux à Saint- Malo, et aussi de celui de Dinan, le seul jardin partagé de ce terrain. En raison du petit nombre de jardins existant sur la commune de Saint-Malo, j’ai cherché ceux des agglomérations les plus proches (Cancale, Chateauneuf-d’Ille-et-Vilaine) pour multiplier les terrains.

J’ai donc observé quatre jardins de façon prolongée.

Je n’ai pu accéder à certains jardins et l’analyse des raisons de ces "non terrains" peut apporter aussi des éléments de réflexion sur la pratique de l’ethnographie et même sur ce que peuvent représenter ces jardins pour les jardiniers. Deux responsables de jardins m’ont opposé une fin de non-recevoir quant à un travail de terrain au sein de ces jardins. Le premier est situé à Cancale; il s'agit d'un jardin familial géré par une association en lien avec le Centre communal d’action sociale. La personne gérant ces jardins a estimé dans un premier temps que ce travail d’observation pouvait être potentiellement stigmatisant pour des personnes démunies et n’a plus ensuite répondu aux sollicitations. Je n’ai pas insisté pour deux raisons : quatre autres jardins constituaient déjà mon terrain, et celui-ci, plus éloigné représentait une contrainte supplémentaire inutile car je comptais déjà dans mon panel ce type de jardin familial. Par ailleurs, le travail d’observation demande à l’ethnologue d’afficher clairement ses objectifs et ses méthodes et les acteurs sont en droit de ne pas désirer se trouver dans la situation d’observés.

L’autre était un jardin familial situé dans le parc d’une malouinière en périphérie de 43

Saint-Malo. Son propriétaire, héritier depuis des générations, y a organisé un jardin familial géré par une association dont il est le président au sein du magnifique jardin clos de murs de la demeure. Ce jardin comprend une vingtaine de parcelles. Le but initial était le jardinage, mais aussi de développer en parallèle des manifestations artistiques au sein de la propriété. Le propriétaire a refusé cette enquête. Un entretien a cependant eu lieu à son insu avec un des jardiniers ainsi que la visite du jardin. Il était impossible d’envisager une

Les malouinières sont de vastes demeures construites par les armateurs du port de Saint-Malo dans la

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campagne environnante au XVII et XVIIIème siècle afin d’échapper à l’agitation portuaire intense et à l’exiguïté de la ville.

observation prolongée dans ce jardin situé au sein des murs de la propriété du fait du refus du propriétaire.

Deux autres approches de jardins n’ont pas abouti : un autre jardin, celui de la Bretonnière, à Cancale et un à Châteauneuf d’Ille-et-Vilaine, cette fois parce que, malgré de nombreuses visites, il ne s’y trouvait jamais personne, l’éloignement géographique de ces jardins ne permettait pas de réaliser mon travail d’enquête. Dans celui de Cancale, deux entretiens ont quand même eu lieu, le premier avec le responsable de l’association et le second avec un jardinier, le responsable ayant changé entre temps. J’ai donc alors préféré me concentrer sur des terrains plus fertiles, notamment parce que j’avais déjà commencé mes observations dans d’autres jardins et que ça fonctionnait bien.

Le parti a été pris de s’en tenir à ce nombre restreint de jardins. Multiplier les terrains faisait courir le risque de ne pouvoir faire de véritables observations participantes. Le choix a été d’allier l’observation physique des jardins, l’observation du quotidien des activités qui s’y déroulaient, la participation à celles-ci, à des entretiens informels, puis à des entretiens individuels formalisés.

Il est évident que les rencontres avec des jardiniers mieux disposés ont joué sur mes choix de jardins, ce qui reste un corollaire de l’enquête ethnographique. Je n’ai pas échappé à avoir des « informateurs privilégiés » au sein de chaque jardin. Mais ces observateurs m’ont aussi permis de créer des liens avec d’autres jardiniers. Ils n’ont pas été les seuls auprès de qui j’ai recueilli mes informations. J’ai justement accordé de l’importance à ne pas suivre uniquement les réseaux de connaissances de ces informateurs privilégiés afin d’échapper à une uniformisation des points de vue.

Le terrain a duré de septembre 2013 à novembre 2016.

Les quatre jardins