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2-3 Variations sociales saisonnières

Chapitre 3 Approche ethnoécologique

Actuellement, la tendance est la substitution de l’ethnoécologie à l’ethnobotanique, mais on ne peut ignorer que les interrogations fondatrices de ce champ de recherches ont toujours été élaborées en lien avec celles de la conservation de la biodiversité ainsi que de son recensement. Hal Conklin en 1954, insistait déjà sur la nécessité de considérer les savoirs biologiques populaires dans leur contexte écologique . 94

L’ethnoécologie fait correspondre un savoir scientifique qui relève de l’écologie et des sciences sociales avec celui de la gestion durable et de la conservation des ressources et de la diversité biologique. Cette démarche prend donc en compte les savoirs écologiques des locaux, en incluant également le symbolisme, les représentations du monde, voire les religions.

L’ethnoécologie

Initialement, l'ethnobotanique a pu se placer du point de vue de la conservation de la génétique au service de la connaissance de l’histoire de l’humanité, mais elle a ensuite évolué avec le développement des études sur l’environnement. Il n’a alors plus été question d’une conservation de spécimens botaniques hors contexte, en sauvegardant des espèces sans prendre en compte leur milieu . Les sciences sociales ont participé à réintégrer la 95

conservation au sein de l’étude des écosystèmes. Ainsi, les connaissances des locaux ont été prises en compte dans la préservation de la biodiversité. Les chercheurs considèrent une espèce dans son écosystème, dans l’environnement humain entier tout en cherchant à relier les usages et l’idéel . 96

Le problème de la conservation de la biodiversité concerne autant la biologie de la conservation que les sciences sociales. Certains auteurs proposent même une anthropologie

BAHUCHET Serge, 2012, « Du Jatba-Revue d’ethnobiologie à la Revue d’ethnoécologie », in Revue

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d’ethnoécologie [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 30 juin 2012, consulté le 31 mai 2017. URL : http ://

ethnoecologie.revues.org/689

BARRAU Jacques, 1971, « L’Ethnobotanique au carrefour des sciences naturelles et des sciences

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humaines », in Bulletin de la Société Botanique de France, 1971, 118:3-4, 237-247. DOI : 10.1080/00378941.1971.10838893

BAHUCHET Serge, 2012, op. cit.

de la conservation dont la première dimension consisterait à préserver effectivement la 97

diversité biologique, la deuxième étant à considérer les actions de conservation de la nature comme des objets d’études ( ce qui inclut autant les acteurs de la conservation que les acteurs locaux).

En France, Jacques Barrau s’engagera résolument vers l’écologie dès les années 60 en faisant le lien entre l’ethnobotanique française et l’école anglo-saxonne. Il s’attache dès ses premiers travaux à mettre en exergue le rôle de l’intervention de l’homme dans la biodiversité. La révolution néolithique a eu des conséquences sur la diversité des espèces. Il y a eu protection de certaines plantes, sélection d’autres, de manière de plus en plus scientifique (qui ont amené à l’élimination ou la modification de certaines caractéristiques). Les plantes sont devenues de plus en plus dépendantes des hommes. Les pratiques culturales ont également modifié l’environnement avec le développement d'écosystèmes dont les variétés sont devenues de plus en plus homogènes, requérant de plus en plus d’apport d’énergie. Il y a gradation entre certains systèmes de subsistance, plus proches de la nature, à ceux qui vont vers une hyperhomogénéisation de la flore domestique, produits de plus en plus artificiellement de façon technique. La majorité des plantes nécessaires à la survie de l’humanité est due à la domestication des cultures . Il y a 98

donc interdépendance entre les plantes hyperdomestiquées et les humains. Et il existe aussi un lien entre la diversité des plantes et les phénomènes migratoires comme il le montre pour le domaine malayo-océanien . Il ne fera alors que développer l’idée du lien entre la 99

culture des plantes et de l’environnement, l’homme étant l’initiateur de ces changements. Il s’oriente vers une vison écologique proprement dite de l’ethnobotanique, en relation avec les Américains qui eux proposent une ethnobotanique «totale», c’est-à-dire l’étude d’une société à travers le milieu végétal.

L’homme est passé d’une économie vivrière fondée sur l’appropriation de ressources spontanées à une domestication végétale et animale, d’où sa maîtrise sur le monde végétal et animal, allant ainsi vers un processus d’aménagement humain de la nature100. Ce processus évolutif a eu des conséquences non seulement sur la relation des hommes aux plantes cultivées mais aussi sur la biodiversité. Une proportion infime de plantes et

DUMEZ Richard, ROUÉ Marie et BAHUCHET Serge, 2014, « Conservation de la nature : quel rôle pour

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les sciences sociales? », in Revue d’ethnoécologie [En ligne], 6 | 2014, mis en ligne le 31 décembre 2014, consulté le 25 septembre 2017. URL : http ://ethnoecologie.revues.org/2089; DOI : 10.4000/ethnoecologie. 2089

BARRAU Jacques, 1991, « Les plantes cultivées », in Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie,

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sous la dir. de BONTE Pierre et IZARD Michel, Paris, PUF, p 575-578

BARRAU Jacques, 1969-1970, Cours d’ethnobotanique : L’homme et son environnement végétal en

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région tropicale humide : l’exemple malayo-océanien, 3rd cycle. https ://cel.archives-ouvertes.fr/file/index/

docid/654623/filename/Cours_ethnobotanique_1969_-_1970-3_Barrau.pdf

BARRAU Jacques, 1983, Les hommes et leurs aliments, Messidor/Temps actuels, 378p, p34

d’animaux a été domestiquée. Moins de 1% des espèces végétales l’ont été et pas seulement à des fins alimentaires. Ces atteintes au nombre d’espèces de la faune et de la flore ne sont pas les seules : même la gamme des espèces domestiquées diminue, on réfléchit d’ailleurs à de nouvelles domestications. Ce phénomène s’est aggravé depuis 39-45 passant de l’âge néolithique à l’âge néotechnique101 : âge où l’on a généralisé des formules agrotechniques aboutissant ainsi à une homogénéisation et une standardisation des espèces domestiquées. Ce phénomène repose lui-même sur des des préjugés écologiques et culturels. L’Occident a voulu partout imposer ses idées et ses normes en matière de production végétale et animale. D’où l’imposition au monde de solutions culturales et pastorales reposant sur des techniques élaborées dans un environnement particulier et ceci au profit de l’économie occidentale. Au détriment donc des techniques locales qui elles prennent en compte leur environnement particulier, ce qui a pu avoir en matière écologique des conséquences dramatiques , comme par exemple la famine au Sahel qui s’explique en partie par le détournement de pratiques agricoles qui auparavant étaient adaptées à l’écosystème.

Jacques Barrau va développer sa réflexion sur l’écologie avec les sciences humaines avec André-Georges Haudricourt et Maurice Godelier. Il élaborera d’ailleurs avec ce dernier un programme « Écologie et société » à la Maison des Sciences de l’Homme102.

Pour lui, la plante est non seulement témoin du passé mais aussi des ressources nouvelles. Elle est un outil de de l’insertion humaine dans l’écosystème. Il prône une étude globale synchrone et diachronique des systèmes naturels dont l’homme fait partie. Il lie l’ethnobotanique à la démarche écologique.

Par la suite et progressivement, la question de la conservation de la biodiversité est devenue une préoccupation à l’échelle des politiques103. Elle a été reconnue comme sujet phare de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de Rio en 1992. Cela va plus loin car la Communauté internationale a également pris en compte la remise en question de l’opposition conceptuelle entre nature et culture104 et reconnu l’impact des sociétés et le rôle des l’intervention humaine sur la destruction mais aussi sur

BARRAU Jacques, 1983, op.cit., p 35

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BAHUCHET Serge, LIZET Bernadette, 2003, « L’ethnobotanique au muséum d’histoire naturelle », in

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LIZET Bernadette, Une ethnologue au jardin des plantes, 2015, Paris, Petit génie/MNHN, p 97-139

SOURDRIL Anne, WELCH-DEVINE Meredith, 2013, « Conserver, gérer, étudier la biodiversité : quels

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apports de l’ethnologie? », in ethnographiques.org, Numéro 27 - décembre 2013, Biodiversité(S) [en ligne]. http://www.ethnographiques.org/../2013/Sourdril,Welch-Devine (consulté le 18/03/2014)

ROUE Marie, 2006, « Introduction : entre cultures et natures », in Revue internationale des sciences

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sociales 1/2006 (n° 187) , p. 11-18. URL : www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-

la préservation de la biodiversité. En 2002, lors du sommet du Développement durable à Johannesburg la nécessité de prendre en compte les savoirs des acteurs locaux et de les impliquer est inscrite également dans les programmes de conservation.

Les questions de l’ethnoécologie sont diverses. Elles peuvent concerner les perceptions des savoirs scientifiques face aux savoirs des locaux et les conséquences que cela peut avoir tant pour les premiers dans un but de conservation que pour les seconds. Par ailleurs, la biodiversité a un impact sur les politiques sociales et locales qui peut parfois devenir déterminant tant au profit des politiques qu'à ceux des locaux. De plus, la perception de la conservation peut ne pas vouloir dire la même chose entre les scientifiques et les locaux. Un des autres domaines de prédilection de l'ethnoécologie est celui de la relation entre alimentation et conservation de la diversité. Enfin, et cette question réflexive qui n'est pas neuve peut être encore une fois ici réactivée : quel est le statut de l'anthropologue face aux mouvements concernant la préservation la diversité biologique?

En ce qui concerne ces jardins collectifs, les préoccupations écologiques concernent la façon de cultiver et notamment comment on le fait de manière biologique, mais aussi face à la diversité biologique.