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Montage expérimental

I.1 Oscillateur harmonique

I.1.1 La cavité Fabry-Pérot de grande nesse

L'emploi d'une cavité micro-onde permet d'isoler un mode du champ électromagnétique. C'est ce système quantique que nous ferons notamment interagir avec des atomes à deux niveaux. Le régime d'interaction que nous visons, celui de couplage fort, nécessite toutefois des taux de relaxation faibles devant le couplage. Et ce n'est non pas un mais une longue série d'atomes que nous chercherons à faire interagir avec le même champ quantique. Aussi le temps de vie du champ, ou encore la nesse de la cavité utilisée, doivent être susamment élevés. L'utilisation de matériau supraconducteur, en l'occurrence de niobium, est une solution couramment utilisée dans le domaine des micro-ondes et des radio-fréquences. Comme déjà expliqué, l'emploi d'un cryostat à hélium se trouve de facto indispensable. I.1.1.a Caractéristiques

Pour obtenir des nesses élevées, utiliser des cavités fermées, percées de trous sous-coupure pour laisser entrer et sortir les atomes, est une solution avantageuse [78, 79]. Nous verrons toutefois au paragraphe I.2.3 que nous avons à imposer un champ électrique permanent et homogène le long de la trajectoire atomique pour assurer la stabilité des atomes à deux niveaux. Ceci est incompatible avec l'emploi de cavités fermées : faites d'un seul bloc de matériau conducteur, elles ne permettent pas l'application d'un champ électrique directeur ; et les ouvertures étant par nécessité petites, les atomes passant à proximité des parois sont soumis à de forts gradients de champ électrique.

La solution retenue dans notre dispositif a été d'utiliser une cavité ouverte, composée de deux miroirs en conguration Fabry-Pérot [80]. Les miroirs sont d'abord usinés au

diamant dans un substrat de cuivre an de permettre une qualité de surface élevée2 et

ainsi limiter les pertes par diraction. Une couche de niobium de 12 µm est alors déposée par pulvérisation cathodique3 permettant d'obtenir les hautes réectivités requises. Géométrie La gure I.2 donne la géométrie des miroirs utilisés et leur agencement dans le résonateur. Séparés d'environ 28 mm et de rayon de courbure de l'ordre de 40 mm, ils permettent d'obtenir des fréquences de résonance de l'ordre de 51, 1 GHz pour le mode

2. Rugosité de surface de 6 nm rms et une précision à grande échelle de 300 nm crête à crête.

3. Procédé développé et réalisé par P. Bosland, E. Jacques et B. Visentin au CEA, utilisé pour des cavités accélératrices dans les accélérateurs de particule [81].

L'amplitude du champ électrique vu par les atomes est alors une fonction gaussienne de leur position r dans la cavité, notée E(r) = E(r, z) (r et z sont les coordonnées polaires de r, l'axe z étant l'axe de la cavité, et l'origine étant choisie au centre de la cavité) :

E(r, z) = E0fT(z)e

r2

w(z)2 ≡ E0f (r, z). (I.1)

fT(z)est le prol transverse du mode représenté schématiquement gure I.2. w(z) est le col, ou waist, du mode gaussien, identique à celui obtenu avec un mode propageant (laser) :

w(z) = w0 s 1 + λz πw2 0 2 , (I.2)

où λ = 5, 87 mm est la longueur d'onde du mode, et w0 ' 6 mm son col au centre de la

cavité. Notons que nous obtenons alors un volume de mode relativement faible :

V = πw

2 0d

4 ' 770 mm3, (I.3)

assurant un champ d'amplitude importante et donc un couplage aux atomes d'autant meilleur : E0 = r ~ωcav 20V ' 1, 5 · 10 −3 V/m. (I.4)

Les miroirs ne sont en fait pas sphériques. An de lever la dégénérescence entre les deux modes de polarisations orthogonales, ils sont plutôt choisis de forme toroïdale. Avec deux rayons de courbure de 39, 4 mm et de 40, 6 mm, les deux modes sont séparés de 1, 2 MHz, écart nettement plus grand que la fréquence caractéristique du couplage avec les atomes que nous obtiendrons, de l'ordre de 49 kHz. Aussi les atomes pourront être considérés comme n'interagissant qu'avec un et un seul mode du champ.

Notons par ailleurs que l'usage d'une géométrie ouverte permet de coupler le mode de la cavité à un guide d'onde extérieur par diraction sur les bords des miroirs. C'est ainsi que le couplage à une source micro-onde classique est rendu possible sans avoir à percer de trou dans les miroirs, ce qui dégraderait la qualité de leur surface.

Une très grande nesse Répétons le encore, accéder au régime de couplage fort entre les atomes et le champ électromagnétique requiert des taux de relaxation aussi faibles que possible. Pour le champ, ce taux de relaxation est simplement l'inverse du temps de vie Tcav

d'un photon dans la cavité. Celui-ci est en fait lié à la largeur spectrale intrinsèque ∆νcav

Figure I.2  Schéma des miroirs de la cavité micro-onde supraconductrice. a. Vue de dessus et vue de trois-quarts. b. Schéma du résonateur. Les distances sont en millimètres. Par souci de lisibilité, la distance entre les deux miroirs est exagérée comparativement à leur taille. fT(z) est le prol transverse du mode, w(z) son col à la cote z.

Dans les expériences que nous présentons dans les chapitres suivants, le temps de vie

mesuré4 des photons dans la cavité est de Tcav = 65 ms (pour le mode gaussien d'ordre

q = 9). La largeur intrinsèque de la résonance est alors ∆ν = 2, 5 Hz, correspondant à une nesse F et un facteur de qualité Q de :

Q = 2, 1 · 1010 F = Q/q = 2, 3 · 109. (I.5)

Notons que les facteurs de qualité ainsi mesurés avec un résonateur ouvert sont compa-rables aux meilleurs obtenus avec des résonateurs fermés dans le même domaine spectral (Q = 4, 0 · 1010 par exemple dans [79]).

I.1.1.b Contrôle de la fréquence de résonance

Dans nos expériences, nous aurons à contrôler précisément la diérence des fréquences de résonance de la cavité et des atomes à deux niveaux utilisés, aussi appelée désaccord. La nature de leur interaction en dépend en eet fortement. Il nous faut donc pouvoir changer nement la fréquence νcav de la cavité, étant donnée la fréquence caractéristique du couplage atome/cavité ∼ 49 kHz, i.e. avec une précision de l'ordre du kilohertz. Au vu de la géométrie du résonateur, cela correspond à un contrôle au nanomètre au moins de la distance séparant les deux miroirs.

Pour cela, un premier réglage grossier est réalisé à l'aide de cales en cuivre séparant les deux miroirs, et dont l'épaisseur est contrôlée au µm, soit un accord au MHz, via des

Figure I.3  Spectre de résonance de la cavité micro-onde. La probabilité qu'un atome préparé dans l'état |gi quitte la cavité dans l'état |ei après avoir interagi de façon réso-nante avec le champ qu'elle contient est tracée en fonction de la fréquence de l'injection remplissant le mode au préalable. Le longueur de l'injection est de 500 ms.

Le contrôle de la valeur absolue de la fréquence de résonance de la cavité n'est cependant pas le seul paramètre important. Il nous faudra aussi en assurer la stabilité temporelle. Cette fois, la contrainte est bien plus sévère. Comme nous le verrons au cours des prochains chapitres, les expériences que nous souhaitons mener nécessitent une stabilité de phase du champ intracavité sur des temps de l'ordre de quelques dizaines de millisecondes. Cela impose notamment des uctuations de fréquence petites devant 100 Hz, soit une distance inter-miroirs contrôlée au dixième d'Angström. Notons que cette contrainte est toutefois moins dure que lors d'expériences précédentes ayant permis l'observation de l'eet Zenon quantique [83], pour lesquelles la phase du champ devait être stable sur des temps de l'ordre de 1s, soit une position relative des miroirs stable à 10−13 mètre. Les travaux réalisés alors ont donc pu être remis à prot pour les expériences présentées dans ce mémoire.

Pour assurer une telle stabilité de phase, il nous a fallu dans un premier temps isoler toutes les sources de vibration mécanique du montage : les câbles reliant les sources de tension ou de micro-onde au dispositif passent sous des blocs de plomb eux-mêmes posés sur des blocs de ciment isolés des vibrations du sol par de la mousse, les tuyaux métalliques menant aux pompes sont coulés dans ces mêmes blocs de ciment, le montage est posé sur

Figure I.4  Dérives de fréquences observées pendant 15 min. La probabilité qu'un atome préparé dans l'état |gi quitte la cavité dans l'état |ei après avoir interagi de façon résonante avec le champ qu'elle contient est tracée en fonction du temps. Les deux fréquences données correspondent aux résultats de deux mesures de fréquence de résonance (voir gure I.3) réalisées juste avant et juste après cet enregistrement.

des pieds pneumatiques5. . . Par ailleurs la température de la cavité, modiant la fréquence de résonance d'environ 1 Hz/mK, doit être activement stabilisée. Enn le bain d'hélium bouillonnant, à 4 K, doit être stabilisé en pression, sous peine de déplacer la résonance via des contraintes mécaniques, à hauteur de 1 Hz/mbar. La description détaillée du contrôle de tous ces paramètres pourra être trouvée dans le mémoire de thèse de Julien Bernu [76]. Pour mesurer la fréquence de résonance de la cavité, nous utilisons l'interaction avec les atomes que nous décrirons au paragraphe I.2, atomes à deux niveaux notés |gi (état fondamental) et |ei (état excité). Ceux-ci interagissent ici de façon résonante avec le champ : la fréquence de la transition |gi ↔ |ei est xée à νcav. Un échange d'énergie est alors autorisé entre les deux systèmes : les atomes préparés dans l'état |gi peuvent absorber des photons du mode6, et alors quitter la cavité dans l'état |ei. La probabilité πe qu'un atome soit dans |ei en sortie de la cavité mesurée sur un ensemble de ' 40 atomes successifs est d'autant plus grande que le nombre de photons initialement présents est élevé.

Nous injectons alors un champ dans la cavité via une impulsion de longueur xée

mais dont nous varions la fréquence ν. Le tracé de πe en fonction de ν constitue notre

mesure du spectre de la cavité. La gure I.3 en donne le résultat pour des impulsions de 500 ms. La largeur à mi-hauteur mesurée après ajustement lorentzien est de 2, 5 Hz. C'est précisément la largeur ∆ν0 intrinsèque de la résonance, limitée par temps de vie [82], ∆ν0 = 1/2πTcav = 2, 5 Hz. Il n'y a donc pas de modulations de fréquence rapides à l'échelle

5. Tels que ceux utilisés pour les tables optiques anti-vibratoires. 6. La section IV.1 donnera le détail de la méthode.

sont ainsi obtenues, nous permettant d'assurer des variations de fréquence plus faibles que 10 Hzsur des temps de mesure de l'ordre de 30 min. Toutes les 30 min au plus, la fréquence de résonance de la cavité devra donc être réajustée.