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L'auto-construction, un procédé courant dans les quartiers populaires

La production du bâti urbain dans la ville postcoloniale

1. Production foncière et immobilier, moteur de développement urbain

4.2. L'auto-construction, un procédé courant dans les quartiers populaires

En dehors de l'habitat planifié produits dans le cadre de l'auto-construction aidée par l'Etat, l'habitat spontané adopte un mode de production tout à fait particulier. Les populations installées dans le quartier en squattent ou achetant illicitement une parcelle pour édifier leurs habitations entament la construction en mobilisant des différents moyens financiers et humains. En effet, les conditions dans lesquelles les ménages avaient entamé la construction à savoir les moyens mobilisés et le type de logement produit révèlent les inégalités des ressources des ménages (tab. n° 18).

Tableau n° 17 : les sources de financement de la construction à Boukhors.

Type de financement nombre Part (%)

Emprunt 48 33

Vente de parcelle de terrain 14 9,6

Vente de cheptel 24 16,4

Aide familiale 28 19

Economies 16 18

Autres 6 4

Total 146 100

Source: enquête ménage 1992 et 1997475, P.O.S de Boukhors, URBAT, 2001.

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Les sources consultées à cet effet déclinent différentes sources de financement et des pratiques d'entraide spécifiques : un tiers des ménages interrogés déclarent avoir eu recours à des emprunts. Pour à peine un cinquième des ménages, la construction a mobilisé la contribution financière de tous les membres de la famille. Seulement un ménage sur neuf déclare s'être constitué un petit capital à force d'épargne. Ce fonds de secours en prévision de conjoncture défavorables est investi dans la construction dés la décision des pouvoirs publics à régulariser les situations foncières. Au sein de cette catégorie, il existe un groupe de ménages aux disponibilités financières plus importantes et dont la construction a avancé à un rythme plus rapide déclare t-il. Ils se présentent comme des petits maquignons ; l'élevage clandestin en milieu urbain leur a procuré des numéraires substantiels pour la construction de l'habitation familiale. Pour à peine un dixième des chefs de ménage enquêtés, la rente foncière constitue une source de revenus supplémentaire pour faire face au financement de la construction. Ces ménages se démarquant des courtiers et des lotisseurs clandestins qui s'adonnent à la vente illégale des lots de terrain, ils déclarent avoir un droit de propriété sur le sol. La vente de quelques lots de terrains leur a permis de résoudre le problème de financement de la construction. Cette pratique a ouvert le quartier aux commerçants du sol dont les stratégies spéculatives ont déclenché une hausse valeurs immobilières et locatives dans le quartier.

La genèse des quartiers populaires clandestins s'appuient sur les réseaux de solidarité communautaire et familiale. Aussi, l’entraide dit Twiza476 est une pratique culturelle répondue dans ces quartiers spontanés voire inéluctable pour la réalisation des gros œuvres par exemple. "L'entraide a été toujours une activité nécessaire et fondamentale pour les

personnes qui ont choisis ou qui sont amené à vivre ensemble ou à travailler en collectivité"477. Cette forme de solidarité est avant tout une réponse à une nécessité et à un besoin urgent (le logement). C'est un acte collectif et non rémunéré imposé par les circonstances vécues par des populations vivant la même destinée. Les maçons, les ouvriers du bâtiment478 sont très présente à Boukhors ce qui explique la capacité des habitants à prendre immédiatement en charge leur propre construction. Il semble que l'adhésion à la

476 Twiza ou Twizi est une pratique d'entraide entre les membres du groupe social connue sur l'ensemble du territoire algérien et maghrébin que ce soit dans les villages en Kabylie, dans les Ksours et dans les Oasis du Sud, dans les quartiers populaires des grandes villes.

477 M. Mimouni., "La Twiza : entraide d’hier et d’aujourd’hui", acte du colloque "Transmission, mémoire et traumatisme", Strasbourg, les 9 et 10 mai 2003.

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corvée volontaire s’exprime en fonction de l’appartenance au même statut socioprofessionnel. Souvent, la mobilisation de la force de travail du propriétaire et de sa famille constitue un complément essentiel au travail du maçon et des ouvriers479. "Dans ces espaces déclassés de

la ville, les familles aux faibles revenus, qu'elles soient d'une citadinité ancienne ou récente, tout en pratiquant l'auto-construction, font appel à la Touiza […] pour édifier leur habitation"480.

L’implication totale ou partielle des membres de la famille dans le projet de construction de la maison familiale est un acte caractéristique le quartier de Boukhors marqué par le caractère populaire de sa population. Prés de neuf ménages sur dix ont déclaré avoir construit eux même leur habitations après l'achat du terrain. "Le travail des membres de la famille joue un

rôle non négligeable dans le processus d’édification de la maison. Il intervient en tant que moyen de drainage de ressources supplémentaires et de compression des coûts mais aussi comme expression du goût personnel et d’identification"481. Un ménage sur dix, soit 11 % environs des ménages enquêtés ont acquis des habitations construites en s'adressant au marché immobilier parallèle. Conscient de l'illégalité de la transaction, la plus part des ménages avancent qu'ils ont agit par nécessité et dans le besoin urgent d'acquérir un logement. L’ampleur de ce phénomène s'expliquer aussi par l'ambigüité du statut juridique des terrains. D'ailleurs, les détenteurs des lots de terrain dans le cadre des recasements n’avaient aucun document légal justifiant l'occupation légale du sol. Dès lors, des actions spontanées de morcellements successifs et des occupations illicites ont eu lieu entretemps dans l’espoir de voir leur statut foncier régularisé en perspective au même titre que les populations recasées. 4.3. Boukhors, un tissu composite

Le tissu urbain à Boukhors est composé de fragments disparates. Il intègre habitat urbain, habitat rural médiocre (Douar El-Krarma), habitat traditionnel composé majoritairement d’habitat illicite régularisé de type individuel, de lotissements publics, de bidonville, de logements collectifs et de nombreux équipements d’accompagnement que l’Etat à initié pour une bonne intégration du quartier à la vie urbaine. C'est un tissu est très

479 La généralisation de cette pratique séculaire dans les quartiers populaires des villes explique la rapidité de la réalisation des mosquées. À Saïda, le quartier de Boukhors abrite cinq mosquées réalisées dans des délais record.

480 S.A. Souiah., Op Cit, P.91.

481 M. Madani., "L’habiter : contrainte ou liberté ? Une recherche sur la maison individuelle oranaise", in Insaniyat n° 2 | 1997, Espace habité : Vécus, domestiques et formes d'urbanité, CRASC, Oran, 105-130. p.115 et suivante.

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contrasté (tab. n° 18). Il se présente comme une mosaïque de fragments disparates inhérents au caractère spécifique de son mode de formation.

Tableau n° 18 : Structure de l'habitat à Boukhors. Typologie Pop. Nombre de constructions Part (%)

Lotissement 1485 249 13 Habitat rural 695 79 4 Auto-construction 2748 302 16 Habitat illicite 5396 599 31.5 Spontané et bidonville 5376 679 35.5 Total 15700 1908 100%

Source : P.O.S. de Boukhors, phase-I, URBAT, 2001. P.15.

Les modes de l'habitat produit à Boukhors reflètent les conditions sociales et économiques des populations mal logées face à la crise du logement. Les moyens financiers différenciés des habitants ont renforcé davantage cette hétérogénéité du tissu urbain pour offrir un large éventail de types de constructions (maison modeste, habitation de deux étages voire trois étages, habitat médiocre, haouch dégradé, gourbis. Cette juxtaposition morphologique est une expression de l'absence de logique d’uniformisation et de cohésion tant sur le plan spatial que fonctionnel. Il est l'expression de l’évolution de l’habitat populaire clandestin régularisé. L'aspect extérieur du bâti est relativement bon du moins acceptable à cause des matériaux utilisés. L'état du bâti s'améliore par l'investissement des ménages dans la rénovation engagée depuis la régularisation foncière. En dépit de l'avancement de la rénovation, le tissu reste dominé par l’habitat traditionnel de type haouch. La structure urbaine du quartier se caractérise par une trame viaire plus ou moins régulière. Trois entités morphologiques peuvent être distinguées :

- La première zone est édifiée autour de la première réalisation de 140 logements auto-construit par les recasés, c'est la mieux structurée puisque la commune y'ajoute plus tard un lotissement mixte de prés de 200 lots et un programme de 48 logements individuels destinés aux victimes du terrorisme.

- La deuxième zone abrite 150 logements individuels planifiés, c'est la zone dite "des sinistrés". C'est la plus dense et occupée par l'habitat individuel. Elle est ceinturée par un petit bidonville de 44 constructions longeant l'Oued de Saïda. De l'agencement des ilots, il apparait que l'allotissement illicite à largement adopté le premier parcellaire crée au préalable par la commune. Au fur et à mesure des

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rajouts successifs de parcelles morcelées, le tissu devient de plus en plus saturé et le sol constructible s'amenuise. L'occupation illicite prend alors une forme sordide et précaire le long de l'Oued où quelques dizaines de masures s'exposent aux risques d'inondation et de la maladie.

- La zone dite "Krarma"482 cernée par la voie d'évitement Nord-sud, elle est constituée principalement de terres privées. Cette zone s'est développée par mitage quand les propriétaires se sentaient menacer par la poussée de l'urbanisation anarchique. Ils ont décidé de morceler leurs terrains en petits lots pour leurs besoins en espace habitable d'abord et pour satisfaire la demande locale en sol constructible ensuite. La morphologie du bâti atteste la cohabitation entre deux modes de vie (rural, urbain). L'allure des maisons sans forme architecturale bien définie fait rappeler les hameaux ruraux dominants dans la campagne. Les jardins potagers, les enclos et les fours à pain traditionnel font partie du paysage. L'élevage clandestin reste une pratique très répandue à Boukhors.