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Production de l'espace urbain dans la ville coloniale

1. Ville de Saïda, histoire et création

1.2. Organisation des territoires et affirmation de l’Etat colonial

1.2.2. Établissement du douar-commune

Les grandes confédérations furent divisées en deux groupes (Thata, Fouaga, Cheraga, Ghraba). Les tribus de taille moyenne en caïdats correspondant à une ferka (fraction) ou un groupe de ferka. Les travaux du sénatus-consulte se poursuivent ainsi jusqu'à parachever l’œuvre de dislocation des grandes tribus. Les tribus voisines des sites d'implantation des centres de colonisation avaient subi d’autres atteintes : la superficie de leurs territoires a été amoindrie et les groupes de population déplacés voire repoussés plus loin. Or, "les tribus ou

fractions de tribus sont déclarées propriétaires des terrains dont elles ont la jouissance permanente et traditionnelle"372.

Tableau n° 1 : Répartition des tribus en douars et fraction, 1865-1927.

Tribu Douars Fraction Date du décret

Beni Meniarin Fouaga

Tafrent Les Aaraara

05 décembre 1865 Les Aaraara

Souk-El-Barbata Les Ouled-Sidi-Amar

Beni Meniarin Tahta

Oued-Hounet Les Ouled-Sahraoui

16 juin 1866 Les Ouled-Melouk

Ouizert Les Nouaceur

Les Beni-Snous Ouled Sidi Khalifa Gharaba Oum-El-Doud les Ouled-Sidi-Bouzid

27 octobre 1866 Ouled Sidi Khalifa Cheraga Kreider Ouled-Sidi-Yacoub

Ouled Khaled Gheraba Nazereg Ouled Khaled Gheraba 27 mars 1867 Oum Debab

Ouled Khaled Cheraga Aïn-Sultan Ouled Khaled Cheraga 10 juillet 1867 Tifrit

Doui-Thabet Doui-Thabet 22 avril 1868

Ouled Brahim Aïoun-El-Branis

29 mai 1869

Doui-Hassen Tircine

Ouhaiba Ain Manaa

25 février 1904

Djafra Tafroua Ouled Daoud

Djafra Oued Falette Maalif

Hassasnas Hassasnas 18 mars 1927

Total 17 18

Source : Bulletin officiel du Gouvernement Général de l’Algérie (1865-1927), centre d'archive de la wilaya de Saïda.

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La création du douar avait pour but de détribaliser les populations locale jusqu’à effaçant la notion de tribu et créant un toponyme inspirée de sources locales ou nom de lieux connus sous prétexte d’éveiller des rivalités de jalousie entre les tribus. Mais dans certains cas le nom du douar est souvent rattaché à une origine légendaire, c’est presque toujours celui d’un saint personnage, ancêtre plus ou moins mythique du groupe ; il est aussi rattaché à des souvenirs...etc. Chaque tribus transformée en douars avait son communal distinct avec titre spécial de propriété dans laquelle y avait l’obligation de l’établissement de la propriété individuelle. Le sénatus-consulte du 22 avril avait visé :

- la délimitation des territoires des tribus. - la division la tribu en douars.

- la répartition des terres selon la nature de la propriété,

- la constitution de la propriété individuelle partout où cette mesure reconnue possible et opportune.

La distraction des biens domaniaux et des biens melk s'en suit après le bornage. Tout juste après l’opération de délimitation de la tribu, on procédait à la répartition de son territoire entre les différents groupes qu’elle contenait et se distinguaient les uns des autres par des appellations spéciales administratives que les indigènes donnaient aux communes (ferka, douar, faoudj) qui signifient tous "groupe". Le douar-commune avait son administration spécial (Djemââ), son champ de culture, son fond et même parfois des coutumes. Cette répartition était d’une nécessité absolue pour l'expansion de la colonisation. Le douar crée ainsi était conçu comme le point de départ d’une future commune. Mais, ces douars n’avaient d’autre avenir que d’être rattachés à des centres de colonisation et gérés par les bureaux arabes. L’objet principal du sénatus-consulte était la constitution de la propriété individuelle, mais elle ne peut avoir lieu qu’à la suite d’opérations successives dont la première est la délimitation des territoires. La division des tribus en douars a permit à l’initiative prudente de l’administration d’arriver et de multiplier les transactions entre les indigènes et les colons. Les formes et les conditions d'établissement de la propriété individuelle et le mode de délivrance des titres sont également définies373. Les lois d'exception et les divers rouages du régime administratif, judiciaire et fiscal avaient réduit les indigènes à une telle indigence et dénuement qu’ils étaient contraints de consentir à des prêts et à des promesses de vente pour s’assurer des moyens de subsistance : "les malheureux vendirent aussi leurs droits sur les

terres collectives. Les aliénations en faveur des européens ont provoqué dans plusieurs

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communes et surtout dans le département d’Oran une véritable crise agraire. Les anciens propriétaires privés de ressources, et ne trouvant pas de travail, concurrencés qu’ils étaient par lesEspagnoles (région de Saïda-Tiaret) ou par les Marocains"374

Carte n° 2 : Commune mixte de Saïda, 1899.

A partir des statistiques figurant dans les décrets de répartition, nous avons pu dresser une situation globale sur l’application du sénatus-consulte sur les tribus dans le cercle de Saïda (tab. n°1). Ce travail repose sur le dépouillement des Bulletins Officiels du Gouvernement Général de l’Algérie de 1864 à 1927 comprenant le rapport à l’empereur par les commissions de délimitation et les décrets ou projet de décrets : 9 décrets ont été promulgués ; 8 tribus situées en territoire militaire avaient été transformées en douars constitués. Les travaux du sénatus-consulte furent brutalement interrompus en 1870 à des stades divers d’avancement, les travaux entrepris dans les tribus d'El-Hassasnas et les Maalif étaient laissés en suspens

374 C-R. Ageron., Les algériens musulmans et la France (1871-1919), Tome 2, presses universitaires de France, Paris, 1968. P.751. Aioun Baranis Tircine Tiffrit Oum El-Debab Tafaraoua Nazreg Hassasnas Ain Sultane Oued Felette Doui thabet Tefrent Souk El-Barbata Ain-Manâa Oued Hounet Ouizert Zazreg Saïda Franchetti Ain El Hadjar Charrier Légende Commune-douar Centre de colonisation 0 6 12Kms

Source : Plan de la communne mixte de Saida 1894 Archives, Cadastre de Saïda

Auteur : Belouadi Larbi.

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jusqu'à 1904 l'opération fut clôturée pour les deux tribus Ouahaiba te Djaâfra. L’insuffisance des crédits, de sérieuses difficultés relatives à la délimitation des forêts, puis la guerre de 1914-1918 ont retardé longtemps la clôture des opérations de délimitation de la tribu de Hassasnans qui n’a eu lieu qu'en 1926 (carte n°2).

L'Etat indépendant a hérité en 1962 un découpage territorial colonial fondé sur une logique inégalitaire. Dans les premières années de l'indépendance, le pouvoir a assumé l’héritage du de l'ordre colonial pour assurer le fonctionnement et la pérennité des institutions indispensables à la continuité de l’Etat lui-même en attendant l'élaboration de son propre projet de marquage. Dans une conjoncture de transition exceptionnelle, des mesures réformistes ont été prises pour préparer des changements de grande ampleur allant dans le sens d'un "équilibre régional" et la promotion des régions déshéritées (1966). Par ailleurs, le modèle d’organisation territoriale hérité (commune, arrondissement, département) est conservé comme fondements de l’organisation territoriale avec un changement dans les appellations (Wilaya, Daïra et Commune)375.

Une première refonte territoriale est décidée en 1974376. Elle a apporté des modifications notables au maillage colonial en ce sens que la densification du maillage par la promotion de nouvelles wilayas est une rupture avec le système départemental colonial. L'actuel découpage administratif de la wilaya de Saïda par commune reflète une organisation de type tribale (carte n°3). Il superpose en filigrane et à quelques différences prés la délimitation précoloniale du territoire des tribus (carte.1). Les noms de Douars recouvrent, à des exceptions prés, le nom de la tribu ou celui d'un ancêtre maraboutique. Jadis, les tribus peuplant le territoire de l'actuelle wilaya se partageaient de vastes étendus situés entre les coffins du tell occidental et les limites de la steppe sud oranaise (chott chergui) dont les limites s’étalent à perte de vue. Le chef-lieu de wilaya (Saïda) occupe une position centrale par rapport aux communes ascendantes des tribus propriétaires du sol. D'ailleurs, certaines de ces communes portent encore les noms génériques de la tribu (Ouled Khaled, Ouled Brahim, Hassasnas, Doui Thabet…).

375 Ordonnance n° 67-24 du 18 janvier 1967 portant code communal et ordonnance n° 69-38 du 23 mai 1969 portant code de la wilaya.

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Carte n° 3 : Wilaya de Saïda, découpage administrative 1984.