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Dans la partie quantitative, les données du panel FH-DADS ont été mobilisées. La partie « emploi » du panel (les DADS) a été traitée afin de reconstituer des « liaisons salariales » (i.e. des postes « recollés » sur plusieurs années) qui reflètent la continuité de relations d’emploi entre un employeur et un salarié. Malgré les limites inhérentes aux données mobilisées qui rendent délicat le repérage des contrats de courte durée quand ils s’enchaînent chez un même employeur au cours de la même année, les redressements effectués permettent de reconstituer une chronique des liaisons salariales sur la période 2003-2012 qui reproduit correctement les évolutions conjoncturelles et structurelles connues par ailleurs. Des analyses descriptives permettent de faire ressortir les secteurs et activités particulièrement générateurs de liaisons salariales en contrats à durée limitée et ceux qui utilisent plus fréquemment que la moyenne des liaisons salariales de courte durée (d’une durée inférieure ou égale à 1 mois) : certaines activités artistiques (arts du spectacle vivant, production de films pour le cinéma), les activités des agences de publicité, des associations, les activités de poste, etc.

Ces données sont surtout tout à fait adaptées pour s’intéresser aux salariés et à leurs trajectoires d’emploi et de chômage, ce qui constituait le cœur de notre projet, avec plusieurs avantages par rapport aux autres sources existantes ayant une entrée « salariés » : le panel FH-DADS ne souffre pas du biais de sélection propre au FNA imposant de s’intéresser aux seules trajectoires des chômeurs indemnisés, avec pour conséquence fâcheuse d’exclure du champ toute une partie des salariés en contrat court n’ayant pas recours (ou pas de droit) à l’indemnisation chômage ; par rapport à l’enquête Emploi, le panel FH-DADS a le grand avantage de fournir une vision complète de l’ensemble des emplois occupés par les salariés au cours d’une année donnée car on conserve ici tous les postes présents dans les DADS, y compris les postes dits « annexes » qui sont souvent écartés des autres analyses. Les salariés pour qui les contrats courts ne constituent pas un « emploi principal » mais un complément d’emploi (par exemple cumulé à un emploi stable) sont donc inclus dans nos analyses.

Les liaisons salariales en « contrat court » représentent environ 9 % de celles observées au moins un jour en 2010 et 9,6 % des individus ayant eu au moins un jour d’emploi en 2010. Une comparaison avec 2006 ne fait pas apparaître de tendance claire concernant les évolutions : la part des liaisons salariales en « contrat court » est restée stable, celle des autres contrats à durée limitée (dont certains peuvent regrouper plusieurs contrats courts cumulés) a augmenté mais leur durée médiane aussi. Le raccourcissement des contrats à durée limitée observé dans d’autres sources ne semble donc pas être allé de pair avec un raccourcissement des liaisons salariales en contrats à durée limitée.

La situation des salariés ayant eu au moins une liaison salariale en « contrat court » en 2010 est très diverse et recoupe les différents profils identifiés dans l’analyse qualitative : si 1/4 sont très éloignés de l’emploi (ou carrément inactifs comme les jeunes) car n’ayant eu que cette expérience en « contrat court » en 2010, 22,7 % ont cumulé ce « contrat court » avec un emploi principal en CDI et 14,5 % ont même eu une liaison salariale couvrant toute l’année ; enfin, nombreux sont ceux qui cumulent divers emplois chez des employeurs distincts au cours de l’année. Les femmes (lorsqu’on exclut l’intérim), de même que les jeunes apparaissent

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surreprésentés dans cette population. Mais la proportion de femmes, et surtout celle des jeunes, baisse parmi les salariés « en contrat court » inscrits au moins une fois à Pôle emploi en 2010, et encore davantage parmi ceux ayant ouvert un droit à indemnisation, témoignant de leur plus faible couverture par l’assurance chômage et recours à l’accompagnement de Pôle emploi. Ce recours aux institutions du chômage est d’ailleurs loin d’être systématique pour notre population d’intérêt : plus de 50 % des salariés ayant eu au moins une liaison salariale en « contrat court » en 2010 n’ont eu ni « demande d’emploi » (i.e. inscription sur les listes de demandeurs d'emploi), ni « demande indemnisable » (i.e. ouverture de droits) sur la période. Moins d’un tiers (32 %) a eu une ouverture de droits à indemnisation chômage en 2010.

La réalisation d’une typologie des trajectoires professionnelles sur 3 ans des salariés ayant eu au moins une liaison salariale en contrat à durée limitée en 2010 permet de décrire la diversité de leurs séquences d’emploi, de chômage et de contrats de travail. Les profils majoritaires sont d’abord les « stables » (près d’un tiers de cette population), qui cumulent un ou plusieurs « contrats courts » avec un emploi stable ou transitent d’un contrat à durée limitée vers un emploi stable, puis les jeunes qui s’insèrent sur le marché du travail en débutant par un contrat à durée limitée ou qui exercent des petits jobs d’été parallèlement à leurs études. Une trajectoire type reflète la précarité des contrats à durée limitée : une fin de contrat qui débouche sur une période de chômage indemnisé. Trois autres profils de salariés, minoritaires, semblent travailler quasi-continûment en contrats à durée limitée, plus ou moins rémunérateurs (« annexes ») mais seul un de ces profils perçoit une indemnisation chômage : il s’agit de la trajectoire d’activité réduite en continue qui est très nettement minoritaire dans notre échantillon (7 % des salariés).

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Les usages des contrats courts : approche qualitative

Nous proposons dans cette partie une lecture de notre matériau qualitatif constitué de 102 entretiens menés auprès de salariés à l’emploi discontinu.

Nous avons réalisé, dans la cadre de cette partie qualitative, des entretiens auprès de 97 personnes qui connaissent ou ont récemment connu l’expérience de contrats courts, définis comme contrats de moins d’un mois (cf. annexe1).

Parmi cette centaine d’entretiens, on compte 8 entretiens avec des personnes ayant travaillé dans le secteur du déménagement en CDDU. On compte 10 entretiens avec des salariés ayant travaillé en CDDU dans le secteur de la restauration, essentiellement des extras travaillant pour des traiteurs dans une logique majoritairement « évènementielle ». Nous avons dû élargir le spectre de « l’agroalimentaire » que nous visions initialement pour toucher des intérimaires : aussi avons-nous finalement interrogé 17 salariés intérimaires de l’industrie ou de la logistique. Enfin, nous avons pu réaliser 15 entretiens avec des salariés ayant travaillé sous contrats courts dans le secteur médico-social, cette activité ou cette forme d’emploi n’étant pas, pour beaucoup d’entre eux, leur principale activité et/ou pas leur principale forme d’engagement dans l’emploi.

Au final, moyennant quelques adaptations, nous avons donc consacré 50 entretiens aux quatre secteurs visés. Nous avons ainsi consacré l’autre moitié des entretiens à d’autres secteurs, d’autres activités afin de ne pas fermer le spectre des usages possibles des contrats courts. En particulier, certaines activités méritent d’être ici mentionnées : l’animation commerciale, les sondages, le recrutement de donateurs pour les ONG, le journalisme, la publicité, la sécurité, le tourisme avec quelques guides conférenciers, la formation et l’éducation. Mentionnons aussi que quelques profils ne peuvent être rapportés à des secteurs particuliers notamment des étudiants finançant leurs études ou des jeunes en transition.

Nous avons par ailleurs, compléter cette centaine d’entretiens par une trentaine de rappels téléphoniques ciblés sur certaines personnes interrogées. Ces appels – le plus souvent téléphonique – ont plusieurs intérêts : celui de compléter des éléments que nous avions trop minorés dans les premières versions de la grille d’entretien ou dans leur passation ; celui de compléter l’analyse des trajectoires en prenant connaissance de ce que les enquêtés sont devenus quelques mois après l’entretien ; et celui de confronter les discours et les pratiques et de constater des évolutions du discours et des pratiques.

D’un point de vue méthodologique, l’analyse de ces entretiens s’est déroulée en deux temps principaux. Premièrement, de façon très inductive, il s’est agi d’un travail de mise en relation thématique visant à identifier quelques lignes de force sur les grandes thématiques de

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notre problématique et de notre grille d’entretien. Le matériau est très riche et très divers pour ne pas dire hétérogène. C’est le résultat d’un choix délibéré visant à couvrir un maximum d’usages différents dans une logique résolument exploratoire. Nous avons donc privilégié une démarche inductive visant à confronter les entretiens par thématique de façon transversale. À partir des entretiens, nous nous sommes ainsi interrogés tour à tour sur l’organisation de l’emploi, les temporalités, la relation salariale, les vécus du chômage pour dégager des lignes de force qu’il s’agisse de rapprochements ou au contraire d’oppositions ou de différenciations. Cette étape du travail nous a semblé importante pour éviter le risque d’une imposition de problématique qui pourrait découler d’une grille d’analyse purement sectorielle. Cela ne signifie pas que nous abandonnons l’une de nos hypothèses principales – à savoir celle des spécificités sectorielles – mais que nous souhaitons être attentifs à d’éventuelles logiques plus transversales dans la mesure où chaque secteur n’est pas à analyser selon une logique de singularité absolue.

Néanmoins, dans un second temps, cette démarche très inductive a été complétée par l’étude d’une question plus théorique à partir de laquelle nous structurons dans le présent document, l’exposition de notre matériau.

On a déjà souligné la tendance à la réification sous-jacente à l’usage de statistiques sur les contrats courts. On peut néanmoins se demander si cette réification trouve ses racines dans la pratique statistique ou si, plus probablement, elle doit son succès à un certain nombre de représentations bien ancrées – quoiqu’en partie dépourvues de fondements empiriques bien établis – qui agissent comme justification à la fois descriptives et normatives de cette catégorie de « contrats courts ».

Premier élément de cette représentation, les contrats courts seraient intrinsèquement peu désirables et, par là-même universellement peu désirés pour ne pas dire complètement subis par ceux qui, du côté salarié du marché du travail, seraient contraints d’y avoir recours faute de mieux. « Faute de mieux » c’est-à-dire précisément faut de bénéficier d’un CDD plus long ou mieux d’un CDI (ou d’un statut de fonctionnaire).

Deuxième élément fort de représentation de ces contrats courts, il s’agirait d’emplois peu ou pas qualifiés, accessibles à tous dans une logique de substituabilité généralisée. L’image des « petits jobs » alimentaires et des « jobs étudiants » semble ainsi avoir la peau dure. Dans cette perspective, le contrat court serait aussi un contrat sans lendemain et quelque peu hors-sol pour le salarié c’est-à-dire une expérience sans lien avec un métier, sans lien avec une trajectoire professionnelle préalable ou ultérieure, sans un lien avec un projet professionnel, sans lien avec une organisation, un collectif de travail ou une communauté professionnelle. C’est en creux ce que signifie l’usage du terme de « job » ou de « petit job ». Bien entendu, comme contrat « sans qualité » le contrat court se conçoit aussi comme étant payé au SMIC.

Troisième élément corrélatif aux deux premiers, le salarié ayant recours aux contrats courts se représente assez spontanément comme un « précaire » : un précaire dans l’emploi subissant des temporalités de travail impossibles et incertaines, un précaire dans le travail toujours substituable, un précaire socialement dont l’accès au logement ou au crédit serait toujours dégradé etc. et dont le revenu mensuel serait constitué de petits fragments de payes qui, mises bout à bout, peineraient à atteindre ceux des salariés stables.

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Quatrième élément, moins commun, les contrats courts peuvent être lus, dans le cadre d’une conception du salariat fondé sur un échange entre subordination et protection, comme une sorte de pôle inversé de ce salariat « fordiste » : certes, ces contrats courts seraient la pointe avancée, l’avatar le plus extrême, d’un salariat « précaire » dépourvu des protections attachées à l’emploi stable en termes de sécurité de l’emploi et de protection sociale mais ils peuvent être conçus par là même comme la négation la plus simple du prix de cette protection : celle d’une relation salariale sans subordination. En un mot, la précarité certes mais une précarité « libre ». Un salariat certes mais un salariat presque réduit à une simple relation marchande, la liberté marchande venant compenser au moins partiellement la précarité d’une exposition directe, sans l’intermédiaire d’une protection patronale, au marché du travail.

Dernier élément, un lien est souvent établi, ces dernières années, entre contrats courts et usages stratégique de l’assurance chômage. Le soupçon est d’autant plus fort que le dispositif d’activité réduite de l’assurance chômage est monté en puissance durant les années 2010 parallèlement à l’essor statistique des contrats courts. On a déjà évoqué, dans les autres parties du rapport, les thèses de Pierre-Michel Menger sur les intermittents (1997 ; 2005) et leur généralisation par Cahuc et Prost (2015) à un ensemble beaucoup plus large de salariés à l’emploi discontinu. La thèse développée par ces universitaires selon laquelle l’augmentation des contrats courts serait favorisée par des stratégies opportunistes des employeurs, comme des salariés, visant à maximiser le recours à l’assurance chômage tout en minimisant les durées d’emploi et les coûts salariaux trouve son pendant profane : la solvabilisation par l’indemnisation chômage de ces situations d’emploi fragmenté ferait d’une part les affaires de certaines entreprises qui y trouveraient le moyen d’entretenir une armée de réserve en externalisant les coût sur la collectivité. Elle encouragerait ces précaires à se maintenir dans la précarité en rendant leur situation plus acceptable voire confortable. C’est explicitement cette argumentation qui a justifié la réforme de l’assurance chômage de 2019 tentée par le gouvernement Philippe avant d’être suspendue par le Gouvernement Castex14 et partiellement annulée par le Conseil d’État.

Pourquoi décliner ces représentations (sans d’ailleurs prendre la peine de les appuyer sur une analyse de discours précises et circonstancié) ?

Notre propos, n’est évidemment pas de dénoncer cette série de représentations comme totalement fausse. Notre propos et notre objectif méthodologique est de prendre appui sur de telles représentations pour les interroger. Décliner ainsi analytiquement les différentes dimensions pouvant être associées aux contrats courts c’est aussi les interroger sur chacun de ces niveaux. C’est se méfier à chaque étape des raccourcis qui sont toujours possibles lorsqu’on tire la pelotte « contrats courts » et se contraindre à être attentif à une réalité souvent plus complexe et plus nuancée. L’intérêt majeur de cette étude qualitative est, selon nous, de montrer qu’à chacun de ces niveaux que l’on traitera tour à tour dans cette partie – le rapport subjectif aux différentes formes d’emplois, aux contrats courts en particulier (1) ; les formes objectives

14 Grégoire M., Vivés C., « Indemnisation du chômage : la saignée », AOC, 8 juillet 2019. https://aoc.media/analyse/2019/08/09/indemnisation-du-chomage-la-saignee

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que prennent ces emplois courts, leur durée, leurs usages, leur récurrence, les rémunérations associées, leur formalisation juridique…(2) ; les temporalités de l’emploi et du chômage (3) ; la relation salariale (4) ; le rapport au chômage et à l’assurance chômage (5) – les choses sont beaucoup moins simples et toujours plus circonstanciées qu’elles ne peuvent paraître quand on s’en tient à comparer in abstracto les intérêts respectifs des CDD courts, des CDD plus longs, des CDI ou à s’interroger de façon tout aussi théorique sur le caractère optimal d’une oisiveté indemnisée intermittente.

Encadré 2. Le « recrutement » des enquêté.e.s : difficultés et partis pris méthodologiques

Les stratégies mises en œuvre pour « recruter » les enquêtés ont été variées. Elles ont été guidées par notre volonté d’une approche exploratoire dont l’objectif est de saisir la diversité des situations des salariés en contrat court, diversité notamment sectorielle et statutaire (sans ou avec cumul du contrat court avec d’autres statuts).

Pour établir un premier contact, 41 enquêtés ont été « abordés » au hasard à la sortie de Pôle Emploi, des missions locales ou dans l’espace public (leur lieu de travail ou à proximité de leur lieu de travail. Les autres enquêtés ont été recrutés soit par « capilarité » c’est-à-dire par l’intermédiaire d’autres enquêtés, soit par des intermédiaires (employeurs réseaux sociaux, interconnaissance).

Les usagers de Pôle emploi nous sont apparus comme le premier « vivier » dans lequel piocher pour trouver des actifs ayant déjà travaillé en contrats de moins d’un mois. Après avoir initialement envisagé de passer une convention avec Pôle emploi pour obtenir une liste d’inscrits répondant à ce critère, nous avons rapidement abandonné cette stratégie. Les premiers échanges et nos expériences de recherche passées nous ont laissé entrevoir la longueur de cette procédure pour de maigres chances que cette convention aboutisse. Puisque nous voulions interroger des inscrits à Pôle emploi, que nous avons renoncé à passer une convention au niveau national et qu’il était impossible d’obtenir des contacts via les responsables locaux d’agence, la solution de les solliciter à la sortie des agences nous est apparue comme la meilleure. Nous nous sommes rendus plusieurs fois devant des agences situées à Amiens, Cergy, Noisy-le-Grand et Argenteuil.

Parallèlement à cela, nous avons également réfléchi en termes de secteurs d’activité fortement utilisateurs de contrats de moins d’un mois. Nous en avons identifié plusieurs (notamment grâce aux publications de l’Accoss et de l’Unédic) : les instituts de sondage, les entreprises d’animation commerciale, les Ehpad, les agences d’emploi, etc. Pour identifier d’autres secteurs fortement utilisateurs de contrats de moins d’un mois, nous avons également consulté différents sites d’offres d’emploi : Pôle emploi, indeed, etc.

Pour entrer en contact avec les salariés de ces secteurs, nous avons utilisé plusieurs méthodes : contacter des salariés via un intermédiaire ; contacter des salariés via les réseaux sociaux et entrer en contact avec les salariés directement dans l’espace public (c’est-à-dire sur ou à proximité de leur lieu de travail). Lorsque nous sommes passés par l’intermédiaire

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des employeurs, nous avons fait un premier entretien avec eux qui nous a apporté des éléments de compréhension du fonctionnement du secteur puis, en fin d’entretien, nous les avons sollicités pour nous mettre en relation avec des salariés en contrat court. Pour les contacts intermédiés, nous avons sollicité différents types d’intermédiaire. D’abord, les dirigeants d’entreprise / de structure. Ce fut le cas pour le secteur du déménagement et pour les Ehpad. Ensuite, des intermédiaires de l’emploi. Nous avons sollicité des directeurs de mission locale dans la Somme et le Val d’Oise. Enfin, des représentants syndicaux.

Nous avons également mobilisé les réseaux d’interconnaissance. Soit les nôtres, pour quelques entretiens, sur les trois territoires. Soit ceux des enquêtés à qui nous demandions en fin d’entretien des coordonnées de personnes de leur entourage en contrat court et susceptibles d’accepter de répondre à nos questions.

1 Le rapport subjectif à l’emploi discontinu et aux contrats courts

Pour commencer à décliner ces questions, il nous est apparu nécessaire de revenir d’abord sur le constat d’une diversité des rapports subjectifs aux emplois courts : le rapport à la discontinuité de l’emploi et, plus précisément à ces contrats courts, ne se résume pas à un simple rejet. Pour le dire simplement, la hiérarchie implicite qui mettrait tout en haut d’une échelle de désirabilité le CDI et tout en bas les CDD de moins d’un mois n’est rien moins qu’universelle. Dans diverses configurations, la question du désir de CDI que nous posions aux interviewés de façon circonstanciée (en s’appuyant sur des occasions réelles, des possibilités d’emploi avérées ou espérées, et non en les interrogeant d’une façon abstraite) est loin de faire l’objet d’une réponse simple.

Ce constat était très clair dans nos précédents travaux sur les intermittents du spectacle (Grégoire M., 2013). Dans leur cas de figure, le discours anti CDI était très prégnant. Du moins, sans rejeter l’intérêt du CDI, les intermittents du spectacle avaient développé une perspective très positive sur l’intermittence et la discontinuité de l’emploi, en particulier associée à une socialisation des ressources permettant de disjoindre, grâce à un régime d’indemnisation spécifique, les revenus salariaux de l’emploi en assurant une certaine continuité des ressources malgré la discontinuité des emplois. Les raisons associées à la valorisation de l’intermittence de l’emploi étaient de plusieurs ordres : la liberté d’aller et venir sur le marché du travail, la capacité à se lier et à se délier d’employeurs ou de collectifs de travail en fonction de projets

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