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L’ère du « tout patrimoine »

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CHAPITRE II. TOURISME ET PATRIMOINE CULTUREL : ANALYSE D’UNE OFFRE A GEOMETRIE VARIABLE ANALYSE D’UNE OFFRE A GEOMETRIE VARIABLE

2.1.2. L’ère du « tout patrimoine »

La littérature s’accorde généralement sur l’existence d’une vague d’expansion, d’un « décollage » du nombre d’attractions patrimoniales dans la seconde moitié du XXe siècle (Di

Méo, 2007 ; Ballé, 2003 ; Richards, 1996a ; Vadelorge, 1996 ; Negrin, 1993 ; Ashworth et Tunbridge, 1990). Les très rares études d’ensembles paraissent confirmer cette tendance (cf. graph. 2.1.n°1)2. Cependant, la nature des données existantes, basées sur des systèmes

hétérogènes de comptabilisation nationale, rend extrêmement difficile les comparaisons entre pays, et la production d’estimations globales. On peut cependant illustrer la croissance de l’offre patrimoniale au travers d’exemples.

1 Ces institutions évolueront ensuite vers l’écomusée dans les années 1970.

2 Les travaux d’ATLAS Cultural Tourism Research Group suggèrent en effet que le nombre d’attractions

Ainsi, comme le montre Catherine Ballé (2003), on constate une véritable explosion du nombre de musées dans certains pays depuis une cinquantaine d’année. Aux Etats-Unis ainsi qu’en Allemagne, 4 musées sur 5 ont été créés depuis les années 1950 (cf.tabl.2.1.n°3) ; en Grande-Bretagne, leur nombre a presque triplé entre 1960 et 1990 (cf.graph.2.1.n°2 ;

tabl.2.1.n°1)1. En France, on constate une augmentation significative du nombre de musées

bénéficiant d’une appellation contrôlée2 (cf.tabl.2.1.n°4). Les données disponibles suggèrent cependant que la croissance du nombre de musées se soit surtout faite au profit de structures n’exerçant pas les fonctions muséales propres au classement (conserver, restaurer, recherche, accessibilité, diffusion, etc.)3.

A l’image de la législation sur les institutions muséales, on observe de fortes disparités lorsqu’on s’intéresse aux systèmes et aux critères de classifications des monuments. Ces spécificités expliquent sans doute en partie les différences marquées observées au niveau du volume des offres entre certains pays. Ainsi, la comparaison des monuments classés en Angleterre et en Espagne est édifiante.

En Espagne, le champ patrimonial s’étend au cours de la seconde moitié du XXe siècle. On protège d’abord les édifices fortifiés4, puis les édifices revêtant un intérêt historique ou artistique5. Avec la refonte complète, au milieu des années 1980, du statut du patrimoine historique6, on inclut les zones archéologiques, les jardins, ainsi que le patrimoine mobilier,

ethnographique, documentaire et bibliographique, sur la base de leur valeur architecturale, historique, culturelle ou artistique. On compte aujourd’hui 16 061 immeubles inscrits comme biens d’intérêt culturel en Espagne (cf.tabl.2.1.n°5).

1

On observe un écart entre les données du graphique 2.1.n°2, et celles diffusées par EGMUS sur la GB. Le système de comptabilisation national a tendance à exclure certaines structures.

2 Les musées définis par l’ordonnance de 1945 comme musées nationaux (appartenant à l’État), musées classés

(appartenant aux collectivités locales et dirigés par un conservateur d’État) et musées contrôlés (Propriétés des collectivités locales, un contrôle technique reste exercé par la DMF), puis, à partir de 2002, aux Musées de France. Le statut administratif des musées a donc changé en France sur la période étudiée. La loi du 4 janvier 2002 puis l’article L410-1 du code du patrimoine qui définissent le statut des Musées de France recouvrent cependant en grande partie les musées nationaux, les musées classés, et dans une moindre proportion les musées contrôlés, préalablement soumis au régime de l’ordonnance du 13 juillet 1945.

3 En effet, le nombre total de musées semble croitre significativement plus vite que celui des MDF, notamment

à partir des années 1960. Ainsi, Vadelorge (1996) relèvent en France une augmentation de plus de 75% du nombre total de musée entre 1958 et 1993 (Le nombre total de musée passant ainsi de 967 à 1700 sur une période de 35 ans). Museums of the World (De Gruyter Saur, 2012), considéré par l’ICOM comme le répertoire international le plus complet actuellement disponible, dénombre aujourd’hui 4400 musées en France, soit 3,5 fois plus qu’au sein du label MDF.

4 Décret du 22 avril 1949 5 Décret 571, 1963 6 Loi du 25 Juin 1985

Par contraste, au Royaume-Uni, le système repose sur un classement plus systématique des bâtiments en fonction de leur date de construction. Plus l’édifice est ancien plus il a de chances d’être classé. Ainsi, tous les édifices construits avant 1700 et la plupart de ceux construit entre 1700 et 1840 bénéficient d’une protection. Plus l’édifice est récent plus les critères se resserrent, de sorte qu’un bâtiment construit après 1945 doive revêtir un intérêt exceptionnel pour justifier d’une inscription sur les listes des monuments protégés1. Au total, selon English Heritage2 on comptait en 2010 presque 375 000 monuments classés (cf. tabl.

2.1.n°6), soit 20 fois plus qu’en Espagne.

En France, les données relatives à l’évolution du nombre d’inscriptions et de classements au titre des monuments historiques (cf.graph.2.1.n°3) montrent un premier pic entre 1920 et 1930, date à laquelle le classement s’ouvre au patrimoine privé. C’est surtout à cette période, en 1925, qu’est créée l'appellation « inventaire supplémentaire des monuments historiques », remplacée en 2005 par « l'inscription au titre des Monuments historiques », et qui permet de donner un statut à un grand nombre de biens qui, sans pouvoir prétendre au classement, présentent un intérêt historique ou architectural suffisant pour bénéficier d’une protection. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le domaine de protection s’étend ainsi que le nombre d’inscriptions et de classements. Il connait en effet, entre 1950 et 2000 une très forte croissance (TCAM : 2,5 %3). Selon la base Mérimée, on comptait 46 471 arrêtés de

classements et d’inscriptions au titre des monuments historiques en France, au 1er janvier 20124.

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On distingue les monuments d’intérêt exceptionnel (Grade I), qui ne représentent que 2,5 % du total des monuments bénéficiant d’une protection ; les édifices particulièrement importants (Grade II, 5,5 %) et les édifices d'intérêt spécial (Grade III) qui représentent la grande majorité des édifices bénéficiant d’une protection (92 %)

2 Historic Building and Monuments Commission for England 3 TCAM (sqrt((6442/1891),50)-1)*100 = 2,5 %

4 Certains monuments font l’objet de plusieurs arrêtés de classement et d’inscription. Le nombre cumulé des

Tableau 2.1.n°2 : Nombre de Musées en Europe

Pays Année de référence Total Pays Année de référence Total

Allemagne 2010 6281 Italie 2008 435 Autriche 2008 493 Lettonie 2011 141 Belgique 2004 162 Luxembourg 2011 47 Bulgarie 2011 197 Norvège 2011 134 Croatie 2009 221 Pays-Bas 2009 810 Danemark 2011 281 Pologne 2009 774 Espagne 2010 1479 Portugal 2011 630

Estonie 2011 281 Rep. Tchèque 2011 477

Finlande 2011 325 Roumanie 2007 748

France 2003 1173 Royaume-Uni 1999 1850

Grèce 2007 176 Slovénie 2006 177

Hongrie 2008 671 Suède 2010 169

Irlande 2005 258 Suisse 2010 1064

Source: European Group on Museum Statistics (EGMUS)

Note: E G M U S produit un ensemble d’indicateurs clés relatifs aux musées européens, à leur fréquentation, dépenses, revenus, managements, etc. Le projet est présenté comme la première étape vers l’harmonisation des statistiques européennes sur les institutions muséales. Les données diffusées sont issues des statistiques nationales de chaque pays. Elles montrent de fortes disparités. Celles-ci peuvent être largement dépendantes des systèmes nationaux de comptabilisation1.

Tableau 2.1.n°3 : Part des musées créés dans la deuxième moitié du XXe siècle.

Pays Période de référence Création depuis période de réf. Sources

Pays- Bas Depuis 1945 80 % Ganzeboom et Haanstra, (1989)

Allemagne Depuis 1950 82 % Institut fur Museumskunde, (2000)

Etats-Unis Depuis 1950 78 % American Asso. of Muséums, (1994)

GB Depuis 1960 58 % Muséums Focus, (1998) Source : Ballé (2003)

1

En Allemagne par exemple, le terme « musée » ne fait pas l’objet d’une définition légale au niveau national ou des « Lander ». Tout établissement qui le souhaite peut donc bénéficier de l’appellation. En France, si les données publiées par le Ministère de la culture ne concernent que les musées appartenant au label Musées de France (cf. Tableau 2.2.n°4), le nombre total d’institutions muséales est beaucoup plus important. Ainsi, Museums of the World (De Gruyter Saur, 2012) y enregistre plus de 4400 musées. Enfin, en Italie, les données collectées et publiés par l’ISTAT depuis 1995 ne traitent que les musées nationaux, au nombre de 435 en 2008. La dernière étude visant à répertorier l’ensemble des musées du pays (ISTAT, 1995 ; dans

Tableau 2.1.n°4. : Evolution du nombre de musées d’appellations contrôlées en France

Année 1901 1945 1970 2000 2005 2010 2011

Nombre de musées* 362 852 942 1117 1191 1212 1216

TCAM1 - 1,96 0,40 0,57 1,29 0,35 0,33

*Sources: MCC/DGP/DEPS; Sherman et Georgel (dans Vadelorge, 1996).

Tableaux 2.1.n°5 : Immeubles inscrits comme Bien d'intérêt culturel en Espagne

Espagne Monument historique Jardin historiques Ensembles historique Site archéologique Zone Total

2010 13 705 92 873 287 1 104 16 061

2004 12 583 85 819 167 875 14 529

Source : Instituto Nacional de Estadistica

Tableaux 2.1.n°6: Monuments classés en Angleterre en 2010

Catégories de classement ‘Grade 1’ ‘Grade 2’ ‘Grade 3’ Total

Nbre d’entrées sur la liste 9 352 20 574 344 155 374 081

% 2,5 5,5 92 100

Source: Historic Building and Monuments Commission for England

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