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L'Intermédiaire des Educateurs - Juin-Juillet 1917

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Journal

Reference

L'Intermédiaire des Educateurs - Juin-Juillet 1917

BOVET, Pierre (Ed.)

Abstract

Revue éditée par l'Institut J.-J. Rousseau / Ecole des sciences de l'Education de 1912 à 1920.

A fusionné avec L'Educateur.

BOVET, Pierre (Ed.). L'Intermédiaire des Educateurs - Juin-Juillet 1917. L'Intermédiaire des éducateurs, 1917, vol. 5, no. 49-50, p. 60-104

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:128171

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60 L'INTERMEDIÀIRE DES EDUCATEURS

Anciens élèves.

Nous avons fait, le 17 mars, une grande perte en la personne­

de Mlle Marguerite ÜAGNEBiN, de Lausanne, élève diplômée de no�l.e, directrice de la Maison des Petits de Lausanne, décédée à l'âge de vingt-quatre ans. Notre amie a été emportée en quelques jours par un empoisonnement du sang.Nous avons dit à son fiancé, notre ami M. Edmond Dégailler, à Madame Gagnebin et à sa famille la très profonde et respectueuse sym­

pathie de toute notre Ecole, des professeurs, des condisciples et des anciens élèves qu'elle comptait encore dans notre Maison.

des Petits. Fille de pasteur, élevée dans un milieu où le senti­

ment de la solidarité sociale est profond, Mil• Gagnebin était venue à l'Institut dans l'automne de 1913. Elle avait commencé par y suivre le cours d'un mois donné sur la méthode Montessori

·par Mlles Bontempi et Barrère. Cela l'avait amenée, avec deux autres de nos élèves, Mlle• Antipoff et Eugster, à se consacrer spécialement au groupe de petits que nous avions réunis, à cette occasion, faisant là, pendant sept mois, ses premières armes. Dès l'automne de 1914 elle groupait à la Maison du Peuple de Lausanne quelques enfants de 3 à 6 ans. Mais elle sentit le besoin de compléter sa préparation et nous revint encore pour un été. Le 1er octobre 1915, enfin, avec l'appui de la municipalité de Lausanne cette fois, elle inaugurait sa Mai­

son des Petits, consacrant généreusement toutes ses matinées.

à faire un milieu d'activité joyeux et libre à der, enfants de la classe ouvrière.

L'intermédiaire a donné d'elle, dans le no 19, un petit article,

• Dépouillement d'une enquête sur l'orientation de l'attention».

L'Educateur a publié le 14 avril 1917 so

ur Le système Montessori, ses relations avec le système rœbel iotroduite par quelques ligues de la rédaction qui sont a . émoire le plus beau des hommages.

Nous garderons de son dévouement souriant, de son entrain, de sa gaîté aimable, la mémoire la plus émue. Une vie qui laisse un souvenir aussi pur est un grand exemple.

L'intermédiaire des· Édttcateurs

5°"A:t:l'NÉE - N° 49-50. -:- JUIN-JUILLET 19.17

Encore le verbalisme1

· Pour explorer le voc.abu:Iaire de n�s écolters, dans ses rapports avec leur jugement moral, nous les-avons soumis à la petite expérience que voici :

Sur la table, devam l'élève, nous étalons les dix récits suivants :

1. Marie s'amuse à sauter à la corde avec ses amies; ·élle aimerait bien continuer encore, mais il sonne 6 heures et sa mère lui a défendu de rester plus tard. Marie quitte ses amies et rentre, car elle est ... .

2. Marie voit dans la rue une ouvrière très chargée qùi a beaucoup de peine à ouvrir une porte. Marie va l'aider; elle est ...

3. Marie est souvent la première à l'école;· jamais elle ne s'en vante, car elle es.t ....•..

4. Marie trouve une.jolie bourse avec un écu. Ses camarades lui dis_ent: ·(( Quelle ·chance tu as I Tu ne sais pas à qui est cette bourse; tu vas la garder: 10 Marie s'y refuse; elle va la porter au poste de police, car Marie èst ... .

S. Made raccommode son tablier; c'est très long; deux fois, des ca�:·ll?es vieo.nent la chercher pour àllei: jouer; mais Marie reste à son ouvrage; elle est ...

6. Mane, après avoir bien fait ses devoirs d'école fait des. . . . . . ' . '

com�1ss1ons pour une vo1sme et aide encore au ménage.

Mane est...

7. Sur un trottoir étroit, où il n'y a pas place pour deux per­

sonnes, Marie rencontre u.ne dame ; elle se hâte de descendre du trottoir, car elle est...

8. Marie a été chez le dentiste ; il lui a fait bien mal, mais Marie n'a pas crié, car elle est •...

1 Voir: Guerre au verbalisme. Intermédiaire, n•

0

10 (juillet 1913);

5

(3)

6.2 L'INTERMÉDIAIRE DES ÈDOCATEORS

9. Marie a perdu dix sous en faisant le marché; elle pour­

rait facilement le cacher à sa mère, mais elle préfère le lui dire, car elle est ..•....

10. Marie rencontre une pauvre fillette qui pleure parce qu'elle a faim. Marie n'a pas d'argent, mais elle se passe de son goûter pour le donner à l'enfant pauvre. Marie est ... .

Tout à côté sont alignés, sur autant d'écriteaux, les dix adjectifs correspondant à ces dix récits, naturel­

lement dans un autre ordre, toujours le même aussi ; ce sont : modeste (3), franche (9), obéissante (1), cha­

ritable (10),polie (7), complaisante (2), persévérante (5), honnête (4), travailleuse (6), courageuse (8).

Nous indiquons par les numéros entre parenthèses les récits auxquels correspondent les adjectifs ; il va sans dire que ces numéros ne figurent pas sur les pancartes que les enfants ont entre les mains.

Dans le placement des récits, nous nous sommes efforcés de faciliter l'épreuve aux sujets, en ce sens que, toutes les fois que deux adjectifs peuvent être con­

fondus ou appliqués au même récit, c'est le plus net­

tement adapté au récit que le sujet doit placer le premier: ainsi travailleuse et complaisante pourraient convenir tous deux au sixième récit ; mais si le sujet a su bien choisir, il a déjà placé complaisante au deuxième récit ; de même pour honnête et franche;

persévérante et travailleuse.

Nous avons fait l'expérience sur quatre groupes ou classes de 32 à 33 enfants, deux de garçons, deux de filles, de 11 à 13 ans (cinq sujets n'avaient pas atteint

1 I ans et un seul avait déjà 14 ans). Tous ces enfants terminaient leur cinquième année d'école. A Genève, nous avons examiné une classe de garçons et une de

ENCORE LE VERBALISME

fillettes après les heures d'école et à La Chaux-de­

Fonds également, une classe de garçons et une classe de fillettes pendant la classe1

L'expérience a été faite individuellement. J'ai prié chaque sujet de lire attentivement les récits en -sui­

vant et de trouver chaque fois dans la série d'adjectifs alignés à côté, celui qui convenait le mieux à cha­

cune des lacunes. Je les avertissais dès le ·début de l'expérience que s'ils s'apercevaient, au cours de l_'exer­

cice, qu'ils avaient fait une faute, ils pouvaient'ôter lés écriteaux déjà placés et les remplacer par d'autres.

Cela fait, j'ai laissé travailler les enfants sans jamais . les pres·ser, prenant rioté de leur manière de faire, de leurs hésitations, de leurs corrections et de leurs erreurs. Malgré la consigne_ q�elques sujets ont laissé de côté parfois certains récits dont ils avaient _pei11:e à trouver les quà.lifièatifs-pour y revenir à la,.fin du jeu; sauf dans le cas où ils parcouraient. p�r trop hâtivement toute la série des récits sans placer aucun adjectif, je \es ai laissé faire.

Dans les statistiques qui süivent, j'ai compté comme_

justes les mots placés d'emblée correctement et aussi ceux qui ont été corrigés spontanément.

Il suffit de jeter un coup d'œil sur les. récits pour en noter les imperfections. Dans le neuvième récit, franche ne devrait pas pouvoir être remplacé par honnête. Le sixième aussi prête à confusion avec com-

1 Mes remerciements très vifs vont à M, Wasserfallen, Directeur des Ecoles de La Chaux-de-Fonds et à mes collègues de La Chaux:..de-Fonds et de Genève pour la grande amabilité qu'ils ont mise à me faciliter cette petite eaquéte.

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�4 L'INTERMEDIAIRE DES EDUCATEURS

p�aisan,e,: qui_ se rapproche, pour le sens, de persé­

vérante. La distinction entre ces deux adjectifs est la plus subtile, évidemment, mais n'oublions pas que nous nous adressons à des élèves de 11 à I 3 ans ! Malgré ��s reproches qu'on peut adresser à la forme du ;�st, pJusieurs adultes que nous y avons soumis ron! fait d'emblée, et sans hésitation, comme nous l',a:vions pensé; c'est dire que si les résultats sont peu brillants, ce n'est pas avant tout aux défauts.du test q-y.'il faut l'attribuer.

Résultats généraux. ¼ d'erreurs.

• ..

33 G. Genève . 33 G:' ChO-de-Fonds . 33-LGeiiève

6 54 45 18 66 54 21 6 6 48 39 15 3o 45 60 51 51 42 3 21 �7 37 3 33 42 18 60 54 I5 3o 18 3o 31 3 So 41 58 88 78 41 9 19 41 42 32 F. Ch.-de-Fonds .

Garçons.

Filles Genève

· 11

II

1 42145

1 39159

153

132 1 5114138138 . 3 41 42 38 74 66 28 19 18 35 36

· 11 5 ! 42

1 44 118

163154118118 , 12 , 39

135 Chaux--de-Fonds . . 9 40 43 59 69 64 42 6 20 34 40 Moyti:ùie '(131 sujets).

Il

7 i 42

l

43

l

39

l

66

l

59l3o112116

l

37 j 37

_ ,Comme on le- voit par les moyennes, c'est le bon tiers de ces adjectifs bien simples, bien familiers, dont le sens échappe à nos écoliers de II à I 3 ans, même lorsqu'il ne s'agit que d'assortir les adjectifs aux

actions qu'ils qualifient.

ENCORE LE VERBALISME

Les enfants qui ont réussi à placer correctement les dix adjectifs ne forment que le 13 °/o du nombre total des sujets ( 17 sur 131, en moyenne quatre par classe de 33 élèves !). Et sur ce nombre, six" sujets seule­

ment, soit 5 °jo, se sont montrés capables de placer d'emblée correctement les dix écriteaux comme l'ont fait les quelques adultes cultivés que nous avons soumis à cette petite expérience. Et ce sont des résul­

tats obtenus sur des enfants citadins. Il est presque cenain qu'à la campagne on ferait encore moins bien.

Examinons à titre d'exemple un des sujets qui ont le plus mal réussi.

Rose B. (F. Gen, 12 ans) trouve que la fillette rentre à l'heure indiquée par sa mère, parce qu'elle est franche; que celle qui tient une porte pour �ne personne chargée est charitable; que l'on ne se vante pas parce qu'on est poli; qu'on continue son ouvrage parce ·qu'on est travailleur; qu'on exécute plusieurs besognes parce qu'on est modeste; qu on fait place sur le trot- 1:oir parce qu'on perséverant; qu'on ne crie p-as chez le q_enùste parce qu'on est obéissant; qu'on ne dérobe pas de-l'argent à sa mère parce qu'Qn est courageux; enfin qu'on se passe de·son goftter pour un pauvre parce qu'on est complaisant.

On ne peut s'empêcher de se demander dans quelle mesure une fillette qui ignore aussi complètement sa langue profite de l'enseignement de la classe et des leçons qu'elle apprend elle-même!

Pour la-moitié de nos adjectifs environ (4 sur 10) les différences ent�e les sexes sont nulles ou insignifiantes.

Il est intéressant de voir que les écarts sont maxima justement pour le courage chez les garçons, l'obéis­

sance chez les jeunes filles: le sexe chez lequel _on est Ùnanimé à reconnaître ces q:ualités a fait quatre fois moins d'erreurs que Pautre. Le même fait se repro-

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66 L'INTERMEDIAIRE DES ÉDUCATEURS

duit lors de l'expérience avec choix libre des adjectifs cités plus bas (p. 72).

Ce serait une question bien intéressante à étudier que la con�élation entre la réussite du test et les qua­

.[ités morales du sujet. Ne connaissant pas mes sujets,

je n'ai pu l'aborder.

Chose curieuse, j'en ai obsen•é quelque ch.ose chez la seule enfant que je connaissais, uoe fillette retardée, très misérable, dont la mère est d'une scrupuleuse honnêteté et a transmis cette qualité à sa fille. li est arrivé à cette dernière de me refuser une-pomme que je lui donnais, en me disant: « Elle n'est pas à moi!» Bien qu'elle ait mal réussi le test (six fautes, parmi lesquelles plusieurs erreurs grossières), elle a s.u se corri­

ger au quatrième récit et y a remis honnête à la place de franche.

Ce test s'est révélé propre à dévoiler certaines p'arûcûlarités locales du langage. Ainsi j'ai constaté, à

la Ch.aux-de-Fo.nds, une déformation de sens du mot honnête, où èe mot est employé dans \e sens de poli, bèaucoup plus que ce n'est le cas généralement. Le tiers des enfants des deux sexes appellent honnête la fillette qui quitte le trottoir pour céder sa place à une dame. Dans l'expérience de la p. 71, la proportion reste la même. Et il n'y a que quatre enfants sur dix, des deux sexes également, qui appellent honnête .une en­

fant qui se refuse à garder une bourse qui ne lui ap­

partient pas (16 °/o seulement dans l'expérience p. 71);

.c�est à franche et à polie que va le tiers des suffrages, à persévérante et à modeste les autres (le quart environ).

Cette méconnaissance du mot honnête dans le sens de franc est encore plus frappante si on l'observe chez certains sujets.

Ainsi voiéi une élève faible (Hé!. I 1 ans) qui, arrivée au qua­

trième récit (honnête) le laisse de côtê pour y revenir plus tard.

Quand elle à lu le septiëme récit (polie), elle revient. à celui

ENCORE LE VERBALISME

d'honnête, hésite très longuement entre les deux, et, finalement, désigne par honnête la fillette qui'quitte le trottoir et meipolie pour courageuse: la fillette est assez polie pour ne pas crier chez le dentiste. (Pour les Neuchâtelois du moins; quant aux petites Genevoises, celles qui se trompent, la jugent plutôt per- Ùvérante ou modeste.) · ·

Une autre fillette, Jeanne (11 ans 5 mois) a presque terminé son jeu; avec quelques fautes ; elle a laissé de côté le septième.récit (polie). Elle n'a finalement plus que l'écriteau. polie dans la main, et devant elle le récit de la fillette qui quitte le trottoir.

Vous croyez qu'elle va l'y placer? Non. - Je crois que j'ai fait faux;, dit-elle. Et elle remet polie a la place d'honnête et honnête à la place de polie.

Or - chose curieuse � si l'on peut employer hon­

nête pour polie, puisqu'un honnête homme et. un homme honnête soi;i.t -corrects tous deux, il semble .que la réciproque ne soit pas po�sible: on n,e peut appe'ler poli quelqu'un qui se refuse à garder une bourse. Il y a pourtant 1/s des enfants neuèhâtelois des deux sexes qui commet cette lourde erreur (par association sans doute).

Les différents adjectifs.

Voici ra.ngés par ordre de diffi�ulté, suivant la pro­

portion 'd'erreurs à laquelle ils ont donné, lieu pour nos 131 écoliers, nos différents adjectifs:

obéissante 7°1o honnête 39 °lo

courageuse 12 ·°lo complaisante 42%

franche 16 °lo modeste 43 %

polie 3o0fo travailleuse 59 °lo

charitable 37 °lo persévérante 66¾

Les deux premiers sont évidemment parmi les plus connus et les plus employés et aussi parmi ceux qui pouvaient le moins être confondus avec d'autres.

Il est étonnant que douze enfants sur cent n'aient pu

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68 L'INTERMEDIAIRE DES EDUCATEURS

assortir courageuse au récit correspondant ; leurs sufftages se partagent entre persévérante, modeste et polie.

L'adjectif franc paraît être compris des enfants puisqu'il est parmi les mieux réussis, malgré la forme défectueuse du test qui prêtait à confusion avec hon­

nête; cependant dans l'expérience avec choix libre les résultats sont bien inférieurs; le quart des enfants appelle l'enfant: pas menteuse; le 75 °/o des réponses est faux ou insuffisant.

' Nous avons vu que les erreurs concernant polie et honnête sont dues surtout à une particularité locale.

Mais- que le 42 °/o des enfants ne sache pas trouver qu'une fillette qui tient la porte à une ouvrière chargée e'st complaisante, c'est décidément la preuve que le mot propre échappe trop souvent à nos élèves. Le quart de nos sujets appelle cette fillette charitable; or il est évident que, pour qui parle français, charitable ne peut s'appliquer qu'au dernier récit.

C'est pe1·sévérante et travailleuse, avec leurs signifi­

cations très rapprochées, qui ont donné lieu au nombre maximum de fautes: 59 et66 °/o. Si l'on tient compte que quelques adultes et quelques bons élèves ont réussi sans hésitation, que nous avons affaire à des enfants ayant presque terminé l'école primaire, que ces enfants avaient toute latitude pour se corriger et que, de fait, plusieurs en ont profité, on verra dans nos résultats une preuve nouvelle de la facilité avec laquelle nos écoliers se servent d'un mot pour un autre.

. Nous en venons maintenant au cas le plus caracté­

ristique et tout à fait suggestif au point de vue du but

ENCORE LE VERBALISME 69 de notre petite enquête: la compréhension d'un mot qui certes ne paraît pas dépasser le niveau d'enfants normaux de II à 13 ans, l'adjectif modeste 1. Parcourez la liste des dix adjectifs que nous avons choisis - peut-être un peu hâtivement; - aucun ne peut être confondu avec modeste.

Croirait-on qu'à Genève comme à La Chaux-de­

Fonds, six enfants seulement sur dix à peine com­

prennent le sens· du mot modeste; la proportion est sensiblement la même pour les deux sexes : de 58 à Sg 0/o chez les jeunes filles, elle tùmbe à 55 °/o chez les garçons. Dans chaque classe de 32 ou 33 élèves, il se trouve 9, 10 ou 11 eri.fants, dest-à-dire presque I.e 1/8 de la classe pour appeler persévérante ou travailleuse une enfant qui ne se vante pas ! On peut juger de l'efficacité des recommandâtions d'être modestes si souvent adressées aux jeunes filles!

Voici quelques exemples caractéristiques. Parmi les lauréates du concours (les zéro faute), une fillette a successivement con­

fondu modeste avec travailleuse, charitable et polie avant de le placer correctement.

Modeste a suscité plus de demandes d'explication que tous les au�res mots réunis. Quatre ou cinq fois, des fillettes, en arrivant au troisième récit demandent: a Qu'est-ce que ça veut

�ire»? Bien entendu, j-e ne pouvais répondre à de telles ques­

t19os. - Plus qu'aucun· autre adjectif, ce mot donne lieu à des hésitations prolongées, aboutissant souvent à des choix erronés. Plusieurs sujets passent outre, à cet endroit, préfë­

rant le rechercher quand ils auront placé les ternies plus faciles.

1 �'est. �n peu le pendant du mot cuir dans notre précédente enquête (a rue le eue, Inter m. n• 10); de plus jeunes enfants devaient dénommer dif­

férentes sortes de charbons, de graines, etc., et du cuir ; ce dernier a 'été confondu avec de la brique, du maïs et des grains de cacao.

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70 L'INTERMÉDIAIRE DES ÉDUCATEURS

Dans tous les groupes, il se trouve des enfant� qui ont laissé modeste de côté et qui le mettent sur le dizième récit ( charita­

ble) par inertie souvent, parfois faute de trouver mieux.

Voici une fillette de onze ans, une de celles qui ont demandé au troisième récit ce que signifie modeste. (Ce fait de demander une explication, à point nommé, sans cependant que la ques­

tion amène une décision heureuse, - ce fait est curieux; il semble qu'il y ait la une intuition, un phénomène subconscient, mais qui ne conduit pas jusqu'à une connaissance positive.) Après avoir fait le reste du jeu, avec deux erreurs seulement, cette fillette n'a plus entre les mains que les écriteaux· modeste et polie à placer sur les récits modeste et persévérante qui res­

tent libres. Elle ne peut se résoudre à placer modeste correc­

tement, l'attribue à la fillette qui raccommode sans se laisser distraire, tandis que polie désigne la fillette qui ne se vante pa_s. ·,

Parfois le choix final est plus heureux sans que la connais­

·sance du terme paraisse beaucoup plus affermie. Ainsi ce gar­

çon de onze ans, Georges M., à qui il reste à placer les écri­

teaux modeste et honnête sur les récits modeste et travailleuse.

Avec beaucoup d'hésitation, il qualifie l'enfant travailleuse d'honnête, et alors, n'ayant plus que modeste pour la fillette qui ne se vante pas, il se résoud à la qualifier de modeste, sans aucun enthousiasme. - Un autre, G. de Gen., paraît être un élève développé au point de vue du langage puisqu'il sait, spontanément, se corriger de fautes légères, remettre persévé­

rante à la place de travailleuse. Pour finir, il ne lui reste que le mot modeste, laissé de côté ainsi que le récit de mo­

destie. Croyez-vous qu'il a simplement appliqué le mot modeste au récit correspondant ? Non: il s'est efforcé d'enlever trois ou quatre écriteaux (persévérante, travailleuse, polie) pour les échanger avec modeste, puis finalement, les trouvant tous bien adaptés aux récits, il s'est décidé, en désespoir de cause, à appeler modeste la fillette qui ne se vante pas !

Modeste - de même que persévérante - figure en plus ou moins forte proportion à la place de tous les autres adjectifs ; chez les fillettes neuchâteloises, c'est le 1 /6 de la classe qui l'emploie pour désigner la fillette persévérante.

ENCORE LE VERBALISME 71

Chq_îx libre des adjectifs.

·En constatant la pauvreté de ces résultats, nous nous sommes demandé ce qu'ils seraient si, au lieu d'avoir les qualificatifs sous les yeux, les enfants avaient dû les trouver eux-mêmes. A cet effet, nous avons refait une expérience collective dans deux

classes de _La Chàux-de-Forids (une de 3o garçons, l'autre de 33 fillettes de 1 r à 13 ans). Après avoir fait un autre exemple avec la classe entière, nous avons écrit nous-même, au tableau noir, le premier récit.

Les élèves, qui le lisàient à voix basse, pendant que nous l'écrivions, l'entendaient ensuite lire à haute voix; ils avaient toute latitude pour le relire encore une fois, à voix basse s'ils le désiraient. A un signal, tous les élèves écrivaient sur une feuille pré­

parée devant eux l'adjectif destiné à compléter la phrase. Puis nous procédions dé même pour les neuf récits suivants. L'expérience a été faite le matin, entre 8 h. 1/2 et 10 heures, et grâce à l'excellente discipline qui régnait dans ces classes, elle s'est faite dans les meilleures conditions: j'ai pu juger en corrigeant les feuilles que les communications d'élève à élève

avaient été très rares.

Comme il fallait -s'y attendre, les résultats ont été de .beaucoup inférieurs à ceux de l'expérience précé­

dente. Voici le 0/o des erreurs chez les deux sexes sé­

parés, puis réunis, comparé à celui de la première expérience (p. 64).

(8)

72 L'INTERMEDIAIRE DES EDUCATEURS

¼ d'erreurs.

2• expérience. Choix libre des adjectifs.

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. . 0 0 a.. "' f:-< u u �"Op..

Garçons 117 70 93 87 47 56 63 33 77 47 59 Filles 6 51 97 82 27 57 64 42 73 42 54 2 sexes l l 60 95 84 37 57 63,5 38 75 44 56'½

1re expérience 7 42 43 39 66 59 3o 12 16 37 37 . Les résultats de cette expérience sont plus difficiles à évaluer que ceux de la précédente, la limite entre l�� réponses justes et celles qui ne le sont pas étant souvent difficile à établir. Dans ces nouvelles con­

_ditions, il fallait tolérer plusieurs mots pour la plupart des récits : complaisante et serviable pour le second ; travailleuse, laborieuse, appliquée et consciencieuse pour le cinquième ; laborieuse et complaisante pour le sixième.

En revanche, j'ai toujours considéré comme insuf­

fisantes, quoique non absolument fausses, les répon­

ses vagues comme gentille, aimable, sage, bonne (j'ai admis ce dernier adjectif pour 1� dixième récit seule­

ment). Ce sont ces tolérances qui expliquent gue pour les cinquième et sixième récits les ré.sultats aient été supérieurs ou égaux à ceux de la premi�re expérience.

.. La moyenne d'erreurs, pour les dix adjectifs, monte de 37 à 56 1/2 °/o. Cette fois c'est donc plus d_e la moi­

tié des élèves de II à I 3 ans qui se montre incapable

ENCORE LE VERBALISME 73

de désigner par un qualificatif approprié et suffisam­

ment précis des actions pourtant faciles à comprendre pour leur âge.

Un seul des ,3o· garçons est arrivé à sept bonnes réponses \ aucun n'arrive à huit, neuf> ou dix: Deux fillettes'.• sU:r 33:, arrivent à: neuf bonnes répohses ; quatre parviennent à en donner sept· sur dix; ·

- Le cas de' ·modeste'èst ki de·nouveau trè·s caractéris­

tique·; les résultats sont au-dessous de tout ce qu'on pourrait attendre. Je suis sûre que pas• un: dë mes lecteurs ri'aùrait cru possible que; sûr deux· classes d'enfants norn1aux de 11 ·à 13 a:ns, un seul enfant par classe fût capable- d'appliquer le terme de modeste à un enfant qui ne se vante pas. (Un deuxième garçon trouve humble, qui constitue aussi un:e bonne réponse;

deux trouvent pas orgueilleuse; Ils comprennent donc le sens, mais ne peuvent l'exprimer correctement).'

Une. pho'tdg.r-aphie instantanée, des· deux classes - le même fait s'est produit pour les filles ·et pour les· ·garçons·-' au moment- où jè donnais le signal d'écrire le qualificatif pour nrodeste d'une part pour ·les. autres adjèc-tifs d'-autre part, aurait été d"é­

monsttative. C'était, aumomenrdu: signal, un empres­

sement joyeux à saisir les plumes, chez •beaucoup la joie-d'avofr trouvé, - plu's ou moins exactement� - chez· quelques-uns encore un peu d'hésitation ; quand le signal a été donné pour le" mot modéste, l'aspect dè la cla�se· était c·omplètem:ent différent : · effarement général, silence, embarras; pas une main ne saisit la plume ; tous·, relisent avec ·anxiété : la difficÙité énorme de la tâche fait disparaître toute joie ! Les

(9)

74 L'INTERMEDIAIRE DES ÉDUCATEURS

résultats sont en proportion: bonnes réponses: 3 °/o chez les filles, 7 °/o chez les garçons ! Les deux seules fillettes - sur 63 sujets - qui trouvent le.s neuf au­

tres adjectifs laissent en blanc modeste! Le 48 °/o des sujets juge prudent de s'abstenir. La série des adjec­

tifs faux est intéressante à parcourir ; la fillette qui ne se vante pas est - comme presque toutes les autre� - sage, docile, gentille, mais en outre et sui­

vant les goûts, intelligente, instruie (sic) ou instruite, appliquée, trqvailleuse , persévérante, prévoyante,

brave, juste, sériel{se, satisfaisante et contente.

Il y aurait intérêt à passer ainsi en revue la série des a,djectifs plus ou moins extraordinaires qui viennent à l'esprit des enfants quand le mot exact leur manque.

Ne citons que quelques-uns des « succédanés » de honn€te. La fillette qui se refuse à garder une bourse est appelée par le quart des sujets environ pas voleuse (de même que pas menteuse répond au neuvième récit) : parfois les enfants se trompent et l'appellent voleuse (4e r�cit) ou menteuse (ge récit); ces cas forment même le 13 °/odes réponses l La fillette honnête est encore appellée sage, docile, juste, polie, bonne, charitable, gé.néreuse, reconnaissante, laborieuse, pas orgueil­

leuse, elle a bon cœur !

Faute de posséder les adjectifs propres, les enfants en inventent parfois; ainsi la fillette complaisante est aideuse; la fillette franche est cacheuse (on a voulu dire pas cacheuse) ét l'enfant charitable est parta­

geuse puisqu'elle partage son goûter.

Notons encore quelques réponses tout à fait origi­

ginales : l'enfant qui quitte ses jeux p9ur rentrer à

ENCORE LE VERBALISME 75

six heures parce que sa mère le lui a demandé est prèssêe ou· obligée, ou encore fatiguée: celle qui aide à tenir une porte est de service; celle qui fait des commissions et aide au ménage est commissionnqire;

enfin on qualifie une fois de favorable la fillette qùi partage son goûter, et une autre fois d'amoureuse celle qui cède le ·pas.

En vérité; en constatant ce que peut révéler une toute petite exploration d:u genre de celle-ci dans le domaine du verbalisme, on se demande ce que dévoi­

leraient des• coups de sonde plus ·nombreux èt plus profonds!

Notre expérience et les programmes scolaires.

Pour mesurer à leur valeur réelle ces quelques résultats, il faut les rapprocher des programmes sco­

laires. Je ne parlerai pas de ceux de La Chaux-de­

Fonds que je ne connais pas; mais je me suis de­

mandé, ma petite enquête terminée, si mes sujets Genevois ignoraient peut-être le sens des adjectifs que Je leur avais proposés, faute de· les avoir appris. J'ai consulté les livres de classe de nos élèves primaires et j'ai pu constater que charitable figure déjà au voca­

bulaire de première année primaire (enfants de 7 à 8 ans) ; obéissant et complaisant à celui de deuxième année ; et tous les autres adjectifs en quatrième ou cinquième année ; modeste __: le fameux modeste - est étudié en quatrième année sous la forme adjective, et le substantif modestie est répété en cinquième.

Donc, sans le savoir, je me suis précisément adressée - puisque mes expériences ont été faites à

(10)

L'INTERMEDIAIRE DES EDUCATEURS

la fin de l'année scolaire ,- aux élèves qui venaient de prèndre un bain de qualités morales. Et quel bain !

Le vo·cabulaire que nos. élèves ont entre les mains comprend; en.quatrième et en cinquième, deux cha­

pitres·intitulés : L'esprit le cœur et le caractère. En qu�trième,: ce. chapitre ne comprend pas moins de 189 mots dont 38 désignant des qu.alités et 34 des défauts ;. et en cinquième les enfants ingurgitent sur ces sujets au total 246 rn:ots, y compris une vingtaine de locutions comme : faire preuve de tact, soutenir une opinion, .suivre son génie; et une soixantaine de mots groupés par dérivés de même famille (ex. : lar­

moyer, larmoiement, lacrymal) : le mot vertu est suivi de 40 noms de vertus ou de qualités et celui de défaut de 3o noms et de 22 adjectifs désignant des défauts ou des vices .

. Notre enseignement rattrape ainsi largement en superficie ce qui lui manque en profondeur, en com­

préhension. Est-ce un bien ? Involontairement vous vient à l'esprit une règle de trois genre Roorda 1 :

« S'il est utile à un enfant d'apprendre 500 mots dans un temps donné, il lui sera « évidemment» deux fois plus utile d'en apprendre 1000 dans le même temps ! » Il est de fait que si, avant d'entreprendre cette pe­

tite expérience, j'eusse su quels puits de science cons­

tituait une gent écolière ainsi dressée, jamais, au grand jamais, je n'aurais osé aborder ces jeunes savants avec mes dix pauvres vulgaires petits adj.ectifs. Me conformant à ces beaux programmes, j'aurais sans

·, Ri:>oRDA : Le pédagogue n'aime pas le.s enfants, p. 14.

ENCORE LE VERBALISME 77

doute institué une expérience analogue en demandant aux enfants de quatrième année de me montrér s'ils avaient saisi la nuance entre un motif, un prétexte ét une conviction, ou èntre sociable, affable, aimable, obligeant et serviable; ou bien j'a�'rais vérifié· si les élèves de cinquième année avaient · exactement saisi les nuances qui séparent l'équité, l'intégrité, l'honnê­

teté et la franchise ·de "la: sincérité; ou· ce-qui différencie génial d'ingénieu.Jt ; avilir · de vilipender, ou bien encore une inclination où un penchant d'une vocation;

le génie talent; la clairvoyance de la perspicacité;

la douceur de l'aménitë, etc.; une manie d'une toquade ou l' hyp6crisie de là fourberie ! Je recommande ces expériences à mes lecteurs; peut-être préférerais-je ne pa:s y êtte·sotimise·moi-même ! Il serait particulière­

ment intéressant de soumettre à une expérience ana­

logue, mais plus difficile, des élèves-maîtres au mo­

ment où ils vont entrer dans l'enseignement.

Conclusions.

<< La èi:'itique est aisée;!. » me· dira.;.t-on;

Qu'il soit b·ien con-v-enu tout d'abord qu'en t6ut ceci je ne sortge ras à critiquer les "aimables collègues quï ont si bbli-geariünertt rn:is · leurs élèves à ma ·disposi­

tion.· Non, c'est uniquement aux programmes que j'en veux l' Comment le meilleur des maîtres pour­

rait-il expliquer à des enfants de 12 ans le sens de

240 mots abstraits, se rapportant au caractère, etc., quand il faut encore passer en: revue tous les autres chapitres du_ vocabulaire et toutes les autres bran­

ches d'enseignement? Pour ne citer qu'un exemple,

6

(11)

78 L'INTERMEDIAIRE DES EDUCATEURS

imaginez-vous que ces malheureux enfants doivent fair�. �onnaissance au cours des leçons ,de choses avec le camphrier, le baobab, l'alfa, le cactus ; et comme �imaux avec l'ornithorinque, le casoar, le p��a, ·Je jaguar, le termite, la tsé-tsé, le yack, le

cachalot, le morse, et tant d'autres.

Toutefois notre but n'est.pas avant tout de critiquer.

Des. �xpériences réitértes sur les tout-petjts, sur les sourds-muets, sur les arriérés et aussi sur des enfants normaux .dans les écoles nouvelles notamment, ont. ' - . démontré tous les avantages d'une éducation où l'en,seignement par les choses l emporte sur 1 ensei­

gnement par les mots, où l'on cherche moins à meu_bler la mémoire qu'à former l'intelligence et le caractère où l'on contrôle les connaissances verbales' par des procédés spéciaux (travaux manuels, jeux, etc.1).

Nous savons combien partout et à tous les degrés de l'enseignement on proteste contre la surcharge des programmes. Nous croyons -qu'il n'est pas inutile d'en faire parfois la preuve expérimentalement; c'est en_même temps la meilleure démonstration de l'avan­

tiige qu'il y aurait à faire pénétrer à l'école primaire Ie-s méthodes employées avec les tout-petits et avec les anormaux.

A. DESCOEUDRES.

. 1 Voir' notamment sur ce sujet les jeux de lecture et de langage décrits dans DÉcROLY et Mo1<CHAJ1P, Initiation à l'activité par les jeux éducatifs, et dans n_oJre ouvrage: l'Education des Enfants anormaux.

LE TEST DES PHRASES ABSURDES

Le test des phrases absurdes. . ,

Dans leur série de tests d'intelligence, Binet � Simon ont introduit quelques « phrases absurdes»

que le sujet a pour tâche de critiquer. On soumet à celui-ci une phrase contenant une absurdité, en lui disant : « Je vais te dire une phrase où il y a quelque chose de b&e. Ecoute bien. Après, tu me diras ce qui est bête dans cette phrase». Nous avons pensé qu'il serait intéressant de reprendre l'étude de cette sorte de test,.

Cette étude peut se faire à u double point vue :

1. Du point de vue de la p chologie généra e: .on étudiera alors quelle est la na re de l'abs té con­

tenue dans la phrase, on recherchera comment le sujet découvre cette absurdité ou pourquoi il ne le saisit pas (étude du contenu des réponses faites), et cominent évolue avec l'âge son aptitude la critique.

_M.L....D�u point de vue de la ychologie empirique et appliqu e · sans se préoccuper d façon dont I' prit perco surdité, on note simplement quelles sont les phrases dont l'absurdité est plus ou moins aisé­

ment découverte, et on classe ces phrases par ordre de difficulté.

C'est à ce second point dè vue seulement que nous nous sommes placés pour le moment.

Avec l'aimable collaboration de M11e Andrée. Golaz, nous. avons poursuivi nos recherches sur un certain nombre d'enfants des deux sexes de 5 à 14 ans (au nombre de 12 à 14 pour chaque âge, sauf pour l'âge de 5 ans, où nous n'avons eu que 4 sujets; vu ce

(12)

80 L'INTERMÉDIAIRE DES. ÉDUCATEURS

nombre trop faible, nous laissons entièrement de côté les résultats' relatifs à cèt âge). Les phrases ·absurdes employées.sontau nombre de 32. Nous avons uti-lisé

les 23 -phrases prop0sées dans l Intermédiaire de juin

1915, p. n3,èn y joignant g phrases nouvellesl.) .Pour parvenir à des résultats définitifs, il eût ·fallu.

faire poner notre investigation · sur un plus grand npmbre· d'enfants. Mais l'interrogatoire de chaque erifant>est assez long et le temps nous a manqué pour une enquête· plus étendue. Tels qu'ils sont nos résul­

tats sont utilisables, en tout cas approximativement.

Sous r�serve, dème, des modifications et corrections que pourront y apporter des expériences ultérieures, ils, nous· permettent : 1, <le classer nos trente-deux phr.ases par ordre de difficulté · !2, d'indiquer quelles sont celles d'èntre elles qui sont caractéristiques d'un cenain ni.veau d'âge (tests d'âge); 3, de tirer pani de ces phrases comme tests d'aptitude.

· f ·Rangement par difficulté croissante.

. POUT établir _cet ordre, nous avons tenu compte de to�t�s Î�s rép,o��es obtenues de tous les sujets, de

- :· ,. # '

6 à 114 ans. Ü!! � établi, pour chaque phrase, par com-

b�n

°io·

de sujets elle avait été critiquée avec succès.

Ai�si c�rtain�s phrases oat donné .lieu à 95

°/o

�e

réponse justes i elles sont donc plus faèil�s .que ceHes qui n'oi;it donné lieu qu'à 93

°/o

de succès, · et c;�)ïes�ci

i.

l�tii- toÛ·r plus faciles que celles qui n'ont f�µrn}' qùè _8(/0

1:

_çle succès.

1 • .

):Jit erf modithnt quelques mots que parfois les jeunes enfants ne compre­

naient pas. Il impone en effet que l'enfant ne soit pas arrêté par des mots qd'il ne comprend p'âs; ce n.'cst pas un test de vocabulaire, mais' de pensêe.

LE TEST DES PHRASES ABSURDES 81

Voici nos trente·deux phrases rangées d'après les résultats de l'expérience,. en comnJençant par· la plus facile. Le nombre entre. parenthèses qui s.uit le nu·

méro d'ordre indique le pourcentage correspondant :

TABLEAU I.

i:. (96}. - Comme il pleuvait beaucoup, Jean s'est jeté dans le lac pour ne pas être mouillé.

2. (95). -Je ne vois pas. bien ce que tu me montres, car j'� de m�uvais yeux (je sws myope); je vais m'éloigner pour mieux voir.

3. (94). - Philippe, ayant grand'faim, entre dans une ·au­

berge. - Que voulez-vous, Monsieur? lui demande la servante - Une assiette, un couteau, et une foU:rchette, repond-il. � Rien d'autre? - Non, rien d'autre, cela me suffit.

4. (93). -J'avais très soif, mais, ayant mangé du sel la

soif m'a passé. .

_5, (89). -Mon enfant, le vent est complètement tombé; va donc faire marcher ton cerf-volant. .

6. (88). - On a donné à cet homme trois mois de prison pour avoir sauvé uo petit enfant qui se noyait. · ·

7. (87). - Paul a sauté par-dessus son ombre.

8. (86). - Etant obligé de faire des économies, je ne nourris plus mon chien qu'avec de la viande, du lait frais et du sucre·

avant je lui donnais les restes de mes repas. . . '

?· (85,7). - Ce gamin vient de me lancer une pierre qui m'a écrasé l'œil; je lui en suis reconnaissant.

i:o. (85). - Je connais un voleur qui jamais de sa vie n'a pris quelque chose à quelqu'un.

J: x. {79). - Alfred est un très mauvais joueur de quille.s, ca.r

il a des dents gâtées. . .

i:2. (77). - Ce soldat est extrêmement courageux· il a tue une fourmi qui lw grimpait sur la jambe. ' .

i:3. (74). - Je re.grette d'être aveugle, Monsieur le peintre polir ne pas pouvoir· vous féliciter de votre tableau exquis.. '

i:4: (73). - J'ai demandé tout bas à ce Monsieur s'il était aussi sourd qu'on le prétendait. ft Certainement� m'a.àt-il rép,ondu, ft je suis complètement sourd des deux oreilles. • _ �5- (71). -_Mon frère qui est marin, o'a jamais quitté" la :suisse de sa vie.

(13)

8.2 L'IN'I'ERMÉDIAIRE DES ÉDUCATEURS

r6. (68). - Charles a été acheter un pain pour sa mère; il l'a·payé cinq sous; mais il a réclamé six sous à sa mère; il est un très honnête garçon.

r.7; (64). -Un Monsieur écrit une lettre à son ami, et à la fin de la lettre, il ajoute: « Si cette lettre ne te . parvient pas, avertis-moi tout de suite, afin que je me plaigne à la poste.»

r.8. (62). -M. Charles, ingénieur a eu les deux mains arra­

chées par une machine. Il a immédiatement écrit à sa femme pour lui annoncer cet accident.

r.9. (61,7). -M. Armand est un grand artiste, tout le monde a pris pour une vache le cheval qu'il a dessiné.

::ao. (61,4). -Louis est aimé de tout le monde, car il a de très longues jambes.

2r.. (60). -Comme il faisait une nuit très noire, cet aveugle a perdu -son chemin.

22. (59). -Quand ces deux loups se sont rencontrés, ils se sont dévorés l'un l'autre jusqu'à ce qu'il ne reste plus que leurs deux queues.

23.(46,6). - Michel devrait étudier l'arithmétique, car il est très charitable.

24. (44). - Ce boulanger vend ses petits pains très bon marché; il m'a dit qu'il perdait sur chaque petit pain, mais qu'il se rattrapait sur la quantité.

25. (40). - Albert dit qu'il n'ira pas dans l'eau avaot de savoir nager.

26. (33).-,- Une muette, c'est la femme du muet.

27. (21). -Les glaciers sont fondus peu à peu par le sel que les rivièr.es leur. apportent de la mer.

28. (14). - Il est regrettable que le soleil soit caché la nuit,· c'est justement à ce moment qu'il serait le plus utile d'être éclairé.

29. (14). - Un ouvrier a trouvé un porte-monnaie plein d'argent; après avoir cherché pendant quinze jours, il a fini par trouver qu.i l'avait perdu. Il a rendu le porte,-monnaie, et n'a voulu recevoir aucune récompense. C'est un homme assez hon­

nête.

30. ( 13,6) -Jean vient de se remarier; il a épousé la sœur de!saveuve.

·. �I. (10).-,-Mon père est un habile cordonnier; aussi sait­

il très. bien préparer les omelettes aux champignons.

·3::1 .. (o). - Les personnes qui se lavent so.nt sales ; car si elles n'étaient pas sales, elles n'auraient pas besoin de se laver.

LE TEST DES ·PHRASES ABSURDES 83

II. Niveaux d'âge.

Si l'on étab-lit les pourcents, non plus pour - l'en­

semble des sujets, mais par âge, on constate que certaines absurdités sont beaucoup plus vite saisies que d'autres, et que, pour certaines phrases, le pour­

cent des succès atteint le maximum de 100 °/o à partir d'un certain âge, et se maintient à travers les âges suivants.

Voici quelles sont les phrases réussies par la totalité des enfants à partir d'un âge donné1

TABLEAU II.

Dès 8 ans, tous les enfants ont réussi les Nos 1' 2.

..

" 10 9 » » ,, D )) » ,, 3, 5.

4, 7, 8.

» II » » » 6 ' 9, 12.

)) 12 » » II, 15, 16, 19.

13 ))

10, 13, 24.

» 14 )) )) 14, 20 .

Il ne faut pas oublier que cette écheile n'est fondée que sur douze à quatorze sujets par âge. De nouvelles observations risquent donc de porter atteinte à l'un ou l'autre de ces maxima de 100 °/o. Il n'en reste pas moins que, pratiquement, les déterminations ci-dessus conservent toute leur valeur.

On .s'étonnera peut-être de ce que, dans cette échelle d'âge·, l'ordre des tests n_e soit pas· le même que dans l'échelle généF�le de difficulté (voir tableau 1).

Nous voyons par exemple que la phrase r9 est saisie par 1a totalité des enfants plus tôt que les phra­

ses IO et 13, qui sont pourtant plus faciles, d'après

• �n réalité, pour quelques-unes, de ces _phrases (N .. 4, 7, 9. 12 et 24), le ma2:1mum es_t lég�reme�t re1omb� �u-dcs5?US de 100 °to dans l'âge sn·ivant cehu auquel il a.va1t atteint cette lurute, ma1s 11our y remonter ensuite.

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