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L'Organisation Internationale du Travail face au chômage: compétences normatives et contribution à l'évolution de la pensée économique 1919-1939

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Thesis

Reference

L'Organisation Internationale du Travail face au chômage:

compétences normatives et contribution à l'évolution de la pensée économique 1919-1939

LIEBESKIND SAUTHIER, Ingrid Marie J. C.

Abstract

Après explicitation de la problématique, description de la période et de l'approche, la justification du choix des pays et de l'historiographie, le premier chapitre porte sur l'évolution parallèle du travail et du sort du 'sans travail' au cours de l'histoire, jusqu'à la création de la catégorie sociale du chômage au début du XXe siècle. Le chapitre 2 relate le travail législatif d'élaboration de normes de l'OIT sur le chômage durant l'entre-deux guerres et l'influence exercée sur les législations des pays membres. Le chapitre 3 relate le travail statistique de l'OIT sur le chômage et son rôle dans ce domaine, mis en relation avec les ré-estimations internationales ou nationales faites a posteriori. Le chapitre 4 analyse le travail de réflexion que l'OIT a mené relativement aux solutions à apporter à la crise du chômage : dans le corpus des théories et des propositions, l'influence des idées de Keynes y est dégagée.

LIEBESKIND SAUTHIER, Ingrid Marie J. C. L'Organisation Internationale du Travail face au chômage: compétences normatives et contribution à l'évolution de la pensée économique 1919-1939. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2005, no. SES 593

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:96372 URN : urn:nbn:ch:unige-963721

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:96372

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L ' O R G A N I S A T I O N I N T E R N A T I O N A L E d u T R A V A I L f a c e a u C H O M A G E :

c o m p é t e n c e s n o r m a t i v e s e t c o n t r i b u t i o n à

l ' é v o l u t i o n d e l a p e n s é e é c o n o m i q u e 1919-1939

Thèse présentée à la faculté des sciences économiques et sociales de l'Université de Genève par

Ingrid Liebeskind Sauthier

pour l'obtention du grade de

Docteur ès sciences économiques et sociales, mention histoire économique et sociale

Membres du jury de thèse :

Prof. Pierre ALLAN, président du jury (Département de Science politique)

Prof. Bouda ETEMAD, co-directeur de la thèse (Département d'histoire économique) Prof. Yves FLÜCKIGER, co-directeur de la thèse (Département d'Economie politique) Prof. V.-Yves GHEBALI, (IUHEI), Genève

Prof. P.-Yves GREBER (Faculté de Droit)

Thèse n° 593 Genève, 2005

(3)

La Faculté des sciences économiques et sociales, sur préavis du jury, a autorisé l’impression de la présente thèse, sans entendre, par là, n’émettre aucune opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 6 juillet 2005

Le doyen

Bernard MORARD

Impression d’après le manuscrit de l’auteur

(4)

1

A Pierre-François, Nicolas et Alice

Remerciements :

A titre posthume à mon premier directeur de thèse, le regretté Pr. Paul Bairoch pour la confiance qu'il m'a témoignée ; à ceux en ont repris la direction, les Pr. Bouda Etemad et Yves Flückiger ; aux institutions suivantes : le FNRS, la Fondation Schmidheiny et l'Académie suisse des sciences humaines et sociales à Berne ; aux membres du personnel de la bibliothèque de l'OIT, M. Ninh Hiep Nguyen et particulièrement M. Ariel Golan.

Merci à Pierre-François, pour son indéfectible soutien, à mes enfants Nicolas et Alice pour leur infinie patience ; à mes amis ; quelques noms, et j'espère être pardonnée par ceux que j'aurais pu oublier : Arlette Bairoch, Ronald Bodmer, Marie Castelnau-Rouillard, Gary Goertz, Anne-Marie Hubert, Laurence Leitenberg, Stephan Kristensen, Bernard Liebeskind, Clothilde de Muralt, Daphné Romy-Masliah, Leszek Skibinski.

“Le travail intellectuel des femmes ne paraît jamais, à leurs yeux, doté d'une impérieuse nécessité.

Leurs itinéraires ressemblent à la vie ménagère : trois rangs à l'endroit, trois rangs à l'envers, le temps public mal séparé du temps privé, une confiance vacillante dans leurs propres entreprises. Sans compter la certitude – pas une ne l'a vraiment renié – que les vrais accomplissements sont ailleurs”.

Mona Ozouf, historienne, in Ecole de France, 1984.

(5)

2

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 7

° APPROCHES PLURIDISCIPLINAIRES 16

° PERIODE 17

° CHOIX DES PAYS 20

° HISTORIOGRAPHIE, ETYMOLOGIE, BIBLIOGRAPHIE 26

1. LE CHOMAGE MODERNE : LENTE NAISSANCE D'UN CONCEPT

1.1 TRAVAIL ET ‘NON TRAVAIL’ : EVOLUTION DES REPRESENTATIONS 36

1.1.1. De l'Antiquité à la fin du Moyen-Âge 36

1.1.1.A “Des sociétés sans travail ? » 36

A.1 Le travail méprisé 36

A.2 Travail et œuvre 37

1.1.1.B De la ‘protection rapprochée’ à l' ‘invention’ de l'assistance 38 B.1 D'une société féodale sans ‘social’ … 38 B.2 … à une société féodale qui invente l'assistance 39 1.1.1.C XIe-XIIIe siècles: Travail et ‘utilité commune’ 40 1.1.2. XIVe - XVIIIe siècles - Affaiblissement des structures féodales et modernité

en marche 42

1.1.2.A La lente formation de l'État moderne 42

1.1.2.B Crispations de l'organisation traditionnelle du travail et montée du

paupérisme sur fond de crises 43

B.1 Eliminer le vagabondage : la répression policière 45 B.2 Punir et éduquer par le travail : le ‘grand renfermement’ 50 B.3 Nouvelle approche de la pauvreté 52 1.2 DE L' ‘INVENTION’ DU TRAVAIL A L' ‘INVENTION’ DE L'ETAT SOCIAL 53 1.2.1 XVIIIe siècle : l' ‘invention’ du travail et du marché du travail 53

1.2.1.A Le marché et le contrat 53

1.2.1.B Incidences de ces changements sur les mentalités des classes

dominantes selon les pays 56

1.2.1.C Libéralisme économique et tentatives d'assistance étatique 57 1.2.2. XIXe siècle : représentation idéalisée du travail face au paupérisme 61

1.2.2.A Le travail ‘essence de l'homme’ 61

1.2.2.B Nouvel état salarial et nouvelle pauvreté 63 B.1 Les élites et le social, sans intervention de l'État 64 B.2 Le paupérisme et les solutions de la classe ouvrière 66 1.2.3 XXe siècle : l ‘invention’ de l'État social 68

1.2.3.A Elargissement de l'assistance ou imposition de l'obligation

d'assurance ? 68

1.2.3.B Assurance obligatoire : propriété sociale dans une société salariale 69

1.2.3.C Une société assurantielle 71

1.2.3.D État ‘providence’, État social ou société ‘assurantielle’ ? 76 1.2.3.E Elaboration d’une réglementation sociale internationale 77 1.2.3.F Des assurances sociales à la sécurité sociale – Le rôle de

l’Organisation du Travail (OIT) 77

1.3 ‘INVENTION’ du chômage: de la CRÉATION du CONCEPT aux PREMIÈRES APPLICATIONS 78 1.3.1. Genèse du chômage: nouvelles interprétations 78 1.3.2. Les réformateurs de la fin du XIXe siècle et la naissance du chômage moderne 81 1.3.3. Le concept du chômage dans la construction de la société salariale moderne 83 1.3.4 Le chômage dans l'historiographie et la place de l'OIT 84 1.3.5 L’OIT, la rationalisation du travail et le chômage 85 1.3.6 Place du fordisme, (théorie, pratique, Etats-Unis et Europe) 86

(6)

3

2. ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL (OIT) ET CHOMAGE: LE NORMATIF

2.1 HERITAGE, CREATION ET EVOLUTION – 1919-1939 : 20 ANS DE TRAVAUX 90

2.1.1. Héritage 90

2.1.1.A Les réformateurs et le processus d'internationalisation de la

question sociale 91

2.1.1.B L'aile réformiste ouvrière 94

2.1.1.C Les réformistes au sein de l'OIT 96

2.1.2. Création de l'OIT 98

2.1.2.A Valeurs et objectifs de l'OIT 99

2.1.2.B Structure, pouvoir et réseautage transnational 101 2.1.2.C L'action normative de l'OIT : l' ‘invention’ des Conventions

et des Recommandations, nouvelles procédures législatives 108 2.1.2.D Place de l'économique et du social au sein de l'OIT 111 2.2 L'OIT et les NORMES RELATIVES au CHOMAGE : ŒUVRE LEGISLATIVE et

REPERCUSSIONS NATIONALES 117

2.2.1. OIT et normes relatives au chômage : Conventions et Recommandations 117 2.2.1.A 1919 : les premiers jalons – Une Convention,

deux Recommandations concernant le chômage 122

A.1 Convention n° 2 sur le chômage 122

A.2 Et l'assurance-chômage ? : Recommandation n° 1 124 A.3 Recommandation n° 2 : Réciprocité de traitement 126 2.2.1.B 1921 – Recommandation n° 11 : le chômage dans l'agriculture 128 2.2.1.C 1921-1933 – Intermède législatif et bilan comparatif 136

C.1 Evolution de l'assurance 136

C.2 Définition du risque assuré – conditions d'indemnisation 137 C.3 Financement des caisses d'assurance-chômage

et crise économique 140

C.4 Indemnisation extraordinaire du chômage 140 C.5 Restrictions aux conditions d'indemnisation 141

C.6 Chômage et dépenses gouvernementales 142

C.7 Assurance-chômage : les pour et les contre 144

C.8 Chômage réel et chômage secouru 144

2.2.1.D 1933 : le placement, objet de la Convention n° 34 145 2.2.1.E 1934 : l'assurance-chômage jugée adulte – la Convention n° 44 146 2.2.1.F 1934 : Assurance et assistance – la Recommandation n° 44 150 2.2.1.G 1935 : Le chômage des jeunes – la Recommandation n° 45 151 G.1 Le chômage des jeunes – exemples nationaux 154 G.2 Rationalisation et formation professionnelle 159 2.2.1.H 1937 : Travaux publics nationaux et internationaux –

(Recommandations n° 50 et 51) et la question de l’Europe 161 H.1 Grands travaux et construction européenne 162 H.2 Assurance-chômage, grands travaux et rôle de l’Etat 164

H.3 Le financement des travaux publics 166

H.4 Echec de la Conférence de Londres, en route vers une

nouvelle norme concernant les travaux publics 169 H.5 Les raisons d’inscrire la question des travaux publics à

l’ordre du jour de la Conférence 172

2.2.2 Les États membres et les Conventions et Recommandations de l'OIT 177 2.2.2.A De l’assurance-chômage à la Sécurité sociale : destinées

nationales et inscription internationale 179

2.2.2.B Quel bilan normatif ? 183

(7)

4

3. EVOLUTION QUANTITATIVE DU CHOMAGE : DES PREMIERES MESURES DU CHOMAGE AVANT L'OIT AUX TRAVAUX STATISTIQUES DE L'OIT ET LEUR REVISION

3.1. 1880-1911 : RECHERCHE DES CAUSES ET MESURE DU CHOMAGE 186

3.1.1 Le diagnostic individuel 186

3.1.2 Emergence de la notion moderne de chômage 187

3.1.2.A Syndicalisme et statistique : le rôle des administrations de la

statistique du travail 187

3.1.2.B Les chômeurs dans les recensements officiels 188

B.1 La définition de la population active 189

B.2 La définition du salariat 189

B.3 La notion de profession et la définition statistique du salariat 189 B.4 Le choix français : recensement professionnel, définition du

salarié et définition du chômeur 190

3.1.3 Taux de chômage par profession et indices du chômage 191 3.1.3.A Application de la notion d’indice à la statistique du chômage :

la Grande-Bretagne 191

3.1.3.B Les taux de chômage par profession : la France 194 3.1.3.C La statistique : enjeu dans le débat de l’assurance-chômage 194 3.1.3.D 1909, année charnière de la publication des ouvrages de Beveridge

de Lazard 195

3.1.4 Nouvelle définition et changement de représentation du chômage 196 3.1.4.A Le choix anglais : assurance chômage obligatoire, bureaux de

placement publics et indice du chômage 197

3.1.4.B Economie politique et chômage 197

3.1.5.C Chômage et statistiques internationales 198

3.2. L'OIT et la MESURE DU CHOMAGE – 1919-1939, CHANGEMENT DE PRIORITE 201 3.2.1 Méthodes statistiques appliquées au chômage : les étapes 202 3.2.2 Les définitions du chômage : lente maturation 208 3.2.3 Classification internationale type des industries 209 3.2.4 Les critères d'établissement des statistiques du chômage 211

3.2.4.A Les sources des statistiques du chômage 212

3.2.4.B Périodicité des statistiques du chômage 219

3.2.4.C Les limites 221

3.2.5 Evolution des priorités de l'OIT : du chômage au plein emploi 225 3.2.6 L’OIT et l’étude des causes, des conséquences de la crise et des

programmes de redressement économique 227

3.2.7 L'OIT produit les premiers nombres-indices du chômage 228

3.2.8 Le chômage des femmes 230

3.3. Les TAUX de CHÔMAGE COMPARATIFS et les REVISIONS NATIONALES 231

3.3.1 Controverse méthodologique – Implications 233

3.3.2 Population active et marché du travail 234

3.3.3 Les données nationales révisées 235

3.3.3.A Eradication ou persistance du chômage : Allemagne, Grande-

Bretagne, France 236

3.3.3.B Chômage de longue durée, des jeunes et des aînés 238 3.3.3.C Les pays scandinaves : révision des données par Grytten 240 3.3.3.D Finlande, Norvège, Suède et ... Suisse : analyse de Peltola 246

3.3.3.E Prolongation de crise 251

3.3.3.F Grande-Bretagne et Etats-Unis 260

(8)

5

4. LE BIT FACE au CHOMAGE : CONTRIBUTION à L’EVOLUTION de la PENSEE ECONOMIQUE

4.1 CARACTERISTIQUES ECONOMIQUES DE LA PERIODE DE L’ENTRE-DEUX GUERRES 268 4.1.1 Les crises de l’entre-deux guerres : interprétations des causes 269 4.1.2 Analyse globale de la conjoncture – choix des indices et découpages

chronologiques 271

4.2 L’APRES-GUERRE, la CRISE de RECONVERSION et ses PROLONGEMENTS 273

4.2.1 1919-1929 : survol 273

4.2.2 Les indicateurs économiques durant l’immédiat après-guerre 275 4.2.3 La crise joue les prolongations… plus ou moins graves selon les pays 280 4.3 1921-1922 : PREMIERES ENQUETES et CONFERENCE du BIT sur le CHOMAGE 281

4.3.1 La Conférence internationale sur le chômage compromise :

cap sur la Conférence économique internationale de Gênes 282 4.3.2 Bilan de la Conférence économique internationale de Gênes 285

4.3.3 L’enquête sur le chômage se poursuit 288

4.3.3.A Appel à la collaboration avec la Section économique et financière

de la Société des Nations 288

4.3.3.B Plan de l’enquête 289

4.3.4 1922 : « Enquête sur le chômage – Rapport spécial » 291

4.4 BIT vs SECTION ECONOMIQUE et FINANCIERE 293

4.4.1 Le BIT s’adresse à la Section économique et financière 293 4.4.2 Réponse de l’Organisation économique et financière 298 4.4.3 Les Baromètres économiques : Rapport du BIT au Comité économique 299 4.5 1924-1929 : POURSUITE DES ENQUETES SUR LE CHOMAGE 301 4.5.1 “Les crises de chômage, 1920-1923 », rapport technique 301

4.5.2 Enquête sur le chômage – Rapport de 1924 305

4.6 1925-1929 : REPRISE ET CROISSANCE INEGALE 307 4.6.1 Différences sectorielles et facteurs de déstabilisation 308 4.6.2 Les années 1920 : la prospérité n’est pas généralisée 310 4.6.3 La restauration des monnaies : le Gold Exchange Standard 311

4.6.4 La Récession de 1926 312

4.7 RAPPORT SUR LES ASPECTS INTERNATIONAUX DU CHOMAGE, 1920-1928 312

4.7.1 Résolution sur le chômage 312

4.7.1.A Le chômage et les fluctuations monétaires 313 4.7.1.B Le chômage dans les mines de charbon et le textile 314 4.7.1.C Le chômage et les migrations internationales 314 4.7.1.D Statistiques du chômage et indice des prix de gros 1920-1928 314

4.7.1.E Critiques 315

4.7.1.F Soutiens à la Résolution 316

4.7.1.G Historique de la situation économique et de l’activité du BIT 316 4.7.1.H Principes directeurs de lutte contre le chômage 318

4.8 LA CRISE DU DEBUT DES ANNEES 1930 318

4.8.1 Répercussions de la crise sur les principaux indices économiques 319 4.8.1.A Répercussions de la crise sur les principaux indices

économiques en 1930 ... 320

4.8.1.B ... et en 1932 320

4.8.1.C 1933, point culminant de la crise 321

4.8.1.D Chômage : 1933 à 1939 321

4.8.1.E Le commerce international – différences nationales 322

4.8.1.F La balance commerciale 324

(9)

6

4.8.2 Solutions monétaires de sortie de crise 324

4.8.2.A Déflation 324

4.8.2.B Statut quo déflationniste, dévaluation ou contrôle des changes 325

4.8.2.C Abandon de l’étalon-or et zone sterling 326

4.8.2.D La politique du Japon après abandon de l’étalon-or peut-elle

être qualifiée de keynésienne 327

4.8.2.E Le Bloc-or : France, Italie, Pays-Bas, Suisse, (Etats-Unis) 328 4.8.2.F Le contrôle des changes : Allemagne, Italie 329

4.9 L’OIT FACE A LA CRISE 330

4.9.1 « Le problème du chômage en 1931 » 330

4.9.1.A Compétences de l’OIT en matière économique et rapports tendus

avec la SDN 331

4.9.1.B Emergence de l’idée d’une économie ‘organisée’ 332 4.9.2 1932 : La résolution sur la crise économique 333

4.9.2.A Considérations générales 334

4.9.2.B Grands travaux 334

4.9.2.C Règlement des dettes politiques internationales et bases d’un

système monétaire international 335

4.9.2.D L’institut international d’organisation scientifique du travail 335 4.9.2.E Construction européenne et économie dirigée 337 4.9.2.F Le rôle du Programme de Reconstruction économique et financière élaboré par le BIT dans la convocation de la Conférence de Lausanne 340

4.10 1933-1939 : UNE REPRISE CONTRASTEE 342

4.10.1 « Les moyens de restaurer la prospérité » 342

4.10.2 L’OIT, Keynes et la Conférence économique internationale de 1933 343

4.10.2.A Solutions au niveau international pour venir à bout de la crise 343 4.10.2.B Déflation des salaries et charge de la dette 345 4.11 REPRISE ECONOMIQUE, CHOMAGE PERSISTANT ET ECONOMIE DIRIGEE 347

4.11.1 Changements politiques et économie dirigée 348 4.11.2 1936 : Accord tripartite Etats-Unis, France, Royaume-Uni 350 4.11.3 Le bilan du BIT sur la politique monétaire expansionniste 351 4.11.4 Bilan rétrospectif 353

4.11.5 La préparation à la guerre 355

4.11.6 Changement de statut des pays industrialisés 356

4.11.7 Echec des mesures de redressement malgré la reprise économique 358 4.11.7.A Rationalisation du travail à l’européenne 359 4.11.7.B Le BIT, illustration de la ‘régulation sociale à trois’ 360

4.11.7.C Rationalisation et planification 363

4.11.7.D Emploi, chômage, rationalisation et théorie économique 366

CONCLUSION 373

SOURCES 382

BIBLIOGRAPHIE 390

LEXIQUE 406

ANNEXES ( F A S C I C U L E A P A R T )

(10)

7

INTRODUCTION

“Le travail est plus que le travail, et donc le non-travail est plus que le chômage”, Castel (1995:386).

Francis Fukuyama prédisait, après la chute du mur de Berlin, rien moins que la ‘fin de l'Histoire1’. Sur un champ plus restreint c'est la ‘fin du Travail2’ que d'autres universitaires évoquent en constatant que le chômage continue à être élevé dans bon nombre de pays, que le droit du travail est bouleversé par la fin du modèle de référence industriel et fordiste et qu’en raison de la crise de l'État national et keynésien le lien social se délite.

Les institutions nationales de l'Etat social, ou des États providence3, sont en effet fragilisées par les changements de technologie, de la mondialisation des échanges, des restrictions budgétaires, etc. et leurs conséquences sur le monde du travail. La transformation de la division traditionnelle du temps de travail, en raison de ses nouvelles formes d'organisation et de sa déréglementation, entre autres éléments, bouleversent les droits du travail. A tel point que ces droits sont “suspectés, à l'instar des corporations de jadis, d'entraver l'efficacité économique. Signe des temps : l'Organisation mondiale du commerce est installée dans les anciens locaux de l'Organisation Internationale du Travail sur les berges verdoyantes du lac Léman4”.

La ‘fin du travail’, ou du moins la transformation de son rôle de ‘grand intégrateur5’ évoqué par Hannah Arendt6, fait ainsi réapparaître le profil de ‘travailleur sans travail’. Le chômage, élément structurel des sociétés post-industrielles depuis le milieu des années 1970, a réveillé l'intérêt d'en étudier l'archéologie et de replonger dans la période mythique de l'entre-deux-guerres7, temps de transition entre la mise en place ou la consolidation des droits sociaux et leur prise en charge globale assumée et organisée par l'Etat social dans bon nombre de pays occidentaux.

Au début des années 1920 et au début des années 1930, le monde occidental traverse deux grandes crises économiques générant un des problèmes économiques et sociaux les plus préoccupants de cette période : un chômage élevé et persistant. Pour certains pays, en effet, le chômage né de la crise du début des années 1920 n'est pas résorbé lorsque se déclenche celle de 19298, dont l'ampleur éclipse la première. Le chômage massif qui en résulte dure, malgré la reprise économique marquée de plusieurs pays.

1 La fin de l'Histoire et le dernier homme, paru en 1989 (en 1992 en français, Paris:Flammarion).

2 Titre de l'ouvrage de Rifkin (1997). Meda, dans Le travail, une valeur en voie de disparition, cite Habermas qui annonçait en 1985 “au détour d'un paragraphe de son livre Le Discours philosophique de la modernité,

‘la fin, historiquement prévisible, de la société fondée sur le travail’ ”, Meda (1995:27).

3 Le sociologue Alain Touraine dans "Y a-t-il des valeurs naturelles", évoque l'essoufflement de ‘l'État de bien- être’ qui, pour parer à son démantèlement doit ‘redéployer le droit du travail’, in Revue du Mauss n° 19 2002/1.

4 Que ce soit autrefois l'OIT ou aujourd'hui l'OMC, ces organisations ont occupé ou occupent ce qui était le Centre William Rappard, du nom de cet universitaire Suisse qui œuvra au service du droit du travail et pour la protection légale des travailleurs, in Supiot, 1996.

5 Y. Barel, “Le grand intégrateur”, in Connexions, n° 56, 1990, cité par Castel (1995:386).

6 H. Arendt, Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, 1961.

7 Après la Seconde guerre mondiale, les chercheurs ne s'intéressent que marginalement à l'étude de cette période : l'après-guerre ignore pour un temps les cycles économiques et la comparabilité avec les données d'avant-guerre n'est guère évidente.

8 “Parler de crise de 1930-1933 serait plus adéquat, car elle ne débuta que dans les dernières semaines de 1929 et a essentiellement touché les années de 1930 à 1933, qu'il s'agisse du chômage, de la baisse de production ou des échanges. Toutefois cette crise étant entrée dans l'histoire comme celle de 1929, nous nous conformons à cet usage”, Bairoch (1997:64, vol. III).

(11)

8

Cette période expérimente, du fait de la création de l'Organisation internationale du Travail (OIT) en 1919, la réglementation internationale du travail. Dès ses débuts, cette institution compte, parmi ses objectifs prioritaires, la lutte contre le chômage ; elle prolonge ainsi un mouvement qui précède l'Organisation, celui-là même qui est à l'origine, à l'issue d'un long processus, du concept moderne du chômage.

A la fin du XIXe siècle, en effet, pendant la dépression des années 1880 et 1890, la notion du chômage que nous connaissons aujourd'hui s'élabore dans la mouvance de la constitution du rapport salarial moderne*9. Elle se construit grâce, notamment, à la reconnaissance du phénomène du chômage comme ‘fait social’ ou ‘problème industriel’, permettant au chômeur de ne plus être confondu avec l'indigent. C'est à l'issue d'un long processus entrepris par des réformateurs de divers horizons préoccupés par ce problème que cette modification a eu lieu : le travail d'élaboration de catégories permet l'élaboration de nouveaux langages scientifiques et la conception de nouvelles propositions politiques. La codification du non-travail transcrite dans des mesures politiques a constitué un outil stratégique favorisant l'avancée industrielle et sociale de l'époque10 ; notamment en facilitant la cohésion sociale, “contemporaine du processus d'intégration politique qui a fait des ouvriers des citoyens à part entière au sein de l'État-nation11”. Dans la perspective d'un des courants du néo-institutionnalisme historique* “qui a suscité le plus d'intérêt parmi les spécialistes de la protection sociale12”, il s'agit d'une illustration du lien entre les trois ‘I’ : idées, intérêts et institutions “ces trois niveaux de réalité se structurent mutuellement, de manière dialectique. Par exemple, les institutions constituent à la fois des structures d'incitations (intérêts) et des cadre intellectuels susceptibles d'inspirer l'action politique (idées). En sens inverse, les idées sous-tendent les réformes institutionnelles tout en structurant la construction des intérêts sociaux13”.

La matérialisation de ce nouveau statut se traduit, aux niveaux nationaux, par le biais de l'intervention des législateurs et des statisticiens14 en institutions d'assurance chômage et de placement. Pour l'OIT, la lutte contre le chômage nécessitera l'adoption d'une définition internationalement acceptée, préalable à la normalisation des statistiques et de la législation dans ce domaine15.

Cette problématique prend tout son sens si on se réfère à l'affirmation des auteurs qui se sont penché sur l'histoire des débuts du chômage moderne, selon laquelle l'objectivation du chômage contribua – de par son inscription dans les lois et les mécanismes institutionnels – “à réorganiser (les) représentations du travail et du non-travail16” des couches populaires.

Cette incidence amène à se poser la question du statut du travail et du ‘non travail’ dans l'histoire. C'est l'objet de la première partie de cette thèse, dans laquelle est présentée une synthèse et une mise en relation de travaux traitant de ce sujet. Si l'on suit l'hypothèse de certains chercheurs selon laquelle le travail, tel que nous l'entendons aujourd'hui, aurait été ‘inventé’ au XVIIIe siècle17, on ne peut qu'être frappé par la distance temporelle au regard de l' ‘invention’ du chômage à la fin du XIXe siècle. Cette récurrence

9 Les astérisques (*) qui suivent un terme sont définis dans le lexique à la fin de la thèse.

10 Topalov, 1994.

11 Zimmermann, B. (2000:1).

12 Béland, D., “Néo-institutionnalisme historique et politiques sociales : une perspective sociologique”, in Politique et Sociétés, vol. 21, n° 3 (2002:21), voir lexique.

13 Thérêt, B., “Institutions et institutionnalismes : vers une convergence des conceptions de l'institution ?”, in Innovations institutionnelles et territoires, sous la dir. de Tallard, M., Théret, B, Uri, D, Paris:L'Harmattan (2000:25-68).

14 La mesure du chômage et sa formalisation juridique sont, en effet, indissociables.

15 Voir Préambule de la Constitution de l'OIT.

16 Topalov (1994:25).

17 (Meda, 1995). Cette hypothèse sera explicitée dans le premier chapitre.

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du terme d'invention peut sembler exagérée. Nous ne faisons que reprendre l'expression aux auteurs eux-mêmes. Dans le cas du chômage, ce qualificatif était utilisé par Salais18 en opposition à ‘découverte’ généralement utilisé dans l'historiographie et Topalov19 relevait que l'utilisation du mot ‘invention’ n'était pas “là simplement sacrifier à une mode intellectuelle du moment, mais affirmer que le rapport entre représentations et société ne peut être conçu tout bonnement en termes de ‘prise de conscience’ ”. Cette invention découle elle-même de l'arrivée de l'État social représentant à son tour, pour Castel, une

‘invention20’, un des acquis décisifs de la modernité, du fait qu'elle implique l'avènement de la propriété sociale21.

Ainsi nous a-t-il semblé utile de retracer à grands traits, en confrontant plusieurs approches, cette genèse, car le contrat social et les institutions de l'État providence sont actuellement malmenés. Pour certains auteurs il s'agit d'une crise grave. Notons cependant que le terme de crise ne nous semble plus adéquat, celle-ci s'étant déclarée il y a au moins vingt cinq ans. D'aucuns considèrent que l'État providence touche à sa fin et qu'il “dresse le bilan d'un projet ancien enfoui, d'une histoire forte qui aboutit à une impasse. Il faut pourtant repartir de là, pour reconquérir un avenir social22”. C'était le projet abouti de François Ewald dans son Histoire de l'État providence. Nous considérerons modestement, dans le premier chapitre, l'histoire du travail (qui subit des transformations importantes au cours du temps) en parallèle avec celle de la population dépourvue de travail qui se divise en “indigents à assister ou en vagabonds à réprimer23” et constitue, selon Castel, la

‘question sociale’. Celle-ci se transforme notamment en fonction de l'évolution du premier salariat, fragmentaire, misérable et méprisé dont sont tributaires les vagabonds qui ne peuvent s'inscrire dans les rapports dominants de travail. Les failles de ce salariat déterminent les premières protections de la société préindustrielle permettant la construction de la ‘société salariale’, alors qu'aujourd'hui la crise de la société salariale fragilise les protections sociales.

La catégorie chômage émerge au sein d'un État social encore très jeune, qu'il faut envisager en se référant au rôle de l'État sous l'Ancien Régime vis-à-vis du travail et du non travail24, jusqu'à sa genèse ; et non en partant depuis la formation des ‘Etats providence’

après la Seconde guerre mondiale et en remontant dans le temps. La catégorie chômage s'inscrit au sein d'une société dont la conception, devenue solidaire, est vue comme l'interdépendance entre ses parties et actualisée par l'assurance obligatoire.

Après cette évocation du travail et du non travail dans la profondeur historique, la suite de cette thèse poursuit un double objectif : d'une part, l'examen du travail législatif d'élaboration de normes de l'OIT en matière de chômage durant l'entre-deux guerres et l'influence qu'il a pu exercer sur les législations des pays membres ; d'autre part, l'étude du travail statistique de l'OIT en matière de chômage, permettant une évaluation de son rôle dans ce domaine durant cette période, mise en relation avec les ré-estimations internationales ou nationales faites a posteriori :

18 Salais et al. en 1986 dans L'invention du chômage.

19 Topalov (1994:15).

20 Castel (1995:269).

21 Le concept de ‘propriété sociale’ est défini par Castel (1995) et fait l'objet du chapitre VI de son ouvrage Les métamorphoses de la question sociale. Nous y reviendrons. Relevons brièvement qu'il s'agit des implications, du prolongement de l'assurance obligatoire qui devient une propriété pour la sécurité dans un État social ‘gardien d'un nouvel ordre de distribution des biens’, reformulant “en de nouveaux termes le conflit séculaire entre le patrimoine et le travail”.

22 Michel Guénaire, avant-propos de Histoire de l'État providence de Ewald, 1996.

23 Castel (1995:111).

24 Voir chapitre I : “L'Ancien Régime avait déployé des interventions publiques énergiques dans le domaine social: politiques de lutte contre la mendicité et le vagabondage, soutien de la royauté à l'organisation traditionnelle du travail, initiatives du pouvoir royal pour créer des instituions de travail, hôpitaux généraux, ‘ateliers de charité’, dépôts de mendicité…”, Castel (1995:218).

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10 Chômage et normes juridiques internationales

Dans un premier temps, ce travail vise à combler un vide dans l'évocation de l'histoire du chômage au début du XXe siècle : le rôle de l'OIT y est occulté ; il l'est dans les ouvrages qui relatent cette histoire aux niveaux nationaux, mais également dans ceux qui envisagent de retracer l'histoire de l'État social. On n'y trouve en effet guère de référence relative à l'influence des normes internationales élaborées par cette Organisation, ratifiées par certains pays membres, sur les pays ayant légiféré sur ce sujet. Seules exceptions : d'une part, l'Organisation elle-même, convaincue de son rôle d'inspiratrice et, de l'autre, les travaux émanant d'un des courants de la sociologie politique dont l'approche consiste à aborder précisément l'impact des normes internationales dans les législations nationales.

Les incursions historiques de cette discipline sont toutefois modestes et il s'agit ici de vérifier les conclusions auxquelles elle arrive. L'influence du rôle de l'OIT en matière normative a donc tout de même fait l'objet d'évaluations ; cependant elles sont essentiellement le résultat de l'appréciation comptable des ratifications des Conventions élaborées par l'OIT.

Il s'agit d'abord d'observer l'OIT dans le rôle qui lui est attribué, l'élaboration de normes juridiques visant à un maximum de protection des travailleurs. En cela elles répondent à deux des objectifs de l'OIT que sont la paix et la justice sociale25. Dans le cas du chômage, c'est essentiellement à travers l'institution et l'application d'une législation, en l'occurrence de l'assurance-chômage et du placement des chômeurs, (dont la gestion est rendue possible grâce à la statistique), que ce but est sensé être atteint. On voit que l'une ne va pas sans l'autre ; c'est donc logiquement d'abord sous l'angle de l'étude de sa formalisation juridique et de l'évolution normative de sa mesure au niveau international que cette thèse est envisagée. Elles seront évoquées séparément :

° La production de normes juridiques, objet du chapitre deux, fait dans un premier temps l'objet d'une analyse critique. Elle passe par l'étude de l'adoption ou de la non adoption des Conventions et Recommandations votées lors des Conférences internationales du Travail (CIT) par les représentants des pays membres : les réponses de ces derniers sont transcrites et l'application des Conventions et Recommandations évaluée. Cette évaluation s'appuie notamment sur une étude de sociologie politique relative à l'influence des normes internationales sur les législations nationales : elle aboutit à la conclusion qu'en matière de chômage elle fut médiocre entre les deux guerres. Notre approche visant à étudier en détail l'élaboration des textes législatifs ainsi que toute la production de l'OIT relativement au chômage permet de nuancer cette conclusion.

° La mesure du chômage, (traitée au chapitre trois) : durant l'entre-deux guerres, des efforts continus sont faits par l'OIT dans les domaines de la collecte, du traitement et de l'analyse des données statistiques nationales ; ils permettent de déboucher enfin, en 194726, sur une législation internationale en matière de méthodes et de nomenclatures aux fins d'améliorer la comparabilité et l'uniformisation des statistiques sur le plan international.

Ce sont en effet les services statistiques de l'OIT qui ont les premiers élaboré des statistiques comparatives des données nationales dont les étapes – y compris celles antérieures à la création de l'OIT - sont retracées ici.

25 Le Traité de Paix de 1919 affirme le principe selon lequel ‘la paix durable doit être fondée sur la justice sociale’. Voir chapitre II.

26 BIT, Sixième Conférence internationale des statisticiens du travail, Montréal, 4-12 août 1947, Genève, 1948.

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La question des méthodes d'élaboration des statistiques et de leur validité pose problème encore aujourd'hui. Il n'est guère étonnant, dès lors, que la validité et la pertinence des données de l'entre-deux guerres et leur comparabilité soient régulièrement remises en cause par les chercheurs et qu'elles aient donné lieu à des réévaluations. Les travaux ultérieurs de correction de plusieurs chercheurs sont rassemblés et analysés dans ce travail.

Comprendre l'économie : vers des normes en matière économique ?

Dans le chapitre quatre, l'évolution économique de la période de l'entre-deux-guerres est brossée d'un point de vue comparatif. Puis est traité le second objectif de la partie de la thèse consacrée à l'OIT, qui est d'étudier la façon dont la problématique du chômage a été appréhendée par l'Organisation au-delà du cadre strict de la réglementation internationale visant la justice sociale par la législation du travail. L'OIT, laboratoire de recherche, caisse de résonance, produit des normes sociales, mais cherche également des solutions allant au-delà de la justice sociale, qui se rapportent à l'économie et permettent d'atteindre le troisième but assigné à l'OIT, qui est de viser, notamment, à l'instauration d'une concurrence économique équitable entre pays. Comme le soulignait cependant le premier directeur Albert Thomas en 192127, s'il revient au BIT28 la lourde tâche de ‘marquer l'unité du mouvement économique universel29’, encore fallait-il pouvoir le faire … En effet, si l'internationalisation d'une norme sociale peut trouver un relatif consensus entre les pays membres de l'OIT, il en va tout autrement d'éventuelles normes économiques qui concernent, elles, les rapports entre États. Dès lors, si de son côté l'OIT veut faire entendre sa voix dans ce domaine, il lui est dénié la compétence de le faire. C'est sur le chapitre des compétences, principalement à travers le problème du chômage, que l'OIT se confronte à ses propres limites, qui l'amènent à se situer face à ses détracteurs, y compris à l'intérieur même de l'Organisation, à élaborer des stratégies de reconnaissance, de survie et d'expansion, par ses questionnements, ses réflexions et propositions sur le fonctionnement de l'économie.

L'OIT envisage en effet le chapitre du chômage d'une manière large et ambitieuse, débordant les frontières étroites des prérogatives dans lesquelles certains voulaient la confiner. “Le chômage est à la fois social dans ses conséquences et économique dans ses causes30”. En 1938, le second directeur de l'OIT, Harold Butler, affirme clairement une position déjà assumée par son prédécesseur : “faute de solides assises économiques, la législation du travail n'est qu'un palliatif aux maux sociaux que l'Organisation a été créée pour combattre. Il est donc inévitable que le développement normal de celle-ci la conduise à élargir constamment son programme de travail31”.

Comment l'OIT tente-t-elle malgré tout de préconiser son influence dans ce domaine ? Certaines des solutions envisagées sont proposées par des personnalités qui ont joué un rôle clé dans l'institution et ont appuyé de tout leur poids pour leur reconnaissance, Thomas étant parmi les plus importantes. Lui qui préconisait la collaboration entre les

27 Thomas, “L'Organisation internationale du Travail : Origine –Développement –Avenir”, in RIT, vol. 1, n° 1 (1921, rééd. 1996:283). Albert Thomas est directeur entre 1919 et 1932, année de sa mort.

28 Le Bureau international du travail (BIT) est le secrétariat général de l'Organisation internationale du Travail (OIT).

29 Thomas (1921, rééd. 1996:283).

30 Fuss, responsable de la Section du chômage du BIT, in CIT, Commission du chômage (6.6.1929).

31 Rapport du directeur, CIT, 24e session, Genève, (1938:89). Ce credo est maintes fois réaffirmé, comme par exemple en 1941: “(…) la législation du travail, au sens étroit du terme, n'est qu'un remède très incomplet aux maux sociaux que l'Organisation internationale du Travail devait combattre… in Rapport du Directeur,

“L'Organisation internationale du Travail et la reconstruction économique et sociale”, CIT, New York (1941:97-98).

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dirigeants d'entreprises et les ouvriers dans le but de créer la nouvelle ‘Cité industrielle’, avait pressenti la société de consommation ; il avait en outre, dans son souci de reconstruction et de solidarité européenne, anticipé la nécessité de créer des liens économiques, qui mèneront plus tard, à l'Union européenne. Il était convaincu que le BIT avait son rôle à jouer dans la création nécessaire du ‘grand marché européen32’.

En outre, le tripartisme33, particularité de l'OIT, donne aux représentants ouvriers une tribune importante leur permettant de faire évoluer certaines de leurs propositions. Ce mode de décision leur donne de fait une légitimité et fait naître, autour de la lutte contre le chômage, des projets parfois très ambitieux. En revanche, le tripartisme révèle également les réticences tant internes à l'organisation que dans les rapports de celle-ci avec la Société des Nations (SDN) notamment. Les confrontations d'idées que le tripartisme génère au sujet de la crise permettent des percées dans les réflexions de l'époque qui sont souvent empreintes de dogmatisme et traduisent une incompréhension intellectuelle de la part de certains économistes et hommes politiques. Il faut faire le tri parmi les solutions proposées, entre maintien de l'orthodoxie libérale, réformisme, planisme, corporatisme et 'keynésianisme'.

Les travaux du BIT contiennent en effet des idées et des suggestions qui peuvent être qualifiées après coup de keynésiennes. Si elles ne s'intègrent pas dans un corpus théorique et qu'elles côtoient d'autres approches, cela n'a rien d'étonnant. D'une part, l'OIT est un laboratoire de recherche et constitue une tribune libre, ouverte à divers courants. D'autre part, Keynes fait évoluer sa pensée au fil de ses travaux. Il mène, durant l'entre-deux- guerres une “longue lutte intellectuelle (…) à la fois contre lui-même et contre les autres, avant d'aboutir à une construction théorique nouvelle34”. Cette lente élaboration est ponctuée, tout au long de la période, de travaux, d'articles, dont certains bénéficient d'une large tribune, jusqu'à la publication de la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, parue en février 1936.

Au XIXe siècle, l'influence des économistes est minime dans l'élaboration du concept du chômage moderne ; ce sont en effet les réformateurs de tous bords, Beveridge en tête35, qui ont bien avant eux tiré les conclusions du fait qu'il existe bel et bien un chômage

‘involontaire’. Le mérite de Keynes est de l'avoir théorisé en termes économiques par la mise en évidence que le ‘chômage involontaire36’ était provoqué par une insuffisance de la demande globale. Cela constitue son apport fondamental dans le domaine de la théorie économique. Durant les années 1930, l'enjeu des débats entre économistes concerne rien moins que l'avenir de l'ordre libéral dont le futur est en concurrence avec les scénarios totalitaires ou l'économie planifiée. En analysant les dysfonctionnements du système

32 Comme en témoigne une lettre que Thomas envoie en mai 1930 à Pierre Quesnay, premier directeur de la Banque es règlements internationaux (BRI) instituée par le Plan Young, in Guérin (1996:69).

33 Alors que l'Assemblée de la SDN est purement gouvernementale, la Conférence internationale du travail comprend des délégués non gouvernementaux qui jouissent d'une pleine indépendance et qui ont le droit de vote; ces derniers appartiennent aux délégués du patronat et à ceux des syndicats.

34 Fitoussi et Leijonhufvud, in Keynes, La pauvreté dans l'abondance (2002:I).

35 Unemployment: A Problem of Industry, London, 1909 : “Fruit d'une lente maturation historique qui déborde largement son auteur, en même temps qu'instrument pour la définition immédiate de politiques publiques nouvelles, ce livre rend manifeste un tournant dans la pensée scientifique et dans l'action réformatrice”, Topalov (1994:15).

36 “Par chômage involontaire, Keynes entend désigner l'existence d'un volant de main-d'œuvre qui n'est pas employé et qui souhaiterait pourtant travailler au taux de salaire en vigueur. L'existence d'un chômage involontaire heurte de front la théorie classique (et néoclassique) et reste aujourd'hui une ligne de démarcation entre keynésiens et orthodoxes”, Keynes (2002:244, n.d.t n°2), préface de Fitoussi et Leijonhufvud.

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capitaliste, Keynes met au cœur de la réflexion économique les questions relatives à l'emploi global : quels sont ses déterminants ? pourquoi est-il si instable37 ?

Les idées de Keynes ont ainsi bénéficié d'une large diffusion tout au long de la période de l'entre-deux-guerres et donc avant la parution de la Théorie générale en 1936, date à partir de laquelle on fait souvent débuter leur influence. Il n'est pas question de dire qu'il est le seul à avoir tenté de renouveler la théorie ni qu'il fut le seul à avoir une audience conséquente, bien que ses écrits illustrent de façon saisissante la confusion et l'obstination qui régnaient parmi les économistes et les hommes politiques face à la grande dépression.

L'économiste R. Boyer range Keynes dans la catégorie des économistes missionnaires et réformateurs militant, avançant ‘bâton de pèlerin’ en main, pour que “le monde de (sa) théorie féconde les pratiques des agents économiques, tout particulièrement des gouvernements en charge de la politique économique” ; hormis que la théorie en question est à ce moment-là en construction, “les préceptes keynésiens de sortie de crise précédaient la confection de la théorie censée les légitimer”, démontrant que la position de ‘conseiller du prince’' que peut prendre l'économiste lui “permet, éventuellement, de faire advenir cette organisation économique38”. Cette affirmation permet de mieux intégrer les concepts forgés par Salais et Castel. Le premier parle de ‘convention keynésienne de plein emploi*’ dont il voit les prémisses durant l'entre-deux-guerres et le second de ‘compromis keynésien*’. L'OIT a sans doute participé à ce ‘faire advenir’, puisque les idées de Keynes sont présentes au sein des débats et travaux de l'OIT et qu'un autre pélerin, Albert Thomas, le premier directeur du BIT, relayé par son successeur, Harold Butler, contribuent à leur manière à leur diffusion.

Cette convention keynésienne de plein emploi prend appui sur le renouveau de la pensée économique en vue de trouver des solutions aux crises économiques, de même que sur les nouveaux outils de gestion du travail (par la rationalisation) et du chômage (par l'intervention de l'État dans les mécanismes d'enregistrement et d'indemnisation). Ainsi, sont associés renouveau de la théorie économique, rationalisation du travail et mesures normatives de prévention et de solution au chômage. L'OIT s'est emparée de ces trois domaines de réflexion et d'action dans cette période troublée de grands changements pour tenter d'apporter une meilleure compréhension de leurs mécanismes, de leur donner une cohérence et de les intégrer dans une réflexion commune. Nous ne prétendons pas à l'exhaustivité dans l'analyse de ces trois thèmes mais tenterons de montrer que l'OIT a prôné un modèle dans lequel l'organisation de l'économie, faisant appel à la rationalisation, devait se faire dans le respect des travailleurs, nécessitait un marché du travail organisé et une protection sociale. Ainsi, les aléas de cette économie devaient-ils être pris en charge par des mesures de protection sociale (assurance, placement, travaux publics, etc.), nécessitant donc une intervention de l'État, cette dernière allant au-delà du solutionnement du problème une fois là, jusqu'à anticiper les phénomènes de crise.

Peut-on affirmer que l'Organisation a joué un rôle de diffuseur des idées keynésiennes ? Ou qu'il y avait convergence entre ces idées et celles de personnalités au sein du BIT ? Et que dès lors les prises de position de l'économiste libéral, qui disait : “la lutte des classes me trouvera du côté de la bourgeoisie cultivée”, et qui avait une conception très élitiste de la démocratie39 permettraient de légitimer celles que défend, par exemple, le socialiste Albert Thomas, consistant à placer les questions du travail (et l'amélioration de la condition ouvrière) au cœur des relations économiques internationales et à construire une

37 Keynes, La pauvreté dans l'abondance (2002:8-9), Frank Van de Velde, introduction.

38 Boyer, n°4 (11.1994:17).

39 Du moins dans l'essai “Suis-je un libéral ?”, août 1925, in Keynes (2000:13-30).

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“économie mondiale née de l'interdépendance des économies nationales40” ? La réponse n'est pas évidente : l'influence générale de l'OIT est envisagée, par les rares auteurs qui la reconnaissent et qui la signalent, à travers l'évaluation de son rôle normatif sur les États membres ; cette démonstration est déjà délicate. Cependant, envisager cette influence à travers l'impact, de l'ordre du non quantifiable, de l'évolution des idées est encore plus complexe. L'OIT ne s'est pas cachée d'avoir cette ambition comme en témoigne son directeur, en 1933, par exemple :

“La Conférence et le Conseil d'administration ont été encore plus utiles pour donner corps au mouvement des idées que comme instruments d'élaboration et d'application de la législation sociale internationale. Désormais, réglementer les conditions du travail consiste moins à protéger l'ouvrier contre les abus qu'à collaborer à l'organisation rationnelle de la société41”, (Butler, “Rapport du Directeur”, in CIT, 1933:68).

Cette affirmation quelque peu péremptoire est le signe de la difficulté à faire valoir ce rôle ; mais en fait l'OIT se doit de trouver un équilibre entre l'élaboration de normes, d'une part, et la réflexion théorique sur la gestion de l'économie, d'autre part.

“Le maintien et l'amélioration des normes sociales sont en effet l'une des conditions d'un organisme économique sain. La justice sociale est à la base même de la prospérité, et sans prospérité il ne saurait y avoir de paix universelle. Ainsi donc, l'OIT a un rôle essentiel à jouer dans l'aménagement économique de l'avenir, puisqu'elle a pour mission d'harmoniser le progrès matériel avec la justice sociale sans laquelle l'humanité ne saurait en définitive réaliser de progrès durable”, (Butler,

“Rapport du Directeur”, in CIT, 1933:74).

L'hypothèse défendue dans ce travail est que l'OIT, de par son rôle normatif et comme lieu de réflexion théorique, exerce, pour la période de l'entre-deux-guerres, une influence du même ordre que celle des réformateurs à la fin du XIXe siècle (décrite par Topalov, 1994).

Ces derniers élaboraient alors le concept du chômage, avant son inscription normative ; un temps d'intense travail, avec ses fausses pistes, ses échecs, mais qui est également un temps de latence aux effets peu visibles mais réels. C'est en se référant à Foucault que l'on peut peut-être le mieux expliquer la transcription, le rendu du travail de Topalov qui retrace, en terme de ‘généalogie’ cette histoire, démarche que nous tentons modestement et partiellement d'adopter. Pour Foucault, retrouver :

“l'expérience nue de l'ordre et de ses modes d'être”, c'est alors “s'efforcer de retrouver à partir de quoi connaissances et théories ont été possibles ; selon quel espace d'ordre s'est constitué le savoir ; sur fond de quel a priori historique et dans l'élément de quelle positivité des idées ont pu apparaître, des sciences se constituer (…). Conditions d'apparition des connaissances, des théories, des sciences : généalogie de la ‘raison’, en ce sens. Mais une généalogie qui, de même que chez Nietzsche, suppose l'abandon du concept d'objectivité”. Il ne s'agit pas, pour Foucault, de définir un début de la rationalité pour chaque savoir déterminé, mais de mettre au jour “le champ épistémologique, l'épistémè (…), les configurations qui ont donné lieu aux formes diverses de la connaissance empirique”. Ou encore : de définir des “systèmes de simultanéité”, (in Les mots et les choses, 1966:13-14).

“Pour cerner l'influence des idées sur l'élaboration des politiques sociales, il faut analyser les paradigmes véhiculés par les réformateurs, les experts et la classe politique” dit le néo-institutionnaliste* Béland42, d'où la pertinence d'étudier le domaine du chômage à partir de l'OIT. D'une part, cette organisation est un lieu de pratique du tripartisme, de réflexion, de prise de décisions et de diffusion de celles-ci avec ses zones de déperdition, mais dont certaines idées ou pratiques trouvent à s'inscrire normativement dans les pays membres, lorsque le moment politique est venu pour eux ; d'autre part, elle prépare mentalement les esprits à l'acceptation des nouvelles propositions élaborées par des penseurs tels que William Beveridge et John Maynard Keynes. Enfin, c'est le lieu où

40 Albert Thomas, “Pour que la Conférence internationale réussisse” (de 1927, organisée par la SDN), L'Europe nouvelle du 26.9.1925, in Guérin (1996:39).

41 Butler, “Rapport du Directeur”, in CIT (1933:68).

42 Béland, D., “Néo-institutionnalisme historique et politiques sociales : une perspective sociologique”, in Revue Politique et Sociétés, vol. 21, n° 3 (2002:21-39).

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