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HISTORIOGRAPHIE, ETYMOLOGIE, BIBLIOGRAPHIE

B.1 Les élites et le social, sans intervention de l'État

2. ORGANISATION INTERNATIONALE du TRAVAIL (OIT) et CHÔMAGE : le NORMATIF

2.1 HÉRITAGE, CRÉATION et ÉVOLUTION - 1919-1939: 20 ANS de TRAVAUX

2.1.2. B Structure, pouvoir et réseautage transnational

Le Code international du travail vise à assurer un progrès social effectif. Des progrès ont été acquis grâce à la structure dont s'est dotée l'OIT dès le début et dont les valeurs inspiratrices se fondent, on l'a vu, sur deux principes innovants qui mettent tous deux en avant la participation des intéressés aux débats :

° le tripartisme68 fournit la garantie de l'implication du monde du travail dans la préparation des décisions le concernant et, dès lors, énonce l'objectif de la collaboration entre les classes ; la constitution tripartite fait l'originalité et la force, toute relative qu'elle soit, de l'Organisation ;

° l'universalisme, dont le but vise à élargir cette participation à l'ensemble des Etats et dès lors s'attache à la coopération entre les nations.

Selon Guérin, “il convient d'insister sur cette intronisation officielle et internationale du tripartisme, sorte de défi à la lutte des classes, qui fit de l'OIT un lieu de rencontre salué par tous ses participants69”. L'idée de tripartisme est intégrée dès les débuts de l'OIT70 alors qu'en ce qui concerne l'universalisme, durant l'entre-deux-guerres, il concerne en fait essentiellement l'Europe en raison de la colonisation et plus particulièrement l'Europe victorieuse de la Première guerre mondiale.

D'ailleurs, l'orientation européenne donnée par le premier directeur du BIT, Albert Thomas aux actions de l'OIT, en raison notamment de l'absence des Etats-Unis d'Amérique et de l'URSS au sein de la SDN et des différences de situations sociales, économiques et politiques avec le reste du monde, dût être justifiée par Arthur Fontaine, président du Conseil d'administration du BIT en 1928 :

“Le Traité de Versailles a multiplié le nombre des États européens et c'est un moyen de faire droit aux aspirations nationales, de tenir compte des variétés ethniques ; c'est un moyen aussi peut-être de sauvegarder la formation démocratique qui convient mieux aux petits peuples qu'aux grands, tentés par l'impérialisme. Mais dans la vie moderne, avec les exigences vitales de l'industrie moderne, de la prospérité des peuples, ce morcellement multipliant les frontières et les douanes doit être compensé par un lien économique, une organisation commune71”.

La première Conférence internationale du travail, prévue par le Traité de paix, a lieu du 29 octobre au 29 novembre 1919 à Washington. L'Allemagne et l'Autriche, membres de l'OIT, ne peuvent y participer, les invitations ayant été envoyées avec retard en raison des négociations auxquelles avaient donné lieu leur participation ou leur non participation.

66 La Paix et la Justice étant les deux premiers objectifs de l'OIT.

67 Le Préambule et la Charte du travail constituent les deux textes principiels de la Constitution de l'OIT.

68 Alors que l'Assemblée de la SDN est purement gouvernementale, la Conférence Internationale du Travail comprend des délégués non gouvernementaux qui jouissent d'une pleine indépendance et d'un droit de vote.

69 Le tripartisme fut cependant l'occasion d'un “conflit entre les membres de la commission chargée d'étudier la législation internationale du travail durant la Conférence de la paix en 1919 : la proportion 2.1.1 (deux représentants gouvernementaux, un patronal et un ouvrier) fut entérinée pour les Conférences, conformément au vœu des Anglais, alors que le système 1-1-1 était choisi pour les comité chargés d'étudier les questions précises émanant du Conseil d'administration du BIT. Léon Jouhaux, soutenu par Samuel Gompers, s'éleva en vain contre ce partage, estimant qu'il était en contradiction avec la conception égalitaire française de la représentation”, Guérin (1996:17).

70 Le tripartisme est, selon Ghebali (1987:30), une idée empruntée par la délégation anglaise à un rapport publié en 1916 par l'écrivain socialiste Léonard Woolf pour le compte de la Fabian Society (créée en 1884, formée d'un groupe d'intellectuels socialistes militants et engagés dans l'action sociale, dont Sidney et Beatrice Webb sont parmi les représentants les plus connus).

Quant aux Etats-Unis, ils jouent les hôtes, ne pouvant participer, le Sénat n'ayant pas ratifié le traité de Versailles. L'élection du président du Conseil d'administration et du directeur du BIT est faite par les membres des pays industriels les plus importants, qui représentent les groupes auxquels ils appartiennent :

Tableau n° 2 - Election du directeur du BIT et du président de son Conseil d'administration

Pays Groupe

gouvernemental

Groupe ouvrier

Groupe patronal Secrétaires du Comité de la

Conférence France Arthur Fontaine Léon Jouhaux Louis Guérin1,

Grande-Bretagne Malcom Delevigne Harold Butler2/

Edward Phelan3

Belgique Ernest Mahaim Jules Carlier

Pays-Bas Jan Oudegeest

Pologne Franciszek Sokal

Tchécoslovaquie Frantisek Hodac

Source : d'après Guérin (1996:19-20).

1 Directeur du Comptoir de l'Industrie linière de France.

2 Secrétaire du Comité d'organisation de la Conférence de Washington, nommé par la commission du Traité de Versailles; deviendra directeur adjoint du BIT puis directeur à la mort de Thomas en 1932.

3 Secrétaire adjoint du même comité d'organisation, qui deviendra chef de la Division diplomatique du BIT puis directeur adjoint.

Comme on le voit dans le tableau n° 2, les Français sont majoritaires et se sont entendus sur le nom d'Albert Thomas, qui aurait en outre bénéficié de l'appui de Jean Monnet, secrétaire général adjoint de la SDN, d'Eric Drummond, industriel français nommé à la tête de la SDN et de l'industriel Robert Pinot qu'il a côtoyé alors qu'il était ministre durant la guerre. Pour Jouhaux :

“l'élection de Thomas lui donnait l'assurance que l'organisme nouveau était placé en dehors du protocole administratif. Si Albert Thomas l'a emporté, c'est parce qu'une certaine unanimité entre les groupes patronal et ouvrier s'était faite autour de son nom. Le vote du Conseil d'administration a entériné, (…) la préférence, décisive pour l'avenir du BIT, du politique sur le fonctionnaire”, (Guérin, 1996:21).

Thomas est “convaincu que, du succès de l'Organisation internationale du travail, dépend l'avenir du prolétariat72”, conception que partagent Fontaine et Jouhaux ; alors que pour les milieux dirigeants, il s'agit d'une “réponse tactique ou polie, c'est selon, à la classe ouvrière, en retour de sa participation à l'effort de guerre. Pour ceux-là, il s'agit de faire des questions du travail un élément constitutif des relations internationales. C'est ce hiatus originel que s'efforcera de combler Albert Thomas”, (Guérin, 1996:22).

Les rouages de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), dont le siège est à Genève, se composent :

° de la Conférence Internationale du Travail, organe législatif

° du Conseil d'administration, organe exécutif,

° du Bureau international du Travail (BIT), secrétariat de l'OIT.

Les organes représentatifs de l'OIT sont la Conférence Internationale du Travail et le Conseil d'administration du BIT. Le BIT est conçu initialement pour fonctionner comme centre d'enquêtes et de documentation et de secrétariat général de la Conférence. Pourtant, la personnalité hors du commun de son premier Directeur, Albert Thomas, change la donne. Il parvient à “modifier l'équilibre des forces entres les trois rouages structurels prévus par la

Constitution. Désormais, la Conférence et le Conseil passent au second plan et le directeur du Bureau apparaît comme le représentant authentique de l'Organisation”,(Bonvin, 1998:172).

La Constitution, qui “combine rigidité et ambiguïté73”, manque de clarté relativement aux attributions respectives du Conseil et de la Conférence, ouvrant la porte à des interprétations divergentes des rapports hiérarchiques entre les deux instances ; ce qui explique les affirmations précautionneuses de Bonvin quant aux prérogatives de chacun de ces rouages :

“La Conférence internationale du travail fait office d'organe législatif (…) ; le Conseil d'administration du BIT est un organe plus restreint souvent considéré comme l'exécutif de l'Organisation (…) ; le BIT est formellement défini comme le secrétariat de l'Organisation74, mais ses attributions sont beaucoup plus importantes dans la pratique. Certains observateurs vont même jusqu'à considérer l'OIT comme une monarchie limitée, dont le roi serait le directeur général du BIT”, (Bonvin, 1998:66).

Albert Thomas impose sa conception de l'Organisation internationale du Travail hors les murs et dans les murs de l'institution. Il commence par modifier les rouages de l'Organisation en présentant dès la deuxième session du Conseil d'administration du BIT, qui se tient à Paris le 26 janvier 1920, un nouveau plan d'organisation. Thomas rattache, à un cabinet centralisateur, un service des relations extérieures chargé de la correspondance quotidienne avec les antennes du BIT à l'étranger, un service des enquêtes générales, et un service des relations avec la presse ; cela lui permet d'avoir un œil sur tout. Il conserve un secrétariat particulier en raison d'une importante correspondance parallèle75. Les rôles des rouages de l'institution sont les suivants :

° La Conférence internationale du travail représente chaque État membre par quatre délégués : deux gouvernementaux, un employeur et un travailleur76; ils se réunissent en groupes, selon leur catégorie, au sein desquels sont désignés, de manière autonome, les membres des Commissions : le choix des représentants professionnels est le fait des autorités nationales, après désignation par les organisations les plus représentatives. Ils siègent, au sein des Commissions, au nom du groupe et non pas au nom de leur pays d'origine. Les textes préparés en Commission forment l'essentiel de l'activité normative mais la décision finale relève en dernier ressort de la séance plénière de la Conférence - où les délégués gouvernementaux sont mieux représentés - qui adopte ou refuse ces textes préparés en Commission. La Conférence générale fixe donc les textes des projets de Convention et des Recommandations.

° Au sein du Conseil d'administration du BIT, la même formule tripartite 2-1-1 prévaut. Si le collège électoral de chaque groupe professionnel nomme les membres professionnels du Conseil, une partie seulement des États est désignée par le groupe gouvernemental. Ce sont en effet les États ‘dont la puissance industrielle est la plus considérable77’ qui siègent au Conseil : des huit pays qui avaient été désignés par le Comité d'organisation de la Conférence de Washington, seuls sept siégeront lors de la première Conférence, en raison du fait que les Etats-Unis ne feront finalement pas partie de l'OIT : Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, Canada, France, Italie, Japon, Suisse (qui sera remplacée en 1921 par l'Inde). Les critères de choix des nations les plus industrielles sont : le nombre d'ouvriers, le rapport émigration-immigration, le PNB, la valeur des importations et des exportations.

73 Guérin (1996:23). “Le Traité de paix ne comprend aucune indication sur le fonctionnement financier et budgétaire, sur les droits respectifs du Conseil d'administration et du directeur (…) Si j'étais libre de fixer les salaires et de décider complètement, il y a la moitié au moins des règles actuellement appliquées qui n'auraient pas été établies par moi. Elle existent cependant et je dois les suivre”, in lettre à Gaston Fauquet, chef du Service de coopération du BIT, (10.5.1922), AN 94 AP 389.

74 Le BIT est sensé n'être qu'un organe de préparation et d'exécution des délibérations de la Conférence internationale du travail, n'intervenant donc pas dans les controverses visant les pouvoirs des délégués (c'est la commission de vérification élue par la Conférence qui est compétente pour juger de la recevabilité des recours comme la désignation des délégués non gouvernementaux).

75 Guérin (1996:24).

76 Il y a eu changement de terminologie : en 1921, et durant tout l'entre-deux Guerres, on parlait d'ouvriers et de patrons.

77 Cette décision est contestée par plusieurs pays, notamment en raison du fait que ‘pas moins de 20 membres sur les 24 qui composent ledit Conseil, représentent des pays européens’, in BO, vol. 6, n°1 (5.7.1922:16). La révision de la composition du Conseil d'administration consistant à porter le nombre des membres à 32 (contre 24), dont 10 non-Européens, nécessitant l'accord des membres du Conseil de la SDN, dut attendre 1931 avant

Une réforme de la composition du Conseil d'administration a lieu en avril 1922, plaçant le BIT sous la direction d'un Conseil d'administration composé de 32 personnes78. Sur les seize membres gouvernementaux, six seront nommés respectivement par chacun des gouvernements des pays suivants : Allemagne, Belgique, Canada, France, Grande-Bretagne, Inde, Italie et Japon. Les dix autres membres représentant les gouvernements seront élus par tous les délégués gouvernementaux à la Conférence. Quatre de ces dix membres appartiendront à des États extra-européens. L'Allemagne quitte l'OIT en 1933; en 193579, cette liste est révisée et comprend : le Canada, les États-Unis d'Amérique80, la France, la Grande-Bretagne, l'Inde, l'Italie, le Japon, l'Union des Républiques soviétiques socialistes. Les représentants se réunissent quatre fois par an et fixent l'ordre du jour des Conférences internationales du travail (propositions de Conventions et de Recommandations qui y seront examinées, projets d'enquêtes et d'études à faire réaliser par le BIT).

Parmi les membres du Conseil d’administration, Thomas peut compter sur le soutien de Fontaine et de Jouhaux, “eux-mêmes très influents81”, auquel s'ajoute celui du néerlandais Mgr Willem Hubert Nolens82, du Belge Ernest Mahaim83 qui le conseille sur les questions juridiques. Giuseppe De Michelis84 et Malcolm Delevigne s'intéressent plus aux intérêts de leur pays respectif. Parmi les patrons, les Italiens Gino Olivetti85 ou Alberto Pirelli, le Belge Jules Carlier86, sont concernés par les attentes des ouvriers alors que Robert Pinot “se montrera très pointilleux sur le champ de compétence du BIT87”.

Dans le camp des ouvriers, outre Jouhaux, les représentants sont le Belge Corneille Mertens88, le Néerlandais Jan Oudegeest89, et l'Allemand Hermann Müller.

Avec Thomas, les membres du Conseil d'administration ont affaire à forte partie puisqu'il ne veut pas simplement administrer le BIT ; il innove, par exemple, en créant le “Rapport annuel du directeur”

qu'il qualifie lui-même de ‘pensum’, pouvant comporter jusqu'à trois cents pages. Il rédige lui-même ce rapport durant plusieurs années qui acquiert rapidement une « réputation internationale et devient un événement attendu de tous ceux qu’intéressent les questions sociales90». Ce document, qui finit par constituer le centre des débats du Conseil d'administration et des Conférences internationales du travail, relate le travail des commissions, des comités et de l'organisation interne du BIT. Dès 1925, il contient également un résumé des rapports fournis par les États en vertu de l'article 308 par lequel ils doivent présenter les mesures prises pour mettre à exécution les Conventions auxquelles ils ont adhéré. Sont également évoqués les rapports avec la Russie soviétique et les Etats-Unis, avec les associations nationales ou internationales à vocation sociales.

° Le BIT est placé sous la direction du Conseil d'administration91; “c'est de lui, théoriquement, qu'Albert Thomas reçoit ses instructions. Or, c'est parce qu'il a su avoir sur lui une influence que la constitution ne lui accordait pas, que le premier directeur du BIT a pu se donner une réellement indépendance92”. Le Bureau est “l'instance proprement internationale de l'Organisation93”. Elle est formée de fonctionnaires internationaux qui travaillent de manière indépendante par rapport aux directives de leurs gouvernements. Au sein de cet organe, les intérêts et lesidéologies ne sont donc

78 Seize personnes représentant les gouvernements, huit les patrons et huit les ouvriers. En 1919, les membres du Conseil d'administration sont au nombre de 24 représentants, à raison de 12 gouvernementaux, 6 ouvriers, 6 patrons.

79 Lors de la soixante-neuvième session du Conseil d'administration du BIT, le 2 février 1935.

80 Les Etats-Unis rejoignent l'OIT en 1934.

81 Guérin (1996:27).

82 Mgr Willem Hubert Nolens, président du Parti catholique néerlandais et, depuis 1911, de la Confédération internationale pour les assurances sociales. See J. P. Gribling, Willem Hubert Nolens 1860-1931, ed. Assen:Van Gorcum, série Maaslandse monografieën (1978:26).

83 Professeur de droit international et directeur de l'Institut de sociologie Solvay, fondateur de l'AIPLT.

84 S. E. le Prof. Giuseppe de Michelis, Commissaire italien à l'Emigration et président de l'Institut international d'agriculture.

85 Avocat, député, secrétaire général de la Confédération générale de l'industrie italienne.

86 Jules Carlier, délégué patronal, Belgique, président du Comité central industriel de Belgique, vice-président du Conseil d'administration du BIT.

87 Guérin (1996:28).

88 Secrétaire général de la Commission syndicale de Belgique.

89Jan Oudegeest (1870–1950), Secrétaire de la Fédération syndicale internationale (FSI) d'Amsterdam, voir Ger Harmsen, in BWSA (Biografisch Woordenboek van het Socialisme en de Arbeidersbeweging in Nederland) 7 (1998:160-167), ou http://www.iisg.nl/bwsa/bios/oudegeest.html.

90 Edward J. Phelan, Albert Thomas et la création du B.I.T., Paris, Grasset (1936:177), 5e éd.

91 Selon les articles 393 et 394 de la Partie XIII du Traité.

92 Guérin (1997:27).

pas représentésdirectement ; ils sont discutés afin d'aboutir à une éventuelle conciliation. La tâche du BIT consiste :

° à préparer des rapports pour la Conférence, à suivre et à contrôler l’application des Conventions ;

° à centraliser et à distribuer, en vertu de l'article 396 du Traité, toutes les informations concernant la réglementation internationale de la condition des travailleurs et du régime du travail. “C'est lui qui permet de confronter, en matière de réformes, les expériences et les résultats94”, (Thomas, 1921/1996:285).

Cette récolte d'informations est facilitée par le réseau des correspondants établis dans le monde qui travaillent dans les bureaux permanents installés à Berlin, Londres, Paris, et New York (puis dès 1923 à Tokyo) ; une section russe dirigée par l’économiste italien Pardo est constituée au sein du BIT dès la fin de 1920, vient compléter ce dispositif. Cette internationalisation de l'information constitue bien un des buts du BIT dès sa création.

L'importance de l'information recueillie et des compétences réunies au sein du BIT est perçue par plusieurs personnes, qui en perçoivent nettement l'utilité, comme en témoigne la correspondance archivée au BIT. Ainsi, en mai 1920 Erik Haguenin, représentant français à la commission des réparations, écrit à Thomas de Berlin pour lui demander de lui envoyer de la documentation et des renseignements sur le BIT. Il ajoute :

"Peut-être y pourrais-tu joindre un exposé, personnel ou impersonnel, de tes idées sur l'esprit, le but, l'organisation de ton œuvre, principalement en ce qui concerne l'Allemagne et les rapports entre ouvriers et patrons. Je ferai parvenir ces exemplaires à des industriels, au Reichsverband der deutschen Industriellen, à des secrétaires de syndicats, etc. Les plus directement intéressés mêmes sont encore, en Allemagne, fort mal éclairés. Indique-moi aussi les sujets qui t'intéressent, afin de les suivre dans la presse et de profiter, pour les étudier, du passage à Berlin des personnalités compétentes. Les industriels allemands souhaitent vivement d'être renseignés avec exactitude sur les syndicats ouvriers et patronaux qui existent en ce moment en France : origine, inspiration, ressources, adresses, etc. Ils voudraient aussi savoir quels groupements de syndicats adhèrent au BIT et quels industriels de marque partagent les idées, particulièrement en ce qui concerne les rapports avec l'Allemagne. Comment est composé le Bureau ? A quelles personnes s'adresser, quand tu es absent, pour les diverses questions relatives au travail ? Enfin, quand tu prépares des congrès ou des conférences, on prie que tu veuilles bien en avertir à temps, et envoyer, en quantité suffisante, les programmes nécessaires95". Il s'agit là d'une intention de diffuser, de faire circuler l'information à des groupes demandeurs.

Une autre correspondance, celle de Lucien Febvre avec Albert Thomas du 11 septembre 1928, révèle l'importance de 'l'adoubement' de Thomas (même s'il s'agit très probablement d'une formule de politesse) à l'annonce de la naissance des "Annales d'Histoire économique" qui seront créées par Lucien Febvre et Marc Bloch en janvier 1929. Cette lettre signale aussi l'intérêt avec lequel sera accueillie la production du BIT et le désir de bénéficier des compétences des fonctionnaires du BIT ou des experts en lien avec le Bureau pour élargir les domaines de recherche :

"Je n'ai pas voulu te demander, par ce premier lancement, ton nom. Je sais trop qu'il n'aurait été malheureusement qu'un nom et que tu n'as pas le loisir, ni même la faculté en ce moment, de collaborer réellement à une œuvre comme la nôtre. Mais je tiens tout d'abord à t'en signaler la naissance. J'espère que tu lui seras favorable, que tu en approuveras le dessein et au besoin que tu

"Je n'ai pas voulu te demander, par ce premier lancement, ton nom. Je sais trop qu'il n'aurait été malheureusement qu'un nom et que tu n'as pas le loisir, ni même la faculté en ce moment, de collaborer réellement à une œuvre comme la nôtre. Mais je tiens tout d'abord à t'en signaler la naissance. J'espère que tu lui seras favorable, que tu en approuveras le dessein et au besoin que tu