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B Crispations de l'organisation traditionnelle du travail et montée du paupérisme sur fond de crises

HISTORIOGRAPHIE, ETYMOLOGIE, BIBLIOGRAPHIE

1. LE CHOMAGE MODERNE : LENTE NAISSANCE D'UN CONCEPT

1.1 TRAVAIL ET ‘NON TRAVAIL’ : EVOLUTION DES REPRESENTATIONS

1.1.2. B Crispations de l'organisation traditionnelle du travail et montée du paupérisme sur fond de crises

Le processus de modernisation induit des mutations mais l'organisation du travail continue à empêcher toute mobilité et s'accompagne d'un processus de désagrégation des structures féodales. Il provoque une lente montée du paupérisme qui devient structurel et s'inscrit dans le paysage social de l'Europe au point d'en devenir un des éléments permanents.

Les sociétés européennes traversent, entre le XIVe et le XVIIe siècles, trois grands bouleversements socio-économiques33, auxquels s'ajoutent les crises de subsistance propres à l'Ancien Régime. Ces sociétés connaissent pourtant un développement incontestable : la productivité de la terre et des industries s'accroît, le commerce, les marchands et les banquiers s'enrichissent, une bourgeoisie puissante se constitue, la condition de certains groupes s'améliore. Pourtant la misère reste, croît et, selon Castel, l'argument de la rareté des ressources par rapport au volume des populations n'est pas suffisant :

“Tout se passe comme si la pression exercée sur les producteurs directs de la richesse avait suivi l'accroissement de celle-ci, les maintenant à un seuil de ressources juste suffisant pour assurer leur survie”.

En Angleterre, au cours des XIVe et XVe siècle, les grands propriétaires avaient affermé leurs domaines en quelques grandes exploitations, faisant démarrer le processus des enclosures et fait perdre leurs droits collectifs de pâturage aux paysans sans terre :

“L'existence d'une misère de masse relève donc au moins autant de raisons socio-politiques que de raisons directement économiques ; au moins autant que la rareté des biens disponibles, c'est un système impitoyable de ponction pesant sur les producteurs directs qui est responsable de la pérennité et de l'ampleur des situations de pénurie. La permanence de ce système de contraintes – la ‘férocité de la constitution féodale’ – peut ainsi justifier de traiter comme une séquence diversifiée mais unique une période de près de cinq siècles”, (Castel, 1995:164-165).

Le travail ne pouvant être régulé sur le modèle du marché, la condition des travailleurs se traduit par une désaffiliation de masse34. Geremek et Castel distinguent :

° l'indigence (ou misère) structurelle qui concernerait, “pendant au moins cinq siècles et sur toute la surface de l'Europe à l'ouest de l'Elbe”, entre 5 et 10% de la population pour Castel35 et entre 15 et

33Au XIVe s., Peste Noire; au XVIe s., crise économique (forte poussée démographique, baisse des salaires réels…) et crise religieuse (la Réforme); au XVIIe s., la guerre de Trente Ans.

34 La désaffiliation selon Castel (1995:36) est une rupture par rapport à des réseaux d'intégration primaire.“Il y a risque de désaffiliation lorsque l'ensemble des relations de proximité qu'entretient un individu sur la base de son inscription territoriale, qui est aussi son inscription familiale et sociale, se trouve en défaut pour reproduire son existence et pour assurer sa protection”.

“Le passage des structures traditionnelles à celles qui allaient devenir la base socio-économique des temps modernes a coûté très cher sur le plan humain et social”, (Geremek, 1991:49).

20 % pour Geremek. Elle est prise en charge par le pouvoir par le biais de l'assistance et est tolérée ; Castel recule la chronologie (habituellement admise dans l'histoire de l'assistance), du rôle des municipalité, de l'État et de la laïcité et insiste sur le fait que les pouvoirs locaux se responsabilisent également, et ce dès le XIIIe siècle. L'assistance est donc dès cette époque gérée tant par les autorités religieuses que laïques et dans un souci de gestion rationnelle de l'indigence, elle s'organise sur une base territoriale. Durant les XIVe et XVe siècles les pouvoirs locaux prennent plus de responsabilités.

Ainsi, le XVIe siècle n'inaugure pas une nouvelle politique sociale (Geremek) mais il systématise un mouvement.

° l'indigence conjoncturelle, “qui est l'effet des fluctuations économiques et des crises alimentaires, déborde largement le cadre de cette politique et de ses structures, et ne se heurte, pour toute réponse, qu'à la peur, aux menaces et aux portes verrouillées; mais il arrive parfois aussi qu'elle éveille des élans de miséricorde, individuels ou collectifs, ce qui aboutit parfois à une mise sur pied de nouvelles institutions d'assistance”, (Geremek, 1987:132).

Mais cette forme-ci d'indigence alimente celle-là : le mode de régulation ‘ancienne’, selon le découpage chronologique régulationniste, est soumis aux aléas de la récurrence de mauvaises récoltes ; ainsi, les années de crises de subsistance, fréquentes, se traduisent par la ‘cherté’ des grains36. Un cercle vicieux s'installe: les paysans aux abois arrivent à la ville dans l'espoir de secours, alors qu'une partie de la population de la cité, dont la situation est précaire, se retrouve sans travail en raison de la baisse de la production industrielle due à la ‘cherté’. La population de la ville peut, dans ces cas, comprendre entre un quart et un tiers de ‘pauvres’

incapables de subvenir à leurs propres besoins.

Paupérisme et migrations massives sont les conséquences de la dégradation matérielle et du déclassement de vastes groupes de population à chaque oscillation de la conjoncture.

Aux commencements de la modernité, une nouvelle problématique du travail émerge. La Peste Noire qui s'abat sur l'Europe en 1349, précédée de signes avant coureurs d'essoufflement après trois siècles d'essor économique social et culturel, crée un choc démographique et ébranle les rapports sociaux dans la deuxième moitié du XIVe siècle, au point que la société féodale présente des symptômes de déconversion37.

35 Castel (1995:161). La proportion de la population susceptible d'être déstabilisée est naturellement très difficile à établir : “Le rapprochement de notations de chroniqueurs et de diverses études monographiques, le recoupement de différents indices (le comptage des feux ‘pauvres’ ou ‘indigents’, ou celui des nihil habentes, c'est-à-dire des foyers trop pauvres pour payer l'impôt, ou encore l'étude des contrats de mariage et des inventaires après décès, l'examen des régimes alimentaires et des budgets des familles pauvres, etc.) permettent d'avancer qu'entre le tiers et la moitié de la population globale, selon les endroits et les époques, se trouve dans cette situation de devoir vivre quasi ‘au jour de la journée’, perpétuellement menacée de se retrouver en deçà du seuil de ressources qui permet une autonomie minimale”, Castel (1995:163-164).

36 Cette cherté des grains est catastrophique dans le contexte d'une “pauvreté endémique (…) maintenue par la pratique des bas salaires qui tendent au minimum vital dans les années ordinaires et qui poussent à la mendicité, à la délinquance et à la prostitution quand les temps sont durs. Les salaires minima signifient l'impossibilité de constituer des réserves, des provisions et une épargne. Ainsi, la conjoncture difficile, c'est-à-dire l'augmentation du prix du pain et des autres denrées essentielles, aggrave souvent de façon terrifiante la pauvreté. (…) Ainsi, à côté d'une économie et d'une société incapables de faire vivre décemment une partie de la population, la grande calamité périodique, c'est la cherté du pain”, Piuz (1992:211).

37 Expression que Castel (1995:82) emprunte à Philipp Rieff, pour “caractériser le passage de systèmes à régulations rigides (ce qu'il appelle ‘les communautés positives’) à des organisations sociales dans lesquelles l'individu n'est plus organiquement lié aux normes et doit contribuer à la constitution des systèmes de régulation”, in The Triumph of Therapeutic: The Uses of Faith after Freud, New York:Harper and Row, 1968.

Une brèche dans la rigidité du système s'est pourtant ouverte pour certains, permettant un peu plus de liberté et une ascension sociale : le ‘coq de village’ profite du fractionnement de la terre qui change de mains, les structures agraires se modifient dans le cadre des processus d'accumulation primitive de capitaux. Le perdant, le paysan dépossédé, est contraint à bouger;

sa mobilité l'amène à rejoindre la ville dans l'espoir vain d'un travail. Les autres pauvres ont fait comme lui, mais la ville ne peut absorber autant de travailleurs, au surplus non qualifiés. C'est ainsi que naît ce que Castel nomme un ‘chômage paradoxal’ débouchant sur le paupérisme, sur un nouveau profil d'indigents : alors que le besoin de main-d'œuvre est évident, que les salaires augmentent, la mendicité augmente également pour les plus démunis car n'étant plus maintenus dans les rets d'une structure sociale rigide, ils ne trouvent pas de place dans l'organisation traditionnelle du travail et sont marginalisés. Geremek note en effet que “la rémunération des travailleurs subalternes ne leur assure que le ‘minimum vital’ et que “la situation des gens qui se louent reste précaire”,(Geremek, 1987:115).

Ces derniers se retrouvent dès lors dans une situation impossible. Devant ce nouveau type de mobilité professionnelle et géographique qui déroute, le réflexe des autorités européennes se traduit par une volonté politique d'y faire obstacle en ce qui concerne les emplois manuels en enserrant le travail dans ses cadres traditionnels, en renforçant ses liens. Ces mesures traduisent à quel point cette population sortie des limites pose problème :

“Angleterre, France, Portugal, Aragon, Castille, Bavière; dans la plupart des pays où un pouvoir central commence à s'affirmer se prennent simultanément un ensemble étonnamment convergent de mesures pour imposer un code rigide du travail et réprimer l'indigence oisive et la mobilité de la main-d'œuvre.

Mais c'est aussi la politique de nombreuses villes dans l'ensemble de l'Europe 'civilisée' de l'époque : Orvieto (...) Ils se rejoignent aussi dans la prise de conscience qu'il existe une différence essentielle entre cette question de l'obligation du travail et la question de l'assistance”, (Castel, 1995:76).

Cela équivaut à trouver impérativement du travail dans un cadre géographique délimité, à ne pouvoir prétendre à des secours puisqu'on est valide, dans un système où la division des tâches est fixée socialement de manière rigide et à une époque où par ailleurs, pour ceux que cela pourrait éventuellement concerner, l'accès à la maîtrise devient de plus en plus difficile et tend à devenir un apanage héréditaire.

C'est ainsi que naît au XIVe siècle la catégorie de mendiant valide ; elle a une connotation péjorative et il est interdit de leur faire l'aumône; mais cette règle peine à être appliquée et c'est ainsi que les pauvres valides locaux, de la paroisse, peuvent être assistés sans mendier.

Pourtant, subsiste toujours à leur encontre l'attitude ambiguë oscillant entre mansuétude et répression : il n'est pas responsable de son état mais …. aussitôt germe le soupçon : et s'il était un simulateur ?

B.1 Éliminer le vagabondage: la répression policière

L'éradication du vagabondage né de l'indigence valide et mobile est, durant quatre siècles, le but à atteindre; il n'est jamais réalisé, malgré une répression policière allant croissant au fil du temps ; cette conséquence du non travail, née de l'organisation du travail elle-même, constitue, pour Castel, la ‘question sociale’ à proprement parler.

En Angleterre, la population augmente38 et le paupérisme avec elle, devenant un phénomène de masse. Depuis la fin du XVe siècle l'entretien et l'emploi des pauvres pose des problèmes

38 La population de l'Angleterre et du pays de Galles double entre 1500 et 1700 et quadruple entre 1500 et 1800.“Un tel phénomène ne s'explique pas encore par les premiers progrès de la médecine, mais plutôt par ceux de l'alimentation liés à l'accroissement de la productivité du travail dans l'agriculture, mais aussi par l'extension de nouvelles normes morales, de nouveaux types de comportement sur lesquels l'influence du clergé a été importante”, Dockès et Rosier, (1988:137).

grandissants, le nombre des vagabonds et de mendiants ayant été multiplié par le mouvement des enclosure qui prend de l'ampleur entre 1485 et 1600 et par “la reprise de l'assaut contre les droits collectifs39” ; l'État intervient par la répression et la mise en place de mesures d'assistance. Une longue série de lois sur les pauvres jalonnera l'histoire de l'Angleterre à partir des années 1520 et jusqu'au cœur du XIXe siècle, rythmant le changement social en Angleterre depuis le XVIe siècle et le rendant possible. Ce sont elles qui :

“rendent socialement et politiquement possible, d'une part, les transitions d'une agriculture encore féodale à une agriculture capitaliste à élevage extensif40 (XVIe siècle), puis employant de nombreux salariés41 (XVIIIe siècle), enfin à une agriculture beaucoup plus mécanisée (XIXe siècle), d'autre part, d'un putting out system (largement rural) au factory system (essentiellement urbain) en passant par l'enfermement dans les workhouses et les manufactures42; sans elles, la formation d'un vaste prolétariat n'aurait pu se faire sans explosions sociales, sa disciplinarisation aurait été problématique”, (Dockès et Rosier 1988:137).

L'interprétation de Dockès et Rosier des conséquences induites par ces lois - qui mettent en place des formes de législation sociale, permettent des pratiques répressives et d'enfermement et ont pour fonction de réguler le marché du travail43 - leur donne un poids et des implications beaucoup plus importants que ceux donnés par les autres auteurs dont nous nous avons rendu compte : les classes dominantes anglaises, grâce à ces lois et aux autres modalités “de répression et de régulation sociale, réussirent à arbitrer entre les besoins du capital foncier et ceux du capital industriel, au détriment de l'immense majorité du peuple et en évitant la révolution sociale”, (Dockès et Rosier, 1988:139).

Cet agencement explicatif permet de comprendre que “le passage précoce au capitalisme industriel de l'Angleterre est fondamentalement lié au caractère radical de la longue transformation sociale dans les campagnes qui le précède44”. En effet, ces lois sont vues, dans un raccourci saisissant de par leur prise en compte sur la longue durée, comme autant de stratégies destinées à “rendre les pauvres socialement disponibles” et à faire en sorte que “petit à petit les modes de survie hors salariat soient fermés45”. Elles aboutissent au but inverse de celui visé au XVIe siècle, consistant à ne plus fixer les hommes dans la paroisse rurale, et qui sera atteint en 1834 par l'abrogation de la loi dite de Speenhamland46. Ces lois, enfin, accompagnent l'émergence du ‘capitalisme productif’ qui voit le jour au XVIe siècle, se met en place en Angleterre autour des années 1770-1780 et se développe en Europe occidentale dans la période qui suit jusqu'en 1847-1875. L'approche globalisante, l'utilisation du concept de système-développement que Dockès et Rosier ont forgé rend effectivement compte d'une autre manière

39 Dockès et Rosier (1988:144).

40 Au XVIe siècle, le but de la loi anglaise sur les pauvres, dite ‘du domicile’ a pour but de maintenir les indigents à la campagne, afin de “constituer pour les fermiers capitalistes et pour l'industrie rurale une armée de réserve, mais aussi parce que l'assistance par les grands est considérée comme normale, que la solidarité de la communauté paysanne n'est pas morte, tant s'en faut, enfin parce qu'il faut éviter les vagabonds, les errants de toutes sortes, potentiellement dangereux”, Dockès et Rosier (1988:138).

41 “Pour que les entrepreneurs disposent d'une réserve de main-d'œuvre prête à n'importe quel travail, dans n'importe quelles conditions et n'importe où, il faut non seulement que l'ancienne petite paysannerie tenancière soit expropriée, que les droits d'usage, les communaux sur lesquels vivent les cottagers soient supprimés, il est encore nécessaire que ces hommes soient privés de moyens de survie sur place, obligés d'émigrer vers les villes, littéralement affamés (la solution qui consiste à les enfermer dans des workhouses, à les contraindre par la force, largement utilisée au XVIIe siècle, ne peut qu'être un pis-aller, elle n'est pas politiquement généralisable”, Dockès et Rosier (1988:138).

42 Rendre les pauvres socialement disponibles supposait que reprenne le mouvement des enclosures et qu'il aille jusqu'au bout, que soient éradiquées les anciennes pratiques collectives, que les maîtres des campagnes, après avoir produit des surnuméraires, les éjectent”, Dockès et Rosier (1988:138).

43 Dockès et Rosier (1988:139-142): “Législation sociale, pratiques répressives et d'enfermement, régulation du marché du travail 1500-1834“, tableau hors texte.

44 Dockès et Rosier (1988:139).

45 Dockès et Rosier (1988:138-139).

46 L'acte de Speenhamland élaboré entre 1795 et 1796 met en place d'un système général de compensation des salaires. Un tarif minimum est institué, variable avec le prix du pain et la situation de famille. Toute personne voyant son salaire tomber au– dessous reçoit le complément.

de la complexité du changement économique et social et dans le cas présent, font jouer un rôle central à cette série de lois anglaises sur les pauvres.

La crise économique et sociale du début du XVIe siècle est marquée par une forte poussée démographique générant sous-emploi et baisse des salaires réels et par la baisse de la valeur de la rente féodale : disettes, famines, augmentation du prix des produits alimentaires, croissance anarchique des villes, restructurations agraires47, se succèdent.

A ces phénomènes viennent s'ajouter les conséquences de la Réforme et des guerres de religion qui créent des cohortes de “paysans chassés de leur terre, des soldats licenciés ou déserteurs, des ouvriers sans travail, des étudiants pauvres, des malades48”. Comme lors de chaque crise ou changement, la mutation des structures agraires induit un paupérisme dont la ville hérite ; cette dernière n'a pas “su créer, pour les nouveaux venus, des ‘structures d'adaptation’ qui auraient permis d'encadrer cet afflux massif de gens sans qualification professionnelle et non familiarisés avec le mode de vie urbain”(Geremek, 1987:160).

Dans ce contexte troublé, la question du vagabondage et de la mendicité est remise au goût du jour et fait l'objet d'un large débat public alimenté par les controverses de la Renaissance et de la Réforme. Il débouche sur une nouvelle politique sociale destinée sinon à supprimer le chômage, du moins la mendicité. La population ciblée49 reçoit un embryon de définition en 1534 par une ordonnance de François 1er qui évoque “tous vagabonds, oisifs, gens sans aveu et autres qui n'ont aucun bien pour les entretenir et qui ne travaillent ne labourent pour gaigner leur vie”,

(cité par Castel, 1995:91).

La catégorie est maintenant établie et concerne les gens sans travail, donc oisifs, sans ressources et sans appartenance à une communauté. D'autres définitions plus élaborées suivront, mais ces critères sont une constante et aboutissent à un jugement sans appel: sunt pondus inutilae terra50. Le vagabondage devient un délit passible du bannissement, de mort ou de travail forcé et fait l'objet de mesure qui préfigurent le ‘grand renfermement’ du XVIIe siècle :

° Puisqu'inutile, le vagabond ne doit pas être où il est, d'où l'invention du bannissement. Si inefficace qu'ait été cette mesure – au point qu'elle est abandonnée en France en 1764 - elle n'en est pas moins terrible, car elle oblige le vagabond à fuir en permanence.

° Pire que le bannissement, l'éradication est définitive avec l'exécution capitale. Elle est appliquée en Angleterre et en France51. Henri II, roi de France, prescrit en 1556 de “les amener es prison du

47 Les restructurations agraires entreprises pour redynamiser le système d'exploitation débouchent sur les modèles de modernisation et de ‘reféodalisation’ que Geremek classe en quatre zones géographico-économiques de l'Europe:

“modernisation en Angleterre, aux Pays-Bas, en France atlantique et septentrionale ainsi que dans les provinces du sud de l'Allemagne; reféodalisation en Europe centrale et orientale; coexistence des deux modèles dans les péninsules ibérique et italienne (…)”, Geremek (1987:126).

48 Foucault (1972:91).

49 “Caymands (c'est-à-dire ceux qui quémandent sans justification – c'est la version péjorative du mendiant valide), mâraux, bélîtres (mendiants contrefaisant des infirmités), oyseux, ribauds, ruffians, bimbeurs, goufarins, cagnardiers… A cette énumération s'ajoutent fréquemment les métiers de mauvaise réputation : jongleurs, chanteurs, montreurs de curiosités, arracheurs de dents, vendeurs de thériaque… ainsi que des occupations réprouvées – joueurs de dés ou prostituées, voire ouvriers ou garçons barbiers”, Castel (1995:90-91).

50 “Ils sont le poids inutile de la terre”, Geremek (1980:349), repris par Castel (1995:91) qui ajoute que c'est ainsi que concluait en 1566 un juriste lyonnais commentant un édit de Charles IX sur la profession de domestique:

“Vagabonds sont gens oiseux, faitsnéantz, gens sans adveu, gens abandonnés, gens sans domicile, mectiers et vacation et, comme appelle l'Ordonnance de la police de Paris, gens qui ne servent que de nombre”. Par une

“Vagabonds sont gens oiseux, faitsnéantz, gens sans adveu, gens abandonnés, gens sans domicile, mectiers et vacation et, comme appelle l'Ordonnance de la police de Paris, gens qui ne servent que de nombre”. Par une