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Le chômage : évolution et analyse Table des matières

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Le chômage : évolution et analyse

Table des matières

Bibliographie

I. Définitions et mesures

a) L’apparition du chômage comme catégorie statistique

b) Chômage au sens du BIT et Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi c) Chômage, emploi, inactivité et « halo » du chômage

d) Des stocks aux flux : la dynamique du marché du travail

II. Evolutions du chômage et de l’emploi depuis le XIXe siècle

1) Fluctuations économiques et chômage dans l’industrie au XIXe siècle 2) L’Entre-deux-guerres : du chômage structurel à la dépression

3) Des trente glorieuses au retour du chômage structurel

 Les trente glorieuses : un taux de chômage à 3%

 1974-1993 : augmentation et persistance du chômage

 1993-2007 : décrue en moyenne et diversité des évolutions

 La crise de 2008

4) Les changements de nature de l’emploi et du chômage

III. Les causes et explications du chômage

Introduction

1) Fluctuations conjoncturelles et chômage

a) Equilibre de sous-emploi chez Keynes et au sein du courant de la synthèse b) La loi (empirique) d’Okun

 Evolution de l’outgap et évolution du taux de chômage

 Variabilité du coefficient d’Okun dans l’espace (et dans le temps) 2) Rigidités et chômage structurel

a) L’analyse standard du marché du travail

 Courbe d’offre, courbe de demande et équilibre du marché du travail en concurrence parfaite

 Chômage volontaire et rigidités exogènes

 Le chômage naturel

b) Les rigidités endogènes et chômage involontaire

 Prémices : l’équilibre général à prix fixes (théorie des équilibres non-walrasiens ou théorie du déséquilibre)

 Les imperfections du marché du travail et le chômage d’équilibre : présentation générale

 Le salaire d’efficience (une hausse du salaire augmente la productivité)

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La théorie insiders / outsiders (Lindbeck et Snower (1988)) La théorie des contrats implicites (Azariadis (1975))

c) Le modèle WS / PS : salaire réel et chômage d’équilibre en concurrence imparfaite (Layard R. et S. Nickell (1986), Layard R., Nickell S. et R. Jackman (1991)).

 Marché du travail, Marché des B&S, Pouvoirs de marché, Chômage d’équilibre

 Les évolutions du chômage d’équilibre (déplacements de PS et WS) d) La prise en compte de l’appariement entre chômeurs et postes vacants

 « Search and matching » (le modèle DMP – Diamond-Mortensen-Pissarides)

 La courbe de Beveridge

 Les déplacements de la courbe de Beveridge depuis les années 1960

 Chômage de prospection, chômage d’inadéquation, chômage d’équilibre et enjeux en termes de politiques d’emploi

3) Du chômage conjoncturel au chômage structurel : l’effet d’hystérèse.

4) Institutions (du marché du travail) et chômage (structurel) : les faits permettent-ils de trancher ?

b) Les déterminants du coût du travail

 Le rôle du salaire minimum

 Le coin fiscal

 Le rôle des syndicats et des modalités de négociations salariales c) Le rôle de l’indemnisation du chômage et de la protection de l’emploi

 L’indemnisation : effets désincitatifs contre qualité de l’appariement et soutien de la consommation

 Les effets du degré de protection de l’emploi sur le chômage et l’emploi

d) La complémentarité institutionnelle, l’interaction avec les chocs macroéconomiques et les systèmes nationaux

5) Les effets du progrès technique et mondialisation sur l’emploi a) Progrès technique et emploi

 Les enseignements traditionnels de l’analyse économique

 La récente ‘robotisation’ donne-t-elle raison aux luddites (la fin du travail) ? b) Le rôle de la mondialisation (rappels)

IV Les politiques de lutte contre le chômage

1) Les politiques conjoncturelles

2) Les politiques du marché du travail

a) Politiques actives et passives : définitions b) Différences selon les pays

c) Evolution depuis les années 1980 : la place croissante des mesures actives 3) Les politiques transversales

a) L’action du côté de la demande de travail : encourager la création d’emplois

 Abaisser le coût du travail

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 La réduction du temps de travail

b) Actions du côté de l’offre : l’incitation au travail c) flexibiliser le marché du travail

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Bibliographie

Allain O. (2017), « Les postérités de Keynes. 1. La nouvelle économie keynésienne », Ecoflash n°316, mars 2017

Cabannes P.-Y. et Roth N. (2015), « Les chômeurs », Ecoflash n°300 , septembre 2015

Erhel C. (2010). « Institutions et marché du travail », Idées économiques et sociales, 1(1), 41-45.

Erhel C., Les politiques de l’emploi, PUF, coll. « Que sais-je ? » Blanchard O. et Cohen D., Macroéconomie, Pearson.

Gautié J., Le Chômage, Repères, La Découverte.

Gautié J. (2016), « Le salaire minimum en Europe et aux Etats-Unis : politiques et controverses », Ecoflash n°305, février 2016.

Lavialle C., Macroéconomie approfondie, Amphi Economie, Bréal.

I. Définitions et mesures

(5)

a) L’apparition du chômage comme catégorie statistique

L’essentiel. Chômage au XIXe siècle : une « réalité » (‘question sociale’, armée industrielle de réserve…) difficilement mesurable (absence de contrat de travail, importance du travail indépendant / salarié…). Salais, Baverez et Reynaud, L’Invention du chômage (1986). 1ère mesure en France : recensement de 1896.

b) Chômage au sens du BIT et Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi

L’essentiel. Critères du BIT (Bureau International du Travail) : ne pas travailler, être disponible, rechercher un emploi. Définition de l’INSEE (chômage au sens du BIT) : « Le chômage représente l'ensemble des personnes de 15 ans et plus, privées d’emploi et en recherchant un » (depuis 2003, enquête réalisée en continu, résultats trimestriels). Ministère du Travail (données Pôle emploi) :

« personnes sans emploi, disponibles pour en occuper un et qui ont fait la démarche de s’inscrire à Pôle emploi » ; 5 catégories (A à E) correspondant à des personnes remplissant tout ou partie (activité réduite, maladie, contrats aidés…) des critères.

c) Chômage, emploi, inactivité et « halo » du chômage

L’essentiel. Taux de chômage = nombre de chômeurs / population active. Taux d’emploi = nombre d’actifs occupés / population en âge de travailler (Taux de non emploi = nombre de chômeurs /

population en âge de travailler). Taux d’activité = nombre d’actifs / population en âge de travailler. Effets de flexion : variations du taux d’activité en fonction de la conjoncture (ex : effet d’appel lorsque la conjoncture est favorable). « Halo » du chômage : personnes qui ne sont pas statistiquement au chômage (inactifs, actifs occupés) mais ayant néanmoins un statut à la frontière du chômage : chômeurs découragés, temps partiel subi, chômage partiel ou technique,

« chômage déguisé » (emploi ‘aidé’, stages de formation, personnes officiellement inaptes au travail).

d) Des stocks aux flux : la dynamique du marché du travail

L’essentiel. Chômage = stock dont l’évolution résulte des flux d’emplois (créés – détruits) ; Flux (créations + destructions) = 7-8% du total des emplois en France (2 fois plus aux E-U  + grande fluidité).

Vulnérabilité (probabilité de perte d’emploi) = mesure de la récurrence du chômage.

Employabilité (pour un chômeur, probabilité de trouver un emploi) = mesure de la persistance du chômage. Chômage de longue durée (+ du 12 mois), de très longue durée (+ de 2 ans).

Chômage d’insertion (1ère entrée), de conversion (perte d’un emploi stable), récurrent (emplois précaires), d’exclusion (faible employabilité).

II. Evolutions du chômage et de l’emploi depuis le XIXe siècle

1) Fluctuations économiques et chômage dans l’industrie au XIXe siècle

L’essentiel. Faiblesse structurelle dans le secteur agricole. Les mouvements ouvriers comme indice d’un certain chômage dans la 1ère moitié du XIXe : mouvement chartiste, mouvements luddistes (Angleterre dans les 1840’s, révolte des canuts lyonnais en 1831) ; semble important pendant les crises : « Bien que son ampleur échappe pour cette période à toute appréhension statistique, on sait qu’il frappe de plein fouet les industries les plus modernes et les plus dynamiques, comme l’industrie cotonnière, qui successivement aspirent et rejettent une main d'œuvre non qualifiée (l’ « armée de réserve industrielle » de Marx), selon les pulsions de l’activité économique. » (Asselain). Quelques mesures partielles venant des syndicats ⇒ environ 5% en Angleterre entre 1851 et 1873 (proche de ce chiffre fin XIXe), 5% en moyenne aux E-U sur la période 1869-1873, pics importants pendant les crises (35% en 1908 parmi les ouvriers syndiqués de l’Etat de New York).

2) L’Entre-deux-guerres : du chômage structurel à la dépression

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L’essentiel. Apparition d’un chômage structurel (persistant au-delà des fluctuations de la conjoncture) dans les années 1920 en Allemagne (4.5% sur la période 1922-1929, mais 10% dans l’industrie) et au R-U (7-8% sur la période 1922-1929, 11.4% dans l’industrie). Taux de chômage faible aux E-U : 4.1% entre 1922 et 1929 (6.2% dans l’industrie). Chômage (conjoncturel et structurel) dans les années 1930 : Allemagne (34.2% en 1932), E-U (de 3.1% en 1929 à 24.7% en 1933, toujours à 21.3% dans l’industrie en 1937) ; reste faible en France (chômage masqué, lié à un effet de flexion concernant des travailleurs « vieillis ou usés » selon les termes de Léon Blum) et au Japon (pays épargné de la crise) ; retrouve un niveau faible au R-U à la veille de la 2GM (selon

l’historien Jean-Charles Asselain : « on peut admettre que le chômage ‘cyclique’ – le chômage de crise proprement dit – n’est pas loin d’être résorbé » en 1937).

Approfondir. La persistance du chômage en Angleterre dans les années 1920 sera, déjà, l’objet d’une opposition de Keynes aux analyses classiques du chômage. Selon Keynes (1925, Les Conséquences économiques de M. Churchill), le chômage britannique s’explique par tendance déflationniste liée à la politique de retour à l’étalon-or, laquelle se traduit par des politiques monétaires, et

budgétaires, très restrictives. Côté classiques, ce chômage serait dû à une rigidité à la baisse des salaires ainsi qu’à l’indemnisation du chômage, source de chômage volontaire). Ainsi Rueff dénonce dans un article de 1925 l’influence des syndicats sur les salaires et celle des allocations chômage (la « dole », instaurée en 1911, a été augmentée en 1920) : « La discipline des trade- unions en premier lieu est, en Angleterre, exceptionnellement puissante et le régime du contrat de travail collectif plus généralisé que partout ailleurs. La tradition, toutefois, eût été insuffisante à maintenir la résistance des ouvriers sans travail aux inévitables mouvements de salaires si une politique de subsides aux chômeurs, aussi généreuse que coûteuse pour le pays, n’avait permis à ceux-ci de rester indéfiniment inoccupés plutôt que de transgresser les instructions syndicales. » 3) Des trente glorieuses au retour du chômage structurel

Les trente glorieuses : un taux de chômage à 3%

L’essentiel. Plein-emploi pour les PD dès le début des années 1950 (3% à la fin des années 1950). E-U : fluctuations importantes et moyenne plus élevée (entre 4 et 6%, inférieur à 4% après 1966). Plus élevé également en Italie (5.5% entre 1950 et 1973). Taux les plus faibles : France (2% entre 1950 et 1973) et Japon (1.6% entre 1950 et 1973).

1974-1993 : augmentation et persistance du chômage

L’essentiel. Forte augmentation entre 1974 (6% dans les PD) et 1983 (8%). Réapparition d’un chômage structurel. Relative stabilisation sur la période 1983-1993 (6% en 1990). E-U : pic en 1983 (+ de 10%), décrue ensuite (5% en 1989). Forte augmentation en France : 3% en 1974, 7% en 1983, 9% en 1987.

1993-2007 : décrue en moyenne et diversité des évolutions

L’essentiel. Inférieur à 6% pour l'ensemble des pays de l’OCDE en 2007. Entre 1990 et 2000 : baisse aux E- U (de 8% à 4%), au R-U (de 10% à 5%), en Espagne, en Irlande ; reste élevé en France (+ de 10%) et en Allemagne (+ de 8%) ; augmentation au Japon (5% à la fin des années 1990).

La crise de 2008

L’essentiel. Pays de l’OCDE : de 6% en 2007 (4% aux E-U) à 9% en 2010 (10% aux E-U). L’Allemagne constitue une exception puisque la baisse amorcée en 2005 est à peine ralentie par la crise : de 11% en 2005, le taux de chômage passera sous la barre des 5% en 2014 (importance du recours au chômage partiel et des accords de maintien de l’emploi en contrepartie de baisses de salaires).

Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, le taux de chômage entame une décrue après le pic de 2010 mais il faut attendre la deuxième moitié des années 2010 pour retrouver le niveau antérieur à la crise. Dans certains pays européens, pour lesquels la crise de la zone euro va s’ajouter à celle des subprimes, le pic est atteint plus tardivement : France, Grèce (25% en 2013), Espagne.

4) Les changements de nature de l’emploi et du chômage

(7)

L’essentiel. Disparités de taux de chômage selon l’âge, le sexe, la CSP, les régions. Tertiairisation, féminisation de l’emploi. Développement des formes particulières d’emploi (« atypiques »,

« précaires »), notamment le temps partiel.

III. Les causes et explications du chômage Introduction

L’essentiel. Chômage frictionnel. Chômage conjoncturel. Chômage structurel.

1) Fluctuations conjoncturelles et chômage

a) Equilibre de sous-emploi chez Keynes et au sein du courant de la synthèse

L’essentiel. Chômage involontaire. Hausse de la demande ⇒ baisse du chômage, effets d’autant plus faibles qu’on se rapproche du plein-emploi (⇒ courbe de Phillips). Chômage = phénomène purement macroéconomique ; rejet d’un raisonnement en termes de marché du travail (le chômage n’est pas un chômage structurel dû à des rigidités).

b) La loi (empirique) d’Okun

Evolution de l’outgap et évolution du taux de chômage

L’essentiel 1. L’output gap (outgap, écart de production) mesure l’écart du PIB effectif au PIB potentiel : un PIB effectif qui s’éloigne ‘par le bas’ du PIB potentiel est une évolution typique des périodes de récession, alors qu’une augmentation du PIB effectif est caractéristique des périodes

d’expansion. Okun (1962) est le premier à avoir mis en évidence la relation empirique, appelée loi d’Okun, inverse entre variation du PIB effectif et variation du chômage. Les études récentes estiment, pour les Etats-Unis, qu’une baisse (à court terme) de 2% à 2.5% du PIB effectif s’accompagne d’une augmentation de 1% du taux de chômage.

L’essentiel 2. Le fait que le PIB (effectif) apparaisse plus volatil que le chômage est dû, principalement : 1) à l’effet de flexion : une expansion s’accompagne d’une augmentation du nombre de personnes passant de l’inactivité à l’activité, inversement dans le cas d’une récession ; 2) à l’évolution procyclique de la productivité du travail : la productivité du travail augmente en période d’expansion, ce qui limite les embauches, et diminue en période de récession, ce qui limite les licenciements (la procyclicité de la productivité du travail est d’autant plus forte que la flexibilité quantitative externe est faible et que la flexibilité quantitative interne est forte).

Variabilité du coefficient d’Okun dans l’espace (et dans le temps)

L’essentiel 1. La loi d’Okun observée aux Etats-Unis depuis l’après Seconde Guerre mondiale se distingue de celle observée dans d’autres pays développés par une volatilité plus faible du taux de chômage : dans la zone euro, et plus encore au Japon, il faut une baisse plus importante du PIB effectif pour obtenir une hausse du 1 point du taux de chômage (plus de 4 points pour la zone euro et environ 7 points pour le Japon, depuis les années 1980-90, selon l’OCDE).

L’essentiel 2. La question de la stabilité dans le temps du « coefficient d’Okun » est plus controversée.

Toutefois, la volatilité du taux de chômage semble avoir clairement augmenté dans certains pays, notamment en France, depuis les années 1980.

2) Rigidités et chômage structurel

a) L’analyse standard du marché du travail

Courbe d’offre, courbe de demande et équilibre du marché du travail en concurrence parfaite

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L’essentiel. Equilibre du marché du travail : rencontre offre de travail (arbitrage travail-loisir) et demande de travail (salaire réel = productivité marginale). Salaire d’équilibre (« walrasien ») = salaire qui apure le marché (O(w/p)=D(w/p)).

Chômage volontaire et rigidités exogènes

L’essentiel 1. Salaire d’équilibre (« walrasien ») ⇒ toute offre de travail est satisfaite (toute la main d’œuvre qui souhaite travailler au taux de salaire d’équilibre peut le faire) ⇒ l’apparition d’un

‘chômage’ est nécessairement de nature volontaire (les chômeurs volontaires sont ‘au loisir’, donc en réalité inactifs, mais se déclarent actifs inoccupés pour différentes raisons, notamment lorsqu’un système d’allocations chômage les incitent à le faire).

L’essentiel 2. Rigidités exogènes (action des syndicats, réglementation…) de salaire (salaire minimum…), de l’offre ou de la demande de travail (contrats de travail…) ⇒ déséquilibres du marché. Le chômage n’est pas, dans ce cas, le fruit d’un choix individuel mais la conséquence d’un processus de décision collective (visant éventuellement, mais pas nécessairement, un intérêt général) conduisant à ces rigidités sur le marché du travail.

Le chômage naturel

L’essentiel. Friedman, M. (1968), "The Role of Monetary Policy". Chômage naturel = « niveau de chômage qui émergerait d’un système d’équilibre général walrassien, si on incorporait à ce système les caractéristiques structurelles réelles des marchés du travail et des biens, comme l’imperfection des marchés, le caractère aléatoire des offres et demandes, les coûts d’acquisition d’information sur les emplois vacants, les coûts de mobilité, etc ». La notion de chômage naturel permet de comprendre pourquoi le plein-emploi (donc l’équilibre du marché du travail) ne correspond pas, dans la pratique, à un taux de chômage nul : même en l’absence de rigidités institutionnelles, il persiste dans la réalité quelques frictions et imperfections des marchés, de nature exogène, empêchant une rencontre instantanée de toutes les offres et demandes de travail disponible. Le chômage naturel, essentiellement frictionnel, est donc incompressible.

b) Les rigidités endogènes et chômage involontaire

Prémices : l’équilibre général à prix fixes (théorie des équilibres non- walrasiens ou théorie du déséquilibre)

L’essentiel. Clower R. (1965), "The Keynesian Counter-Revolution: A Theoretical Appraisal" et Leijonhufvud (1967), "Keynes and the Keynesians: A Suggested Interpretation". Théorie du déséquilibre : Barro R.J. et H.I. Grossman (1971), "A General Disequilibrium Model of Income and Employment », Benassy J.P. (1975), "Neo-Keynesian disequilibrium theory in a monetary

economy", Malinvaud E. (1980 [1977]), Réexamen de la théorie du chômage. Chômage keynésien (contrainte de débouchés) : insuffisance de la demande solvable sur le marché des B&S ⇒ licenciements (excès d’offre sur le marché du travail). Chômage classique (contrainte de rentabilité) : salaire réel (coût de production) trop élevé insuffisance de l’offre sur le marché ⇒ des B&S et insuffisance de la demande de travail.

Approfondir. Selon Mankiw (2020), les travaux des nouveaux keynésiens, qui se développent un peu plus tard dans les années 1980, vont établir « la place centrale du régime keynésien [donc du chômage keynésien plutôt que du chômage classique] mis en lumière dans la théorie du

déséquilibre ». En effet : 1) « When firms have market power, they charge prices above marginal cost, so they always want to sell more at prevailing prices »(excès d’offre sur le marché des biens), 2) « This theory of the goods market is often married to a theory of the labor market with above-equilibrium wages, such as the efficiency-wage model. » (excès d’offre sur le marché du travail).

Les imperfections du marché du travail et le chômage d’équilibre : présentation générale

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L’essentiel. Nouveaux keynésiens. Cadre : imperfections de marchés, fondements microéconomiques (homoeconomicus) des déséquilibres macroéconomiques ⇒ rigidités endogènes ⇒ persistance d’un salaire réel au-dessus du salaire d’équilibre « walrasien » ⇒ « chômage d’équilibre » (origine : Phelps (1967)).

Le salaire d’efficience (une hausse du salaire augmente la productivité) L’essentiel. Origine = Leibenstein (1957) dans le cas des PVD. Cadre général (Solow R. (1979), « Another

Source of Wage Stickiness », Journal of Macroeconomics) : asymétrie d’information, la production dépend de l’effort (non observable) du salarié qui lui-même dépend du salaire : Y = F(e(w).L) ; programme du producteur : Max π = p.F(e(w).L) – w.L . L’embauche d’un chômeur (à un salaire + faible que le salaire en vigueur dans l’entreprise) abaisserait le coût du travail mais « abaisserait la productivité de tous les salariés déjà en poste. L’hypothèse de salaire d’efficience explique ainsi le chômage involontaire » (Yellen (1984)). 5$ a day (Ford). La firme peut avoir intérêt à verser un salaire au-dessus du salaire de réservation pour limiter l’aléa moral : c’est le problème du ‘tire au flanc’ (Shapiro C. et J. Stiglitz (1984), « Equilibrium Unemployment as a Discipline Worker Device », American Economic Review).

Approfondir. Parmi les autres raisons qui peuvent conduire, rationnellement, la firme à verser un salaire au-dessus du salaire de réservation : améliorer la performance dans une logique d’« échange de dons » : fairness (salaire ‘équitable’) ⇒ réciprocité (effort ‘équitable’) (Akerlof G. (1982),

« Labour Contracts as a Partial Gift Exchange ») (expériences (Fehr et al. (1993)) ⇒ corrélation positive entre effort et salaire).

Autres approches des rigidités endogènes sur le marché du travail La théorie insiders / outsiders (Lindbeck et Snower (1988))

L’essentiel. Salaire des insiders = w* + c, donc au-dessus du salaire qui apure le marché (salaire d’équilibre walrasien w*), avec c = coûts de remplacement de la main d'œuvre (coûts de licenciement, de formation…).

Approfondir. La théorie insiders / outsiders donne des fondements microéconomiques à l’existence d’une segmentation du marché du travail. Elle rejoint ainsi, dans ses conclusions, les travaux

institutionnalistes de Doeringer et Piore (1971) qui distinguent un marché interne du travail et un marché externe, régis par des normes et règles différentes, donc par des modes de

coordination différents.

La théorie des contrats implicites (Azariadis (1975))

L’essentiel. Azariadis, C. (1975). "Implicit contracts and underemployment equilibria" in Journal of Political Economy. Hypothèses : les évolutions de salaire (en fonction de la conjoncture) ne sont pas explicitées au moment de l’embauche, le salarié est adverse au risque, l’employeur est neutre (ou faiblement adverse) au risque. Contrat implicite  contrat d’assurance pour le salarié : pas (ou peu) de diminution du salaire en cas de chute de l’activité (⇒ au niveau macroéconomique : w > w*, donc chômage).

c) Le modèle WS / PS : salaire réel et chômage d’équilibre en concurrence imparfaite (Layard R. et S. Nickell (1986), Layard R., Nickell S. et R. Jackman (1991)).

Marché du travail, Marché des B&S, Pouvoirs de marché, Chômage d’équilibre Introduction. Le modèle WS / PS se distingue des modèles précédents par la prise en compte, en plus du

marché du travail, du marché des biens et services, donc aussi des interdépendances entre ces deux marchés. Dans ce modèle, développé par R. Layard, S. Nickell et R. Jackman au début des années 1990, les deux marchés sont en concurrence imparfaite.

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L’essentiel 1. Le modèle se représente sur un graphique, avec le chômage (U) en abscisses et le salaire réel (w/p) en ordonnées. Le marché du travail, sur lequel les salariés sont supposés price-makers, est représenté par la courbe WS (Wage-Setting). Cette courbe est décroissante : une hausse du taux de chômage (↑U) entraîne une baisse du salaire nominal et, pour des prix p donnés, du salaire réel (↓w/p). Une telle décroissance peut s’expliquer par exemple par le modèle du « tire-au- flanc » : l’augmentation du chômage augmente le risque d’être licencié, ce qui incite à l’effort et diminue par conséquent le salaire d’efficience.

L’essentiel 2. Le marché des biens et services, sur lequel les entreprises sont supposées price-makers (comportement de marge) est représenté par la courbe PS (Price-Setting). Cette courbe est croissante : en période de conjoncture défavorable, caractérisée par une hausse du chômage (↑U), les entreprises sont contraintes de comprimer leurs marges (↓p), ce qui implique, à salaire nominal (w) donné, une hausse du salaire réel (↑w/p).

L’essentiel 3. L’équilibre (au sens dynamique) est donné par le point de rencontre de WS et de PS. Ce point de rencontre est caractérisé par un chômage d’équilibre (U*) et salaire réel d’équilibre (w/p*). Le chômage est ici un chômage d’équilibre puisqu’il rend compatibles le niveau de salaire réel souhaité par les travailleurs et celui souhaité par les entreprises.

Les évolutions du chômage d’équilibre (déplacements de PS et WS) L’essentiel 1. Le chômage d’équilibre (chômage structurel) peut évoluer, à la hausse ou à la baisse,

lorsqu’ont lieu des changements dans le contexte structurel et institutionnel. Dans le modèle WS / PS, ces changements se traduisent par des déplacements, vers la gauche (le haut) ou vers la droite (le bas), de la courbe PS ou de la courbe WS.

L’essentiel 2. Concernant les déplacements de PS, tout choc (exogène) qui affecte négativement de la rentabilité des entreprises augmente le prix p exigé par les entreprises (donc diminue le salaire réel w/p qu’elles acceptent), d’où un déplacement de PS vers la droite et, par conséquent, une augmentation du chômage d’équilibre U*. C’est le cas, par exemple, d’une augmentation du prix des consommations intermédiaires (choc pétrolier…), des prélèvements obligatoires (impôts et taxes sur les entreprises) ou du coût des financements. La hausse (structurelle) de p peut aussi provenir d’une modification des structures de marché dans un sens accentuant le pouvoir de marché des entreprises (affaiblissement de la concurrence sur le marché des biens et services).

L’essentiel 3. Du côté de WS, ce sont les évolutions structurelles et institutionnelles impliquant des exigences accrues de la part des salariés qui amènent à un déplacement de WS vers la droite, donc à une hausse de U*. Une telle augmentation du pouvoir de négociation des salariés peut provenir, par exemple, d’une hausse des indemnisations chômage, d’un durcissement des règles de licenciement (augmentant le pouvoir des insiders), d’un renforcement du pouvoir syndical…

Le modèle WS / PS considère donc, comme causes du chômage structurel, à la fois les rigidités endogènes et les rigidités exogènes relatives au marché du travail. Dès lors, ce modèle conduit « à recommander une dérégulation du marché du travail, et a largement été utilisé pour fonder les recommandations de politique économique de l’OCDE du début des années 1990 à aujourd’hui. » (Erhel C. et T. Kirat (2014)).

Approfondir 1. Stansbury A. et L. H. Summers (2020), “Declining worker power versus rising monopoly power: Explaining recent macro trends” défendent l’idée que la baisse du chômage d’équilibre aux États-Unis depuis le début des années 1980 s’explique davantage par le déclin du pouvoir des travailleurs (WS vers la gauche) que par la hausse du pouvoir de marché des firmes (PS vers la gauche). Il existe en effet des évolutions contradictoires concernant le marché des biens et services, avec d’un côté des mouvements de concentration importants sur certains marchés et, de l’autre, une concurrence accrue liée à la dérégulation des marchés et à la mondialisation

commerciale. En revanche, les évolutions observées sur le marché du travail vont essentiellement dans le sens d’un affaiblissement du pouvoir de négociation des salariés.

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Approfondir 2. Si l’on considère que les salariés ont conscience de la rigidité des salaires nominaux qu’ils négocient sont rigides, alors la détermination de ces salaires nominaux sur le marché du travail va dépendre des anticipations de prix (qui déterminent le pouvoir d’achat escompté du salaire nominal) par les salariés. Des erreurs d’anticipation de prix par les salariés (inflation supérieure à l’inflation anticipée) peuvent alors amener, temporairement, le chômage effectif en-dessous du chômage d’équilibre. Il y a donc un arbitrage inflation-chômage à court terme (mais pas à long terme) et une politique monétaire expansionniste peut diminuer le chômage à court terme.

d) La prise en compte de l’appariement entre chômeurs et postes vacants

« Search and matching » (le modèle DMP – Diamond-Mortensen-Pissarides) L’essentiel. L’approche de l’emploi et du chômage développée par P. Diamond (1981), D. Mortensen (1982)

et C. Pissarides (1979) (modèle DMP) se distingue nettement des approches traditionnelles. Il ne s’agit pas d’étudier le moment de l’échange sur le marché du travail, en fonction de

caractéristiques données relatives aux offreurs, aux demandeurs et aux institutions. Il s’agit d’abord d’analyser les processus de recherche (« search ») d’emploi (par les chômeurs) et d’employés (par les entreprises cherchant à pourvoir des emplois vacants), sur un marché caractérisé par des « frictions » (cadre d’information imparfaite, rendant la recherche à la fois nécessaire et coûteuse). Et, de déterminer les conditions dans lesquelles ces deux recherches vont pouvoir aboutir à un appariement (« matching »). Formellement, la fonction d’appariement détermine le nombre d’emplois créés en fonction des efforts de recherche fournis par les chômeurs et les entreprises et de caractéristiques du marché du travail déterminant l’efficacité de l’appariement. Bien que le modèle détermine un chômage d’équilibre, la question soulevée par le modèle est, avant celle du chômage : comment expliquer qu’existent simultanément des emplois vacants et des personnes à la recherche d’un emploi ?

Approfondir. La fonction d’appariement, M(U,V), qui détermine le nombre d’appariements (le nombre d’embauches réalisées), est une fonction croissante du nombre de chômeurs U (plus le chômage est important, plus il est aisé pour les entreprises de pourvoir un emploi vacant) et du nombre d’emplois vacants V (plus il y a d’emplois vacants, plus il est aisé pour un chômeur de trouver un emploi). Le nombre d’appariements dépend alors principalement : 1) des efforts de recherche des travailleurs (dépendant eux-mêmes, positivement du salaire réel espéré, négativement des allocations chômage, du coût de la recherche, etc.) et des entreprises (dépendant eux-mêmes, du profit espéré, donc de la productivité, du salaire, etc., et du coût de la recherche), 2) de l’efficacité de l’appariement, dépendant négativement des disparités géographiques (spatial mismatch), de l’inadéquation des qualifications (skill mismatch)…

La courbe de Beveridge

L’essentiel. La réflexion théorique sur l’appariement a amené dans les années 1980 à renouveler l’intérêt porté sur l’analyse empirique de la relation entre chômage et emplois vacants. La relation entre taux de chômage (nb de chômeurs / population active ; en abscisses ; noté UR) et taux d’emplois vacants (nb d’emplois vacants / (nb d’emplois vacants + nb d’emplois occupés) ; en ordonnées ; noté VR) est appelée courbe de Beveridge. Conformément au modèle DMP, on s’attend à ce que cette courbe soit décroissante. Des déplacements le long de la courbe sont alors interprétés comme des évolutions du chômage conjoncturel. Et, des déplacements de la courbe sont alors interprétés comme des évolutions de l’efficacité de l’appariement (Blanchard et Diamond (1989)), impliquant une variation du chômage structurel.

Les déplacements de la courbe de Beveridge depuis les années 1960 L’essentiel 1. Des années 1960 aux années 1980, les courbes de Beveridge dans les pays de l’OCDE se

déplacent vers la droite. Cette dégradation de l’efficacité de l’appariement serait liée en partie, notamment en France, à l’inadéquation des qualifications engendrée par la crise structurelle des années 1970.

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L’essentiel 2. Depuis les années 1980, c’est la diversité des évolutions qui domine. Un déplacement vers la gauche des années 1980 au début des années 2000 s’observe aux Etats-Unis, alors que le déplacement vers la droite se poursuit en France et dans la plupart des pays européens. Un déplacement vers la gauche s’observe en Allemagne depuis le milieu des années 2000.

Chômage de prospection, chômage d’inadéquation, chômage d’équilibre et enjeux en termes de politiques d’emploi

L’essentiel 1. L’approche en termes de « search » et de « matching » met l’accent sur deux formes de chômage (chômage de prospection et chômage d’inadéquation) et conduit à brouiller la distinction en chômage volontaire et chômage involontaire. Le chômage de prospection est un chômage frictionnel, qui peut être interprété comme du chômage volontaire puisqu’il est issu d’un comportement optimal de recherche (d’emploi et d’employé). Le chômage d’inadéquation est un chômage structurel dû à une inadéquation qualitative entre offre et demande de travail ; il est involontaire et peut provenir de chocs (ouverture à la concurrence, choc technologique…) et de contraintes institutionnelles (système de formation défaillant…).

L’essentiel 2. Cette approche ouvre de nouvelles perspectives en matière de lutte contre le chômage. Les autorités publiques peuvent en effet jouer un rôle dans l’accompagnement de la recherche d’emploi par les chômeurs et de la recherche d’employés par les entreprises. L’amélioration du système de formation peut, par ailleurs, améliorer l’efficacité de l’appariement. Enfin, le système d’assurance chômage n’apparaît plus seulement au travers de ses effets désincitatifs sur l’offre de travail ou de ses effets sur le coût du travail : l’assurance chômage augmente le chômage de prospection mais peut diminuer le chômage d’inadéquation en améliorant la qualité de l’emploi (Diamond P. (1981) et Acemoglu D. et R. Shimer (1999), « Efficient Unemployment Insurance », Journal of Political Economy).

Approfondir. Le modèle DMP a été complété dans les années 1990 en endogénéisant la création d’emplois vacants V (Mortensen D. et C. Pissarides (1994), « Job creation and job destruction in the theory of unemployment », in Review of Economic Studies). Une courbe de création d’emplois vacants, notée JC, peut alors être construite dans le plan (UR, VR) ; cette courbe est croissante : ↑U => ↓w/p

=> création d’emplois vacants => ↑V ; sa position (plus ou moins haute) dépend de tous les facteurs (similaires à ceux analysés, par exemple, dans le modèle WS/PS) qui affectent la rentabilité des entreprises. Le chômage d’équilibre apparaît alors au point de rencontre de la courbe de Beveridge (BC) et de la courbe d’offre d’emplois vacants (JC). Ce prolongement du modèle DMP répond, en partie, à une limite de l’approche focalisée sur les recherches d’emplois et d’employés : le chômage structurel, surtout lorsqu’il s’agit d’un chômage de masse, ne peut se réduire uniquement à un problème d’appariement entre les chômeurs et les emplois vacants existants mais a sans doute en grande partie lié à l’ampleur des créations et des destructions d’emplois.

3) Du chômage conjoncturel au chômage structurel : l’effet d’hystérèse.

L’essentiel. Hystérèse  effet persistant alors que sa propre cause a disparu. Phelps (1972) : le NAIRU est fonction des valeurs passées du taux de chômage effectif (NAIRU ≠ chômage ‘naturel’).

Blanchard, O.J. and L. H. Summers (1986). "Hysteresis and the European Unemployment Problem". Blanchard et Summers (1987) : « Le ralentissement des gains de productivité et des prix du pétrole à la hausse peuvent expliquer les années 1970, mais il existe peu de chocs défavorables permettant d’expliquer le doublement du taux de chômage [en Europe] au cours des années 1980 ». Hausse du chômage effectif ⇒ hausse du chômage d’équilibre ; causes : détérioration du capital humain, rôle des insiders.

4) Institutions (du marché du travail) et chômage (structurel) : les faits permettent-ils de trancher ?

a) Aucune institution du marché du travail n’a d’effets universels et significatifs sur le chômage

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L’essentiel 1. L’existence de syndicats de salariés est souvent considérée comme favorisant l’apparition d’un pouvoir de marché en faveur des offreurs de travail, donc des salaires élevés (apparition d’une rente sur le marché), source de chômage. Pourtant, il n’existe pas de relation statistique systématique entre le taux de syndicalisation et le taux de chômage (cas des pays du Nord de l’Europe ayant des taux de syndicalisation proches de 70% ou, au contraire, de la France où ce taux est proche de 10%), ni avec la pression salariale.

L’essentiel 2. Concernant l’indemnisation du chômage, la théorie économique met généralement l’accent sur ses effets désincitatifs sur l’offre de travail et le chômage volontaire qu’elle suscite (même si des effets plus positifs sont aussi soulignés : stabilisateurs automatiques, amélioration de la qualité de l’appariement). Les études empiriques se heurtent à la mesure de la générosité d’un système d’indemnisation, laquelle dépend du taux de couverture (part des chômeurs

indemnisés), du taux de remplacement (allocation versée / salaire), de la durée d’indemnisation, des contraintes imposées (‘emplois acceptables’… ⇒ probabilité de radiation). Elles mettent toutefois en évidence une corrélation entre forte générosité du système et taux de chômage, sans qu’un sens de causalité puisse être affirmé (en France, par exemple, la générosité du système s’est accrue dans les années 1970 avec l’apparition d’un chômage qui était auparavant assez marginal).

L’essentiel 3. Concernant la protection de l’emploi (ensemble des règles régissant les contrats de travail), les effets théoriques eux-mêmes sont incertains : une moindre flexibilité (quantitative externe) implique des embauches moindres en période d’expansion mais aussi des licenciements moindres en période de récession, les deux effets étant susceptibles de résulter en un simple effet de lissage. Par ailleurs, la protection de l’emploi peut avoir des effets positifs : baisse du turn-over, pas de pertes de capital humain dues au chômage… Au niveau empirique, l’étude des effets de la protection de l’emploi se heurte à des problèmes de mesure car les règles sont généralement diverses selon qu’il s’agit de licenciements individuels ou collectifs, de salariés ‘réguliers’ (CDI) ou d’emplois temporaires, etc. En s’appuyant sur l’indicateur synthétique de l’OCDE, qui établit une échelle de protection de 0 à 6), on n’observe aucune relation systématique entre protection de l’emploi et taux de chômage : des taux de chômage relativement faibles peuvent se rencontrer aussi bien dans des pays avec un faible degré de protection (Etats-Unis) que dans des pays avec une forte protection (Pays-Bas).

b) Le cas du salaire minimum : la rupture créée par l’étude de Card et Krueger

L’essentiel 1. Le salaire minimum est sans doute la source de rigidité (exogène) censée avoir des effets1 indiscutables sur le chômage du point de la théorie économique standard. Au moment où les premières expériences de salaire minimum se développaient, Clark (1913), “The Minimum Wage” affirmait déjà : ”we can be sure, without further testing [….] that raising the rates of wage will itself, and in the absence of any new demand for labor, lessen the number of workers employed”.

L’essentiel 2. Pourtant, là encore, les effets observés en réalité sont très contrastés. Aux Etats-Unis, ni la baisse de 30% du salaire minimum en termes réels entre la fin des années 1960 et la fin des années 1980, ni, au contraire, la hausse de16% entre 1989 et 1991 n’ont eu d’impact observable sur le chômage. De même dans le cas du Royaume-Uni après l’instauration d’un salaire minimum national en 1999 et sa hausse de 33% en termes réels entre 2000 et 2007.

L’essentiel 3. L’étude de D. Card et A. Krueger (1994), reposant sur une expérience naturelle (méthode des différences de différences), a révélé des effets contraires aux prédictions de la théorie standard.

En 1992, le salaire minimum augmente dans le New Jersey, mais reste inchangé en Pennsylvanie.

Les deux auteurs analysent alors l’évolution de l’emploi dans le secteur de la restauration rapide (dans lequel les salariés sont majoritairement payés au salaire minimum) : il reste stable (augmente légèrement) dans le New Jersey alors qu’il baisse en Pennsylvanie.

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Approfondir 1. L’existence d’une relation positive entre le salaire et le volume de l’emploi peut s’expliquer sur des marchés marqués par un pouvoir de monopsone (le pouvoir de marché se situe du côté des demandeurs de travail). Sur de tels marchés, en effet, la fixation d’un salaire minimum, ou son augmentation, rapproche le marché de l’équilibre de concurrence parfaite, caractérisé par un salaire et une quantité (volume d’emploi) plus élevés que ceux du monopsone ou de l’oligopsone.

Approfondir 2. Le fait que l’impact du salaire minimum sur l’emploi puisse être négatif, nul voire positif peut être lié à des effets de seuil. En France, l’écart du salaire minimum au salaire médian est relativement élevé (environ 60% contre 40 à 50% aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne) et certains travaux mettent en évidence, dans le cas de ce pays, une élasticité de l’emploi au salaire minimum nettement négative.

d) La complémentarité institutionnelle, l’interaction avec les chocs macroéconomiques et les systèmes nationaux

L’essentiel. Les institutions du marché du travail prises isolément les unes des autres, notamment celles considérées comme des sources de rigidités, s’avèrent donc être des causes du chômage très fragiles d’un point du vue empirique. Peut-être faut-il alors considérer ces institutions dans leur ensemble, en analysant la cohérence de cet ensemble, les interrelations, les complémentarités, les effets combinés des différentes règles. Ainsi, Cahuc P. et A. Zylberberg, Le marché du travail, soulignent : « Le taux de taxe, la syndicalisation et les mesures de protection de l’emploi n’ont un impact significatif sur l’emploi que si la coordination des employeurs et des travailleurs lors des négociations salariales est faible. ». Comme le précisent Erhel et Kirat (2015), le modèle WS-PS, dans ses développements récents prend en compte de telles interactions entre institutions : par exemple, une indemnisation du chômage généreuse peut ne pas avoir d’effets défavorables sur l’emploi si elle s’accompagne de politiques actives de retour à l’emploi [OCDE 2006], cette situation renvoyant en pratique au cas emblématique de la « flexicurité » danoise ». Nickell S.

(1997), « Unemployment and Labour market rigidities: Europe versus North America » suggère de considérer un ensemble plus large d’institutions, englobant notamment les institutions des marchés des biens et services. Nous retrouvons cette idée dans les travaux de Philippe Aghion qui défendent l’idée que pour un pays à la frontière technologique dans lequel la concurrence sur le marché des biens et services favorise la destruction créatrice, le marché du travail doit être caractérisé par une plus grande flexibilité.

Aller plus loin. Blanchard et Wolfers (2000), 20 pays de l’OCDE, 1960-1996 : les différences

institutionnelles n’expliquent pas en elles-mêmes les différences de taux de chômage mais en interaction avec les chocs macroéconomiques. La réponse de Nickell, Nunziata et Ochel (2005) : les institutions du marché du travail n’expliquent pas les différences internationales de taux de chômage à un moment donné mais elles expliquent la majorité de la croissance du chômage en Europe entre le début des années 1960 et le milieu des années 1990.

5) Les effets du progrès technique et mondialisation sur l’emploi a) Progrès technique et emploi

Les enseignements traditionnels de l’analyse économique

L’essentiel. Effets d’une hausse de la productivité : niveau microéconomique, niveau macroéconomique à court-moyen terme (rôle du partage des gains de productivité : baisse de prix, hausse de salaires, hausse de profit ; chômage d’inadéquation), à (très) long terme (productivité source de

croissance). Sauvy (1980), La Machine et le chômage (déversement).

La récente ‘robotisation’ donne-t-elle raison aux luddites (la fin du travail) ? L’essentiel. Frey et Osborne (2013), « The Future of Employment: How Susceptible are Jobs to

Computerization? » : 47% des emplois aux Etats-Unis auraient une probabilité élevée d’être automatisés. Arntz M., Gregory T. et Zierahn U. (2016), « The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries » : 9% des emplois dans les 21 pays de l’OCDE.

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b) Le rôle de la mondialisation (rappels)

L’essentiel. Contenu en emploi des importations. Délocalisations. Effets positifs sur le pouvoir d’achat et redéploiement de la demande. Choc de réallocation (évolution de la spécialisation) et chômage d’inadéquation. Concurrence accrue et innovation.

IV Les politiques de lutte contre le chômage

Terminologie. Toutes les politiques de lutte contre le chômage ne sont pas des politiques de l’emploi et réciproquement. Les politiques de l’emploi (ou politiques du marché du travail) interviennent sur le fonctionnement du marché du travail et en faveur des offreurs ou des demandeurs de travail. Elles n’ont pas uniquement pour objectif la lutte contre le chômage, mais aussi, par exemple, la hausse du taux d’emploi, la compensation financière de la perte d’emploi (indemnisation chômage) ou la lutte contre les discriminations à l’embauche. Les politiques contribuant à la lutte contre le chômage ne passent pas toutes par des actions directes sur le marché du travail et n’ont pas toujours uniquement pour objectif cette lutte. C’est le cas par exemple des politiques conjoncturelles ou des politiques visant à restaurer la rentabilité et la compétitivité des entreprises.

1) Les politiques conjoncturelles

L’essentiel. Politiques de relance et lutte contre le chômage conjoncturel. Un argument supplémentaire : les effets d’hystérèse.

2) Les politiques du marché du travail

L’essentiel. Définition de l’OCDE : « Les politiques du marché du travail comprennent les services public de l’emploi, les programmes de formation, de subvention à l’embauche et la création directe

d’emploi dans le secteur public, ainsi que l’indemnisation du chômage ».

a) Politiques actives et passives : définitions

L’essentiel 1. Les politiques passives concernent, selon l’OCDE, les indemnisations chômage et les dispositifs de préretraite. Elles visent donc à atténuer les effets du chômage et à diminuer la population active.

L’essentiel 2. Les politiques actives visent à préserver les emplois existants ou à favoriser l’embauche par des actions sur le marché du travail, auprès des entreprises ou des chômeurs : soutien à la création d’emplois (emplois aidés) dans le secteur marchand ou non marchand, formation professionnelle, accompagnement des demandeurs d’emploi, etc.

b) Différences selon les pays

L’essentiel. Dans les pays anglo-saxons, la politique du marché du travail est résiduelle. Les dépenses publiques consacrées au marché du travail représente notamment environ 0.5% du PIB aux Etats-Unis. Ce rapport dépenses publiques d’emploi / PIB est également faible dans des pays comme le Japon ou la Corée. En revanche, il est très élevé au Danemark (plus de 3%) ou en France (près de 3%).

c) Evolution depuis les années 1980 : la place croissante des mesures actives L’essentiel. La place décroissante des mesures passives (France : 71% des dépenses en 1985, 58% en

2008). Parmi les dépenses actives : place croissante des dépenses de formation (critique de James Heckman), des aides à l’embauche dans le secteur privé (effets d’aubaine, de substitution, d’éviction), de l’aide à la recherche d’emploi (politique du ‘guichet unique’) et des incitations à la reprise d’emploi (PARE en France à partir de 2001…).

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a) L’action du côté de la demande de travail : encourager la création d’emplois

Abaisser le coût du travail

L’essentiel. Baisses de cotisations sociales, principalement sur les bas salaires. France : Balladur en 1993 (jusqu’à 1,6 SMIC), Aubry en 1998, réduction ‘Fillon’ en 2003, CICE en 2013 (jusqu’à 2,5 SMIC) puis Pacte de responsabilité en 2015 (jusqu’à 3 SMIC) puis baisse supplémentaire de cotisations sociales, pérennes et sans conditions, à partir de 2017. Les travaux économétriques (OFCE, Dares) concluent à des effets ambigus (création ou sauvegarde d’emploi, ou baisse des prix de vente ou hausses de salaires ou hausse du résultat d’exploitation ?).

La réduction du temps de travail

L’essentiel. Mesure assez répandue au début des années 1980 (en France, passage de la durée

hebdomadaire légale du travail de 40 à 39h, instauration de la 5e semaine de congés payés), elle est devenue plus rare à partir des années 1990. La France a fait exception avec la loi sur les 35 heures (lois Aubry de 1998 et 2000), même si, malgré l’absence de lois spécifique, la durée hebdomadaire de travail au eu tendance à baisser dans plusieurs pays (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas) dans les années 2000. Accusée d’avoir eu des effets négatifs sur la compétitivité, l’instauration des 35h aurait permis, selon une estimation de l’INSEE en 2005, de créer 350000 emplois sur la période 1998-2002.

b) Actions du côté de l’offre : l’incitation au travail

L’essentiel. L’argument de la trappe à inactivité ou au non-emploi (effets désincitatifs des prestations sociales). ‘Making work pay’. Crédits d’impôt pour les détenteurs d’emploi : Earned Income Tax Credit (E-U), Working Tax Credit (R-U), Prime pour l’emploi (France, 2001) puis prime d’activité en 2016 (fusion de la prime pour l’emploi et du Rsa activité).

c) flexibiliser le marché du travail

L’essentiel. Flexibilisation dans les pays anglo-saxons. France : suppression de l’autorisation administrative de licenciement (1986). Limite : effet de lissage. Développement des formes particulières

d’emploi. Réformes Hartz en Allemagne (2003-2005) : libéralisation du travail temporaire, introduction de « mini jobs » (15h hebdomadaires). La flexicurité au Pays-Bas et au Danemark (marché du travail flexible + protection sociale généreuse + politiques actives de l’emploi). La stratégie européenne pour l’emploi (1997). En France : rupture conventionnelle (2008) et loi sur la sécurisation de l’emploi (2013) puis lois travail 1 et 2 (2017, 2018).

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