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Les pratiques informelles du management de la formation. Etude exploratoire auprès de six responsables de formation en Suisse romande

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Texte intégral

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Master

Reference

Les pratiques informelles du management de la formation. Etude exploratoire auprès de six responsables de formation en Suisse

romande

SAVOY, David

Abstract

Toute organisation est composée de deux dimensions bien distinctes, l'une constituée du « prescrit » (organigrammes, règlements, processus, procédures, etc), et l'autre des pratiques réelles en vigueur sur le terrain : ces pratiques sont souvent liées à la dimension relationnelle et échappent la plupart du temps au regard du management, alors que leur compréhension constitue un enjeu majeur : elle offre en effet des clés précieuses pour l'accompagnement au changement, la prise de décision, et peut souvent même déterminer le succès ou l'échec des projets de formation. Cette recherche exploratoire vise à comprendre comment les responsables de formation au sein de six organisations en Suisse romande tiennent comptent de ces pratiques informelles dans leur management, et quelles pratiques informelles personnelles ils mettent en place pour gérer des acteurs à forte autonomie.

SAVOY, David. Les pratiques informelles du management de la formation. Etude exploratoire auprès de six responsables de formation en Suisse romande. Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:121658

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1 Les pratiques informelles du management de la formation

Etude exploratoire auprès de six responsables de formation en Suisse romande

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION –

FORMATION D’ADULTES

PAR David Savoy

DIRECTEUR DU MEMOIRE

Stéphane Jacquemet

JURY

Stéphane Jacquemet Cécilia Mornata Franck le Vallois

GENEVE, mai 2019

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2 RÉSUMÉ

Toute organisation est composée de deux dimensions bien distinctes, l’une constituée du

« prescrit » (organigrammes, règlements, processus, procédures, etc), et l’autre des pratiques réelles en vigueur sur le terrain : ces pratiques sont souvent liées à la dimension relationnelle et échappent la plupart du temps au regard du management, alors que leur compréhension constitue un enjeu majeur : elle offre en effet des clés précieuses pour l’accompagnement au changement, la prise de décision, et peut souvent même déterminer le succès ou l’échec des projets de formation.

Cette recherche exploratoire vise à comprendre comment les responsables de formation au sein de six organisations en Suisse romande tiennent comptent de ces pratiques informelles dans leur management, et quelles pratiques informelles personnelles ils mettent en place pour gérer des acteurs à forte autonomie.

Mots-clés : management de la formation, pratiques informelles, culture organisationnelle, confiance, implication,

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3

Avant-propos

Ce travail repose sur les entretiens effectués auprès des responsables de formation de six organisations romandes. Afin de garantir la confidentialité des nos échanges et l’anonymat des personnes interviewées, tous les noms figurants dans les

entretiens (personnes et entreprises), et/ou tous les noms permettant d’identifier les participant-es ont été changés.

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4

Remerciements

À Stéphane Jacquemet, mon Directeur de mémoire, pour ses précieux conseils.

Aux six responsables de formation ayant participé à cette recherche pour leur disponibilité, leur ouverture et leur confiance lors de nos échanges.

À Cécilia Mornata et Franck le Vallois pour avoir accepté de faire partie du jury.

À Maryvonne Charmillot, Guillaume Ruiz et Valérie Volatiana Schnegg pour leurs relectures.

À mes amis, mes camarades de l’Université, mes collègues de formation, Asma, Lina et mes parents pour leur soutien et leurs encouragements.

À Franck pour les 15 ans d’avance.

Un très grand merci !

« Il y a trois métiers impossibles : éduquer, guérir, gouverner » Sigmund Freud

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5

(7)

6

Table des matières

Résumé 2

Avant-propos 3

Remerciements 4

Déclaration sur l’honneur 5

Table des figures 10

Glossaire 11

1. Introduction 12

2. Contexte général 12

3. Problématique, questions de départ et pertinence de la recherche 13

3.1. Problématique 14

3.2. Questions de départ 15

3.3. Pertinence de la recherche 15

4. Cadre théorique 16

4.1. Sociologie des organisations 17

4.1.1. L'organisation comme contexte d'action 17

4.1.2. Stratégies d'acteurs, intérêt et pouvoir 18

4.1.3. Zones d'incertitude 20

4.1.4. Application de la sociologie des organisations au management 21

4.1.4.1. Le management clandestin 21

4.1.4.2. Le principe de rationalité limitée et l'absence de solution unique 22

4.1.4.3. L'implication des acteurs 22

4.2. Culture organisationnelle 24

4.2.1. Traits caractéristiques de la culture organisationnelle 24 4.2.2. Interactions dynamiques entre culture, structure et pratiques de terrain 26

4.2.3. Culture organisationnelle et management 26

4.2.3.1. L’importance de la prise en compte du contexte et de la culture 26 institutionnelle

4.2.3.2. Culture, performance et implication des acteurs 27

4.2.3.3. Culture(s) et rôle du leadership 28

4.3. La confiance comme invariant du management 29

4.3.1. Traits caractéristiques de la confiance 30

4.3.2. Pratiques managériales basées sur la confiance 32

4.4. Mise en discussion des courants théoriques 33

(8)

7 4.4.1. Sociologie des organisations et dimension culturelle 34

4.4.1.1. Contextes d’action et culture organisationnelle 34

4.4.1.2. Accessibilité 35

4.4.1.3. Implication des acteurs 35

4.4.2. Sociologie des organisations et confiance 37

.4.4.3. Culture organisationnelle et confiance 39

5. Questions de recherche 41

6. Cadre méthodologique 43

6.1. Ancrage épistémologique compréhensif 43

6.1.1 Pôle épistémologique 43

6.1.2. Pôle théorique 44

6.1.3. Pôle morphologique 45

6.1.4. Pôle technique 45

6.2. Méthodes 45

6.2.1. Participants à la recherche 45

6.2.2. Production des données 47

6.2.3. Traitement des données 48

7. Présentation des résultats 51

7.1. Présentation des résultats : catégories de contenus 52

7.1.1. Spécificités du contexte institutionnel 52

7.1.1.1. Importance de la dimension culturelle 52

7.1.1.2. Changement de paradigme culturel 52

7.1.2. Spécificités de la fonction formation (FF) 53

7.1.3. Influence de la personnalité du RF sur les pratiques

et la culture formation 53

7.1.4. Parties prenantes 54

7.1.5. Pratiques formelles identifiées dans un exemple de réussite

et un exemple d’échec 55

7.1.6. Pratiques informelles identifiées dans un exemple de réussite et un exemple d’échec

7.1.6.1. Pratiques informelles liées aux exemples de réussite 54 7.1.6.2. Pratiques informelles liées aux exemples d’échec 56 7.1.7. Difficultés rencontrées dans le management des projets 57

7.1.8. Bonnes pratiques – si c’était à refaire 59

7.1.9. Représentations liées au rôle de RF 59

7.1.9.1. Mobilisation des parties prenantes 60

7.1.9.2. Conduite d’équipe 60

(9)

8

7.1.9.3. Développement des collaborateurs 61

7.1.9.4. Facteurs de crédibilité 61

7.1.9.5. Conditions de la confiance 62

7.1.9.6. Difficultés rencontrées 62

7.1.10. Recommandations des RF 63

7.1.10.1. Le positionnement dans le contexte institutionnel global 63

7.1.10.2. La mobilisation des parties prenantes 63

7.1.10.3. Personnalité du RF 64

7.2. Présentation des résultats : catégories de fréquences 65 7.2.1. Classement par valeurs absolues (nombre de verbatims) 66 7.2.2. Classement valeurs absolues par type de réseau : primaire (R1) – secondaire (R2) 67 7.2.3. Analyse en fonction du critère « en activité ou non » 69

8. Discussion et analyse des résultats 70

8.1. L’influence de la dimension culturelle 71

8.1.1. L‘entreprise comme contexte d’action et les trois dimensions de l’organisation 71

8.1.2. Culture et pratiques en vigueur 73

8.1.3. Influence de la personnalité et de la « culture personnelle » du RF 75 8.2. Les pratiques informelles

8.2.1 L’omniprésence des pratiques informelles et le flou de la ligne de démarcation 77 entre pratiques formelles et informelles

8.2.2. Les pratiques informelles et l’importance de la dimension relationnelle 77 8.3. Pratiques de management et implication des parties prenantes 78

8.3.1. Stratégies des acteurs 79

8.3.1.1. Stratégies des parties prenantes 79

8.3.1.2. Stratégies personnelles des RF pour la gestion des parties prenantes 79

8.3.2. Implication et cohérence 81

8.4. Le phénomène de co-construction du discours sur les pratiques informelles :

proximité et confiance 83

9. Réponses aux questions de recherche 85

10. Recommandations 87

10.1. Recommandations relatives aux pratiques managériales 87

10.1.1. Stratégie 87

10.1.2. Renforcement de la cohérence culturelle 88

10.1.3. Renforcement de l’implication 88

10.2. Recommandations relatives au rôle du RF 89

11. Conclusion 89

12. Bibliographie 91

(10)

9

13. Annexes 94

13.1. Annexe 0 : Grille d’entretien

13.2. Annexe 1 : Transcription de l’entretien 1 13.3. Annexe 2 : Transcription de l’entretien 2 13.4. Annexe 3 : Transcription de l’entretien 3 13.5. Annexe 4 : Transcription de l’entretien 4 13.6. Annexe 5 : Transcription de l’entretien 5 13.7. Annexe 6 : Transcription de l’entretien 6

13.8. Annexe 7 : Grille d’analyse avec classement couleurs 13.9. Annexe 8 : Formulaire de consentement

(11)

10

Table des figures

Figure 1 : les trois axes de notre cadre théorique 17

Figure 2 : composantes de l’implication selon Thévenet (2015) 40 Figure 3 : composantes d’une culture forte basée sur la confiance 41 Figure 4 : démarche épistémologique (Charmillot & Dayer, 2007, p. 132) 43

Figure 5 : les étapes de la démarche de recherche 47

(Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 16)

Figure 6 : les trois dimensions de l’organisation selon Thévenet (2015) 71 Figure 7 : modèle des trois dimensions de l’organisation appliqué à la formation 73 avec prise en compte de la sous-culture de la FF

Figure 8 : modèle des trois dimensions de l’organisation appliqué à la formation 74 avec prise en compte des sous-cultures de la FF et du RF

Figure 9 : modèle des trois dimensions de l’organisation appliqué à la formation ; 75 interactions systémiques entre les trois niveaux

Figure 10 : modèle des leviers de l’implication basé sur notre cadre théorique 77

(12)

11

Glossaire

Contexte d’action Environnement spécifique de l’organisation Constitué d’une part par sa structure prescrite

(organigrammes, règles, processus, procédures, etc), et par les types d’interactions et de relations entre acteurs.

FF Fonction Formation

Organe gérant la formation au sein d’une organisation Niveau macro Niveau global, organisationnel : l’entreprise

Niveau méso Niveau intermédiaire, groupal : l’équipe Niveau micro Niveau spécifique, individuel : l’acteur

Parties prenantes Les différents acteurs d’une organisation ou d’un projet

RF Responsable de formation

Acteur responsable de la formation au sein d’une organisation

RH Ressources humaines

Organe gérant les ressources humaines au sein d’une organisation

Stratégies d’acteurs Stratégies mises en place par les acteurs d’une

organisation pour préserver ou améliorer leur situation Zones d’incertitude Marge de liberté des individus et des groupes vis-à-

vis des autres, source de « pouvoir » dans une relation.

Les zones d’incertitudes peuvent prendre des formes très diverses ; une information que l’on possède et que l’on garde pour soi, un « tour de main » personnel que l’on ne divulgue pas, l’accès à un réseau ou un carnet d’adresses, etc.

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12

1. Introduction

Actif dans le domaine de la formation depuis 2003, j’ai eu l'occasion de conduire des projets variés tout au long de mon parcours professionnel : de la conception de dispositifs de

formation, à la formation de cadres en entreprise ou de formateurs, en passant par l'audit de dispositifs pédagogiques, les pratiques de team building ou encore la mise en place "d'espaces de formation" spécifiques en organisation. Ayant exercé l’activité de responsable de

formation dans une PME d’une centaine de collaborateurs de 2009 à 2014, j’ai eu l’occasion de mettre en place et piloter de nombreux projets en partenariat avec des entreprises sur le canton de Genève. Cette expérience m’a permis de découvrir les différentes facettes du management des acteurs de la formation au sens large : partenaires, formateurs, coachs, collaborateurs, et parties prenantes d’un projet. Travaillant comme formateur/consultant indépendant depuis 2014, j’ai eu l’occasion de revenir sur cette expérience et de m’interroger à plusieurs reprises sur ce qui avait fait mes spécificités, mes forces et mes faiblesses de manager, ma façon particulière d’appréhender le management et le succès ou les échecs des projets auxquels j’ai participé. A ce titre mes conclusions restent toujours les mêmes : selon moi, le succès et la réussite d’un projet sont liés en grande partie à ce qui se passe « en coulisse », au contact des acteurs, c’est-à-dire dans la partie « non visible » et non formalisée du management. La partie prescrite a certes un rôle important à jouer, elle est même

nécessaire, mais insuffisante. Sans stratégie, sans intuition, sans une certaine sensibilité et une

« finesse relationnelle », les projets sont voués sinon à l’échec, à des difficultés certaines comme j’ai pu l’observer à de nombreuses reprises. Le présent travail de mémoire s’inscrit donc dans le prolongement de ce questionnement personnel : j’ai voulu en effet vérifier si mes constats et mes conclusions étaient partagés par d’autres responsables de formation, ou s’ils n’étaient que le reflet de mes croyances et de mon style de gestion particulier. Pour vérifier cela, je suis allé à la rencontre de mes pairs, responsables de formation en poste ou n’exerçant plus d’activité de management, et les ai interrogés sur leurs expériences et leurs pratiques de managers, sur ce qui faisait selon eux la réussite ou l’échec de projets, sur ce qu’impliquait le métier de responsable de formation. Afin d’étager mon processus de recherche, j’ai mobilisé entre 2018 et 2019 deux Unités de Formation (UF) de type « Projets Indépendants » afin de faire une première analyse intuitive des concepts théoriques potentiellement pertinents pour cette thématique ainsi que mener et analyser quelques entretiens exploratoires préparatoires à la méthodologie finale. Ces éléments de première approche ont permis, pour partie, de structurer ce travail final est le résultat d’une enquête spécifique.

2. Contexte général

Suite à cette brève introduction et avant de détailler le cadre théorique soutenant cette

recherche, nous proposons un aperçu du contexte général dans lequel le management informel des projets de formation s’inscrit : celui de la fonction formation (FF). Nous tenterons ainsi de mettre en lumière certains des enjeux liés au positionnement de la FF dans l’entreprise, et,

(14)

13 suite à ce premier tour d’horizon, les liens spécifiques entre la FF et les pratiques informelles du management seront explicités de manière plus détaillée dans notre cadre théorique au chapitre 3.

La FF, terme générique désignant l’organisme en charge de l’organisation de la formation dans une institution donnée, peut s’inscrire dans différents contextes et prendre différentes formes : de l’école (HES, ES, écoles privées, centres de formation ou autre) au « département formation » d’une entreprise, elle se doit d’exister – et de se positionner – au sein d’un système plus large et est en interaction constante avec les différentes parties prenantes internes ou externes de l’organisation. Par exemple, et selon les contextes institutionnels : la Direction, les actionnaires, les ressources humaines (RH), les différents secteurs de

l’entreprise (achat, vente, marketing, recherche et développement, etc.), mais aussi les partenaires, les équipes de terrain, etc. La FF ne fonctionne ainsi jamais de manière cloisonnée, et nous retrouvons des « constantes », présentes dans tout type d’entreprise et d’organisation, de cette articulation souvent complexe au sein d’un système plus large : la présence et l’influence d’une culture d’entreprise (ou de sous-cultures), de rapports

hiérarchiques, de rapports de pouvoir, d’intérêts convergents ou divergents, et la question des marges de manœuvre à disposition des acteurs dans un contexte et une situation donnée notamment. Tous ces facteurs obligent la FF à adopter un positionnement stratégique pour exercer sa mission, et à développer des pratiques spécifiques pour le management des acteurs de la formation.

Ce management est même devenu un champ d’étude et de pratiques spécifiques : En Suisse par exemple, les thématiques abordées dans le cursus de formation menant au Diplôme Fédéral de Responsable de Formation (niveau 3 du système modulaire de la Formation de Formatrices et Formateurs d’Adultes - FFA) concernent exclusivement la dimension managériale de l’entreprise et de la formation, et non pas sa dimension pédagogique ou didactique.

Cette brève présentation du contexte général a permis de souligner le caractère dynamique et systémique du positionnement de la FF, elle-même soumise à de multiples influences au sein de l’organisation, et l’impact de ces influences sur les pratiques de management. Nous

proposons dans le chapitre qui suit (3. « Problématique, question de départ et pertinence de la recherche ») de présenter de manière plus spécifique les liens entre FF et pratiques

informelles de management.

3. Problématique, questions de départ et pertinence de la recherche

Pour donner suite à la présentation du contexte général et des enjeux globaux liés à la FF détaillés dans le chapitre précédent, nous allons partager nos réflexions et questionnements et les mettre en lien avec les pratiques informelles du management de la formation. A travers

(15)

14 l’explicitation de la problématique qui suit, nous proposons notamment de détailler de

manière plus précise les mécanismes et les enjeux de ces pratiques informelles dans une optique de management de la formation.

3.1. Problématique

La formation est un domaine dans lequel les acteurs disposent souvent d’un haut degré d’autonomie, développent de nombreuses pratiques qui ne sont mentionnées ni dans les descriptifs de postes, ni dans les cahiers des charges, ni dans les manuels, et qui sont souvent effectuées en marge des processus et autres procédures formelles. Il en va ainsi pour les formateurs, mais également pour les RF chargés de gérer ces acteurs à forte autonomie. Notre objectif ici est donc de mettre en évidence certaines pratiques informelles que des

responsables de formation de moyennes et grandes entreprises développent pour effectuer leur mission et leurs activités.

Le travail d’un RF est de gérer et de mobiliser une catégorie d’acteurs socio-professionnels possédant une large autonomie et disposant d’espaces spatio-temporels (salles de classe du formateur, bureau du coach, etc.) permettant de travailler « à leur manière », selon leur sensibilité personnelle. Ces pratiques, dites informelles, font partie intégrante de toute action individuelle et/ou collective, et sont assimilables au travail réel, par opposition - ou

complémentarité - au travail prescrit (Crozier, Friedberg, 1977, Moullet, 1992), qui lui se rapporte à toute la dimension formalisée de l’activité (procédures, processus, directives, etc) ; nullement illégales ou malhonnêtes, (ou pouvant l’être mais dans des cas exceptionnels), elles constituent la réalité de toute activité professionnelle et sont d’une importance fondamentale puisque ce sont elles qui permettent aux acteurs d’appliquer le prescrit sur le terrain, en s’aménageant des marges de manœuvres, pour réussir à faire « tourner la machine », c’est-à- dire tout simplement à accomplir leurs tâches et faire leur travail, et le faire si possible à leur manière.

Pour le management, les pratiques informelles impliquent des enjeux également essentiels ; tout d’abord, il est nécessaire de clarifier et de formaliser ce qui peut l’être, car trop de flou engendre malentendus, conflits et contreperformances. A l’opposé, la formalisation à

outrance, dans une logique de contrôle des acteurs, est contreproductive puisque cette logique participe à la complexification du travail, à la baisse du sentiment de confiance, donc de la motivation et de la performance (Marzano, 2012). De plus, tenter de mettre en lumière toutes les « zones d’ombres » de l’activité (les pratiques dites « informelles ») comporte une part d’illusion ; l’humain ayant un besoin fondamental de préserver son jardin secret pour faire les choses à sa manière (Crozier, Friedberg, 1997. Moullet, 1992), il cherchera sans cesse à s’aménager de nouvelles marges de manœuvres, et la mise en lumière de certaines zones d’ombre de l’activité par la formalisation excessive en générera automatiquement de nouvelles à travers un phénomène de « glissement ».

Pour manager les acteurs de la formation et favoriser la performance individuelle et collective, le RF devra donc d’une part accepter qu’il existe des « zones d’ombres » dans

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15 toute activité, et d’autre part tenter de les intégrer dans une culture managériale globale, sans pour autant nécessairement chercher à les mettre en lumière, et c’est là toute la complexité de la tâche ; formaliser pour éviter le désordre lié au flou, mais jusqu’où ? Tolérer les parts d’ombres dans l’activité mais comment, avec quels garde-fous et quelles limites ? Finalement, pour tenir compte des pratiques informelles des acteurs et au même titre que ces derniers, les RF développent eux-mêmes leurs propres pratiques plus ou moins informelles ; il existerait cependant des pratiques favorisant plus ou moins positivement les résultats de l’action collective (Marzano, 2012), et c’est là que se situe l’enjeu de la problématique de ce travail de recherche ; pour favoriser la performance individuelle et collective, le RF devra donc trouver la posture juste et mettre en place ses pratiques informelles personnelles lui permettant :

- De mobiliser les acteurs autour de projets communs

- D’intégrer les zones d’ombre et les pratiques informelles des acteurs dans une culture managériale globale, et sans tomber dans le biais de la formalisation excessive.

3.2. Questions de départ

A travers cette recherche, nous tenterons d’identifier la manière dont les RF prennent en compte la dimension informelle dans le management de la formation : nos questions de départ sont donc formulées de la manière suivante ;

- Comment les RF tiennent-ils compte des pratiques informelles dans le management des acteurs de la formation ?

- Et comment mettent-ils en place leurs pratiques informelles personnelles spécifiques ?

Ainsi, nous tenterons d’identifier la manière dont les RF prennent en compte la dimension informelle dans le management et quel(s) type(s) de posture(s) et de pratique(s) ils

développent pour piloter les projets et gérer les acteurs de la formation.

Nous chercherons également à déterminer s’il existe des « types » de pratiques informelles, ce qui nous permettra de faire émerger des recommandations, ou « meilleures pratiques », et de vérifier si elles sont spécifiques à un contexte institutionnel particulier ou applicables de manière transversale à différents domaines professionnels.

3.3. Pertinence de la recherche

L’objectif de la recherche est d’identifier auprès de – et avec les - responsables de formation de moyennes et grandes entreprises, la manière dont s’incarnent leurs pratiques informelles significatives, en particulier celles liées au management des acteurs de la formation. Cette recherche nous paraît pertinente dans le sens où elle vise à mettre en éclairage une partie de la

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16

« réalité » de la vie en entreprise, c’est-à-dire les pratiques de terrain des acteurs, et les solutions que le management propose pour les intégrer, les valoriser, les encourager ou les contraindre, bref pour les mettre au service de la performance collective et les gérer au quotidien. Les enjeux de cette recherche sont donc à la fois la production de

connaissances sur les pratiques managériales dites « informelles », et l’élaboration de recommandations pour le management des acteurs de la formation concernant les pratiques formelles et/ou informelles les plus significatives. Ces contributions font donc sens à la fois pour les pratiques de management au sens global et pour leur application spécifique au domaine de la formation.

4. Cadre théorique

A la suite de la présentation du contexte général et de la problématique dans lesquels s’inscrivent les pratiques informelles du management de la formation, nous allons proposer une revue de la littérature nous permettant de mieux appréhender ce phénomène, et tenter d’apporter des réponses aux questions soulevées dans la problématique. Compte tenu de la particularité de cette thématique qui n’entre pas complètement dans le cœur même du cursus de Master Formation d’Adultes, une première exploration des concepts potentiellement pertinents a été menée durant le semestre d’automne 2018 dans le cadre d’une UF de « Projet Indépendant » afin de définir le périmètre de ce cadre théorique, identifier les concepts-clés et aborder les grands axes des notions utiles à la construction d’une question de recherche réaliste. Ces premières fondations ont été revisitées et particulièrement ajustées lors de la phase finale de rédaction de ce mémoire.

Notre cadre théorique couvre trois champs complémentaires : celui de la sociologie des organisations tout d’abord. Nous présenterons quelques concepts spécifiques liés à la notion d’organisation, ainsi qu’à la dimension informelle de l’activité et ses implications pour le management. Les théories de la sociologie des organisations couvrant le champ de l’activité dans sa dimension instrumentale (l’analyse stratégique et les dynamiques relationnelles notamment), il nous a semblé intéressant de compléter ces apports par un « regard » complémentaire, celui proposé par les théories de la culture organisationnelle, qui constituera le deuxième axe de notre cadre théorique. Celle-ci nous apportera en effet un éclairage sur l’impact des spécificités culturelles sur les pratiques de terrain, et son

implication pour la mobilisation des acteurs. Troisièmement, pour finir de compléter notre cadre théorique, nous avions tout d’abord souhaité nous intéresser aux pratiques managériales au sens large, afin de tenter d’identifier les « bonnes pratiques » potentiellement utiles au management de la formation : les pratiques managériales étant portées par des idéologies aussi nombreuses que variées ne pouvant s’appliquer de manière transversale à toutes les situations (nous développerons ce point dans le chapitre 4.3. « La confiance comme invariant du management »), il nous est apparu plus pertinent de nous intéresser aux invariants du management, c’est-à-dire à ce qui est commun à l’action collective et à la gestion des hommes indépendamment des différents contextes organisationnels. Explorer tous ces

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17 invariants dépasserait cependant largement l’étendue de ce travail, et nous nous sommes limités à un invariant en particulier qui comporte des enjeux majeurs pour la mobilisation des acteurs dans toute action collective ; celui de la confiance, qui constituera le troisième et dernier axe de notre cadre théorique. Nous détaillons ci-après ces 3 axes.

4.1. Sociologie des organisations

Notre premier champ théorique qui aborde la question des pratiques informelles est celui proposé par la sociologie des organisations : celle-ci comporte de nombreuses sous- approches, mais nous nous focaliserons ici principalement sur l’analyse stratégique

« crozérienne », et la littérature en découlant. Nous proposons ci-après d’explorer quelques- uns de ses principaux concepts : tout d’abord la notion de contexte d’action, qui posera quelques bases sur le fonctionnement de toute organisation au niveau macro. Nous nous intéresserons ensuite de manière plus spécifique aux « ingrédients » des dynamiques

relationnelles propres à l’action collective, et plus particulièrement aux stratégies d’acteurs et aux mécanismes d’intérêt et de pouvoir, ce qui nous permettra de mieux comprendre les phénomènes d’adhésion et de résistance. Nous prolongerons ensuite ces premières bases conceptuelles avec la notion de zones d’incertitudes, qui apportera un éclairage plus fin sur les dynamiques de pouvoir d’une part, et le différentiel entre travail prescrit et travail réel d’autre part. Nous complèterons finalement cette première partie de notre cadre théorique avec une revue de littérature sur l’application de la sociologie des organisations au management : nous explorerons alors trois de ses sous-concepts en particulier : le management clandestin tout d’abord, qui posera les premières bases conceptuelles de la sociologie des organisations relatives au management ; le principe de rationalité limitée et l’absence de solution unique ensuite, qui nous renseigneront sur la notion de « construction de solutions » ; et l’implication des acteurs finalement, qui nous éclairera sur les

mécanismes de mobilisation des parties prenantes dans un projet.

4.1.1. L’organisation comme contexte d’action

Un premier concept proposé par la sociologie des organisations (Friedberg, 1997) est celui de contexte d’action : toute organisation constitue un environnement spécifique, déterminé d’une part par sa structure prescrite (organigrammes, règles, processus, procédures, etc), et par les dynamiques de l’action collective (les types d’interactions et de relations entre acteurs) d’autre part. Le résultat de cette rencontre entre structures formelles et action collective

Figure 1 : les trois axes de notre cadre théorique

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18 constitue la « réalité » d’une entreprise, et selon ce postulat il serait illusoire de tenter d’en comprendre le fonctionnement réel sans tenir compte de ces deux dimensions. Cette idée-clé est reprise par Moullet pour qui :

« […] les relations telles qu’elles sont définies par l’organisation formelle d’une entreprise n’occupent qu’une petite partie des échanges que peuvent contenir des relations continues entre deux personnes ou services. Le reste, c’est-à-dire la plus grande partie, est laissée sans le vouloir ou sans le savoir à l’initiative des partenaires de la relation. Il faut inventer et découvrir ce qui n’a pas été spécifié ou prévu. Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour que l’imprévu, les espaces de liberté non occupés par le management et nos inépuisables capacités de relation se rencontrent, se mêlent et marquent profondément le fonctionnement et la dynamique de l’entreprise. » (1992, p.

46)

Pour les sociologues des organisations, le fonctionnement d’une entreprise n’est donc jamais de type « mécanique » (des rouages assemblés et constituant un tout organisé, qui font fonctionner la machine – l’organisation – de manière logique et prévisible) mais comporte plutôt une bonne part d’imprévisibilité liée à la dimension humaine. Chaque organisation constitue ainsi un « terrain de jeu » unique, résultat de la rencontre entre une structure formelle et des dynamiques relationnelles spécifiques, elles-mêmes influencées par des contraintes environnementales plus larges (règles, lois, etc.) : « ainsi défini, le jeu est un construit humain, politique et culturel. » (Friedberg, 1997, p. 239)

4.1.2. Stratégies d’acteurs, intérêt et pouvoir

Afin de comprendre de manière plus fine la dimension des dynamiques interactionnelles, une autre grille de lecture proposée par la sociologie des organisations est celle des stratégies d’acteurs : selon Friedberg, la première motivation des acteurs d’une organisation est de défendre leurs intérêts personnels dans un contexte donné (le jeu ou contexte d’action) pour améliorer leur situation, ou au pire la préserver :

« Ici, l’hypothèse fondamentale est que les comportements des acteurs peuvent être assimilés à des stratégies qui correspondent pour chacun à une estimation raisonnable et plus ou moins intuitive de ses chances de gains et de pertes, dans un jeu qui lui indique à la fois les limites et les contraintes qu’il rencontre, mais aussi les opportunités et les atouts qu’il a en quelque sorte en main. » (1997, p. 236)

Cette idée est prolongée par Bernoux, qui la relie aux objectifs personnels, qui peuvent ou non être alignés avec les objectifs plus globaux de l’équipe ou de l’entreprise : « chacun a ses objectifs, ses buts propres. Ceux-ci ne sont pas forcément opposés ou déviés par rapport à ceux des organisateurs, même s’ils peuvent l’être. » (2014, p. 147). Ces intérêts / objectifs personnels sont à prendre au sens large, varient évidemment d’un individu à l’autre et prennent des formes très diverses ; obtenir un petit avantage, une promotion, se simplifier la vie, gagner du temps, côtoyer des personnes avec qui l’on s’entend bien, mais aussi effectuer des tâches permettant de se sentir reconnu et valorisé, etc. Chacun luttant pour ses intérêts et

(20)

19 ses objectifs personnels pour préserver ou – si possible - améliorer sa situation, cette « course collective aux intérêts individuels » va donner lieu à la mise en place de nombreuses stratégies de la part des acteurs, stratégies souvent inconscientes et rarement manipulatrices mais

toujours au service du « mieux être de l’individu ».

Les sociologues des organisations posent également le pouvoir comme problème central de toute organisation (Bernoux, 2012, 2014) : ils nous invitent aussi à revisiter nos

représentations de la notion de pouvoir, souvent associé à la domination, au contrôle et à la manipulation, alors qu’il possède selon Bernoux (2014) trois dimensions ;

1. Une dimension individuelle, celle de la capacité personnelle d’agir (qui n’exclut par ailleurs pas la manipulation ou le contrôle, qui sont ici des stratégies visant à augmenter sa capacité d’action, donc qui en découlent). Pour un individu, avoir du pouvoir signifie donc avoir de la marge de manœuvre et des possibilités d’action qui lui permettront de mieux résoudre les problèmes auxquels il est confronté, de poursuivre ses buts personnels et de mener des actions allant dans le sens de ses intérêts.

2. Une dimension relationnelle, définie comme « la capacité de certains groupes ou individus d’agir sur d’autres groupes ou individus ». Le pouvoir profère donc ici un caractère fondamentalement inégalitaire aux relations entre acteurs, chacun

contrôlant des « ressources » différentes (informations, tours de main, réseaux, etc), et qui s’efforceront de gagner du pouvoir à travers un phénomène de

négociation/transaction permanent : « le pouvoir de A sur B est la capacité de A d’obtenir que, dans sa relation avec B, les termes de l’échange lui soient favorables » (Bernoux, 2014, p.181). Dans le prolongement de cette définition, il est également important de préciser que le pouvoir n’est pas uniquement lié à la position

hiérarchique : il existe des chefs sans pouvoir réel et des individus qui ont beaucoup de pouvoir, sans posséder une position hiérarchique supérieure.

3. Une dimension de structuration des relations : puisque les organisations sont le terrain de nombreuses incertitudes qui obligent les acteurs à prendre des décisions et sont sources de synergies et/ou de conflits, le pouvoir structure les coopérations et stabilise les interactions, permettant ainsi l’action dans la durée.

Finalement, les sources du pouvoir sont pour Crozier et Friedberg (1977) de quatre types : 1. L’expertise (posséder une connaissance ou un savoir-faire spécifique)

2. La maîtrise des relations et des réseaux (le « marginal séant » où partie prenante présente dans plusieurs réseaux en relation les uns avec les autres - par exemple le réseau de la clientèle externe et celui de la Direction pour un chef de vente) 3. La communication (maîtrise de la diffusion des informations)

4. L’utilisation des règles organisationnelles.

(21)

20 D’après les sociologues des organisations, les organisations sont donc le terrain de

dynamiques interactionnelles et de jeux de pouvoir complexes, chaque acteur essayant d’améliorer ou de préserver sa situation, parfois au détriment de celle des autres, de manière consciente ou inconsciente, volontaire ou non : « toute structure d’action collective se

constitue comme système de pouvoir. Elle est phénomène, fait et effet de pouvoir » (Crozier, Friedberg, 1977, p.25).

4.1.3. Zones d’incertitudes

Les dynamiques de pouvoir s’inscrivant au sein de jeux relationnels complexes, et afin de mieux comprendre la manière dont elles s’articulent, la sociologie des organisations nous propose une autre grille de lecture : celle des zones d’incertitudes. Selon Crozier et Friedberg, « tout problème matériel comporte toujours une part appréciable d’incertitude, c’est-à-dire d’indétermination, quant aux modalités concrètes de sa résolution » (1977, p. 23).

Les zones d’incertitudes font partie intégrante des dynamiques de pouvoir dans le sens où les acteurs contrôlant des zones d’incertitudes sont ceux possédant du pouvoir. Ces zones d’incertitudes peuvent prendre des formes très diverses ; une information que l’on possède et que l’on garde pour soi, un « tour de main » personnel que l’on ne divulgue pas, l’accès à un réseau ou un carnet d’adresses, la maîtrise d’une compétence clé, le contrôle de son emploi du temps (qui permet de faire les choses « à sa manière »), la maîtrise de celui des autres, etc. Il est important de souligner encore que ces zones d’incertitudes ne sont pas des pratiques illégales ou malhonnêtes (ou ne le sont qu’en des cas exceptionnels), mais font bel et bien partie intégrante de toute entreprise collective : elles constituent les coulisses d’une organisation, sa partie informelle qui s’incarne à travers les pratiques réelles en vigueur sur le terrain. Bernoux nous dit à cet égard que :

« La ressource du pouvoir est donc cette marge de liberté des individus et des groupes vis-à-vis des autres. Concrètement elle réside dans la possibilité qu’a l’individu de refuser ou de négocier ce que l’autre lui demande, ou de chercher à obtenir quelque chose de lui, ou encore de lui faire payer cher cette demande. Or cette possibilité existe dans la mesure où l’un a réussi à se préserver une zone que l’autre ne maîtrise pas et où le premier peut rendre son comportement imprévisible. » (2014, p. 172)

La notion de zones d’incertitudes met également en évidence le différentiel qui existe entre travail prescrit et travail réel : comme nous l’avons vu précédemment, pour garder du pouvoir et mener à bien les tâches (prescrites) qui leurs sont attribuées, les acteurs

développent en effet des « recettes personnelles », s’aménagent des marges de manœuvres qui leur permettent de faire leur travail à leur manière :

« Pour importantes qu’elles soient, la structure et les règles formelles d’une organisation ne constituent jamais qu’une description très approximative de son fonctionnement véritable. Le travail réel s’écarte du travail prescrit. Les lignes hiérarchiques sont court- circuitées et contournées. Les processus de décisions ne suivent que très partiellement les schémas théoriques. Et les filières réelles de résolution de problèmes prennent des

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21 configurations inattendues et surprenantes qui ne respectent ni les limites formelles d’une organisation, ni la répartition des prérogatives opérée par l’organigramme et les manuels du « bon management. » (Friedberg, 1997, p. 156)

L’organisation comme contexte d’action, les stratégies d’acteurs et les zones d’incertitudes constituent donc une base conceptuelle générale qui peut nous permettre de commencer à appréhender la question des pratiques informelles. La littérature relative à la sociologie des organisations fournit cependant des apports encore plus spécifiques à la dimension

managériale de l’activité : nous détaillons ces aspects ci-après.

4.1.4. Applications de la sociologie des organisations au management

Dans le prolongement des concepts évoqués ci-dessus, nous avons sélectionné trois apports de la sociologie des organisations proposant des pistes à notre sens pertinentes dans une optique de management : premièrement le management clandestin de Moullet (1992), qui nous apportera un premier éclairage sur les principes de réalité liés à toute activité en situation de travail ; deuxièmement le principe de rationalité limitée et l’absence de solution unique, que nous relierons au management clandestin et dont nous tirerons des constats relatifs à la prise de décisions et l’élaboration de solutions ; troisièmement la notion d’implication des acteurs, que nous relierons aux concepts de zones d’incertitudes et aux dynamiques de pouvoir vues précédemment.

4.1.4.1. Le management clandestin

Moullet (1992) distingue deux types de management : le management visible tout d’abord, qui consiste en tout ce qui est formalisé dans l’entreprise (procédures, processus, règlements, etc), et le management dit clandestin qui permet aux acteurs de faire vivre le prescrit et de

l’adapter à la réalité et aux contraintes du terrain. Ce management n’est pas clandestin dans le sens « d’illégal » (ou peut l’être mais dans des cas exceptionnels), mais bel et bien parce qu’il échappe au regard du formel. Il constitue en somme la « vie réelle » du terrain, celle qui ne peut être saisie qu’avec un regard et des outils adaptés. Ce management clandestin se concentre sur la dimension relationnelle de l’organisation, et cherche à cerner les alliances, ruptures ou conflits entre services, collaborateurs, départements :

« […] l’action se construit sur un tout autre mode. Elle obéit à d’autres règles, elle met d’autres acteurs au premier plan, elle a ses propres critères de performance. Ici

commence l’univers des risques, des essais, des erreurs, de l’apprentissage, de l’informel, de la créativité et de la liberté. Nous pénétrons dans le royaume du management clandestin, là où les organisations montrent leur visage le plus humain, mêlant dans des combinaisons complexes les vertus et la perversion de l’intelligence créative, là où les professionnels aiment s’exprimer. » (Moullet, 1992, p. 70 -71)

(23)

22 Pour le management, appréhender le management clandestin signifie s’intéresser aux acteurs, oser regarder la réalité du terrain sans se voiler la face, et faire le deuil de la formalisation comme solution générique et automatique à tous les problèmes : concrètement, cela signifie aussi analyser la répartition et les dynamiques de pouvoir pour tenter de comprendre les stratégies des acteurs en vigueur, et réguler au mieux les dynamiques interactionnelles.

4.1.4.2. Le principe de rationalité limitée et l’absence de solution unique

Dans le jeu collectif de toute organisation, les stratégies et décisions des acteurs sont toujours rationnelles, mais d’une rationalité limitée comme le suggère Bernoux (2014) : en effet, pour tenir compte des stratégies des parties prenantes et des multiples contraintes et opportunités qu’offre l’environnement, aucun acteur n’a le temps ni le recul suffisant pour analyser la situation et prendre ses décisions de manière complètement objective et rationnelle. Il mettra en place la stratégie qui lui « coûte le moins », ou qui lui paraît le moins désavantageuse sur le moment, en fonction des informations qu’il a à sa disposition :

« […] le phénomène organisationnel apparaît […] comme un construit politique et culturel, comme l’instrument que des acteurs sociaux se sont forgés pour « régler » leurs interactions de façon à obtenir le minimum de coopération nécessaire à la poursuite d’objectifs collectifs, tout en maintenant leur autonomie d’agents relativement libres.

Dès lors, on conçoit qu’en la matière il n’y ait ni de déterminisme simple ni de solution universelle ou de one best way généralisé. » (Crozier, Friedberg, 1977, p. 196 - 197) Ce principe de rationalité limitée des acteurs implique que pour chaque problème ou

situation il y a plusieurs solutions, et nous invite donc à faire le deuil de la « recette toute faite » et applicable dans toutes les situations et à tous les contextes.

4.1.4.3. L’implication des acteurs

La sociologie des organisations nous invite finalement à intégrer les acteurs dans le processus, à tous les niveaux et en particulier celui de l’encadrement (managers intermédiaires et supérieurs) :

« Aucun projet de réorganisation et de changement organisationnel, quelles que soit sa qualité intrinsèque et la dynamique du leadership qui le porte, ne peut se passer du soutien actif des membres de l’encadrement. » (Friedberg, 1997, p. 351).

Cette intégration des acteurs au processus ne va cependant jamais de soi et n’est pas une garantie de réussite, car la participation à un projet implique une prise de risques pour les parties prenantes ; elle implique en effet la mise en lumière de certaines zones

d’incertitudes, que les acteurs lutteront à priori pour préserver, engendrant par-là même des résistances ou déplaçant ces zones d’incertitudes, par un phénomène de glissement. Une piste de solution à ce problème est donnée par Friedberg (1997), qui préconise de tenir compte à la fois des intérêts des acteurs, des dynamiques de pouvoir et des zones d’incertitudes en faisant le deuil assumé et volontaire de tout mettre en lumière. Concrètement, des limites sont fixées à la formalisation (refus de tout prescrire jusque dans les moindres détails), et des

(24)

23 marges de manœuvres sont laissées aux acteurs pour la mise en place et l’appropriation du projet :

« Si l’on veut que l’encadrement puisse s’engager dans le processus, la ressource la plus importante est donc la marge de manœuvre qui est laissée à chaque niveau pour la mise en place de la nouvelle organisation. […] Aucun ne doit figer complètement les

situations et définir un modèle de fonctionnement jusque dans ses moindres détails. On retombe alors dans le « modèle-qu’on-n-a-plus-qu’à-appliquer », et on interdit aux différents niveaux de l’organisation d’apporter à leur tour une contribution à la mise en œuvre et à la concrétisation de la nouvelle organisation. » (Friedberg, 1997, p. 353) Cette stratégie managériale tient compte de manière cohérente de tous les concepts-clé de la sociologie des organisations énumérés ci-dessus (contexte d’action, stratégies d’acteurs, intérêt, pouvoir, zones d’incertitudes, etc), et s’inscrit dans le prolongement d’un postulat considérant l’écart entre la théorie (le prescrit) et la pratique (le réel) comme irréconciliable, et l’alignement parfait entre les deux comme utopique et illusoire. Il ne s’agit dès lors plus de

« faire coller par tous les moyens nécessaires » le prescrit au réel, mais plutôt d’accepter pleinement qu’il existera toujours et au sein de n’importe quelle organisation un différentiel.

L’acceptation de ce principe de réalité nous invite dans une optique de management à

renoncer à la formalisation excessive, pour plutôt inclure ces « zones d’ombres » de l’activité et de l’action collective, sans chercher à les mettre totalement en lumière, et en les intégrant dans une stratégie managériale globale.

A RETENIR

Pour résumer cette première partie de notre cadre théorique, le concept de contextes d’action définit l’entreprise comme composée d’une structure formelle d’une part, et des dynamiques interactionnelles d’autre part. La dimension des interactions donne lieu quant à elle à des stratégies de la part des acteurs, ceux-ci luttant par intérêt pour préserver ou améliorer leur situation (c’est-à-dire accroître leur pouvoir) dans le jeu collectif. Les sources du pouvoir sont liées quant à elles aux zones d’incertitudes contrôlées par les acteurs, c’est-à-dire à leur capacité à se rendre imprévisibles. Les zones d’incertitudes mettent finalement en évidence le différentiel existant entre prescrit et réel, et qui constitue la réalité de toute organisation.

La revue de littérature relative à l’applications de la sociologie des organisations au management fait de plus émerger trois constats pour la gouvernance : il apparaît

premièrement essentiel de s’intéresser au management clandestin, c’est-à-dire d’observer la réalité du terrain pour gérer les acteurs en tenant compte des dynamiques relationnelles en présence. Deuxièmement, chercher à construire des solutions sur mesure plutôt qu’à appliquer des recettes toutes faites. Troisièmement, chercher à favoriser l’implication des acteurs en renonçant à la formalisation excessive, et en laissant des marges de manœuvre sur le « comment ».

(25)

24

4.2. Culture organisationnelle

Comme nous l’avons vu dans précédemment, un des concepts mis en évidence par la sociologie des organisations est celui de l’importance du contexte d’action (4.1.1.

« L’organisation comme contexte d’action ») : chaque entreprise étant le terrain de jeu d’un contexte d’action spécifique, il en existe donc une multitude, chacun avec ses particularités.

Pour le deuxième volet de notre cadre théorique, nous avons choisi de nous intéresser à une dimension qui influence ces différents contextes d’action et qui complète les apports des sociologues des organisations : celle de la culture organisationnelle.

La dimension culturelle possédant de nombreux « angles d’approche », en constituer une revue de littérature exhaustive dépasserait amplement le cadre de ce travail. Nous avons donc volontairement choisi de la laisser de côté sous ses angles sociologiques, anthropologiques et interculturels, tel qu’étudié par plusieurs auteurs (Hofstede et Minkov, 2010, Hall, 1989), pour nous focaliser ici uniquement sur sa dimension organisationnelle. Nous proposerons donc dans un premier temps une revue de littérature des définitions de la « culture

organisationnelle », ainsi que de ses traits caractéristiques. Nous étudierons ensuite les liens entre la culture et l’organisation au sens large, et, des liens entre structure et dynamiques relationnelles ayant déjà été mis en évidence par la sociologie des organisations dans le chapitre précédent, nous prolongerons l’analyse de ces liens en nous intéressant aux

interactions entre culture, structure et pratiques de terrain. Après ce passage en revue de concepts généraux relatifs à la culture organisationnelle, nous nous focaliserons sur ses implications pour le management à travers trois sous-thématiques : l’importance de la prise en compte du contexte et de la culture institutionnelle, qui nous éclairera sur les pratiques d’analyse de la dimension culturelle pour la prise de décisions et la gestion de projets ; la dimension relationnelle constituant une part essentielle des pratiques informelles, nous étudierons ensuite le lien entre culture, performance et implication des acteurs ; et

finalement, le rôle du RF restant central dans le management de projets, nous proposerons une revue de littérature relative à la culture et au rôle du leadership.

4.2.1. Traits caractéristiques de la culture organisationnelle

Il existe de nombreuses définitions du terme « culture organisationnelle », bien qu’aucune ne fasse l’unanimité (Thévenet, 2015) : Hofstede et Minkov la définissent par exemple comme :

« la programmation mentale collective qui distingue les membres d’une organisation de ceux d’une autre organisation. » (2010, p. 407). Mintzberg (2007) quant à lui, et sans utiliser spécifiquement le mot « culture », l’assimile à une « idéologie », et souligne son caractère mobilisateur et unificateur. Le Vallois nous dit également que :

« La culture fonde l’identité collective et le sens de son action. Rassemblant des êtres divers, qui ne se connaissent pas, n’ont aucune raison à priori de se réunir, qui n’ont pas les mêmes références individuelles, elle cherche à les fédérer et à les rendre prévisibles […]. » (2017, p. 57-58).

(26)

25 Pour Thévenet (2015) la culture organisationnelle évoque trois aspects : premièrement ce qui est relativement stable, permanent et évolue lentement ; deuxièmement les représentations, visions, modes de perception ; troisièmement, et d’une manière plus générale, le

fonctionnement collectif d’une organisation. Il distingue en outre deux dimensions à la définition d’une culture d’entreprise :

1. Un contenu tout d’abord, spécifique à chaque organisation et constitué par un ensemble de références (les modes d’interactions et les systèmes d’organisation), qui détermine partiellement les comportements. Ce contenu est spécifique à chaque organisation et les distingue les unes des autres, et même s’il peut coexister au sein d’une même organisation plusieurs contenus (sous-cultures), il existe toujours une culture générale et partagée.

2. Un mode de description de l’organisation : la culture est un paradigme, une

approche de l’organisation motivée par le sens (chercher à comprendre la signification profonde des phénomènes organisationnels), qui aborde les problèmes

organisationnels dans le temps (car situés historiquement), et finalement une approche qui s’intéresse plus au collectif qu’à l’individu.

Hofstede et Minkov (2010) nous proposent aussi une définition plus globale des

« ingrédients » d’une culture (pas nécessairement organisationnelle), basée selon eux sur cinq types de représentations : les valeurs, les rituels (activités collectives « non techniques » mais socialement indispensables, jargons, discours, etc), les héros (leaders, fondateurs, morts ou vivants), les symboles (mots, images, signes d’appartenance, attitudes emblématiques) et les pratiques en vigueur.

La culture, de par son caractère difficilement saisissable (Hofstede et Minkov, 2010, Thévenet, 2015), pose également le problème de « l’accessibilité », c’est-à-dire de l’identification de ses caractéristiques au sein d’une organisation donnée : « la culture n’est pas une part de connaissance, et il est vain d’interroger les personnes sur la culture pour la découvrir » (Thévenet, 2015, p. 48). Cette difficulté peut néanmoins se contourner en observant les pratiques en vigueur (outils, méthodes, modes d’interactions, etc) au sein d’une organisation, puisque qu’elles en sont le reflet (nous approfondirons cette notion dans le chapitre 4.2.2. « Interactions dynamiques entre culture, structure et pratiques de terrain »).

Certains auteurs ont finalement tenté de définir des typologies de cultures

organisationnelles : ainsi, Lenhardt (1992) en distingue trois types (taylorienne, matricielle, polycellulaire), et insiste également sur le lien entre type de culture et organisation matérielle concrète : types de hiérarchies, organisation du travail, processus, procédures, etc. Boltanski et Thévenot (1987) décrivent quant à eux six « mondes » (le monde inspiré, le monde domestique, le monde de l’opinion, le monde civique, le monde marchand, le monde industriel) possédant également chacun leurs spécificités culturelles, structurelles et relationnelles. Sainsaulieu finalement (1996) propose une classification des différents

« mondes sociaux de l’entreprise » en cinq catégories : l’entreprise communauté (PME et performance commerciale), l’entreprise modernisée (grandes industries), l’entreprise

(27)

26 bureaucratique (administrations publiques ou privées), l’entreprise en crise (modernisation partielle ou bloquée) et l’entreprise duale (segmentation des activités et du personnel, par exemple dans le secteur de l’hôtellerie).

4.2.2. Interactions dynamiques entre culture, structure et pratiques de terrain

Alexandre-Bailly (2013) décrit l’organisation comme composée de trois « sphères » en interaction constante : la première est constituée par la culture, la deuxième est la « sphère de l’organisation » (au sens de « structurel », et non pas au sens « d’institution ») et la troisième, celle des stratégies d’acteurs (selon la même définition que celle proposée par la sociologie des organisations).

D’autres auteurs (Sainsaulieu, 1996, Thévenet, 2015) reconnaissent également l’existence de ces trois dimensions, même si la terminologie diffère quelque peu, par exemple pour

Sainsaulieu (1996) qui parle des trois axes « culture – structure – interactions ». Pour Thévenet (2015), ces trois dimensions coexistent également mais la culture englobe la dimension structurelle et les pratiques de terrain ; elle incarne en effet selon lui les références profondes et le niveau sous-jacent à partir duquel se constitue le prescrit (règles, systèmes de gestion, etc), et se développe les comportements des acteurs. Le lien entre culture et prescrit/pratiques » ne se limite pourtant pas à un rapport de causalité unidimensionnel (le prescrit ou les pratiques qui émergeraient de la culture, de façon « mécanique ») mais s’inscrit plutôt dans une interaction dynamique : la culture façonne le prescrit et les pratiques, qui l’influencent à leur tour et peuvent même, sous certaines conditions, la faire évoluer. Pour citer l’auteur, et pour résumer cette relation dynamique :

« On ne peut aborder les problèmes de l’entreprise sans faire de lien avec la culture. On ne peut contempler la culture sans s’intéresser aux problèmes concrets rencontrés au quotidien par les acteurs. On ne change pas la culture mais elle change selon la qualité des réponses apportées aux problèmes banals de l’entreprise » (Thévenet, 2015, p. 85).

Nous voyons donc que culture, structure et pratiques de terrain fonctionnent de manière dynamique, en interaction constante, et ce constat nous invite à considérer l’entreprise de manière systémique et non pas cloisonnée. Dans une optique managériale, s’intéresser aux pratiques de terrain c’est également tenir compte de la structure formelle, des

dynamiques relationnelles et de la culture englobant, ou en tout cas influençant ces pratiques.

4.2.3. Culture organisationnelle et management

Les apports de la littérature sur la culture organisationnelle et les pratiques de management sont nombreux, et il serait impossible de tous les traiter ici : nous avons donc choisi de nous limiter à trois thématiques en lien avec la question des pratiques informelles : premièrement l’importance de la prise en compte du contexte et de la culture institutionnelle qui nous

(28)

27 donnera des pistes pour la prise de décisions notamment ; nous complèterons ce premier apport de la littérature en étudiant l’impact de la culture sur la collaboration, et plus

spécifiquement en faisant des liens entre culture, performance et implication des acteurs ; et finalement, le rôle de RF restant central dans tout projet de formation, nous explorerons le rapport entre culture et leadership.

4.2.3.1. L’importance de la prise en compte du contexte et de la culture institutionnelle S’interroger sur les pratiques managériales pourrait se limiter à un inventaire de « recettes », outils et autres « répertoires de bonnes pratiques » dont la littérature abonde : plusieurs auteurs (Hofstede et Minkov, 2010, Le Vallois, 2017, Thévenet, 2015) soulignent néanmoins le caractère illusoire de la « solution managériale universelle », et insistent sur

l’importance de la prise en compte du contexte et de la culture institutionnelle pour la prise de décisions : « comme les modes managériaux, les théories managériales qui ne correspondent pas aux attentes collectives des subordonnés sont fondamentalement source de problèmes » (Hofstede et Minkov, 2010, p. 392).

Concrètement, Le Vallois (2017) et Thévenet (2015) proposent de s’appuyer sur les ressources de la culture locale, c’est-à-dire ses traits forts et utiles, afin de les utiliser comme levier pour accompagner le changement. Cette logique nous amène à une autre façon d’envisager le management, non plus en appliquant des recettes toutes faites, mais en tenant compte des ressources et de la réalité plutôt que de prétendre la façonner :

« Le manager est d’autant plus fécond qu’il considère cette culture comme un ensemble de ressources, de repères et de biens communs, non comme une fin en soi ; comme un espace de dialogue, non comme un uniforme ; comme une dynamique en tension et en constante transformation, non comme un acquis immuable. » (Le Vallois, 2017, p. 67).

Dans l’optique stratégique d’une prise en compte de la culture comme ressource du changement, Hofstede et Minkov (2010) préconisent les deux pratiques suivantes : la

cartographie de la « géographie culturelle locale », et l’identification de sa culture globale, de ses sous-cultures et de ses divisions potentielles. Puis dans un deuxième temps la

vérification de l’adéquation entre la culture institutionnelle et ses contraintes d’une part, et les stratégies élaborées d’autre part.

4.2.3.2. Culture, performance et implication des acteurs

D’une manière plus générale, et outre les bonnes pratiques identifiées ci-dessus, appréhender la culture du point de vue du management nous invite également à questionner le rapport entre culture et performance. Toute organisation tendant à se développer (ou au minimum maintenir ses acquis), donc à « performer » (le Vallois, 2017), et puisque chaque entreprise possède comme nous l’avons vu une identité culturelle qui lui est propre, culture et performance sont inévitablement liées : il existerait cependant des cultures plus favorables à la performance que d’autres, ce que nous allons tenter de vérifier ici. Une première difficulté qui apparaît est liée aux définitions multiples et divergentes de la notion de performance : Kotter et Heskett (1993)

(29)

28 ont analysé les grandes catégories de théories mettant en lien culture et performance, et ont relevé une première difficulté liée à la définition des critères de performance (ceux-ci sont-ils les résultats ? le potentiel ? les types de compétence ? ou autre ?). De plus, le lien entre performance et culture organisationnelle « forte » (alignement entre systèmes de contrôle, motivations et systèmes d’organisation) est rejeté, car il existe de nombreuses exceptions à la règle, et les cultures fortes peuvent de plus provoquer des réactions positives ou négatives selon les individus (Hofstede et Minkov, 2010).

Culture organisationnelle forte et performance ne seraient donc pas nécessairement corrélées, mais nous trouvons par contre des liens dans la littérature (Enlart, 2012, Thévenet, 2015) entre culture et implication : pour Enlart (2012), l’implication est liée au besoin fondamental d’appartenance, et peut être stimulé au sein de l’organisation, à certaines conditions : premièrement l’existence « d’une culture commune qui garantisse l’homogénéité et le consensus nécessaire au bon fonctionnement de l’ensemble » (Enlart, 2012, p. 384) ;

deuxièmement en articulant cette culture d’entreprise à la mise en projet (individuel, collectif, de site, d’usine, etc) car « quand on s’engage sur l’avenir, on se lie psychologiquement au développement de l’organisation. » (Enlart, 2012, p. 385).

Pour Thévenet (2015), le lien entre culture et implication est également présent mais nuancé car « il n’est pas possible de créer l’implication qui provient de l’individu lui-même, de son adhésion et de sa volonté, même si on peut toujours essayer de l’influencer. » (2015, p. 97).

L’entreprise peut cependant stimuler l’implication des acteurs en créant une forte cohérence dans le fonctionnement, elle-même arrimée sur des références solides fournies par la culture.

4.2.3.3. Culture(s) et rôle du leadership

Prendre en compte la dimension culturelle dans les décisions, influencer, impliquer fédérer fait que la tâche du manager de la formation n’est pas simple ! Au-delà des quelques bonnes pratiques mises en évidence ci-dessus, elle nécessite aussi de s’interroger de manière plus large sur le leadership, c’est-à-dire l’influence des dirigeants. Hofstede et Minkov nous disent à ce titre que :

« Les valeurs des fondateurs et des dirigeants majeurs façonnent assurément les cultures organisationnelles, mais ces cultures influent sur le personnel par le biais de pratiques communes. Les valeurs des fondateurs et des dirigeants deviennent les pratiques des membres de l’organisation. » (2010, p. 410)

Cette idée est partagée par le Vallois (2017) pour qui le dirigeant est un « faiseur de culture » et son garant : il dispose donc d’un pouvoir d’influence considérable sur les pratiques et les acteurs. Il n’est cependant pas tout puissant puisque les acteurs possèdent toujours une part de liberté dans l’interaction, comme le nuancent d’autres auteurs (Alexandre-Bailly, 2013, Thévenet, 2015).

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