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Les nouvelles régulations « en pratique » de l'action éducative : sociologie compréhensive de l'établissement scolaire et de ses professionnels dans l'enseignement primaire genevois

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Les nouvelles régulations « en pratique » de l'action éducative : sociologie compréhensive de l'établissement scolaire et de ses

professionnels dans l'enseignement primaire genevois

RUFIN, Diane Laurene

Abstract

La recherche vise à étudier comment l'action éducative et l'action enseignante se configurent et se reconfigurent, s'ajustent, dans le contexte des transformations multiformes qui traversent l'institution scolaire. Il s'agit de comprendre dans quelle mesure ces dernières prennent forme dans des dynamiques réciproques entre le cadre officiel de l'action, les configurations situationnelles et relationnelles, les acteurs. Cette recherche s'inscrit dans une perspective ethnographique et combine différentes méthodes : analyse documentaire, observation, entretiens. Élaborée de manière inductive, l'analyse descriptive est présentée à partir de trois niveaux (politico-institutionnel, établissement/s, enseignants) qui ont chacun une fonction spécifique par rapport à l'action éducative. La thèse apporte une connaissance précise de l'enseignement primaire à Genève (ses composantes, son fonctionnement, ses spécificités…) et montre les agencements complexes de l'action éducative, comment elle se tisse dans des déclinaisons et des dynamiques complémentaires et réciproques : entre des logiques transversales, [...]

RUFIN, Diane Laurene. Les nouvelles régulations « en pratique » de l'action éducative : sociologie compréhensive de l'établissement scolaire et de ses professionnels dans l'enseignement primaire genevois. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2017, no. FPSE 673

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:97644 URN : urn:nbn:ch:unige-976445

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:97644

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Mes premières lignes s’adressent à ceux qui n’avaient a priori aucun intérêt particulier à participer à cette recherche et en sont pourtant le cœur. Je remercie l’ensemble des professionnels des trois établissements scolaires dans lesquels j’ai mené ma recherche, en premier lieu les enseignants qui se sont donnés à voir dans leurs pratiques et ont échangé avec moi sur leur métier sans compter leur temps. Merci également aux trois directeurs qui ont accepté, sans condition et sans regard sur les résultats produits, la présence d’un chercheur sur les différentes scènes de leur établissement, particulièrement la directrice de l’un d’entre eux (que l’anonymat m’empêche de citer). Elle m’a non seulement ouvert les portes de son établissement, mais aussi son bureau, ses armoires, ses rendez-vous, ses réflexions, ses hésitations… les coulisses de son action. Les nombreux et longs moments d’échanges informels que nous avons eus sans censure ont été extrêmement riches et éclairants.

Ma reconnaissance va à Jean-Paul Payet, mon directeur de thèse, pour son accompagnement, sa confiance, son soutien et son écoute tout au long du processus de thèse et au-delà, pour m’avoir permis de rejoindre son équipe et de partager d’innombrables moments de réflexion et de convivialité. Les discussions les plus libres et informelles sont souvent les plus belles occasions d’apprendre.

Mes remerciements s’adressent à Anne Barrère, Christian Maroy, Roland Raymond, Jean- Claude Thoenig et Frédéric Yvon qui ont accepté d’être membre du jury de thèse ; également à Georges Felouzis qui a fait partie de la commission de thèse.

Un grand merci à l’ensemble des membres de l’équipe SATIE, actuels ou passés. Je pense avant tout à Julie Pelhate avec qui j’ai traversé l’ensemble du processus, les défis stimulants mais aussi les difficultés et les doutes, à Marie Chartier qui m’a fait partager son expérience et la finesse de ses analyses. J’ai énormément apprécié travailler à vos côtés, tous les moments de

« triturage » de cerveau et d’amitié. Merci également à Frédérique Giuliani, Valérie Hutter, Geneviève Mottet, Marie Jacobs, Angelika Toth, Fabien Deshayes, Zakaria Serir… pour leur soutien au cours des différentes phases de ce travail.

Ma reconnaissance va également à Stéphane Daubignard aux côtés de qui j’ai démarré ma vie professionnelle, qui m’a appris tant de choses et me prodigue toujours des conseils avisés et bienveillants, ainsi qu’à Olivier Chavanon, sans qui je n’aurais jamais réuni les conditions de démarrage de cette thèse. Merci à vous deux de m’avoir incitée à avancer, pour votre soutien amical.

Et pour terminer, je remercie mes proches, qui ont probablement le plus subi les vicissitudes de ce travail : Guillaume, mon conjoint, avec qui j’ai traversé ces années et ces épreuves, pour son soutien, sa patience sans faille, son humeur toujours égale et réconfortante. Merci également à ma famille, mes parents et amis qui me soutiennent quoi qu’il arrive… une pensée particulière aux trois comparses avec qui j’ai partagé mon éveil sociologique il y a déjà quelques années et

(7)
(8)

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ... 9 

Le processus de la recherche 9 

Les « attachements » de la recherche 12 

La composition du document 19 

CHAPITRE 1

LE PROJET DE RECHERCHE

Un projet de recherche configuré à la croisée du contexte général, d’une perspective théorico-méthodologique, de méthodes d’enquête et d’analyse ... 23 

Partie 1 : Le contexte général de la recherche : une action éducative qui s’inscrit dans des transformations sociétales, politiques, professionnelles ... 26 

1-1-  Transformations des politiques publiques, régulation de l’action publique, transformations institutionnelles et des identités professionnelles ... 27  1-1-1-  Les transformations des politiques publiques et la régulation de l’action publique 27  1-1-2-  Les transformations de l’action institutionnelle et des identités professionnelles 33  1-2-  Transformations de l’action éducative et de son mode de régulation ... 35  1-2-1-  Les transformations de l’action éducative dans une perspective historique 35  1-2-2-  Les transformations relatives à l’enseignement et aux professions éducatives 38  1-3-  Politiques et système d’enseignement genevois ... 44  1-3-1-  Genève et l’enseignement : des liens inscrits dans une longue histoire 44  1-3-2-  Les transformations récentes du système d’enseignement genevois 48  Partie 2 : Une problématisation et des méthodes de recherche qui se définissent à partir d’une approche théorico-méthodologique ... 51 

2-1-  Une perspective théorico-méthodologique qui met l’acteur et son environnement au cœur de la recherche ... 51  2-1-1-  Les transformations sociétales et leurs implications théorico-méthodologiques :

place de l’individu et Modernité 52 

2-1-2-  Un regard sociologique constitué autour d’une considération des situations, des

acteurs, des actions 59 

2-2-  Problématisation, hypothèses et méthodes : une problématique qui se traduit en une pluralité de méthodes dans une perspective ethnographique ... 66  2-2-1-  Problématisation et hypothèses de recherche 66  2-2-2-  Méthodes d’enquête et d’analyse : une combinaison de méthodes qualitatives, un

processus de recherche ethnographique, trois niveaux d’analyse descriptive 68  2-2-3-  Perspective générale d’analyse et de présentation 85 

(9)

CHAPITRE 2

Le premier niveau d’analyse descriptive : le niveau politico-institutionnel LE CADRE OFFICIEL DE L’ACTION ÉDUCATIVE

Un cadre qui met en cohérence une organisation,

des principes et objectifs, des modes d’action, une règlementation

... 91 

Partie 1 : Une organisation définie qui structure et re-structure l’action éducative, qui s’impose et impulse des principes, des modes d’action, des pratiques ... 97 

1-1-  Une organisation politique cantonale, un processus d’harmonisation intercantonale et de standardisation internationale ... 97  1-1-1-  Une organisation politique spécifique au canton de Genève 97  1-1-2-  Un processus d’harmonisation intercantonale et de standardisation internationale 101  1-2-  Une organisation de l’enseignement obligatoire définie par des structures et des

fonctions qui prennent sens au niveau de l’établissement ... 102  1-2-1-  Une organisation de l’enseignement obligatoire structurante 102  1-2-2-  Des fonctions professionnelles qui prennent sens autour de l’établissement 106  1-3-  Une organisation en mouvement qui impulse : des changements peu visibilisés mais

permanents ... 109  1-3-1-  Un processus de transformations peu visible dans les documents 110  1-3-2-  Une accélération des changements organisationnels 111  Partie 2 : Des principes objectivés qui orientent et justifient l’action éducative à partir de conceptions liées à l’enseignement et aux protagonistes ... 115 

2-1-  Des conceptions du rôle de l’école et de l’enseignement définies en principes et objectifs s’inscrivant dans des enjeux sociétaux ... 115  2-1-1-  Des principes-objectifs d’universalité (dimension collective) et de

personnalisation (dimension individuelle) 116 

2-1-2-  Des principes-objectifs visant un enseignement global et individualisé qui

prépare et épanouit l’élève 117 

2-1-3-  Des principes-objectifs qui s’inscrivent dans des missions « traditionnelles » et

plus « modernes » 119 

2-2-  Des conceptions de l’élève qui traduisent une appréhension globale et singulière, orientée selon des visées individuelles et collectives ... 120 

2-2-1-  Un élève global et singulier 120 

2-2-2-  Des visées individuelles (d’épanouissement personnel et d’autonomie) et collectives (sociales, politiques, économiques) 121  2-3-  Des conceptions de l’enseignant qui s’inscrivent entre « tradition » et « modernité » . 124 

2-3-1-  Modernisation du rôle enseignant 124 

2-3-2-  Un changement promu à travers le rôle d’autres professionnels 125  Partie 3 : Des modes d’action transversaux qui véhiculent des conceptions et des pratiques (intermédiaires, performatifs et média) ... 128 

3-1-  L’autonomie : un mode d’action dérivé de la personnalisation et de la proximité,

« objectif » et « moyen » d’une plus grande efficacité ... 129 

3-1-1-  Personnalisation, proximité et autonomie 129 

3-1-2-  L’autonomie, « objectif » et « moyen » d’une plus grande efficacité 130 

(10)

3-2-  La collaboration à tous les niveaux : un mode d’action transversal et central qui oriente et régule l’action éducative et les pratiques ... 130  3-2-1-  Une collaboration présente au niveau des institutions 132  3-2-2-  Une collaboration entre professionnels centrale qui se constitue par rapport à

l’établissement (externe et interne) 134 

3-2-3-  Une collaboration qui s’applique aussi par rapport aux non-professionnels 136  3-3-  Évaluation et projet : des modes d’actions « outils » corollaires ... 139 

3-3-1-  La notion d’évaluation 139 

3-3-2-  La notion de projet 142 

Partie 4 : Une règlementation plurielle et foisonnante qui encadre, précise et régule la mise en pratiques de l’organisation, des principes et des modes d’action ... 145 

4-1-  Une règlementation en lien avec l’organisation, les principes et les modes d’action, qui vise leur mise en pratiques ... 145  4-1-1-  Une règlementation qui donne une substance à l’organisation : fixe les structures,

établit les responsabilités, règlemente les pratiques 145  4-1-2-  Une règlementation qui s’adosse à des principes et les décline en domaines,

catégories, mesures, dispositifs 147 

4-1-3-  Une règlementation en parallèle des modes d’action 148  4-2-  Une règlementation qui encadre les pratiques différemment selon les destinataires ... 148 

4-2-1-  Un encadrement de plus en plus précis et formalisé des activités des

professionnels de l’enseignement 148 

4-2-2-  Entre rappel des obligations et conseils éducatifs aux destinataires de

l’enseignement : les élèves et leurs parents 149 

4-3-  Une règlementation qui précise et qui régule les pratiques ... 149  4-3-1-  Des règlements qui accompagnent, précisent, clarifient, expliquent, impulsent,

initient la pratique 150 

4-3-2-  Des règlements qui régulent, limitent la pratique 150  Conclusion du chapitre ... 152 

CHAPITRE 3

Le deuxième niveau d’analyse descriptive : le niveau établissement/s L’ÉCHELON INTERMÉDIAIRE DE L’ACTION ÉDUCATIVE Une opérationnalisation incarnée du cadre politico-institutionnel / des configurations spécifiques, horizons de référence pour les professionnels

... 157 

Partie 1 : L’échelle organisationnelle qui opérationnalise l’action éducative de manière incarnée, à travers un cadre commun et des diversités locales : les établissements primaires genevois ... 162 

1-1-  Une organisation commune qui opérationnalise le niveau politico-institutionnel à travers des entités et fonctions spécifiques ... 162  1-1-1-  Les trois piliers du Nouveau fonctionnement : un triptyque qui constitue

officiellement l’établissement 162 

1-1-2-  Une organisation commune qui se décline et évolue 166  1-2-  Des diversités structurelles et organisationnelles des établissements qui résultent de

situations conjoncturelles ... 167 

(11)

1-2-1-  Disparités géographiques et sociales 167  1-2-2-  Le nombre de sites composant les établissements 173  1-2-3-  La taille des établissements : le nombre d’élèves et de classes 175  1-3-  Des éléments de diversité qui renvoient à des contraintes ou à des choix

organisationnels et des fonctionnements spécifiques ... 176  1-3-1-  Des éléments relatifs à la structure des établissements 176  1-3-2-  Des éléments relatifs aux ressources humaines 178  1-3-3-  Des éléments relatifs au fonctionnement du collectif 181  Partie 2 : Des configurations organisationnelles incarnées, des dynamiques collectives propres à chaque établissement : les trois établissements de la recherche ... 183 

2-1-  Établissement A ... 184  2-1-1-  Un grand établissement en milieu défavorisé (REP) avec plusieurs divisions

d’enseignement 184  2-1-2-  Des fonctions spécifiques qui contribuent fortement à la répartition des rôles 190 

2-1-3-  Une/deux équipe/s d’enseignants 194 

2-2-  Établissement B ... 201  2-2-1-  Un établissement défavorisé de ville, « reconnu » REP, constitué de deux écoles

géographiquement distinctes 201 

2-2-2-  Des fonctions spécifiques moins ancrées qui mettent l’accent sur la diversité des

postures professionnelles 209 

2-2-3-  Une pluralité de collectifs de référence 215 

2-3-  Établissement C ... 222  2-3-1-  Un établissement dans la moyenne composé de trois écoles et trois bâtiments sur

deux sites distincts 222 

2-3-2-  Des fonctions spécifiques très fortes et structurantes 227  2-3-3-  Un collectif en construction qui prend forme autour d’un Projet d’établissement,

inscrit dans une histoire compliquée, constitué de trois écoles/équipes 233  Conclusion sur les établissements ... 240  Partie 3 : Des acteurs spécifiques pivots du niveau établissement/s : les directeurs d’établissement (Dir-E) : « l’acteur établissement » ... 247 

3-1-  La directrice de l’établissement A ... 247  3-1-1-  Une directrice qui a un parcours assez « direct », qui met l’accent sur les marges

de manœuvre liées à son rôle, une arrivée appréhendée mais « en douceur » 247  3-1-2-  Une directrice appréciée par son équipe, très active, disponible, à l’écoute, qui a

les défauts de ses qualités 249 

3-1-3-  Un rôle qui se construit entre le cadre institutionnel et la relation aux différents acteurs, à partir de différents domaines d’activité 252  3-2-  Le directeur de l’établissement B ... 257 

3-2-1-  Un directeur avec un profil social, universitaire, tourné vers la conciliation et la négociation 257  3-2-2-  Un directeur apprécié par son équipe, à l’écoute, disponible, compréhensif, à la

recherche du consensus 260 

3-2-3-  Un directeur « du côté des élèves », très actif dans la relation avec les parents qui

souhaite donner un cap à son équipe 263 

3-3-  La directrice de l’établissement C ... 266 

(12)

3-3-1-  Une directrice qui a un parcours diversifié, une volonté de proposer un système novateur 266  3-3-2-  Une directrice qui a de grandes compétences pédagogiques, d’analyse et de

synthèse, exigeante et soutenante avec les enseignants, « un peu trop théorique »

pour certains 271 

3-3-3-  Un rôle orienté vers l’amélioration des pratiques d’enseignement, qui articule les

différents domaines d’activité 275 

Conclusion sur les directeurs ... 279  Partie 4 : Des objets spécifiques : le/s Projet/s d’établissement (PdE) : l’« outil mode d’action » symbole de l’autonomie partielle des établissements ... 289 

4-1-  Un cadre commun qui s’inscrit dans la perspective de l’organisation et des principes politico-institutionnels et impulse les modes d’action ... 291  4-1-1-  Le cadre institutionnel : un outil de pilotage « à distance » pour l’institution et

« de proximité » pour les établissements 291 

4-1-2-  La trame standardisée : entre orientation de la réflexion et impulsion de

méthodes de travail 294 

4-2-  Tendances générales et diversités observées dans les Projets d’établissement : une mise en œuvre qui opérationnalise les principes et les modes d’action ... 298  4-2-1-  Des Projets qui s’inscrivent, s’appuient, s’incarnent sur/dans l’organisation de

l’enseignement et le fonctionnement des établissements à travers des acteurs et

des entités spécifiques 298 

4-2-2-  Des principes-objectifs peu présents, seulement en arrière-plan, recalibrés à partir de l’organisation des problématiques spécifiques, et mis en mesures 305 

4-2-3-  Des modes d’actions performatifs 308 

4-2-4-  Des actions précises 310 

4-2-5-  Diversité d’organisation et de fonctionnement dans les établissements : des variabilités liées aux personnes et aux fonctionnements collectifs 312  4-3-  Les Projets des trois établissements de la recherche à partir des « produits finis » ... 314 

4-3-1-  Le Projet de l’établissement A 314 

4-3-2-  Le Projet de l’établissement B 317 

4-3-3-  Le Projet de l’établissement C 320 

Conclusion sur les Projets d’établissement ... 323  Conclusion du chapitre ... 333 

CHAPITRE 4

Le troisième niveau d’analyse descriptive : le niveau des enseignants LES VISAGES DE L’ACTION ÉDUCATIVE

Des enseignants qui incarnent et mettent en pratiques l’action éducative entre similitudes et diversités

... 343 

Partie 1 : Les enseignants qui incarnent l’action éducative : leurs caractéristiques, parcours, carrières, profils, modes d’exercice, rapport au métier ... 347 

1-1-  Les caractéristiques générales des enseignants primaire genevois et des enseignants de la recherche ... 347 

1-1-1-  La population enseignante à Genève 347 

(13)

1-1-2-  Les enseignants de la recherche : contextes d’exercice et caractéristiques individuelles 348  1-2-  Les parcours des enseignants ... 355 

1-2-1-  Des parcours assez directs et localisés (au sein du canton), marqués par les

expériences personnelles 355 

1-2-2-  Un choix de métier peu explicité, souvent depuis l’enfance, parfois dans le cadre

d’un parcours de formation ou professionnel 358 

1-2-3-  Une diversité de formations liée aux transformations institutionnelles qui marque

des différences générationnelles 362 

1-3-  Des carrières d’enseignants liées à des aspects conjoncturels et à un équilibre entre vie personnelle et professionnelle ... 365  1-3-1-  Une entrée dans le métier liée aux postes disponibles et aux opportunités, une

installation qui tend à s’allonger et à se complexifier 365  1-3-2-  Des choix et changements d’établissements définis par des arbitrages entre vie

personnelle et professionnelle 369 

1-3-3-  Différentes manières d’envisager la suite de la carrière 373  1-4-  Une diversité des profils enseignants et différentes manières d’exercer le métier ... 376  1-4-1-  Des différences individuelles irréductibles, perçues à partir des scènes visibles 376  1-4-2-  Des différences collectives qui se constituent à partir de quelques catégories

organisationnelles, autour de perceptions croisées et du partage d’un quotidien d’exercice 386  1-5-  Tendances générales concernant le rapport au métier ... 406 

1-5-1-  Des enseignants qui aiment leur métier malgré un manque de reconnaissance, qui apprécient le contact avec les élèves, mais pas « l’institutionnel » ou

« l’administratif » 407 

1-5-2-  Perceptions du rôle professionnel et la question de ses limites 414 

1-5-3-  Rapport au(x) changement(s) et au temps 418 

Partie 2 : Les conceptions des enseignants vis-à-vis des élèves et de l’enseignement et leur rapport à la sphère politico-institutionnelle : des principes éprouvés, une organisation vécue et appropriée ... 421 

2-1-  Des conceptions de l’élève et de l’enseignement sous la forme d’évidences, qui s’inscrivent dans des ambivalences et des contradictions : des principes

« éprouvés » ... 421  2-1-1-  L’élève et la transmission des savoirs au cœur du métier 423  2-1-2-  Le vivre ensemble et le bien-être des élèves, corollaires de l’enseignement ou

buts en soi 425 

2-1-3-  Conception globale et évolutive de l’élève, une évidence qui soulève des questions organisationnelles et professionnelles 433  Conclusion partie 2-1 : Des principes éprouvés par les enseignants, des élèves incarnés

qui incorporent les perspectives des différents niveaux 447  2-2-  Un rapport à la sphère politico-institutionnelle ambivalent (à la fois respectueux et

critique), un cadre organisationnel et règlementaire vécu ... 449  2-2-1-  L’engagement politique des enseignants à travers l’adhésion syndicale : un

engagement mitigé et ambivalent 449 

2-2-2-  Le rapport général des enseignants vis-à-vis du politique et de l’institution : une relative confiance qui n’empêche pas les critiques 454 

(14)

2-2-3-  Les conceptions relatives à l’organisation de l’enseignement : organisation, règlementation, programmes et méthodes d’enseignement 463  Conclusion partie 2-2 : une organisation qui se traduit en objectifs et méthodes

d’enseignement : des considérations qui laissent apparaitre des divergences 478  Partie 3 : L’appréhension par les enseignants du niveau établissement/s : des principes partagés, des modes d’action transversaux mais contrastés, des acteurs et entités très diversement considérés ... 484 

3-1-  Le niveau établissement/s et les modes d’action pour les enseignants : des modes d’action transversaux appréhendés de manière contrastée selon les domaines ou acteurs auxquels ils s’appliquent ... 485 

3-1-1-  L’autonomie 486 

3-1-2-  La collaboration et le partenariat 490 

3-1-3-  L’évaluation et le projet 495 

3-2-  La création des établissements : une autonomie qui repose sur des perspectives partagées, mais qui est jugée très limitée et ayant occasionné peu de changements dans la pratique ... 497  3-2-1-  Le processus de constitution des établissements 498 

3-2-2-  Le rapport des enseignants au REP 502 

3-3-  Le directeur d’établissement : le principal changement perçu du fait de la proximité du rapport hiérarchique qui procure une possibilité de reconnaissance et de soutien à la pratique quotidienne ... 511  3-3-1-  Une source de changements symboliques et des pratiques considérable 512  3-3-2-  Les inconvénients perçus par quelques enseignants 515 

3-3-3-  Les apports d’une hiérarchie de proximité 518 

3-3-4-  Un rôle peu envié, des degrés de sollicitation différents selon les enseignants 526 

Conclusion sur les directeurs 531 

3-4-  Le Projet d’établissement : un objet multifonction qui fait apparaitre des perspectives paradoxales, des opinions ambivalentes, une compréhension parcellaire et différenciée selon les enseignants ... 532  3-4-1-  Des opinions générales ambivalentes et différenciées au sujet des Projets

d’établissement 533  3-4-2-  Les apports et limites des Projets d’établissement perçus par les enseignants 537  Conclusion sur les Projets d’établissement : une appréhension parcellaire du Projet

d’établissement 552  3-5-  Le Conseil d’établissement : une entité insignifiante pour des enseignants qui ne

remplit que très faiblement ses objectifs dans sa mise en pratique ... 555  3-5-1-  Une entité méconnue, qui n’a qu’un très faible intérêt perçu 555  3-5-2-  Une “belle” idée sur le papier qui se heurte à la réalité du terrain 556  3-5-3-  La perspective d’un double partenariat qui s’avère très limité 560 

Conclusion sur Conseils d’établissement 564 

Conclusion partie 3 : Une perception contrastée des composantes du niveau établissement/s qui fait apparaitre des facteurs facilitateurs et des freins à l’implantation des dispositifs ... 566  Une perception différenciée des composantes du niveau établissement/s selon les

établissements 569  Une perception différenciée des composantes du niveau établissement/s selon les

enseignants 571 

(15)

Vers une quatrième partie : Les enseignants et l’activité enseignante, les différents domaines de leur activité ... 578  Conclusion du chapitre ... 582  CONCLUSION ... 591 

Analyse transversale aux trois niveaux 591 

Mise en perspective par rapport aux transformations de la régulation de l’action éducative 595 

Les perspectives de poursuite du travail 600 

Bibliographie ... 603  Liste des abréviations et acronymes ... 615  Annexes ... 617 

(16)

INTRODUCTION

D’une nébuleuse

1

à un tableau inachevé : Processus, attachements et composition d’une thèse

Le processus de la recherche

Dans la perspective d’expliquer ce que représente ce document que la matérialité rend forcément linéaire et un peu “plat” malgré le nombre de pages qui lui donne une certaine

“épaisseur”, deux images métaphoriques permettent de symboliser les deux extrémités du cheminement emprunté, ouvrant ainsi la possibilité d’un récit plus en relief et plus personnel.

L’image de la nébuleuse et, à l’autre extrémité, celle du tableau (de peinture) permettent de retracer les étapes, les transformations, voire les transmutations successives du travail, étant toutes entièrement constitutives de celui-ci. Cet usage rhétorique ne vise pas à représenter une conceptualisation abstraite ou figée ni du projet initial, ni du produit fini tels qu’ils auraient été prédéfinis. Au contraire, il vise à rendre compte de manière très concrète et “sensible”, en la symbolisant, de la portée heuristique du processus de recherche envisagé dans sa globalité, incluant une dimension déjà là (à découvrir, explorer, saisir, décrire, interroger…) et une dimension en construction (par un regard porté, des outils, une exploration, des analyses, une mise en récit…), avec ses découvertes et éclairages progressifs, ses zones d’ombre provisoires ou permanentes, ses dynamiques et rétroactions, ses évolutions et mutations, ses agencements et réajustements... Par ailleurs, ces images métaphoriques permettent de rendre compte de la superposition, de l’intrication, de l’enchevêtrement, voire du modelage commun des différents éléments qui composent la recherche, car elles s’appliquent aussi bien à l’objet de recherche qu’à l’objet thèse lui-même, les deux étant explorés, ou expérimentés, par ou à travers le processus de recherche mené par un troisième objet, l’objet chercheur ; elles permettent donc de parler un peu des trois2.

1 Nébuleuse : « amas de matières cosmiques. Tout corps céleste dont les contours ne sont pas nets. 1-Amas de matières raréfiées de forme irrégulière (nébuleuses diffuses), ou atmosphère stellaire de dimension exceptionnelle et de forme régulière (nébuleuses planétaires). 2-nébuleuse extragalactique : énorme ensemble d’étoiles, d’amas d’étoiles et de matière interstellaire, de dimension comparable à celle de la Voie lactée : galaxie nébuleuse spirale, elliptique » (Le Petit Robert, 2006)

2 Le terme d’« objet » n’est pas utilisé ici pour son caractère concret et palpable, pas tout à fait non plus dans son sens scientifique, mais surtout pour sa dimension indéterminée.

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D’une nébuleuse à une planète lointaine

Au commencement du projet de recherche, ces différents objets forment des nébuleuses, c’est-à-dire que vues de loin, leur image est à la fois fascinante et inquiétante. Mais il s’agit également d’objets lointains, mal identifiés, peu définis, dont les contours sont diffus, les composantes multiples et la matérialité incertaine, autrement dit, inconnus (de l’observateur) et étrangers les uns aux autres. L’objet de recherche est situé dans un système étranger à l’observateur ; son organisation, son fonctionnement, ses composantes explicites mais surtout implicites lui sont inconnus. L’objet thèse est impensé ; il résulte d’un phénomène d’alignement de planètes peu anticipé. L’objet chercheur n’existe tout simplement pas ; sans recherche, pas de chercheur – il n’est à ce moment-là qu’un simple observateur. Ainsi, les premières observations constituent, de fait, une situation conjoncturelle qui rassemble les trois objets dans un univers commun. Leur représentation métaphorique devient alors commune, leurs compositions fusionnent et se mélangent dans une forme unique, une (seule) nébuleuse… toujours diffuse. À ce stade, l’observateur est surtout spectateur ; il s’agit seulement de regarder “un peu partout”, en restant “à bonne distance”, à travers la lunette d’un télescope [l’exploration]. Progressivement, l’apprentissage des réglages de la focale du télescope améliorent la résolution de l’image et permettent de distinguer un peu plus précisément les différents objets, qui paraissent ainsi plus proches, même si ce n’est que de manière artificielle (à travers la lentille du télescope). Les connaissances des composantes s’accroissent (de l’univers, des systèmes planétaires, des différentes étoiles et planètes, des astéroïdes qui gravitent autour), mais restent « théoriques », indirectes et de surface ; les édifices et a fortiori les habitants demeurent des abstractions.

L’étape suivante consiste à sélectionner un système planétaire, puis une de ses planètes pour envisager de l’étudier plus précisément, d’aller plus loin dans la découverte et de préparer une expédition sur place [le projet de recherche]. Il s’agit alors de présenter la planète, sa situation dans l’univers, de définir la face qui semble la plus pertinente, l’angle d’éclairage envisagé, les parties de l’univers considérées, ou encore, l’intérêt d’améliorer la connaissance de cette face de cette planète en particulier pour une meilleure compréhension du système dans son ensemble... Il s’agit également d’exposer quels moyens semblent pertinents pour cette exploration, de définir une échelle et un angle d’étude, positionner l’objet sur une carte, définir un plan de vol, planifier les étapes de l’expédition envisagée… mais toujours à “bonne distance”. Cette étape de formalisation du projet de recherche a le mérite de faire fusionner encore davantage les trois objets initiaux. Leurs matières s’agglomèrent comme sous l’effet d’un mouvement gravitationnel et constituent progressivement un ensemble relativement cohérent. Ils ne forment alors plus une nébuleuse, mais une (unique) planète, toujours lointaine, néanmoins ses contours sont plus clairement perceptibles (que ceux d’une nébuleuse) ; donnant ainsi lieu à une première transformation. Il est alors possible de réaliser une première esquisse partielle de la planète lointaine, de la figurer dans un système qui met en cohérence ses différentes matières constitutives : l’objet de recherche et son contexte, l’objet thèse et ses impératifs, l’objet chercheur et ses « attachements ».

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De l’exploration d’un monde à la peinture d’un tableau

Il s’agit alors d’explorer, sur place, la planète [le travail de terrain], de s’y rendre, d’être présent, d’observer et d’écouter, mais aussi de s’y promener, d’arpenter les différents espaces à découvrir et surtout, de rencontrer et côtoyer les habitants, de découvrir les pratiques et les coutumes, les manières de faire et de penser, de saisir ce qui fait sens. Il n’est pas possible d’aller partout et de rencontrer tout le monde, la planète est trop grande, certaines contrées trop lointaines, certaines montagnes trop hautes, certaines failles trop profondes, mais il s’agit de saisir, de s’imprégner, d’absorber un maximum de composantes, d’agencements, de relations et d’en garder la mémoire. À ce moment-là, il est difficile de savoir exactement ce qui sera rapporté et ce qui pourra être fait du matériau récolté ; pourtant, par cette étape, dès le premier pied posé, la planète devient un monde. Il ne s’agit plus seulement d’un astre ayant une forme générale. La planète prend un visage, des visages. Ses formes sont de plus en plus précises, sa matérialité est palpable ; elle implique des personnes, des lieux, renvoie à des événements, à des discussions, à des moments partagés… Parler de monde, c’est justement considérer qu’il se constitue d’une multitude de composantes, de matériaux et de substances, d’environnements, d’organisations, d’interactions, d’agencements, d’êtres et d’objets en relation qui partagent des « réseaux de perspectives » (Céfaï, 2015, p. 6). En dehors de l’analogie astronomique, cette acception s’inscrit dans la même veine que le concept de monde social issu de Mead, puis thématisé par Strauss, Shibutani ou Becker, avant d’être plus largement mobilisé (Dewey, 1927/2010 ; Hughes, 1996 ; Mead, 1934/1963 ; Strauss, 1989/1992)3.

Lorsque l’exploration sur le terrain prend fin (suite à une décision arbitraire), c’est la multitude de données récoltées et de traces “rapportées” qui représente le monde. Le récit peut alors s’appuyer sur une nouvelle transmutation métaphorique pour narrer le processus de recherche. La quantité considérable de papiers rapportés (constituée de notes de terrain, de retranscriptions d’observations et d’entretiens, mais aussi d’images, d’impressions, de souvenirs...) forme un tout disparate et enchevêtré. Le monde exploré peut alors être symbolisé par une boule de papiers “géante”, constituée de matériaux qui apparaissent diverses et imbriqués les uns dans les autres, comme mélangés, froissés, plissés. Afin d’en comprendre précisément les logiques et les agencements et le rendre intelligible par rapport aux perspectives de la recherche, il s’agit alors d’explorer les « plis », puis de « déplier » progressivement la boule de papiers [l’analyse et l’écriture]. Ce « dépliage » – qui est présenté dans ce document –, est assez proche de la conception qu’en présente Deleuze (1988 ; 2004) lorsqu’il explique le problème auquel Leibniz répond par la création du concept de monade. Pour ce dernier, « tout dans le monde n’existe que plié. […] (Il) vit le monde comme un ensemble de choses qui sont pliées les unes

3 Un monde social est « un réseau de perspectives et de perspectives sur des perspectives, relativement stabilisé et clos sur lui-même, avec une distribution de rôles et de statuts, des idiomes partagés de participation, une allocation de droits et de devoirs, une concession de privilèges pour les insiders et une régulation de l’accessibilité pour les outsiders. Prendre part à un monde social requiert un sens de l’appartenance et une conscience de vivre ensemble, ou au moins de faire les choses ensemble. L’idée d’une activité conjointe, orientée vers des foyers d’attention commune et en fait un processus d’auto-organisation qui, progressivement, fait émerger objectifs et moyens » (Cefaï, 2015, p. 6).

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dans les autres […] et tout est pli de pli » (Deleuze, 2004). Cela ne veut pas dire que les choses sont cachées, mais qu’elles ne se présentent pas clairement, simplement, de prime accès ; une telle conception signifierait que les choses sont simples, les causalités unidimensionnelles, les déterminismes importants. Au contraire, le monde est complexe, situé dans le temps mais incluant des logiques et des modes de fonctionnement d’autres temps, constitué de logiques et de rationalités concurrentes, ambivalentes, parfois contradictoires. Comprendre comment un élément prend sens, c’est plonger dans un pli qui nous amène à en explorer un autre, puis un autre… De cette manière, chacun des plis, ou des dépliages (puisqu’il s’agit de les exposer), donne à voir une monade, c’est-à-dire « une unité subjective qui exprime le monde entier mais n’exprime clairement qu’une région, ou qu’un département du monde » (ibid.). Aussi, « entrer dans un pli » et « aller de pli en pli » (aussi bien pour le chercheur dans la phase d’analyse, que pour le lecteur une fois la phase d’écriture terminée) peut donner l’impression d’entrer dans des détails infinis.

Toutefois, ils entrent tous dans la logique du monde étudié, dans la perspective d’une meilleure compréhension de sa complexité.

L’étape d’analyse des données (l’étude des plis et l’activité de dépliage) est envisagée dans un continuum avec celle de l’écriture de la recherche (qui donne à voir ce dépliage), dans un processus constitué d’allers et retours permanents. Les deux forment un même ensemble, un même moment, ou sont constitués de phases tellement proches qu’elles ne peuvent s’envisager qu’ensemble. Le travail consiste alors à explorer, à comprendre et à représenter le monde étudié le plus justement possible. C’est à ce moment-là que la dernière transmutation s’observe. D’une forme sphérique et donc multidimensionnelle (la planète, le monde, la boule de papiers), il s’agit de passer à une forme plane, en deux dimensions (un document) ; de passer d’une forme vécue (observée, entendue, ressentie, éprouvée) à une forme racontée (un récit écrit). Mais ce n’est pas parce qu’il s’agit de passer à des mots, que le processus ne peut pas être imagé. Envisagé ensemble, le couple analyse-écriture ne se déploie pas de manière linéaire, les dépliages successifs s’expriment par petites touches, comme de la peinture sur une toile. Ainsi, pour présenter l’élaboration de ce document et en donner quelques clés de lecture, la métaphore de la peinture d’un tableau peut être utilisée ; elle est exposée dans la troisième partie de cette introduction.

Les « attachements » de la recherche

Au cours de ce processus, un certain nombre d’« attachements » vis-à-vis de la recherche sont apparus. S’ils n’étaient pas tous présents au commencement, en tout cas pas de manière explicite et conscientisée, ils se sont révélés être très prégnants, imprégnant, transpirants du processus de recherche. Ces quelques aspects développés ci-après, finalement, expliquent en partie pourquoi la recherche présentée est ce qu’elle est. Le terme d’« attachement » permet de renvoyer à la fois à une dimension passive et à une dimension active, dans le sens où ce qui apparait inéluctable (comme si ce qui était fait ne pouvait pas être fait autrement) est aussi intimement lié à des préférences, à des convictions, à des choix et à des conceptions qui ont du

« sens » par rapport à la perspective de recherche – et contribuent à la constituer fortement. Dans

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tous les cas, l’intérêt aux « attachements » invite à porter l’attention à « ce qui nous fait agir » et

« nous oblige à considérer la nature précise de ce qui nous fait être » (Latour, 2000, p. 192). Ce terme renvoie au « goût », mais pas seulement comme une sensation strictement individuelle, en quelque sorte subie et extérieure, aussi comme une « activité collective, instrumentée, réflexive » (Hennion, 2004, p. 12). L’attachement « casse l’opposition entre une série de causes qui viendraient de l’extérieur, et l’hic et nunc de la situation et de l’interaction » (ibid., p. 11).

« Faire » de la sociologie

En premier lieu, ce travail de recherche prend sa source dans la volonté de « faire de la sociologie » (Dubar, 2006 ; Masson, 2008), de pratiquer, de mettre en œuvre et d’éprouver un raisonnement sociologique, au départ relativement indépendamment de considérations théoriques, puis progressivement à travers la découverte d’un attachement fort à une certaine manière de configurer un objet de recherche et de faire du terrain, de considérer les acteurs qui y prennent place, de comprendre ce qui se joue dans les événements ordinaires – l’action en train de se dérouler (Garfinkel, 1967/2007). Le moteur de la recherche se situe davantage dans le

« faire », autrement dit dans une considération empirique de la sociologie, que dans l’application d’une théorie ou l’inscription dans une école de pensée. De ce fait, la dimension théorique s’est principalement développée à partir d’un certain regard porté sur les événements, les personnes, les phénomènes, les actions et rétroactions (Hughes, 1996), mais aussi à travers « le processus quotidien, ordinaire, sensible de la recherche » (Pelhate & Rufin, 2016, p. 184), dans la relation au terrain, ou plutôt dans les relations aux terrains, avec les acteurs qui y prennent place. Ces

« ingrédients » ont contribué progressivement à modeler une approche sociologique plus affirmée et cohérente.

Approche théorico-méthodologique

Cette approche (qui est présentée précisément dans le chapitre 1, notamment dans la partie 2) s’est affirmée autour d’une posture de recherche, de méthodes d’enquête et de leur utilisation combinée, mais aussi à travers l’analyse et la narration de son processus (Guigue, 2002 ; Olivier de Sardan, 1995). Et elle est devenue plus cohérente car, finalement, les différents éléments relatifs à la construction de l’objet de recherche semblent découler comme « naturellement » les uns des autres, comme si les choix opérés indépendamment, s’intégraient rétrospectivement dans une même composition. Contextualisation, perspective sociologique et méthodes n’apparaissent pas simplement aboutés, mis bout à bout, mais forment un tout, s’articulent, s’emboîtent pour former un même édifice. Cette cohérence explique la terminologie retenue d’approche théorico- méthodologique. Il s’agit bien d’une « approche », traduisant à la fois l’idée de regard porté, une dimension active, une manière de questionner et de faire, mais aussi une dimension évolutive, adaptable, qui ne soit ni rigide, ni figée. Cette approche relève (et implique) aussi bien de la théorie que de la méthodologie, plus exactement de l’alliage des deux puisque l’un ne semble pas pouvoir aller sans l’autre. L’utilisation du tiret entre les deux termes met l’accent sur ce lien.

De manière plus « théorisée », l’approche se révèle être avant tout ethnographique, mais aussi inductive, interactionniste et phénoménologique. L’approche ethnographique, ses

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composantes mais surtout son « esprit », est omniprésente et transversale au processus de recherche (Payet, 2016 ; Woods, 1978-1987/1990). Elle concerne les différents aspects et les différents moments de la recherche. Elle est présente dès la construction de l’objet de recherche, dans la manière de le configurer, de le contextualiser, de le problématiser. Elle apparait au niveau des méthodes de recherche privilégiées et du travail de terrain : le type de méthodes utilisées, la manière de les envisager (chacune et dans leurs combinaisons), le déroulement ordinaire de la recherche, la manière de mettre en œuvre les méthodes et plus largement la posture adoptée sur le terrain, la manière de concevoir les acteurs qui y prennent place. Il s’agit de considérer un individu acteur, en relation avec d’autres, inséré dans des contextes qui nécessitent des ajustements, et de tenir compte de la manière dont il définit la situation, ce qui fait sens pour lui (Becker, 1998/2002 ; Blumer, 1986/1998 ; Goffman, 1956/1973 ; Hughes, 1996 ; Simmel, 1912/1981 ; Thomas & Thomas, 1928 ; Woods, 1978-1987/1990). Il s’agit de s’intéresser aux situations vécues, de considérer les acteurs comme étant réflexifs, pluriels, évolutifs, inscrits dans des configurations spécifiques, et d’envisager des actions ajustées et négociées dans des interactions. De ce point de vue, l’approche adoptée a une dimension (et un « attachement ») interactionniste et implique une attention particulière au rendre compte, à la description de ce qui a été entendu, observé, perçu (Cefaï, 2011 ; Laplantine, 2005). Mais l’approche ethnographique s’observe également au niveau de l’analyse, ainsi qu’au niveau de sa présentation, de l’écriture de la recherche. L’approche du terrain et des données se veut non préconçue ou préconstruite, ouverte à l’émergence (Payet, 2007). L’analyse est opérée à partir des données de terrain, de manière inductive, dans un mouvement réflexif procédant par abstraction croissante, à partir d’une réorganisation progressive du matériau permettant à la fois de décrire le monde vécu et de donner du sens à des phénomènes plus larges. L’enquête ethnographique, « partant des manifestations phénoménologiques de l’objet ainsi que de ses représentations vécues par les acteurs, permet sur la base d’une description analytique de dégager des catégories d’interprétation d’un processus social » (Payet, 2006b, p. 74). L’analyse est ancrée dans les données, enracinée dans le vécu des acteurs (Grounded theory) (Glaser & Strauss, 1967/2010), dans la volonté de comprendre le monde étudié le plus justement possible, de saisir les phénomènes dans leur complexité, de ne pas procéder à des réductions hâtives. De ce point de vue, la posture est compréhensive (Kaufmann, 2014 ; Weber, 1950/2011), aussi bien au niveau des méthodes et de leurs mises en œuvre (la posture adoptée sur le terrain, par rapport à l’observation et aux entretiens de recherche) qu’au niveau de l’analyse.

De même, le regard naturaliste (Schatzman & Strauss, 1973) inclut une dimension phénoménologique (Merleau-Ponty, 1945 ; Schütz, 1971-1985/2008), proche du déroulement concret. À travers cette dimension, qui s’inscrit dans un paradigme constructiviste (Berger &

Luckmann, 1966/2012), il s’agit d’étudier ce qui apparait, ce qui se montre, l’expérience vécue telle qu’elle se présente, de saisir ce qui fait sens pour les acteurs. Se pose alors la question de la perception (Merleau-Ponty, 1964) – « l’origine et la source de toute réalité, que ce soit du point de vue absolu ou pratique, sont ainsi subjectives, c’est nous-même » (Schütz, 1946/2005, p. 9) – et de la description – « décrire, c’est déplier le phénomène, et l’aborder sans préjugé » (Ribau et

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al., 2005, p. 23). Par ailleurs, en concordance avec l’approche ethnographique concernant la considération des acteurs, le sujet au sens phénoménologique est celui qui « vit le monde, qui en fait l’expérience dans sa quotidienneté, ce qui inclut toute la texture, l’épaisseur et la densité que cette expérience comporte » (Meyor, 2007, p. 105). Il s’agit d’un « sujet en acte, dans la réalité et la concrétude de son expérience » (ibid., p. 106). Il est « situé dans le temps et dans l’espace, position première à partir de laquelle le monde se déploie » (ibid., p. 110). Il s’agit alors de chercher à rendre intelligible le phénomène, « un objet habité » pour lequel il n’existe pas de modèle de recherche pré-existant (Merleau-Ponty, 1964).

Il faut que la pensée de science – pensée de survol, pensée de l’objet en général – se replace dans un

« il y a » préalable, dans le site, sur le sol du monde sensible et du monde ouvré tels qu’ils sont dans notre vie, pour notre corps, non pas ce corps possible dont il est loisible de soutenir qu’il est une machine à information, mais ce corps actuel que j’appelle mien, la sentinelle qui se tient silencieusement sous mes paroles et sous mes actes. (Merleau-Ponty, 1964, p. 12-13)

Le positionnement du chercheur et la contribution des acteurs de terrain dans le processus de recherche

Le rôle du chercheur n’est pas envisagé comme étant d’emblée critique, permettant de dénoncer ou de montrer comment les choses se font (se passent, ou tournent) « mal ». Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de dimension critique. Si elle n’est pas recherchée de manière explicite, elle peut être issue de l’analyse, mais pas avant d’avoir tenté de saisir les multiples paramètres qui font que la situation est ce qu’elle est. Quelque part, cette posture est plus optimiste, ou moins négative, puisque le regard porté n’est pas négatif ou suspect a priori, mais bien ancré dans une posture compréhensive. Par ailleurs, proposer une approche et une analyse ethnographique, ce n’est pas renoncer à une réflexion méthodologique, analytique, théorique, mais « enveloppé dans le mouvement de la description ethnographique » (Cefaï, 2011, p. 545). « Pratiquer l’analyse de situation, comme le fait l’ethnographe, ce n’est pas prendre le parti du « micro » contre le « macro », mais apprendre à observer et à décrire, à partir d’indices saisis in situ, des contextes d’expression du politique » (ibid., p. 540).

Par ailleurs, concernant les acteurs de terrain, la contextualisation, l’approche théorique et la méthodologie positionnent l’acteur et son environnement au cœur de la recherche. À travers le récit du processus de recherche, depuis les prémices du projet jusque dans sa narration, il s’agit de reconnaître la place centrale des acteurs de terrain et leur contribution essentielle à l’ensemble des étapes de la recherche. Tout d’abord, l’objet et le questionnement de recherche n’existent pas ex nihilo. Ils sont directement issus des préoccupations du terrain, ou plutôt de ce qui fait sens pour les acteurs. De plus, l’accès au terrain est étroitement lié à la participation des acteurs et leur acceptation de jouer le jeu de l’intercompréhension. Mais aussi, les interprétations s’élaborent conjointement, donnent lieu à des ajustements de sens qui permettent une plus grande justesse des analyses. Par ailleurs, si la considération des acteurs de terrain, leur place dans la recherche et dans l’analyse, émane de l’importance accordée au fait de faire de la sociologie, ainsi qu’à l’approche et à la posture sociologique adoptée, elle apparaît également étroitement liée à d’autres aspects majeurs développés ci-après, à la volonté de comprendre et retracer les phénomènes dans leur complexité, ou à l’implantation dans la modernité.

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Comprendre et retracer les phénomènes dans leur complexité

Ce travail de recherche s’ancre également dans une volonté forte de considérer les phénomènes observés dans leur complexité – de mieux prendre en compte la complexité du monde réel (Becker, 1998/2002) – c’est-à-dire avec leurs incertitudes, ambivalences, diversités, contradictions, mais aussi avec leurs cohérences et leurs ajustements, qui font de la nécessité d’agir une activité rétrospectivement on ne peut plus complexe, difficilement saisissable pour le chercheur mais aussi pour celui qui agit. La description des « imbroglios » (Latour, 1997), puis leur analyse, visent à donner du sens à cette complexité, à la démêler un peu pour la rendre plus lisible, pour découvrir et donner à voir les logiques à l’œuvre de manière plus claire, sans pour autant les simplifier. Il s’agit d’« envisager la complexité de façon non-simplifiante » (Morin, 2005, p. 9). En d’autres termes, cette perspective renvoie aussi bien à un attachement au « micro sociologique » nécessitant une compréhension fine d’un monde social particulier, d’acteurs singuliers, qu’à un intérêt au « macro sociologique » renvoyant aux grandes questions de sociologie générale. Il s’agit de porter l’attention aux articulations complexes entre différents niveaux d’action, aux dynamiques entre des événements « micro » et des phénomènes « macro ».

L’intérêt porté à la complexité est également étroitement lié à celui porté à l’action et aux logiques d’action, qui implique de considérer une multiplicité de paramètres. « Le domaine de l’action […] nous impose une conscience très aigüe des aléas, dérives, bifurcations, et il nous impose la réflexion sur sa complexité même » (Morin, 2005, p. 107). Cette volonté de resituer l’exercice de l’enseignement dans un horizon complexe implique de tenir ensemble différentes échelles et facettes du métier enseignant, ce qui explique l’ampleur et la diversité des niveaux et thèmes abordés dans ce travail. L’intérêt de traiter ces différents domaines repose en premier lieu sur le fait qu’ils constituent des éléments importants aux yeux des enseignants. Ensuite, l’intérêt analytique se situe essentiellement dans leur mise en lien, dans l’analyse des articulations. Il s’agit de « processus interconnectés ». « Les choses qui varient ainsi s’influencent souvent réciproquement de manière complexe. […] C’est donc une bonne ficelle que de considérer tel ensemble d’activités sociales comme étant doté de ce type de caractère organique, et de chercher à découvrir toutes les connexions qui contribuent au résultat qui nous intéresse, en essayant de voir quelles influences elles exercent le unes sur les autres, chacune créant les conditions de fonctionnement de toutes les autres » (Becker, 1998/2002, p. 82).

Diversité des échelles d’analyse et des domaines sociologiques

Directement en lien avec l’intérêt porté à la complexité, cette recherche touche à des perspectives sociologiques diverses. L’intérêt est porté aussi bien à des événements que l’on peut qualifier de microsociologiques qu’à des questions de sociologie générale et à des phénomènes macrosociologiques, plus précisément à la nécessité d’articulations entre les deux. En outre, ce travail ne se définit pas dans un domaine sociologique particulier, mais plutôt à la croisée de plusieurs. Ainsi, certains aspects des analyses renvoient à des questions relevant de la sociologie de l’éducation bien sûr, mais aussi de la sociologie des groupes professionnels ou une sociologie politique, voire philosophique. De plus, si certaines analyses, notamment celles présentées dans les chapitres consacrés aux niveaux établissement/s et enseignants peuvent laisser paraitre une

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diversité irréductible (de configurations d’établissements, de postures enseignantes), elles s’inscrivent dans la recherche d’un lien entre unité et diversité, dans un souci de ne pas réduire la réalité à une vérité générale qui viendrait occulter le tissage « de constituants hétérogènes inséparablement associés. […] Le tissu d’événements, actions, interactions, rétroactions, déterminations, aléas, qui constituent notre monde phénoménal » (Morin, 2005, p. 21). Il se révèle important de « distinguer sans disjoindre, d’associer sans identifier ou réduire […]

l’Unitas multiplex » (ibid., p. 23). Ainsi les catégorisations simplificatrices visent à donner à voir aussi bien des tendances générales que la diversité, « le simple […], un passage, un moment entre des complexités » (ibid., p. 27). Par exemple, la distinction des trois niveaux d’analyse ne vise pas seulement à comparer ce qui est présent à un niveau et absent ou perverti à un autre, mais d’entrer dans « les boîtes noires ».

L’intérêt au/du milieu scolaire, à l’action éducative et à ses ‘nouvelles’ régulations, au système d’enseignement genevois

Au regard de ces « attachements », le milieu scolaire apparaît particulièrement adéquat pour la recherche. Tout d’abord, il est fortement politisé et institutionnalisé. Il est traversé par des enjeux sociétaux et politiques très importants à travers le rôle voulu et octroyé à l’école ; il présente une certaine conception de la société et des individus qui la composent : quels êtres sociaux veut-on pour la société de demain ? Que souhaite-t-on pour nos enfants ? Par ailleurs, ces conceptions passent nécessairement par des rapports sociaux incarnés, incarnés par des personnes et dans des contextes singuliers. Toute expérience scolaire est fortement marquée par des personnes particulières, par des enseignants qui ont su nous encourager, ou au contraire, à qui on a l’impression d’avoir eu à “survivre”. Ces souvenirs scolaires montrent à quel point cette relation entre un élève et un enseignant particulier, qui dure au moins toute une année scolaire, est marquante dans la durée. De manière plus générale, l’école représente un objet au carrefour de considérations « macro » et « micro » sociologiques. L’action éducative exercée au sein du milieu scolaire permet de considérer ces différents aspects car elle renvoie aussi bien à l’action politique, celle de l’institution scolaire – les orientations, le cadre et les transformations qu’elle propose, impulse, impose – qu’à celle menée au quotidien par les acteurs, en premier lieu par les enseignants. « Quelque chose comme du « politique » émerge comme tel chaque fois que des collectifs se forment, s’interrogent ou s’engagent autour d’enjeux où il y a un bien commun/public à atteindre ou d’un mal commun/public à écarter » (Cefaï, 2011, p. 546).

Dans le même sens, l’intérêt porté aux nouvelles régulations de l’action éducative, situé dans un contexte de modernité, s’inscrit dans cette volonté d’allier des questions politiques soulevant des intérêts sociétaux et des aspects de mise en œuvre, d’opérationnalisation, de réalisation ou d’accomplissement de l’action éducative. S’intéresser à ce qui change, à ce qui se transforme, permet de saisir des logiques qui s’inscrivent dans des temporalités plus longues, ainsi que des différences, en d’autres termes des tendances générales et des diversités. Les transformations sont resituées dans une dimension temporelle, mais observées à un moment donné. Resituer l’objet de l’intérêt dans un contexte de modernité, c’est rendre nécessaire une pensée complexe. En d’autres termes, l’intérêt porté au changement est principalement adossé à l’intérêt porté au présent.

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Chercher à comprendre ce qu’il est en train de se passer, c’est s’inscrire dans un questionnement historique. Se demander « pourquoi aujourd’hui n’est plus comme hier » permet de saisir ce qui est aujourd’hui, de comprendre les logiques des protagonistes... Chercher à comprendre le contemporain sans l’inscrire dans une certaine historicité rend aveugle sur de nombreux aspects.

Et s’il n’est pas possible de connaitre cette histoire dans son ensemble, au moins est-il important d’être attentif à ses manifestations éventuelles, aux représentations qu’en ont les acteurs… La centration de l’intérêt sur les enseignants est venue plus tard au cours du processus de recherche.

Ils se sont révélés être les principaux concernés par ces dimensions, à la jointure des deux extrémités de l’échelle d’intérêt, à la fois objet et vecteur des politiques, mais aussi ancrés dans des préoccupations directes, relationnelles.

Le système d’enseignement genevois

En outre, il est important de préciser que, lorsqu’il est mentionné dans la première partie de cette introduction que « l’objet de recherche est situé dans un système étranger à l’observateur », la signification n’est pas seulement imagée – relative à la présentation métaphorique du processus de recherche : le système planétaire –, mais est également à entendre dans un sens plus littéral : une position d’étrangeté par rapport au système d’enseignement étudié, d’une part par rapport au monde enseignant dans son ensemble et d’autre part par rapport au pays dans lequel ce système prend place… Cette position d’étranger a différentes implications sur la recherche et la manière de l’envisager qu’il est important d’expliciter. En premier lieu, dans cette situation, « tout le schème d’interprétation courante du groupe d’origine […] devient caduc. Il ne peut pas être utilisé comme schème d’orientation dans le nouvel environnement social » (Schütz, 1944/2008, p. 226). Un premier niveau d’implication se situe donc dès les prémisses de la recherche. Il apparait nécessaire de saisir ce fonctionnement inconnu du fait de cette non-familiarité. De même, la position d’étranger a des implications sur le terrain, dans la relation aux acteurs. Bien qu’une même langue soit partagée, les significations profondes, les connotations, les valeurs, les associations d’idées ne sont pas nécessairement identiques. Pour l’étranger, « le modèle culturel du nouveau groupe n’est pas un lieu de refuge mais un champ d’aventure, pas une évidence, mais un point d’interrogation à investiguer, pas un instrument utile pour clarifier les situations embrouillées mais une situation problématique et même difficile à maîtriser » (ibid., p. 232).

L’étranger doit définir la situation. « Il ne peut pas se contenter d’une connaissance par présentation approximative sur le nouveau modèle, se fiant, dans sa vague connaissance sur, à son allure générale et à sa structure mais il a besoin d’une connaissance explicite de ses éléments, s’enquérant non seulement de ses pourquoi mais aussi de ses comment » (Schütz, 1944/2008, p. 231). Ainsi, un autre niveau d’implication traverse les différents moments de la recherche, mais est particulièrement visible par rapport à l’analyse et à la présentation de la recherche, du terrain… Il apparait nécessaire « d’acquérir une pleine connaissance de au sujet des éléments du nouveau modèle culturel et d’examiner à cet effet avec soin et précision ce qui semble auto- explicatif pour le groupe » (ibid., p. 232). Cette position a certains avantages. Elle permet par exemple de se faire expliquer certains fonctionnements en posant des questions qui, autrement, paraîtraient incongrues (aux acteurs du terrain) et que le chercheur ne penserait même pas à

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interroger. Autrement dit, elle facilite un certain décentrement pour voir autrement ce qui apparait banal, ordinaire, évident aux acteurs de terrain (en prendre la mesure, le décrire, l’interroger, l’analyser comme révélateur) (Beaud & Weber, 2003). Elle rend plus facile de « déceler l’implicite de la vie sociale […] l’ensemble des choses qui vont de soi, qui sont admises de tous et qui, justement, ne sont pas maîtrisées par l’étranger » (Beaud & Weber, 2003, p. 68).

Plus précisément par rapport à l’analyse présentée, la position d’étranger au monde étudié explique probablement le besoin, à chaque niveau de l’analyse descriptive, de chercher à en comprendre la substance, la signification ad hoc des éléments étudiés, le sens précis pour les membres du groupe étudié. Cela peut également expliquer l’importance de présenter le système d’enseignement genevois dans un contexte historique, le besoin de décrire précisément le cadre de l’enseignement genevois – de présenter l’organisation politique du canton, ses spécificités culturelles – et plus largement le besoin de prendre la mesure de comment l’action éducative est envisagée à Genève, comment elle est présentée et configurée dans les documents officiels, comment elle s’organise, comment elle est pensée à chaque niveau de l’analyse. De manière générale, il est probable que cette situation d’étrangeté accroisse le besoin de tout « déplier ».

La composition du document

Dans la perspective de poursuivre l’explicitation de la « formule de recherche » (Masson, 2008), après avoir présenté son processus et ses « attachements » – les méthodes de recueil de données et d’analyse seront présentées ultérieurement –, il convient de décrire le processus d’écriture et de production de ce document. Pour ce faire, la métaphore du tableau (de peinture) peut être utilisée puisqu’elle symbolise l’écriture du document, ce qui est donné à voir, la manière de le composer et de le réaliser. Les différentes parties qui le constituent [les chapitres] peuvent être appréhendées de la manière suivante.

Les étapes de réalisation et la composition finale

Le premier chapitre représente à la fois la préparation de la toile et l’esquisse du tableau [le projet de recherche]. Il inclut le choix et la préparation du support de départ, l’application de l’enduit qui donne un certain grain à la toile, la première sous-couche qui confère la teinte de base et contribue à la tonalité générale du tableau, jusqu’à sa version finalisée. Il représente également l’esquisse, le dessin préliminaire faisant suite au choix du sujet, à la manière de l’envisager. Il est le coup de crayon au fusain qui trace à grands traits la composition générale, envisage la structure du dessin, définit le positionnement général des différents objets, présente le fil conducteur qui relie les différents éléments en un tout cohérent, mais qui définit également l’angle de vue, l’échelle, le cadrage, l’éclairage, les lignes de fuites… Ayant une fonction par rapport au cadrage et à la teinte générale du tableau final, il a une certaine permanence ; il perdure sur la toile jusqu’à la fin du travail, même si son trait n’est plus directement perceptible (sauf peut-être au niveau des zones inachevées). Mais il a également une fonction préparatoire. À ce titre, il inclut aussi une dimension provisoire, puisque les éléments sont précisés au fur et à mesure de la réalisation et peuvent être repositionnés.

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