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Le contexte général de la recherche : une action éducative qui s’inscrit dans des transformations sociétales, politiques, professionnelles

Dans le contexte occidental des sociétés modernes (ou post-modernes), l’action éducative est traversée par des transformations diverses et multiformes, d’ordre axiologique, pratique ou organisationnel (Barrère, 2011 ; Normand & Derouet, 2011). Ces transformations peuvent être qualifiées de transversales, puisqu’elles prennent forme tant au niveau des visées, méthodes et contenus des enseignements, qu’au niveau des modes d’organisation et de gestion des systèmes et au niveau des acteurs scolaires. Si les mécanismes diffèrent selon les constructions historiques et les configurations spécifiques à chaque pays, l’interdépendance accrue des systèmes d’enseignement, liée à une internationalisation croissante, (Cattonar & Lessard, 2011 ; Maroy, 2008a ; Maroy & Mangez, 2008 ; van Zanten, 2004) se complète par la diffusion de conceptions communes concernant la “bonne forme” de l’action publique – qui dépasse le seul cadre de l’action éducative (Braud, 2008 ; Lascoumes & Le Galès, 2011 ; Muller, 2009). Ainsi, les changements prenant place au sein de l’institution scolaire ne peuvent se comprendre de manière isolée. Ils s’inscrivent dans un cadre institutionnel, politique et sociétal plus large tout en prenant corps à un niveau particulier, qu’il s’agisse de prendre en compte la spécificité des contextes, d’envisager des perspectives d’action ou de reconnaître des marges de manœuvre et des initiatives individuelles.

Partant du constat de transformations touchant l’institution scolaire et d’une certaine ambivalence entre globalisation et territorialisation des modes de régulation de l’action éducative (Maroy & Dupriez, 2000 ; Thoenig, 2005) – donnant lieu à une reconfiguration de l’organisation scolaire, de ses contours et du rôle de ses différents membres, notamment dans le sens d’une professionnalisation (Demazière, Roquet & Wittorski, 2012 ; Le Boterf, 2010 ; Malet, 2014 ; Périsset, 2015), il apparait intéressant de s’interroger sur l’inscription de la profession4 enseignante dans ce mouvement général, ainsi que sur les reconfigurations concrètes qu’elles engendrent dans les représentations et les pratiques professionnelles (Barrère, 2000 ; Demazière & Gadea, 2009 ; Maroy, 2008b ; Périsset, 2015). L’objet général de la thèse est de resituer l’évolution des pratiques et représentations professionnelles dans la dynamique de transformations de la régulation de l’action éducative. Ce projet s’inscrit dans une perspective

4 Nous utiliserons cette terminologie de manière provisoire, en référence au processus de transformations décrit tout au long de ce chapitre. Compte tenu de l’historicité et des évolutions présentées précédemment, le travail des enseignants répond à certaines caractéristiques propres aux deux terminologies. Au regard des changements institutionnels et des réformes en cours, le terme « profession » semble mieux convenir car il inclut précisément les changements étudiés dans cette recherche. Toutefois, au fil des observations et des entretiens menés auprès des enseignants, le terme « métier » semble davantage correspondre aux perceptions à l’œuvre sur le terrain. Les enseignants parlent de leur « métier ». En outre, un certain nombre de références « anciennes » restent prédominantes chez les enseignants. Pour ces raisons, nous opterons principalement pour la dénomination de « métier », ce qui ne veut pas dire qu’un processus de professionnalisation n’a pas été observé.

compréhensive qui place au centre la question de la réalisation de l’action en situation, du vécu et du sens donné par les acteurs. Il s’agit de comprendre dans quelle mesure les transformations qui traversent l’institution scolaire prennent forme du plus haut niveau institutionnel (discours, réglementation, objectifs et moyens prescrits), jusque dans les pratiques mises en œuvre par les acteurs de terrain. L’approche proposée est congruente avec l’analyse de l’activité proposée par Durand et Yvon (2012) au regard du rapport entre recherche et pratique, dans sa finalité pragmatique, dans la manière d’envisager les catégorisations, les concepts, la théorisation. Il s’agit de mener une « étude attentive et détaillée de l’activité humaine en situation » (p. 13), des pratiques sociales dans leur diversité, en respectant « la complexité du réel » (p. 14). L’activité est envisagée comme comme un tout, inscrite dans des processus (Yvon, 2012).

1-1- Transformations des politiques publiques, régulation de l’action publique, transformations institutionnelles et des identités professionnelles

Les transformations sociétales prennent forme à un niveau individuel mais aussi à un niveau politique et organisationnel. L’action publique éducative et l’institution scolaire ont des spécificités qui leur sont propres, mais doivent être appréhendées dans le contexte de reconfiguration de l’action publique et institutionnelle dans son ensemble.

1-1-1- Les transformations des politiques publiques et la régulation de l’action publique

Les politiques publiques et leurs transformations

Les politiques publiques sont omniprésentes dans la société (Hassenteufel, 2008 ; Lascoumes

& Le Galès, 2011), car elles concernent une pluralité de domaines de la vie quotidienne et ont une fonction de régulation sociale. Elles désignent un ensemble de prises de décisions et de mises en œuvre de ces décisions, c’est-à-dire à la fois l’élaboration, la proposition et l’application d’un programme d’action (Lecomte, 2010). « Les politiques publiques sont une action collective qui participe à la création d’un ordre social et politique, à la direction de la société, à la régulation de ses tensions, à l’intégration des groupes et à la résolution des conflits » (Lascoumes & Le Galès, 2011, p. 5). Elles recouvrent la chose publique (polis, les affaires de la Cité), mais aussi l’idée d’un ensemble d’actions motivées, un programme d’action poursuivi de manière cohérente par un acteur collectif ou individuel (policy) (Hassenteufel, 2008 ; Lascoumes & Le Galès, 2011 ; Thoenig, 1985). La politique, nous dit Rancière, « n’est pas l’exercice du pouvoir. La politique doit être définie par elle-même, comme un mode d’agir spécifique mis en acte par un sujet propre et relevant d’une rationalité propre » (2004, p. 223). L’expression de la volonté gouvernementale d’action a donc une certaine cohérence, intentionnelle ou dégagée rétrospectivement. Il s’agit d’« ensembles structurés, réputés cohérents d’intentions, de décisions et de réalisations, imputables à une autorité publique locale, nationale ou supranationale » (Braud, 2008, p. 678).

Toute décision politique est à comprendre dans un contexte qui implique sa mise sur l’« agenda politique ». Pour Mény et Theonig (1989), différents éléments peuvent fonder l’existence d’une politique publique qui en font un construit. Une politique est constituée d’un ensemble de

mesures concrètes qui en forment la « substance » ; elle comprend des décisions de nature plus ou moins autoritaire (explicite ou latente) ; elle s’inscrit dans un « cadre général d’action » (pas de simples mesures isolées) ; une politique publique a un public (ou des publics), des individus, groupes ou organisations dont la situation est affectée ; une politique définit obligatoirement des buts ou des objectifs à atteindre. Le référentiel des politiques publiques met l’accent sur leur insertion dans des préoccupations sociétales. Il renvoie à des perceptions, des normes, des valeurs en vigueur à un moment donné qui constituent un problème, en font un problème à traiter et qui définissent les cadres de l’action. Il se construit à partir d’une image de la réalité sur laquelle il s’agit d’intervenir et dépend des représentations sur le sujet et au-delà (Muller, 2009, p. 60).

Muller donne l’exemple suivant : « les propositions que l’on pourra faire en matière de politique de la santé dépendent de la représentation que l’on se fait du statut de la maladie dans la société moderne et, au-delà, de l’image de la vie et de la mort, et du statut des personnels chargés de mettre en œuvre les systèmes de soin » (Muller, 2009, p. 43).

Dans les sociétés occidentales contemporaines, les politiques publiques sont incarnées par les institutions et les acteurs de l’État. Le rôle de l’État est donc majeur de par la légitimité qui lui est accordée. Il dispose d’un pouvoir d’injonction (obéissance par la contrainte, sanction), mais aussi d’influence (obéissance par consentement). L’État moderne, tout comme les politiques publiques, se transforme au niveau de son organisation et de ses manières d’agir. D’une part, l’État se reconfigure (Muller, 2009) dans ses structures. Le contexte de mondialisation, de pluralisation des normes, les places accordées (et revendiquées) par les acteurs (collectifs et individuels) génèrent une multiplication des échelles d’action spatiales “par le haut” et “par le bas”

(Lascoumes & Le Galès, 2011). L’État ne peut plus agir sans tenir compte des instances internationales et des collectifs locaux issus de la décentralisation. L’accroissement de l’articulation avec l’infra et le suprapolitique modifie la capacité à agir sur le terrain et surtout la manière d’y parvenir. D’autre part, la redéfinition de la politique des États (Beck, 2002/2003) s’opère par un changement des modes de gouvernance. On observe le passage d’une action imposée par le haut à une action qui valorise davantage l’autonomie, l’horizontalité, la proximité, la participation, la responsabilisation des acteurs locaux. Ces éléments constituent un nouvel horizon de l’action publique.

La notion de gouvernance met l’accent sur l’enchevêtrement des logiques et contraintes internes et externes, sur leur régulation (Braud, 2008), ainsi que « sur les formes horizontales d’interaction entre acteurs, les interdépendances, l’autonomisation de secteurs et de réseaux par rapport à l’État, les processus de coordination des acteurs politiques et sociaux, les formes renouvelables de négociations, de contraintes et d’incitations » (Lascoumes & Le Galès, 2011, p. 21). Il s’agit de considérer le « processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions pour atteindre des buts discutés et définis collectivement » (ibid.). La multiplication des instances décisionnelles à caractère territorial accroit la question de la concertation. « Il s’agit désormais de gouverner au plus près des attentes des individus et de tendre vers une plus grande horizontalité des relations entre gouvernants et gouvernés » (Purenne, 2015, p. 15). Les technologies de gouvernement évoluent en conséquence et donnent lieu à une instrumentation de

l’action publique. On observe une multiplication des acteurs et des instruments de coordination dans le cadre du paradigme d’une « nouvelle gouvernance négociée ». Les instruments permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action gouvernementale (Lascoumes & Le Galès, 2004). « Sous couvert de la « modernisation » et de « participation », de nouveaux instruments ont été mis en place pour assurer une meilleure fonctionnalité de la gestion publique en créant une subjectivation croissante des rapports politiques et la reconnaissance de « droits-créances » des citoyens vis-à-vis de l’État » (ibid., p. 24). « L’introduction d’indicateur de performance, d’instrument discret, de normes et de standards, de systèmes techniques, va dans le sens de la technicisation et de la dépolitisation de l’action publique » (Lascoumes & Le Galès, 2011, p. 107).

La régulation de l’action publique

Pour traiter de ces transformations, les concepts de régulation et d’action publique peuvent être mobilisés et rapprochés. Thoenig (2005) considère un passage de l’approche en termes de politique publique à une approche en termes d’action publique. La première correspond à un modèle étatocentrique où le changement est porté par une autorité gouvernementale, alors que la seconde traduit de radicales modifications concernant l’approche politique (décentralisation) et permet de la resituer dans l’ensemble de la société. Les problèmes collectifs et le traitement public sont perçus de manière située, comme étant produits dans des « circonstances par des processus et des dispositifs de co-construction liant la puissance publique à des groupes tiers et à des institutions privées » aussi bien à un niveau local qu’international. Le concept d’action publique n’occulte pas pour autant l’influence de l’autorité gouvernementale. Cette dernière

« construit des configurations de croyances, d'intérêts et de conduites permettant la coordination et le pilotage. Elle transcrit des intentionnalités. Elle est soumise à des conditions d'exercice. Elle institutionnalise des espaces politiques. Elle porte en elle, selon des dosages variables, une logique de résolution de problèmes ou d'action en même temps qu'elle gère une logique de 1'ordre par la procéduralisation ou la normativisation des positions des acteurs et des modalités de la co-construction » (Thoenig, 2005). Parler en terme d’action publique « revient à essayer de mieux comprendre comment s’articulent la nature des problèmes qui fondent le recours à l’action et un cadre institutionnel à travers des stratégies d’acteurs dont le résultat ne peut être cependant réellement prévisible » (Muller et al., 1996). L’action publique est un système d’ordre négocié, le changement n’est par unilatéral, il n’émane pas seulement par le haut, ni seulement par le bas (Lascoumes & Le Galès, 2011). Il s’agit de « définir une action publique qui fasse sens pour les individus, qui prenne en compte leurs besoins tels qu’ils les perçoivent, qui les accompagne dans leurs projets singuliers » (Payet, 2015, p. 264). Ce constat est valable aussi bien pour les usagers que pour les professionnels.

Si un rôle institutionnel est reconnu, le concept de régulation permet de percevoir l’action politique dans un sens large, comme un « processus de production de règles et d’orientation des conduites d’acteurs » (Maroy & Dupriez, 2000) tout en étant significative des logiques et pratiques de l’action publique. Ce concept met l’accent sur « l’articulation, toujours partielle et fragile, d’une pluralité de formes de coordination constitutive à un moment du « cadre »

institutionnel dans lesquels jouent les acteurs » (ibid., p. 76). Il reflète la volonté « d’articuler dans l’analyse la prise en compte des « structures » et le jeu des « acteurs » et invite à mieux saisir comment se construisent les règles du jeu qui orientent de façon plus située les conduites des acteurs. En termes d’analyse, le concept de régulation conduit à s’intéresser aux arrangements institutionnels ainsi qu’aux jeux d’acteurs, ce qui correspond bien avec l’objectif de la présente recherche. Ces derniers infléchissent les règles et traduisent un processus conjoint de production des règles. L’accent est donc mis aussi bien sur le contexte que sur les configurations locales. « Les routines, les enjeux les plus sensibles localement et les façons habituelles de faire, ont autant de poids que les injonctions hiérarchiques et la pression supposée des urgences sociales » (Lascoumes & Le Galès, 2011, p. 35)

Les transformations liées à la régulation de l’action publique

À partir de cet intérêt porté à la régulation de l’action publique, un certain nombre de transformations transversales peuvent être constatées. D’une manière générale, le débat politique tend à se concentrer sur les « grands problèmes » ou « questions de sociétés » (Muller et al., 1996) ; les anciennes frontières s’affaiblissent ou tout du moins se complexifient (distinction privé / public, État / société civile). Le phénomène de décentralisation engagé dans la plupart des pays européens s’inscrit dans le processus d’individualisation en considérant la singularité des situations, la multiplicité des facteurs qui pèsent sur elles et en reconnaissant l’expertise des acteurs locaux. Ainsi, à travers un processus de relocalisation et de contractualisation des politiques, de nouveaux modes d’action se constituent en considérant le local comme le « bon » niveau de l’action. Cette posture coïncide avec une volonté de réduction des dépenses budgétaires et permet une appréhension globale et spécifique des situations tout en répondant à des objectifs de rationalisation et d’optimisation de l’action publique. La régulation se transforme avec d’une part, la définition d’un cadre général et, d’autre part, l’autonomisation accrue des acteurs locaux.

Le cadre général met l’accent sur la philosophie générale de l’action à mener, les valeurs fondamentales qui la sous-tendent et fixent les objectifs à viser ou à atteindre dans une logique de performance, d’efficacité et d’efficience. La question du territoire prend davantage d’ampleur.

« On assiste à une sorte de découplage croissant entre politique et territoire » et à « une tendance à la reterritorialisation des enjeux de politique publique sous la forme de nouveaux espaces de régulation » (Muller et al., 1996). « Ces nouveaux territoires sont des territoires virtuels […], constitués au croisement de réseaux d’acteurs intervenant dans des références spatiales différentes et en fonction de logiques socio-professionnelles variées (politiques, administratives, économiques, sociales) qui vont partager un enjeu commun pendant un certain temps » (ibid.).

Les acteurs locaux sont tenus de se mobiliser dans une démarche collective pour analyser la situation, élaborer un projet correspondant à la fois au cadre général fixé et aux particularités du contexte, définir la meilleure mise en œuvre du système d’actions, le tout en respectant les normes, principes et outils du cadre formel : participation, concertation, partenariat, argumentation, projet, objectifs, indicateurs, évaluation.

L’émergence de l’évaluation comme mode de régulation de l’action publique se révèle être révélateur des évolutions. « Depuis trois décennies environ, l’ensemble des secteurs de l’action

publique dans les pays de l’OCDE sont submergés par le déferlement d’une rhétorique considérant l’évaluation comme l’outil cardinal de la bonne gouvernance » (Mons & Crahay, 2011, p. 77). Cette diffusion est à rapprocher des conditions sociétales qui favorisent son développement. Elle renvoie à une conception de la temporalité – la suprématie de l’immédiat et l’incertitude généralisée rend plus nécessaire la prévision (Balandier, 2010) –, ainsi qu’au développement de technologies de l’immatériel et de la communication, à l’omniprésence des experts « qui évaluent les situations et orientent les décisions, avec la banalisation des nouveaux appareils de gestion et d’administration » (Balandier, 2010, p. 24). Tirée du New Public Management (qui correspond au cadre d’une nouvelle gouvernance), elle met l’accent sur l’importance de la mesure des performances des secteurs publics dans une volonté d’optimiser les dépenses publiques et de rationnaliser l’administration. L’évaluation inclut une conception mesurable des services publics, des acteurs publics opérationnels plus autonomes et le fait que l’organisation publique doit être régulée par les résultats (outputs) et non plus exclusivement par des contrôles procéduraux orientés sur les ressources (inputs) » (Mons & Crahay, 2011, p. 82).

Cette nécessité d’un appui « scientifique » pour l’évaluation des écarts entre objectifs et résultats de l’action publique « vise à produire des connaissances sur les actions publiques, notamment quant à leurs effets, dans le double but de permettre aux citoyens d’en apprécier la valeur et d’aider les décideurs à en améliorer la pertinence, l’efficacité, l’efficience, la cohérence et les impacts » (Société Française de l’Évaluation, 2006). « L’évaluation contribue ainsi à rationaliser la prise de décision publique, à moderniser la gestion de l’administration et des services publics et à rendre plus efficace la dépense publique » (ibid.). Elle entretient un lien avec le changement puisque la nouveauté « porte en elle une contrainte d’évaluation ». La notion d’évaluation est également à rapprocher de la judiciarisation de la société, de la « multiplication des procédures à la recherche des preuves de la faute, d’évaluation des dommages subis » et de la responsabilisation des individus (accountability).

La notion d’évaluation permet de faire le lien entre l’orientation de l’action publique et la mise en œuvre de l’action. Elle permet en outre d’envisager une dimension évolutive et une certaine diversité. L’évaluation permet de s’intéresser aux effets de l’utilisation d’outils de régulation sur les pratiques. En devenant un horizon normatif incontournable tout en correspondant à un ensemble de pratiques quotidiennes très diverses compte tenu de son « aspect polymorphe » (Barrère, 2011), l’évaluation amène à s’interroger sur sa réappropriation diversifiée par les acteurs (Balandier, 2010). Par exemple, la Société suisse d’évaluation (Widmer, Landert,

& Bachmann, 2000) « attire l’attention sur l’usage des évaluations » et énonce l’importance de l’implication des acteurs. Si l’évaluation peut permettre de légitimer et promouvoir l’action en donnant des éléments permettant la « production d’un discours de vérité sur la politique menée » (Fontaine & Warin, 2000, p. 100), « la réalité des pratiques d’évaluation constitue, en tant que fait observable, un intéressant révélateur de l’action publique locale » (ibid., p. 98). Elle peut donner un éclairage sur la construction de la territorialité de l’action publique. Elle permet également de mettre l’accent sur l’aspect performatif des politiques publiques et fait émerger la complexité. L’analyse des évaluations donne des indications sur les choix publics, sur le contenu

effectif des partenariats, éclaire sur les manières de rechercher les compromis nécessaires à la production de l’action publique. « L’usage de ces informations par les acteurs concernés par l’évaluation est aussi un révélateur intéressant de leurs relations et stratégies » (Fontaine &

Warin, 2000, p. 99). Elle permet de situer les acteurs et leurs logiques en considérant une

« diffraction des intérêts et des représentations sociales » et l’autonomie des acteurs. « Les ajustements nécessaires des logiques, des ressources, des représentations sont recherchés, non plus à partir d’une raison extérieure ou surplombante, en particulier celle de l’État, mais sur le plan d’une raison pratique, procédurale, qui oblige les protagonistes à afficher leurs points de vue et leurs intérêts afin de définir ensuite les politiques sur la base de relations négociées. » (ibid., p. 100).

De même, le projet devient un instrument politique de mobilisation sociale largement utilisé.

Dans un contexte de décentralisation de l’action publique, le projet requiert et permet l’implication des acteurs des territoires concernés et la valorisation des ressources du terrain (Pinson, 2004). Il implique une démarche de projet qui met en lien un état existant, l’histoire de

Dans un contexte de décentralisation de l’action publique, le projet requiert et permet l’implication des acteurs des territoires concernés et la valorisation des ressources du terrain (Pinson, 2004). Il implique une démarche de projet qui met en lien un état existant, l’histoire de