fi° 29. Paraissantle 15 de
chaquemois. 15 Octobre 1926.
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France... 35 fr.
Etranger. 45 fr.
( France... 3^50 Le IVujjriero.
(Etranger. 4^50 Adresserlemontant desAbonnementsà l'Institut
duPin.— C.C.Bordeaux 9237
BULLETIN
DE
\
XL'INSTITUT DU PIN
Sous le contrôle de l'Institut des Recherches
agronomiques
et rattaché à la Faculté des Sciences de Bordeaux
r SOMMAIRE
I, Articles originaux
B. I. 14 Les Résines deConifères,parG.Dupont. 517 C. I. 26 Hydrogénation de quelques composés
terpéniques, par Vièles 525 C. I. 27 Sur la Coloration des Essences de téré¬
benthine 529
II. Documentation
C. II. 28 Procédé pour améliorer l'essence de térébenthine... 535 D. II. 42 Résines, Baumes, Caoutchouc et Gutta-
percha,par A. Tschirch 537
-J
MODE DE CliHSSipiCHTIOM DE NOS DOCUMENTS
A. Généralités.
B. Récolte et traitement des résines.
C. Essences de térébenthine, terpènes etdérivés.
D. Constituants solides des résines et leurs dérivés.
E. Dérivés chimiquesdu bois.
F. Cellulose de bois.
G. Documentsdivers.
Adresser la Correspondance :
INSTITUT DU PIN, Faculté des Sciences, 20, Cours Pasteur, BORDEAUX
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29. Paraissant le 15 de chaque mois. 15 Octobre 1926.
BULLETIN
DE
L'INSTITUT DU PIN
Sous le contrôle de l'Institut des Recherches agronomiques
et rattaché à la Faculté des Sciences de Bordeaux
B. I. 14
Les Résines de Conifères
Par G. Dupont.
La gemme de Pin.
Quand on entaille le tronc d'un pin, on voit per¬
ler sur la coupe claire du bois mis à nu, des gout¬
telettes brillantes d'une résine oléagineuse qui gros¬
sissent et, finalement, ruissellent., Cette résine est
ce qu'en France on désigne ordinairement sous le
nom de « gemme de pin ».
Cette gemme, très transparente lorsqu'elle sort des canaux résinogènes de l'arbre, devient rapide¬
ment opaque à l'air et à la lumière et elle se soli¬
difie en partie sur la plaie en la recouvrant d'une croûte cristalline blanche. Au microscope, cette gemme opaque se montre constituée d'une multi¬
tude de petits cristaux en suspension dans un li¬
quide visqueux.
Si l'on traite la gemme fondue par un courant de vapeur d'eau, on la sépare aisément en ses deux constituants immédiats :
1° l'essence de térébenthine qui, volatile, est en¬
traînée par la vapeur;
2° la colophane, non volatile, qui reste dans la
cornue de distillation.
L'essence de térébenthine que l'on peut conden¬
ser avec la vapeur d'entraînement, est un liquide mobile, odorant, plus léger que l'eau de laquelle
d est
séparé aisément par décantation.
La colophane se solidifie, par refroidissement,
en une masse friable, vitreuse et transparente. Si¬
gnalons de suite que cette colophane diffère de la
masse cristalline présente initialement dans la gem¬
me; elle est un produit de transformation, par la chaleur, fie celle-ci, que nous désignerons sous le
nom fie « galipot ». On doit donc faire une distinc¬
tion entre le «galipot », produit solide fie la gemme
(que l'on peut en extraire par essorage) et la « colo¬
phane », produit fie transformation par la chaleur
du galipot originel.
La gemme n'est donc autre chose qu'une dissol-
lution plus ou moins complète dans un solvant vo¬
latil, l'essence de térébenthine, et nous compre¬
nons pourquoi, par évaporation fiu solvant, ce gali¬
pot vient s'accumuler sur la plaie et la recouvre d'un enduit plus ou moins épais dont le but physio¬
logique est sans doute d'aider à la cicatrisation et de remplacer l'écorce absente.
Origine de l'écoulement résineux.
Au sujet fie la formation fie la résine dans l'ar¬
bre, on sait, grâce en particulier aux travaux de Tschirsch, que les organes producteurs sont cer¬
taines cellules réparties surtout dans l'aubier et bordant fies vacuoles dans lesquelles s'accumule la résine formée. Mais la proportion fie cette résine normalement présente dans le bois est faible (en général moins de 3 p. lfiff du poids du bois) et ne constitue qu'une faible partie de l'écoulement en¬
tretenu. Ce dernier a surtout son origine dans fies
cellules résinogènes très nombreuses qui se multi¬
plient rapidement dans la couche en formation fie l'aubier au-dessus de la plaie. C'est donc bien la fonction qui crée ici l'organe : l'arbre, qui a rapide¬
ment épuisé ses réserves résineuses, spécialise cer¬
taines fie ses cellules nouvelles dans la production
sur place des produits résineux nécessaires à la protection fie ses tissus.
518 BULLETIN DE L'INSTITUTBUPIN — N° 29 - Octobre 1926
Récolte et traitement de la gemme.
La récolte de la gemme de
pin
et sontraitement
(extraction de l'essence de
térébenthine et de la
colophane) font l'objet
d'une industrie florissante
particulièrement en
Amérique,
enFrance et en Es¬
pagne. Rappelons dans
leurs grandes lignes, les mé¬
thodes suivies.
Pour provoquer
l'écoulement de la
gemme,l'ou¬
vrier résinier, le « gemmeur », pratique au
prin¬
temps, à la base de
l'arbre,
uneplaie ovale, la
«car¬
re », au-dessous de laquelle il
dispose
unepetite
gouttière de zinc,
le
« crampon »et le pot de terre
vernissée dans lequel le crampon
conduit le ruis-
selet de gemme.
L'écoulement produit
cesserapide¬
ment par suite du dépôt
d'un enduit de galipot sur
la carre, aussi le gemmeur
passe-t-il fréquemment
pour enlever, à
l'aide d'un outil particulier très
tranchant, un copeau très mince de
bois à la partie
supérieure de la carre et
aviver ainsi la plaie. Tous
les mois environ le gemmeur récolte la
résine (c'est
l'opération appelée
amasse) et il l'apporte à l'usine
qui doit la traiter.
Ce traitement a pour but la
séparation des deux
constituants de la gemme, l'essence de
térébenthine
etda colophane. En
général,
onfait précéder l'opé¬
ration d'une purification de la gemme par
fusion,
décantation et filtration; c'est le produit ainsi pu¬
rifié que l'on désigne sous
le
nomde térébenthine
ou pâte de
térébenthine.
La gemme, purifiée ou non,
est
engénéral trai¬
tée par la vapeur
d'eau à
unetempérature attei¬
gnant 160°; dans ces
conditions,
nousl'avons vu,
l'essence de térébenthine est entraînée tandis que la colophane reste dans un
réfrigérant à la base
duquel on sépare
automatiquement l'essence de
l'eau à l'aide d'un bacflorentin. La colophane,
d'au¬
tre part, est
coulée
sur untamis fin qui retient les
impuretés; elle se
solidifie
parrefroidissement. La
colophane obtenue à
partir de la térébenthine est
claire et brillante; celle obtenue à partir de la gem¬
me non purifiée est de
couleur plus foncée et trou¬
ble; on désigne généralement cette
dernière qualité
sous le nom de « brai ».
Ces considérations générales étant
données, je
vais rappeler ce que nous savons,
d'une part,
surl'essence de térébenthine, d'autre part, sur les
colo¬
phanes etles
galipots, et indiquer les relations d'ori¬
gine qui semblent
exister entre
cesconstituants.
I. — LES ESSENCES DE TEREBENTHINE
(1)
Les essences de térébenthine, on le sait depuis longtemps, ont des
propriétés variables
avecl'es-
(t) Voir labibliographiede laquestion. G. Dupont.Ann. de Chim., t. I,
p.1841924.
pèce du pin
qui leur
adonné naissance, mais ce
n'est que depuis peu
d'années, et particulièrement
depuis les beaux travaux
de M. Darmois sur l'es¬
sence de pin maritime, que
l'on sait distinguer et
doser les divers constituants chimiques
des
essen¬ces de térébenthine.
Depuis quelques
années,
nousavons entrepris, à
l'Institut du Pin de la Faculté des Sciences
de Bor¬
deaux, l'étude systématique de
la composition des
essences de térébenthine et nous avons pu
séparer
d'une falçon
satisfaisante les principaux consti¬
tuants terpéniques des essences
grâce à
unecolonne
de distillation de grande
efficacité, spécialement
étudiée dans ce but. Indiquons ici, dans
leurs
gran¬des lignes, les
résultats obtenus.
Les essences de térébenthine contiennent, en
gé¬
néral, les constituants suivants :
1° des terpènes C10H16
(pinène, nopinène, limo-
nène et dipentène, carène,
etc.)
; cesont là les cons¬
tituants dominants, formant en
général 90
p.100
de l'essence
2° des sesquiterpènes
C15H24 dont la proportion
est, en général, inférieure
à 10
p.10O, mais peut,
dans certaines essences, s'élever jusqu'à
20
p.100.
3° des éthers (acétate de bornyle) et des
alcools
terpéniques, qui, en
général,
assezrares dans les
essences de térébenthine, forment au
contraire la
majeure partie des essences
d'aiguilles de sapin.
4° des produits
d'oxydation provenant de l'action
de l'air sur les constituants normaux
précédents.
Suivant la nature de leurs constituants
terpéni¬
ques, les essences
peuvent
seclasser en cinq
groupes :
1° Les essences à peu près
exclusivement consti-
.tuées de pinène.
2° Les essences formées principalement
de pi¬
nène et de nopiiiène.
3° Les essences contenant, à côté du
pinène et
du nopinène, des
proportions importantes d'autres
terpènes.
4° Les essences à limonène.
5° Les essences sans terpènes.
Cette classification correspond bien aux
distinc¬
tions industrielles des essences, car si, pour
diver¬
ses applications
physiques
ouchimiques des essen¬
ces,le pinène etle
nopinène jouent
unrôle très voi¬
sin, il n'en est pas de même des
autres lerpènes et,
a fortiori, des
constituants
nonterpéniques que
l'on rencontre dans l'essence. Les groupes
1 et 2
contiendront donc, en général, les essences
com¬
merciales ordinaires. D'autre part, il convient
d'éta¬
blir entre ces groupes, une
distinction,
carnous
avons pu montrer que, pour
les applications chimi-
BULLETIN DE L'INSTITUT BU PIN — N° 29 - Octobre 1926 519
ques des essences
(applications
qui seront sans dou¬te demain le débouché le plus abondant pour ces
produits), le pinène
et le nopinène présentent des différences notables dans les synthèses actuellement industrielles (terpine, terpinéol, camphre) et qu'ilsse comportent de façon toute différente dans cer¬
taines autres synthèses qui deviendront sans doute industrielles par la suite (1).
Premier Groupe. — Essences à pinène pur.
l/essence la plus connue de ce groupe est l'es¬
sence de pin d'Alep (Pinus Halepensis Mill) dont la fraction terpénique (95 p. 100) est constituée uniquement d'un pinène très dextrogyre.
IaJj = -|~ 51° (raie jaune dumercure)
tv • t i. • av , 19o |raie verte
Dispersion rotatoire = 1,133 —;—; du mercure aj (raie jaune
Indice n12j = 1,4650 Densité d\b . = 0,8620 Température de fusion: 57°
Vitesse de cristallisation à — 75°: 34 mm. parseconde.
D'autres espèces de pins donnent des essences très voisines de la précédente, citons :
Le Pinus Excelsa(grand pin du Népaul) dont l'es¬
sence contient 90 p. 100 d'un pinène de pouvoir
rotatoire jajj ■= + 43°.
Le Pinus Massoniana (Birmanie), le pin chinois
(Wen Chou) et le pin japonais (pinus Thumbergii)
semblent être d'une composition très voisine des précédentes.
Les diverses variétés de Pin Laricio (P. Laricio
d'Autriche, Laricio de Corse, Laricio d'Espagne)
donnent des essences de composition très voisines les unes des autres et constituées principalement
de pinène lévogyre dont le pouvoir rotatoire varie nettement avec la variété. Nous avons pu, toutefois, caractériser dans ces dernières essences des traces de nopinène (formation de nopinate de soude inso¬
luble).
2e Groupe. — Essences à pinène et nopinène.
Ce groupement contient les essences commercia¬
les les plus courantes : essences française, améri¬
caine, espagnole, allemande. C'est donc le groupe le plus important à ce point de vue.
Le type de ces essences est l'essence de pin mari¬
time ou essence de Bordeaux, la plus riche de tou¬
tes, semble-t-il, en nopinène. L'étude de cette es¬
sence nous a conduit -à la composition suivante : Pinène lévogyre.... (|a|j =r —46°) 63p. 100 Nopinène lévogyre. (|a|j = —22°44) 27 —
Queues 10 —
(1) Le pinène et le nopinène conduisent au même dérivé quand
la réaction se ramène à la fixation de deux radicaux dont l'un au
moins est un atome d'hydrogène (les rendements sont d'ailleurs uillerents pour les 2 carbures); ils conduisent à des dérivés diffé¬
rents quand aucun des radicaux fixés n'est un atome d'H.
Signalons de suite, qu'alors que le pouvoir rota¬
toire du pinène varie beaucoup d'une essence à l'au¬
tre,celui dunopinène a toujours été trouvé le même jusqu'à ce jour. Ce constituant présente les carac¬
téristiques suivantes :
la) - — 22°,44
Dispersionrotatoire = 1,0615
Indice n15j la|j = 1,4874
Densité dis = 0,8740
Vitesse decristallisation(à —75°).. 196mm ,5 parminute Température defusion '==.— 55°
Les essences de térébenthine américaines sont en
général des mélanges provenant de diverses espè¬
ces de pins parmi lesquels principalement :
Le longleaf-pine (Pinus palustris) dont l'essence
est un mélange de pinène droit et de nopinène gau¬
che.
Le Slash pine (Pinus heterophylla) et le spruce
pine dont les essences sont des mélanges de pinène gauche et de nopinène.
Le pin Sglvestre (Pinus sylvestris) donne une es¬
sence dont la composition (produits de queue sépa¬
rés) est voisine de :
Pinène .... (iap,= 26°,7) -72 p.100 Nopinène.. (lai» —— 22°,6) 28 —
mais cette essence est rare à l'état pur dans le com¬
merce. On trouve en abondance des essences dites
« essence de Suède » ou « de Russie » qui provien¬
nent du pin sylvestre mais sont extraites non de la gemme mais du bois mort par distillation sèche
ou à la vapeur. Notons que ces essences, ainsi que celles tirées d'autres variétés cle pins par des mé¬
thodes analogues, ont subi, du fait de leur prépara¬
tion ou de leur séjour dans le bois abattu, de pro¬
fondes modifications; elles ne sont plus des essen¬
ces de térébenthine et il est nécessaire de les distin¬
guer par des appellations telles que « essence de pin » ou « essence de bois ».
3e Groupe. — Essences contenant - ,
des proportions importantes de terpènes
autres que les pinènes.
'Citons, clans ce groupe, l'essence du Pinus lon-
gifolia qui croît aux Indes; cette essence a aujour¬
d'hui une certaine importance industrielle; sa com¬
position est très complexe; nous avons pu carac¬
tériser :
Pinène lévogyre 25 p. 100
Nopinène 10 —
Carène 28 —
Terpène lévog}rre (?) 1,7 —
Sesquiterpène (longifolène).. .. 20
Résidus etpertes 5,3
Dans cette essence, le pinène et le nopinène ne sont plus en quantité dominante; le constituant
BULLETIN DE L'INSTITUTDU PIN — N° 29 - Octobre 1926
principal est nn carbure terpénique particulier, le
carène, et il est accompagné d'un sesquiterpène, le longifolène.
4e Groupe. — Essences à lîmonène.
Il existe des essences de térébenthine dans les¬
quelles les pinènes et les autres terpènes bicycli- qiies se trouvent à peu près complètement rempla¬
cés parle limonène, terpène monocyclique. Les pro¬
priétés de ces essences sont très différentes de celles
des essences ordinaires et le commerce ne tolère
en général par la confusion entre elles.
L'exemple type de ces essences est donné par celle du pin pignon (Pinus pinea) si commun en Italie et en Espagne. Cette essence contient76p. 100
environ d'un limonène très actif.
Jafo= — 123°,7
et seulement de faibles quantités (16 p. 10!0) de pinène et 8 p. 100 de produits de queue
(dont
6 p. 100 de sesquiterpènes).
Le Pinus serotina (pond pine) américain, ainsi
que YAbies amabilis fournissent également des es¬
sences à limonène. Ces diverses essences sont des
sources sans doute intéressantes de limonène mais
ne sauraient être employées comme essences de té¬
rébenthine.
5e Groupe. — Essences sans terpènes.
Enfin, deux pins particuliers, tous deux localisés
dans la Sierra Nevada, le Pinus Sabiniana Douglas (nut pine) et le Pinus Jeffreyi, fournissent des es¬
sences d'un type tout à fait anormal. Elles ne con- tienent plus que de faibles quantités de terpènes,
mais 92 p. 100 environ d'un liquide bouillant au- dessous de 99% et que Thorpe a identifié avec de Yheptane normal.
J'ai dans ce qui précède, essayé de montrer l'ex¬
trême diversité de composition des essences de té¬
rébenthine, c'est-à-dire de la partie volatile des ré¬
sines de conifères. Nous allons voir, à présent, ce que nous savons sur les constituants non volatils
de la gemme.
II. — LES CONSTITUANTS FIXES DES RESINES (1)
La complexité des essences de térébenthine se retrouve dans les constituants non volatils des rési¬
nes, aggravée d'ailleurs du fait de leur poids molé¬
(1) Voix-, pour tous les détails et la bibliographie : G. Dupont,
«Les constituants acides des résines de conifères». (Conférence faite devant la Société Chimique de France). (Bull. Soc. Chim.
(4) t. XXXV, p. 3209-1270).
culaire plus élevé et de l'existence d'isomères plus
nombreux.
L'étude de ces constituants est rendue, en outre, très délicate pour plusieurs raisons :
10 Leur instabilité très grande : un faible échauf-
fement ou l'action d'un acide provoque rapidement
leur transformation.
2° Leur oxydabilité extrême.
3° La similitude très grande des propriétés' et l'isomorphisme de la plupart de ces corps ou de
leurs dérivés.
Pour toutes ces causes, l'étude de ces constituants
fixes des résines est encore très peu avancée.
Les galipots, comme les colophanes, sont en gé¬
néral constitués de corps acides isomères, de for¬
mule C20H30O2, à côté desquels on trouve des quan¬
tités variables de corps neutres, les résènes (pro¬
venant, au moins en partie, de l'oxydation des es¬
sences)•et de produits acides mal
déterminés,
attri-buables, la plupart, à l'oxydation des acides en C20H30O2. La proportion des acides résiniques nor¬
maux en C20H30O2 est, en général, voisine de 90 p.
100. Nous nous contenterons de considérer ici ces constituants.
Nous avons déjà signalé la nécessité de distin¬
guer, au point de vue de la
composition, entre le
galipot et la colophane.
Nous appellerons acides
térébenthéniques les
constituants en C20,H30O2 existant dans la gemme fraîche, et acides colophaniques leurs isomères qui
résultent de leur transformation par la chaleur ou par l'action des acides.
Galipot d'Alep. — L'essence d'Alep est remar¬
quablement simple, et il est
naturel d'espérer qu'il
en sera de même du galipot.
Nous avons, en effet, réussi à montrer que le galipot d'Alep ne contient qu'un
acide térébenthé-
* nique primaire : Yacide alépique, cristauxortho-
rhombiques fondant à 148°,
la% =—62%2. Mais
cet acide alépique, extraordinairement instable,
est
toujours mélangé avec une certainequantité des
deux acides colophaniques qui en dérivent par
iso-
mérisation.
'Cet acide alépique, si on le chauffe au-dessus
de
50° ou si on le traite par de petites quantités d'un
acide fort (HCI par exemple), se transforme, en effet, rapidement en donnant
d'abord
unstade insu
table Yacide alepabiétique, qui se transforme
lui-
même en un isomère plus stable, Yacide abiétique.
Acide alépique ~Acide alépabiétique ~^ Acide abiétique
Ces deux dernières formes sont isomorphes
et
peuvent cristalliser ensemble en toutes
proportions.
Elles se distinguent, à leur état le plus pur, par
la
BULLETIN DEL'INSTITUT BU PIN — N° 29 - Octobre 1926 521 solubilité plus grande, et le pouvoir rotatoire dex-
trogyre de l'acide alepabiétique.
Acidealepabiétique Acideabiétique
|alj = + 153° (?) - 109°,5
Pointdefusion ... » 173°
(0,5 p. 100dansl'alcool)
Forme cristalline . monoclinique monoclinique Galipot du Pin Maritime. —• Le galipot du pin
maritime est plus complexe que le premier et ce¬
pendant certains de ses constituants (grâce à leur stabilité relative) ont été isolés par Vesterberg bien
avant ceux des autres espèces de pin.,
Nous avons pu déterminer la composition appro¬
ximative suivante :
Point Forme S^tien
laU de fusion cristalline
jibo^envir"
Acidedextropimarique. -(-.75°,4 211°-212 orthorhombique ll°/o (chlorofor.)
Acidelévopimarique. . -f~ 282°,4 150-152° orthorhombique 22°/°
(alcool)
Acidessapiniques . . . deux constituantsprobables 67°/o L'acide dextropiramique est très stable, il ne s'isomérise pas par les acides et peut même être distillé dans le vide; il résiste à l'oxydation et Ru- zicka et ses élèves ont pu montrer qu'il correspond
à un autre squelette constitutionnel que l'acide abiétique.
Au contraire, les trois autres constituants acides
se transforment, par l'action isomérisante de l'aci¬
de chlorhydrique, en un même acide abiétique que celui obtenu à partir de l'acide alépique. Dans cette isomérisation, ces acides donnent, comme dans le
cas de l'acide alépique, des stades intermédiaires à bas pouvoir rotatoire; la transformation s'effec¬
tue comme il suit :
Ac.lévopimarique—>Ac.pimarabiétiquex
Acideasapinique?~^Ac.asapinabiétiq.?—Acide abiétique Acide
[3sapinique?^Ac.[3sapinabiétiq.?/
Les acides intermédiaires semblent être tous iso¬
morphes de l'acide abiétique comme l'acide alépa-
biétique
lui-même.Les acides sapiniques ainsi que les acides sapi- nabiétiques correspondants n'ont pu encore être isolés à cause de leur extrême similitude, mais le pouvoir rotatoire , le faciès cristallin, la solubilité
et l'allure de l'isomérisation chlorhydrique, sem¬
blent identifier le plus abondant de ces acides avec
l'acide alépique.
Galipot du Pin laricio. — Dans le galipot de Pin laricio, ,M. Rouin trouve que le constituant large¬
ment dominant s'identifie nettement avec l'acide
dépique.
Mais, à côté de celui-ci, il a trouvé dansCe galipot de petites quantités d'acide dextropima¬
rique et d'acide lévopimarique. La constitution de
ce galipot semble donc être la même que celle du galipot de pin maritime, mais avec une proportion beaucoup plus faible d'acides pimariques.
En résumé, les galipots étudiés ci-dessus, qui cor¬
respondent à des essences à pinène et nopinène,
semblent contenir 4 acides térébenthéniques pri¬
maires.
Constitution des colophanes.
Il nous est maintenant aisé de comprendre la composition des colophanes. Considérons celle du
pin maritime; par chauffage, les acides du galipot
se transforment, suivant le schéma ci-dessus. Seul, l'acide dextropimarique reste inchangé; l'àcide lévopimarique et les acides sapiniques donnent une série d'acides (piramabiétique, sapiniabétiques, abiétiques qui sont isomorphes. Alors que les aci¬
des du galipot, non isomorphes, cristallisaient dans la masse, les produits intermédiaires d'isomérisa- tion et l'acide abiétique lui-même forment une so¬
lution réciproque de corps isomorphes qui, comme le verre (solution de silicates isomorphes) est très difficilement cristallisable.
Mais si cette théorie est exacte, on doit provo¬
quer la cristallisation de la colophane en poussant jusqu'au bout l'isomérisation de ses constituants :
la colophane ne contenant plus alors que de l'acide abiétique (à côté d'un peu d'acide lévopimarique
non isiphorme) doit cristalliser aisément. C'est en
effet ce qui arrive, car il suffit d'ajouter à une solu¬
tion alcoolique de colophane de petites quantités d'acide chlorhydrique pour voir cristalliser abon¬
damment l'acide abiétique. Il en est de même d'une
colophane maintenue très longtemps fondue ou
portée à trop haute température; elle cristallise par refroidissement.
Nous avons pu, ainsi, vérifier que, non seule¬
ment les colophanes des trois pins dont les galipots
viennent d'être étudiés, mais encore celles de gem¬
mes donnant des essences sans pinène (celle du Piiuis pinea ou celle du Pinus longifolia) condui¬
sent par isomérisation au même acide abiétique.
Nous avons pu doser l'acide abiétique formé dans
ces divers cas en utilisant une curieuse propriété
de l'acide abiétique qui, traité par 1/4 de la quan¬
tité de soudethéoriquement nécessaire à sa neutra¬
lisation donne un sel acide de formule :
3C20R30O2, C20H29O Na
très peu soluble dans la plupart des solvants, tan¬
dis que les autres acides résiniques sont solubles
dans ces conditions.
5?2 BULLETIN DE L'INSTITUTBUPIN — N° 29 - Octobre 1926
En appliquant cette méthode à la colophane de
Bordeaux, nous avons d'abord constaté que cette colophane ne contenait pas, naturellement, de pro¬
portions notables d'acide abiétique, mais que,
après
un traitement de 13 minutes (en solution dans deux parties d'alcool 'àl'ébullition) par 3 p. 100 d'acide chlorhydrique fort, on pouvait en extraire 74 p. 100
d'acide abiétique. La colophane d'Alep,, dans les
mêmes conditions, donnait 84 p. 100 d'acide abié¬
tique; la différence entre les deux rendements cor¬
respond très sensiblement à la proportion
d'acide
dextropimarique non isomérisable.
III. — RELATIONS D50RSGINE ENTRE LES TERPENES ET LES ASIDES TEREBÉNTHE- NBQUE8 ENTRANT DANS LA COMPOSITION
DES RESINES ÛE CONIFERES.
iCherchons maintenant à rapprocher les résultats signalés ci-dessus et à en tirer quelques renseigne¬
ments touchant à la formation des résines dans l'arbre.
La gemme d'Alep, nous l'avons vu, contient un seul carbure et un seul acide :
Pinène C10H16 et Acide alépique C20H30O2
On pourrait imaginer que l'acide provient d'une oxydation du pinène suivant la réaction :
2€10H16 + 30 =C20H30O2 + H20
mais les proportions d'acide et de carbure de¬
vraient, dans ce cas, varier avec les conditions de récolte, or, si l'on recueille la gemme à l'abri de l'air, on trouve que la teneur en essence est sensi¬
blement constante et voisine de 31 p. lffO du poids
de la gemme sèche; c'est là, précisément la propor¬
tion qui correspond à un mélange équimoléculaire
de carbure et d'acide. On doit conclure de là que la réaction qui donne naissance dans l'arbre à un molécule d'acide doit donner naissance à un molé¬
cule de carbure, c'est-à-dire que l'acide et le car¬
bure, au lieu de dériver l'un de l'autre, doivent pro¬
venir d'une même matière-mère.
Mais Klason et Kôhler (1) ont réussi à extraire
de certaines tumeurs poussées sous l'écorce (de Sapin de Suède un liquide qui très rapidement se transformait, même à l'abri de l'air, en un mélange
d'acide résinique et d'essence. Ces savants ont con¬
sidéré ce liquide comme un mélange d'essence et
d'un composé aldéhydique C10H16O, et ils admet¬
taient que ce composé s'oxydait à l'air pour donner
C20H30O2. Miais Kôhler remarque lui-même que cet¬
te transformation du liquide-mère a lieu même lors¬
qu'il prend les précautions les plus grandes pour éviter l'action de l'air et il ne peut en expliquer
la raison. La gemme de sapin, ne différant pas, par nature, de la gemme de pin, nous pouvons retenir
de la découverte de Kôhler l'indication de l'exis¬
tence probable d'une,matière-mère C10H16O suscep¬
tible de donner les résines par un processus non élucidé.
Les résultats signalés vont nous permettre de faire, sur ce point, des hypothèses vérifiables.
La proportion équimoléculaire d'essence et d'acide dans la gemme nous permet d'envisager une origine telle que la suivante :
1° La matière-mère C10/i16O, probablement sous l'action d'une Niastase particulière, se transforme,
d'une part en carbure par enlèvement d'oxygène,
d'autre part en acide par transport de l'oxygène
sur une 2e molécule.
2 OH^O—Gl0H18 + C10H16O2
2° Cet acide, C10H16O2, réagissant sur une 3e mo¬
lécule d'adhéhyde avec élimination d'eau, donne finalement un acide résinique suivant la
réaction
:C10H16O + C10H16O2 = C20H30O2 + H20
en sorte que la réaction totale peut s'écrire : 3C10H16O = CiORie + C20H30O2 + H20
Matièremère Terpèûe Acide résinitique
Vérifions cette hypothèse par ses conséquences.
1° Cette hypothèse, nous venons de le voir, tient compte des proportions d'essence et d'acides
rési-
niques contenus dans la gemme; elle est
d'accord,
également, avec la relation de simplicitétrouvée
dans la gemme d'Alep où, à un seul carbure corres¬
pond un seul acide résinique.
2° Appliquons cette hypothèse à la gemme
de
Bordeaux qui, nous l'avons vu, contient dans son
essence deux terpènes dans les proportions sui¬
vantes :
Pinène 70°/o
Nopinène 30°/,o
Si nous admettons qu'à chaque carbure corres¬
pond une matière mère différente (que nous pou¬
vons formuler PHO pour celle du pinène et
NOH
pour celle du nopinène), il devra exister au
moins
(1) 4 acides résiniques correspondant aux 4
combi¬
naisons possibles des deux molécules. Au point
de
vue quantitatif on doit avoir les proportions
sui¬
vantes de PHO et deNOH :
P.HO 70°/0
N.HO 30°/0
(1) J. fur. prakt. Chem. t. 73, p. 337-358 (1906).
(1) Car des isoméries stéréochimiques pourraient s'ajouter aux
isomères de positions prévues.