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vouloir-dire et la représentation125 :

Dans le document La lecture derridienne de Heidegger (Page 94-99)

«Le je suis n' étant vécu que comme un je suis

présent, il suppose en lui-même le rapport à la

présence en général, à l'être comme présence. [...] L'effacement (ou la dérivation) du signe s'est confondu par là avec la déduction de !'imagination. La situation de Husserl au regard de la tradition est ici ambiguë.»126

Notons aussi que dès De la arammatoloaie127. Derrida prend en considération les questions du temps et de la linéarité du discours chez Saussure. Il n'interroge pas tant 1'affirmation de Saussure quant à 1'essence temporelle du discours, que le concept de temps qui le conduit à cette analyse. Le temps est conçu par Saussure comme successivité linéaire, comme consécutiveté. Enfin, la conception métaphysique du temps est fondamentalement aporétique, parce qu'elle n'échappe pas au présent, à la présence de 1'expérience de la vérité, à 1'expérience au présent de la vérité.

Même si Derrida ne rappelle pas ses analyses de la différence entre sujet et Dasein, de la présence et de la présence à soi, dans cette question de 1'expérience de la vérité du temps, du sens du temps, elles jouent un rôle implicite et déterminant. Ces analyses n'obéissent pas strictement à un développement chronologique, ayant la forme de 1'«avant» et de 1'«après». Elles sont cependant à la fois conséquentes et indépendantes les unes des autres. Nous avions déjà relevé cette difficulté, puisque dans les premiers moments de son interprétation grammatologique de Heidegger, Derrida ne détermine pas ouvertement la

125 Derrida J., Ibid., pp. 53-66.

126 Derrida J., La voix et le phénomène. pp. 60-61. Cette filiation n'est encore une fois que suggérée. Il ne peut en être autrement. La phénoménologie husserlienne «[...] reconnaîtra comme la source [...] le «principe des principes», à savoir 1'évidence donatrice originaire, le présent ou la présence du sens.» Derrida J., Ibid., p. 3. Tout comme il est question, dans ce livre, de la voix, du signe, de la conscience et de la présence.

différence et qu'il s'attarde plus particulièrement à la question de la

phonè. Nous pourrions montrer que ce geste philosophique, nous venons

d'ailleurs de le noter, c'est-à-dire une conception du temps liée à la présence, à la présence à soi, à la voix et au signe, est aussi répété par Husserl. Derrida en parle abondamment dans 1'ensemble des trois livres qu'il a consacrés exclusivement à la phénoménologie husserlienne ; nous pourrions également montrer, nous l'avons aussi souligné, que dans une forme classique de la mise à jour des développements de la pensée derridienne, le point de départ de cette autre recherche serait ces trois livres : Le problème de la genèse dans la philosophie husserlienne. L'origine de la géométrie (traduction et introduction) et La voix et le phénomène. De la orammatolooie deviendrait alors une lecture obligée, un passage obligé afin de bien comprendre 1 ' interprétation grammatologique, si ces mots ont encore une signification corrélative, de la pensée de Husserl. Nous indiquerons au passage la teneur de 1 'approche derridienne de la question de la représentation chez Heidegger, en expliquant pourquoi nous ne pouvons nous y attarder. Ce travail suppose un tout autre contexte que le nôtre, puisque ce dernier s'attache particulièrement aux présupposés, à leurs développements et aux conclusions de 1'interprétation derridienne de Heidegger. En ce sens, dans un autre contexte, Derrida annonce, dans une note du texte intitulé Le puits et la pyramide125, publié dans Marges de la philosophie, qu'il abordera les questions de la famille et de la différence sexuelle chez Hegel, soit dans Glas 1 et 2. Dans ce texte, Le puits et la pyramide, Derrida reproduit, dans son interprétation de la pensée hégélienne, les stratégies de lecture que nous avons découvertes dans ses commentaires sur Heidegger.

Le signe libéré amène Derrida à proposer une libération surprenante du signe dans La vérité en peinture. La marginalité relative de ce texte de Derrida ne doit pas nous pousser à 1'ignorer et à ignorer ses conséquences dans notre travail de recherche. Enfin, notons, si nous ne l'avons pas encore assez dit clairement, que la pensée derridienne ébranle l'idée d׳«une» métaphysique et l'idée d'«une» pensée de la différence en posant la question du sens du temps. Tout cela nous rappelle la distinction que Derrida propose entre «économie générale», le langage et la question du sens à travers les *

Cf., Derrida J., Maraes de la philosophie, p. 89. 128

textes de la métaphysique, et «économie restreinte», la question du sens du temps chez Heidegger129.

Ajoutons que dans le prologue de son livre intitulé Heidegger et 1'expérience de la pensée130, H. Birault aborde franchement la question du sens du temps chez Heidegger, les termes de sa réflexion recoupent d'une certaine façon 1'interprétation derridienne, en faisant cependant une place à la pensée d'un Nietzsche métaphysicien. «L'originaire n'élimine pas le vulgaire, il le fonde bien plutôt, il 1'éclaire et il s'en déprend sans jamais le supprimer. Destruction, dégel ou démontage de la temporalité dérivée.»131

129 On peut lire un article de Heidegger intitulé Le concept de temps (1924) sans que la relation entre 1'expérience du temps et le Dasein ne soit déniée, sans que 11 approche de la thèse derridienne du sujet heideggerien ne soit compromise. Heidegger y médite cette expérience à partir des perspectives de 1'expérience commune (du sujet de 1 ' expérience) et de la métaphysique, tout en prenant en considération la perspective d'une dé-limitation de 1'ontologie.

130 Cf., Birault H., Ibid., pp. 9-43.

131 Birault H., Ibid., p. 15. Nous soulignons. F. Couturier, dans son livre Monde et être chez Heidegger, interroge la méditation heideggerienne au sujet de Nietzsche, en affirmant que la discussion heideggerienne avec Nietzsche est une discussion avec la métaphysique et les questions du sujet et du temps. (Cf., Couturier F., Ibid. , pp. 301-308 et p. 365). Ce que, nous l'avons dit, Derrida remet évidemment en question, sous le mode de la question plutôt que de la réponse, même si cette dernière est méditante (Cf-, Derrida J., Éperons. Les styles de Nietzsche).

D'autre part, nous ne croyons pas que Heidegger contredise ou explicite la linguistique de Saussure : «Mais les signes sont eux-mêmes d'abord des outils, dont le caractère spécifique d'outil consiste dans le montrer». «De plus, il est apparu que le renvoi et la totalité des renvois devaient en un certain sens être constitutifs de la mondanéité elle-même.» Heidegger M. , être et Temps. pp. 76-77, paragraphe 17, pp. 76-77. Cela même si le renvoi constitue la mondanéité, le comprendre et la significativité (Cf., Heidegger M., Ibid., pp. 252-253, paragraphe 69, pp. 364-366).

Notons aussi que Heidegger reprend son explication avec Nietzsche au sujet de la représentation et du temps dans Ou'appelle-t-on penser ? (Cf., Heidegger M., Ibid., pp. 65-85) . Heidegger écrit que le propre fond de la métaphysique quant à la question de 1'essence du temps reste impensé. (Cf., Heidegger M., Ibid., p. 74).

Nous devrions considérer le traitement que Heidegger accorde à la pensée nietzschéenne et 1,associer à 1'interprétation grammatologique de la pensée heideggerienne, du moins quant à la structure des discours et certains de leurs enjeux : les questions de la représentation (du sujet) et du temps. (Cf., aussi, Heidegger M. , Nietzsche I-II, et plus particulièrement le tome deux quant aux thèmes que Heidegger reprend dans Ou'appelle-t-on penser ?).

Derrida ne fait-il pas subir le même sort à la pensée de Heidegger que le sort que ce dernier réserve à la pensée de Nietzsche ? Nous croyons que oui, du moins quant à 1'économie générale de 1'approche derridienne de la pensée de Heidegger. L'envergure de notre travail ne nous permet pas de poser cette question ni d'y

Le signe et la vérité de la peinture132

Nous devons garder en mémoire, avant de poursuivre notre exposé, nos découvertes au sujet de la figure de la différance entre parole et écriture, au sujet de leur unité hétérogène. Il faut souligner que la présence n'est possible que comme impossibilité liée au signe libéré.

Ainsi, parole et signe, présence et absence sont soumis à la figure de cette libération incomplète. Il faut encore souligner, longtemps avant notre propre conclusion, le caractère aporétique de la réponse derridienne à la question du sens du temps, déterminée par ce nouvel objet théorique, si c'en est un, qu'est le signe grammatologique.

En ce sens, nous voulons montrer, une fois de plus peut-être, en proposant le prochain commentaire, que le signe libéré du phonocentrisme entraîne des conséquences propres à la lecture derridienne de Heidegger. Nous retraçons ces conséquences grammatologiques afin de les retrouver dans notre propre parcours de lecture et dans notre propre conclusion. L'originalité de la thèse derridienne, notre travail contribue à le confirmer, ne consiste pas tant à conclure qu'à montrer qu'on ne peut tirer de conclusion hâtive

répondre. Autrement,.nous pourrions défendre ou interroger l'idée suivante : Derrida tourne la pensée de Heidegger contre elle-même. Notre point de départ serait alors celui-ci, soit lorsque Heidegger associe schématiquement la pensée de Nietzsche à la métaphysique : «Disons schématiquement : - que toute doctrine philosophique, c'est-à-dire pensante, de l'être de l'homme est en soi déjà doctrine de 1'Être de l'étant ; - que toute doctrine de l'Être est en soi déjà doctrine de l'être de l'homme.» Heidegger M., Ibid., p. 120. Enfin, disons que dans Temps et

Être (1962), Heidegger ne parvient pas à résoudre l'aporie inaugurale de la

question du sens du temps.

132 Nous présentons Restitutions de la vérité en pointure, texte que Derrida publie dans La vérité en peinture en 1978, en respectant une chronologie qui elle ne tient pas compte de certaines de nos questions. Notre intention consiste à montrer 1'efficacité de la stratégie d'interprétation grammatologique développée par Derrida dans la pensée de la différance. Tout comme d'autres textes de Derrida ne tiennent pas compte de 1'axiomatique que nous retraçons dans son oeuvre, celui-là, quant à nous, est cependant tout à fait pédagogique.

Disons tout de suite, puisqu'il doit être question de l'utile et de 1'inutile, que Heidegger en discute brièvement dans Ou'appelle-ton penser ? et dit que 1 'inutile n'est jamais à sa place. (Cf., Heidegger M., Ibid, p. 256).Cela signifie aussi que Heidegger n'a pas la prétention d'être à la hauteur de 1'inutile, mais il ajoute qu'un jour il est possible que la pensée du «dire» et du «posé-devant» soit utile.

lorsqu'on interprète les textes heideggeriens, encore moins s'il est question de philosophie du sujet. À ce titre, La carte postale ( 19 80 ) 133 , nous apprend que la pensée freudienne du sujet et sa critique de la conscience sont peut-être plus radicales que ne le laisse entendre la pensée heideggerienne.

Si Freud134 évite de parler de la pensée de Nietzsche qui a osé, en tant que philosophe, lier la responsabilité à la culpabilité ou la dette135 à 1'inconscient, dans Aurore, par exemple ; quant à Heidegger, il évite de parler de 1'inconscient parce que, selon lui, cette notion appartient au système conceptuel et à 1'époque philosophique en deçà de laquelle doit revenir 1'analytique du Dasein.

Le Dasein n'est pas plus l'homme que le sujet, la conscience que 1'inconscient. Quant au biologisme - il est question plus loin dans notre travail de cette perspective sans laquelle Heidegger entend déterminer le Dasein - , Derrida renvoie le lecteur à Etre et Temos136. La question derridienne est, selon nous, la suivante : que veut dire «éviter» d'en parler ou, en nos propres mots, «refuser» d'en parler ? Quelles questions peut-on alors poser aux refus de l'un et de l'autre aussi bien qu'aux très nombreux liens qu'entretiennent nécessairement entre eux ces différents refus ? En quoi est-ce si légitime et quelle est la loi de cette légitimité ? Aussi, dans un texte intitulé Envoi (1980) que Derrida consacre à 1'«époque de la représentation», il est encore question de Heidegger : Derrida montre comment Heidegger ne peut abandonner (ignorer) la «représentation». Il interroge entre autres la façon heideggerienne de méditer 1'«époque de la représentation», son lien au «rendre présent», au «rassemblement» et au «sujet-homme»137. Il

133 Cf., Derrida J., Ibid., p. 282, note 6.

134 Cf., Freud S., Au-delà du principe de plaisir dans Essais de psychanalyse, pp. 7-77. Dans La différance (1968) , Derrida écrit, en parlant de la pensée de Freud, que : «La mise en question de 1'autorité de la conscience est d'abord et toujours différentiale.» Derrida J., Maraes de la philosophie, p. 19. (Cf., aussi, à ce sujet : Derrida J., Freud et la scène de l'écriture dans L'écriture et la di fférence) . Heidegger lie explicitement la question de la représentation à la pensée de Nietzsche dans Ou'apoelle-t-on penser ? p. 105.

135 Au sujet de la dette chez Heidegger, on peut lire Être et Temps. pp. 202-207, paragraphe 58, pp. 280-289. À ce même sujet, on peut lire, chez Derrida, Donner le temps (1991).

136 Cf., Heidegger M., Ibid., p. 64, paragraphe 12, p. 58.

137 Cf., Derrida J., Envoi (1980) dans Psyché. pp. 109-144 et Marrati-Guénoun P., La genèse et la trace, p. 101. (Cf., aussi, Heidegger M., L’époque des «conceptions

semble de mise de le souligner sans nous y attarder, car ce texte recoupe à sa façon notre propre conclusion, mais ne répond pas à l'un des critères programmatiques de notre travail, celui du signe muet ou différé. Disons que Derrida y examine 1'affirmation suivante : «On ne doit plus chercher à se représenter 1 ' essence de la représentation

.»138

Restitutions de la vérité en pointure139 (1976) n'est pas un texte

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