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(Geschlecht 1) (1983), La main de Heidegger (Geschlecht 2) (1985) et De l'esprit (1987) Les deux premiers textes, objets de notre travail dans

Dans le document La lecture derridienne de Heidegger (Page 113-129)

ce chapitre (nous montrerons au chapitre suivant que De l'esprit, troisième et dernier texte de ce livre publié en 1990, est non seulement le premier et le seul essai de Derrida, mais aussi une conclusion aux longues et patientes recherches derridiennes), se contentent

«[...] d'esquisser, de façon à peine préliminaire, une interprétation à venir par laquelle je voudrais situer Geschlecht dans le chemin de pensée de Heidegger. Dans son chemin d'écriture aussi, et 1'impression, 1'inscription marquée du mot

Geschlecht n'y sera pas pour rien.»168

Quant au troisième et dernier texte de ce livre, Derrida annonce avec plus d'acuité qu'il comporte deux moments forts :

«Si, en 1933, Heidegger célèbre l'esprit dont il avait voulu jusque-là «éviter» le mot, cette

première inflexion n'a pas la forme du «tournant»

(Kehre) qui fascine les commentateurs. [...] Plus tard, une seconde inflexion déplace le privilège de la question jusque-là tenue pour «la piété de la pensée».»169

168 Derrida J., Heidegger et la question, p. 145.

169 Derrida J., Ibid., p. 8. Heidegger évoque un «renversement» au sujet de sa pensée dans Lettre sur l'humanisme (dans Questions III) p.97 et renvoie le lecteur à une conférence prononcée en 1930, conférence intitulée De l'essence de la vérité

Cette trilogie textuelle170, nous l'avons dit, est exclusivement consacrée à 1'oeuvre de Heidegger, elle est consacrée à 1'interprétation grammatologique de certains textes de Heidegger. Ces interprétations devront nous permettre de mettre à 1'épreuve de façon éclairée 1'axiomatique derridienne, notre question programmatique. Les commentaires derridiens n'ont de valeur ou de signification qu'en accord avec la pensée grammatologique du signe libéré et la pensée de la différance. Le mot et le nom, comme signes libérés, contribuent nécessairement à 1'interprétation grammatologique de certains textes heideggeriens, interprétation que la pensée de la différance rend possible.

Reste à savoir si 1'effacement du signe de la différance, comme seconde figure de cette libération, est toujours un enjeu spécifique des textes derridiens exclusivement consacrés à Heidegger ? Répondre à cette question, en présentant le troisième terme de la réflexion derridienne, ce sera notre façon de formuler l'enjeu définitif de notre propre travail de compréhension de Derrida, soit en mettant à jour une radicalisation de la pensée Heideggerrenne en un retour lui-même différé à la question du sujet171.

(dans Questions I) , soit bien avant la conférence intitulée Le tournant (dans Questions IV) dont les premières ébauches datent de 1949. La conférence intitulée

Temps et Être (dans Questions IV) fut prononcée en 1962. Nous y reviendrons en

conclusion.

170 Nous n'ignorons pas que Derrida consacre un texte à la question du «souffle de la voix» dans son livre intitulé Politiques de l'amitié (1994), mais nous 1'insérons dans un autre courant de la pensée derridienne que celui qui nous préoccupe ici. Nous en reparlerons.

171 Selon Derrida, au tout début de Heidegger et la question. Différence sexuelle,

différence ontologique (Geschlecht I) serait simplement la préface de De 1 'esprit :

«Tout en poursuivant le travail dont j'avais publié une courte préface sous le titre Geschlecht, différence sexuelle, différence ontologique, j'ai tenté de suivre la trace et les enjeux de Geschlecht ce mot redoutablement polysémique et à peu près intraduisible (race, souche, génération, sexe), dans le texte de Unterwegs sur

Sprache sur Trakl.» Derrida J., Ibid., p. 18. On doit alors considérer La main de Heidegger comme étant tout au plus une introduction à De l'esprit.

Soulignons, en guise de transition, trois interventions de Heidegger où il est question du vivant en général : 1° dans Être et Temos (pp. 147-160, paragraphes 41- 44, pp. 171-214), lorsque le «souci» est confronté aux caractéristiques du vivant en général que sont les pulsions (vouloir, souhait, impulsion et penchant) ; 2° lorsqu'il est question de la mort comme événement biologique de la cessation de la vie dans Être et Temos (pp. 176-194, paragraphes 46-54, pp. 236-267) et dans Lettre

sur l'humanisme (Questions III. pp. 89-94), où il est question de 1'humanisme de la

Trois indications préliminaires nous permettent de comprendre les enjeux du premier texte de cette série de trois textes. Le premier interroge le Geschlecht encore indéterminé du Dasein, mais affecté d'une certaine neutralisation :

«Et le Dasein, dans ses structures et sa «puissance» originaires serait «antérieur» à ces déterminations [métaphysiques]. Je mets des guillemets à «antérieur» puisque cela n'a aucune signification littéralement chronologique, historique ou logique. Or 1'analytique du Dasein, c'était, dès 1928, la pensée de la différence ontologique et la répétition de la question de l'être, 1'ouverture d'une problématique qui soumettait à élucidation et à interprétation radicales tous les concepts de la tradition philosophique occidentale.»172

C'est redire en quelques mots ce à quoi s'attarde la radicalisation derridienne des textes de Heidegger. Mais, qu'en est-il de ce qui nous préoccupe en ce moment ?

«C'est mesurer l'enjeu de cette neutralisation qui revient en deçà de la différence sexuelle et de son marquage binaire, sinon de la sexualité elle-même. Le titre de 1 ' immense problème que je me contente ici de nommer, ce serait donc : différence ontologique et différence sexuelle.»173

Ces deux indications nous renvoient à la radicalisation derridienne de la critique heideggerienne de la métaphysique. La troisième indication nous permet de cerner de plus près l'enjeu véritable de ce commentaire critique centré sur la question de la trace de la différence sexuelle chez Heidegger174. Car, selon Derrida, dans Lectures de la différence sexuelle175, dès qu'il est question de la différence sexuelle, il y a des mots ou des traces à lire. Il ne peut y avoir de trace sans différence sexuelle. La différence sexuelle reste

172 Derrida J., Points de suspension, p. 111. Ce livre est un recueil de textes. Cette citation est tirée d'un texte intitulé Chorégraphies (1982).

173 Derrida J., Ibid., p. 111.

174 On aura compris, sans que nous 1'écrivions à chaque fois, que Derrida cherche et trouve la trace de la différence, qu'il évoque la trace muette ou grammatologique de cette trace convertie en différence .Le mot «trace» le laisse déjà entendre.

175 Cf., Derrida J., Fourmis, pp. 74-75. Dans, Coll. Lectures de la différence sexuelle, pp. 69-102.

donc à interpréter, car il n'y a pas d'interprétation ni d'écriture asexuelles ou métasexuées de la différence sexuelle. Il s'agit donc, pour Derrida, de reprendre la question de la différence ontologique et sa radicalisation en 1 'associant à la question de la différence sexuelle, de soumettre ces enjeux à la question de la marque ou de la trace sexuelle, telle qu'elle s'annonce, sans se définir ni vraiment s'écrire, dans son effacement (libéré) grammatologique. Le premier texte de cette trilogie examine ces questions et réexamine la question du sujet, les questions de la relation de la présence et de la présence à soi et de la relation de 1'antique à 1'ontologique chez Heidegger. Ces questions seront reprises et développées dans d'autres directions dans le second texte. À première vue, Heidegger ne parle pas de la «différence sexuelle», il n'écrit rien à ce sujet :

«Tout se passe comme si, à lire Heidegger, il n'y avait pas de différence sexuelle, et rien de ce côté de l'homme, autrement dit de la femme, à interroger ou à soupçonner, rien qui soit digne de question,

fragwüdig. [questionné]»176

Tout se passe donc comme si la différence sexuelle n'était pas à la hauteur de la question de la différence ontologique, comme si elle était aussi négligeable, quant à la question du sens de l'être, que n'importe quelle différence antique. La différence sexuelle serait donc une question négligeable pour la pensée de l'être. Ainsi, le discours sur la sexualité serait abandonné à une science régionale. Dans ce contexte, la question derridienne est donc la suivante : qu'en est-il vraiment du silence de Heidegger à ce sujet ? Où et comment ce silence au sujet de la différence sexuelle joue-t-il un rôle et lequel dans le discours heideggerien de la neutralité ? La trace de ce silence mérite d'être interrogée. Où assiste-t-on à un renvoi du côté de la différence sexuelle chez Heidegger ? Car même du côté du Dasein dans Être et Temps, dans 1'analytique existentiale, la différence sexuelle n'est pas un trait essentiel.

Mais, en admettant que toute référence à la sexualité ne soit pas effacée, une telle référence suppose donc un cadre de lecture général.

176 Derrida J., Heidegger et la question, p. 147. Plus loin, nous verrons que Derrida reprend la question de la dignité de la question en 1'associant, cette fois-là, à l'esprit.

Derrida rappelle que Heidegger s'est expliqué au sujet de la neutralité du Dasein lors d'un cours d'été donné en 192 8 à 1 ' université de Marbourg, cours intitulé : Metaphysische Anfangsgründe der Logik im

ausgang von Leibniz111. Dans ce texte, Heidegger rappelle les principes

directeurs qui l'ont conduit à interroger la transcendance ainsi que les problèmes de l'être et du temps ; il rappelle aussi que 1 ' analytique exis tentiale du Dasein n'est possible que dans la perspective d'une ontologie fondamentale et non d'une science régionale, que 1'analytique n'est que préparatoire et que la critique de la métaphysique du Dasein n'est pas au centre de son programme philosophique. Pas «au centre», insiste Derrida, cela laisse supposer qu'elle y est tout de même, tenue à l'écart, proche d'une ontologie fondamentale. C'est autour de la question du «nom», de la dénomination, du Dasein que Derrida entreprend de poser la question de la différence sexuelle chez Heidegger ; autour du choix du nom de cet étant dont le privilège et 1'exemplarité est de questionner. Le privilège du questionnement accordé au Dasein est sans doute justifié par Heidegger dans Être et Temos177 178, mais Heidegger procède tout autrement lorsqu'il s'agit de «nommer» cet étant, lorsqu'il s'agit de lui donner un nom, de lui donner un titre terminologique : «Cet étant que nous sommes nous- mêmes et qui, entre autres choses, dispose dans son être du pouvoir de questionner, nous le nommons être-là.»179 Ce choix terminologique est sans doute justifié par toute 1'entreprise critique de Être et Temps, mais cela n'enlève rien, pense Derrida, au caractère surprenant de cette déclaration quant au nom qu'il a choisi, car cette déclaration reste injustifiée par Heidegger, dans Être et Temos en tout cas. Il en va tout autrement lors du cours que Heidegger a donné à Marbourg en 1928. «[...] dans le Cours de Marbourg, le titre de Dasein - de son sens aussi bien que de son nom - se trouve plus patiemment qualifié,

177 Cf., Heidegger M., Ibid., Brand 26, pp. 171-280. Notons que Derrida utilise 1'expression Cours de Marbourg pour désigner ce texte de Heidegger.

178 II l'est dans Être et Temos (1927) . Selon Derrida, nous verrons qu'il l'est à nouveau en 1953 dans La parole dans l'élément du poème, texte publié dans Acheminement vers la parole, pp. 39-83.

179 Derrida J., Heidegger et la question, p. 151. Et, Heidegger M., Être et Temos. p. 30, paragraphe 2, p. 7. E. Martineau traduit, quant à lui : «Cet étant que nous sommes toujours nous-mêmes et qui a entre autres la possibilité essentielle du questionner, nous le saisissons terminologiquement comme DASEIN.» Heidegger le répète à la page 32 paragraphe 4, p. 11, et Martineau traduit à nouveau : «Cet étant, nous le saisissons terminologiquement comme DASEIN.»

expliqué, évalué.»18° Derrida souligne que dans ce cours, la neutralité est la première qualité que Heidegger détermine en parlant du Dasein. Cette qualité semble d'abord assez générale, car il s'agit pour Heidegger de soustraire le Dasein à toute détermination anthropologique, éthique ou métaphysique. Il s'agit de le soustraire à tout savoir régional ou antique, de le soustraire à 1'ontologie classique. Dans la perspective de 1'interprétation derridienne, il s'agit d'abord de soustraire le Dasein aux déterminations métaphysiques, pour ensuite le rendre et le garder dans une sorte de rapport à soi ou à lui-même, dans une sorte de rapport à l'être de l'étant (privilégié) nommé Dasein. Rapport à soi comme rapport à l'être comme rapport de l'étant que nous sommes en tant qu'étant questionnant l'être. Rapport donc, à ce qui est le propre de cet étant, son essence propre, le questionnement. La neutralité est donc une neutralisation de tout ce qui n'est pas ce rapport à soi. Derrida a déjà interrogé le rapport à soi du Dasein dans Maraes de la philosophie, dans un texte intitulé Les fins de l'homme (1968). Il y prend en considération, nous l'avons vu, les termes de la distance et de la proximité de l'étant privilégié nommé être-là et sa relation de présence à l'être dans la présence de l'être. Il reconsidère cette question dans De l'esprit, autour du privilège que Heidegger accorde au questionnement. Nous verrons alors, qu'il s'agit, selon nous, de la thèse que Derrida soutient dans son interprétation stratégique de la pensée de Heidegger. Mais, pour le moment, selon Derrida, «[...] 1'explicitation de cette neutralité [neutralisation] va se porter d'un saut, sans transition [...] (second principe directeur) vers la neutralité sexuelle et même vers une certaine asexualité (Geschlechtslosigkeit) de l'être-là.»180 181 Derrida note alors que Heidegger avait cependant le choix des déterminations antiques à écarter afin de les donner en exemple. Mais Heidegger commence et se limite à la sexualité du Dasein, et plus précisément encore à la différence sexuelle. Elle détiendrait en quelque sorte un privilège inavoué et 1'analytique du Dasein dans Être et Temos devrait commencer par la neutraliser. Dans la perspective de cette neutralisation, la différence sexuelle a donc d'une certaine manière, disons d'une manière derridienne, une primauté : elle garde un

180 Derrida J., Heidegger et la question, p. 151. 181 Derrida J., Ibid., p. 152.

privilège inavoué chez Heidegger. L'analytique du Dasein doit commencer par neutraliser la différence sexuelle. Cette neutralité signifie que le Dasein n'est aucun des deux sexes. Reste que le premier aspect de neutralisation auquel Heidegger pense, c'est tout de même la sexualité, le genre. D'une part, si la neutralité ne peut être sans rapport avec le dire, la parole et le langage, elle ne peut être, d'autre part, réduite à une grammaire. Dans son Cours de Marbourg, Heidegger indique que cette neutralité fait partie de la structure existentiale du Dasein au même titre que le «souci» ou le «On» inauthentique dans Être et Temps. La question derridienne est simple :

«Mais pourquoi insiste-t-il tout à coup avec un tel empressement ? Alors qu'il n'en avait rien dit dans

Sein und Zeit, 1'asexualité (Geschlechtslosigkeit)

figure ici au premier rang des traits à mentionner quand on rappelle la neutralité [sexuelle] du Dasein ou plutôt du titre «Dasein». Pourquoi ? »182

Si le Dasein est neutre183, s'il n'est pas l'homme, l'humain, d'une part, il n'est pas soumis au partage binaire classique de la différence sexuelle ; d'autre part, toujours selon Derrida, «[...] si la conséquence est si proche du bon sens, pourquoi le rappeler ? [...] pourquoi aurait-on tant de mal à se débarrasser, dans la suite du

Cours, d'une chose aussi claire et acquise ? »184 Ne peut-on pas

penser, demande Derrida, que la différence sexuelle ne se neutralise pas aussi simplement que ce que 1'analytique du Dasein neutralise, soit d'autres déterminations des domaines du savoir antique ? Après avoir montré que le Dasein ne se réduisait pas aux domaines antiques, on pouvait s'imaginer que la différence sexuelle n'avait aucune commune mesure avec les questions du sens de l'être ou de la différence ontologique. Mais en rappelant la neutralité du Dasein, Heidegger ajoute, et Derrida le souligne afin de simplement poursuivre son interprétation : que cette neutralité l'est «aussi» quant à la différence sexuelle. Cette insistance de Heidegger à vouloir soustraire

182 Derrida J., Ibid., p. 154.

183 Une des conséquences de 11 interprétation derridienne pourrait être liée à la question de 1 'inauthenticité. Si 11 inauthentique, dans Être et Temos, est dans 1'intratemporalité de la quotidienneté et que 1'intratemporalité est la temporalisation du temps liée au concept vulgaire du temps, reprendre la question du sens du temps chez Heidegger peut être lourd de conséquences inavouées.

le Dasein aux domaines du savoir antique se double d'une volonté de le soustraire aussi à la différence sexuelle, comme si cela n'allait pas de soi. C'est cette insistance que Derrida interroge. Aussi bien dire qu'il interroge le «aussi» de 1'expression «neutralité aussi quant à la différence sexuelle». Ainsi, la pensée derridienne, si l'on peut le dire de cette façon, reste fidèle à son programme et à ses principes d'interprétation.

La différence métaphysique est relevée par la critique Heideggerienne de la différence entre 1'antique et 1'ontologique ; le contexte Heidegger!en d'une différence dans la différence de 1'ontologie classique reste néanmoins soumis au logocentrisme. L'interprétation derridienne entend retracer la marque de la différance. Les textes et les questions que Derrida interprète, le sont dans le cadre formel de son programme grammatologique. La valorisation derridienne du signe «aussi» dans 1'expression utilisée par Heidegger, «neutralité aussi quant à la différence sexuelle», conduit Derrida, non seulement à proposer une critique ou une lecture grammatologique, mais aussi à retracer une (la) différance.

Les mots «neutralité» ou «asexualité» soulignent une négativité qui, selon Derrida, contredit ce que Heidegger propose comme réflexion. Ce ne sont pas de simples signes utilisés comme surfaces d'un sens caché. La grammatologre n'est pas ou n'est plus simplement herméneutique. Une grande positivité se cache derrière ces mots négatifs. La question derridienne déplace et porte son attention sur ce qui est son enjeu. Car, selon elle, la neutralité asexuelle ne désexualise pas. C'est une neutralité équivoque. Elle ne déploie pas une négativité ontologique devant la sexualité. Elle propose plutôt des marques de la différence, des marques de la dualité sexuelle. Tel est le renversement derridien comme contamination : la différance de la différence ontologique Heideggerienne liée à la différence sexuelle, antique et donc métaphysique. La négativité serait libératrice, telle serait sa positivité. Que libère-t-elle ? Il n'y a d'asexualité que devant la dualité, que devant la différence sexuelle. L'asexualité est déterminée dans la mesure où Heidegger entend par sexualité : la différence sexuelle. L'asexualité est déterminée à partir de l'homme, comme pouvait déjà le laisser entendre 1'insistance de Derrida lui-même à ne parler que de l'homme dans Les fins de l'homme (1968) dans Marges de la philosophie (1972) .

«Si, en tant que tel, le Dasein n' appartient à aucun des deux sexes, cela ne signifie pas que l'étant qu'il est soit privé de sexe.»185 Derrida pense plutôt dans ce renversement à une sexualité préduelle ou prédifférentielle, ce qui ne veut pas nécessairement dire,

selon lui, une sexualité indifférenciée ou une absence de sexualité. Il retrace plutôt à la source de cette sexualité, plus originaire que la sexualité binaire, une positivité que Heidegger ne qualifie pas de sexuelle, afin tout simplement d'éviter la logique binaire liée au concept métaphysique de sexualité.

Il s'agit donc, pour Heidegger, de penser la source originaire et positive de toute sexualité. L'asexualité ne serait donc pas négative, pas plus que ne le serait la neutralisation du Dasein. Selon Derrida, chez Heidegger, c'est la division sexuelle de la métaphysique qui mène à la négativité. La neutralisation est à la fois l'effet de cette négativité et 1 ' effacement (positif) de cette négativité. Mais, toujours chez Heidegger, la neutralisation permet à la positivité de la puissance originaire de surgir.

Si bien que, selon ce renversement derridien, l'asexualité et la neutralité, que Heidegger soustrait à la marque sexuelle binaire, sont du même côté, c'est-à-dire du côté de la différence sexuelle. L'asexualité et la neutralité sont métaphysiques. En d'autres mots, la division sexuelle est une négation, la neutralisation est à la fois 1'effet de cette négation et 1'effacement de cette négation d'où doivent provenir 1'originaire et la positivité de la sexualité.

Toute cette logique de la différence de la différence reste du

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