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CHAPITRE TROIS

Dans le document La lecture derridienne de Heidegger (Page 153-175)

Marbourg, et c'était déjà le cas dans Etre et Temos198 L ' être-au-monde du Dasein est, dans sa facticité, toujours dispersé en modes déterminés

CHAPITRE TROIS

La question de l'esprit

L'esprit en question

Certaines indications nous permettent de considérer De l'esprit (1987) comme le seul texte, dans cette série consacrée à l'esprit, duquel on peut tirer une thèse concluante. Elles nous permettent aussi de considérer ce texte comme 1'aboutissement d'un long parcours d'interprétation, et cela, avant le passage décisif à la question de la politique de Heidegger, question que Derrida développe entre autres dans Politiques de l'amitié (1994) 269.

Non seulement, L'oreille de Heidegger traite à sa façon de politique, mais ce texte représente également un retour aux questions derridiennes de la voix, de la parole et du souffle. Derrida reprend ces questions et le cadre théorique que nous avons identifié jusqu'à maintenant et se tourne vers les questions d'ordre politique et éthique.

La question de l'esprit, quant à nous, le texte de son développement, doivent être considérés comme 1'aboutissement (et aussi comme un passage obligé dans la compréhension de l'oeuvre de Derrida) d'un long et patient travail de 1'interprétation grammatologique. Non seulement, Derrida y conclut-il le travail de lecture de ses deux premiers textes (préface et introduction), mais cette dernière intervention de sa part présuppose tous les termes que nous avons

269 Nous faisons référence au texte intitulé L'oreille de Heidegger.

Philopolémologie (Geschlecht 4) (1989). Déjà, en 1967, dans L'écriture et la

différence. Derrida aborde brièvement dans un texte intitulé Force et signification (Cf., Derrida J., Ibid., pp. 18-19) la question grammatologique du sens, de 1'écriture et de l'esprit lié à une pneumatologie, soit au souffle du logos. Soulignons qu'il aborde cette question dans un tout autre contexte, celui du structuralisme en littérature. Nous y reviendrons en conclusion.

identifiés jusqu'à maintenant.

La question de la politique heideggerienne est aussi liée, chez Derrida, aux questions de 1'assombrissement du monde et de 1'assombrissement de l'esprit, à la question de 1'esprit comme questionnement dans la pensée heideggerienne et non pas à la question trop simplement factuelle de la prise de position politique de Heidegger. Rappelons, pour le moment, qu'au sein du questionnement heideggerien, il y a «la piété de la pensée». L'écoute de l'appel de l'être est, chez Heidegger, «la piété de la pensée». À ce sujet, on peut lire ce qu'en dit 0. Pöggeler dans son livre La pensée de Heidegger :

«Ainsi le questionner est la piété de la pensée, ce qui veut dire la manière dont la pensée se soumet à ce qui doit être pensé. Cependant le questionnement ne doit pas se consolider en lui-même et se fermer à 1'exhortation d'une réponse ; il est au contraire déterminé par ce qui se consent à lui, comme 1'informulé du déjà formulé. Il se révèle ainsi que ce n'est pas 1'interrogation, mais 1'audition de ce qui est accordé, qui est 1'attitude véritable de la pensée. »27°

Avant tout questionnement, il y a une réponse qui se produit sous la forme d'un acquiescement (Zusage). Et, selon Zarader, tout en citant Derrida :

«Derrida en conclut, légitimement, que le questionnement n'y est plus posé [chez Heidegger] comme le geste originel de la pensée. Avant toute question prend place «une réponse qui se produit a priori en forme d'acquiescement [Zusage]».»211 270 271

270 Pöggeler 0., Ibid., p. 392. (Cf., aussi, Heidegger M., Ou'anoelle-t-on penser

2, P- 133).

271 Zarader M. , La dette imoensée. p. 86. Ce n'est pas tout à fait ce que nous cherchons à démontrer. (Cf., Derrida J., Heidegger et la question) : «L'appel de l'être, toute question y répond déjà, la promesse a déjà eu lieu partout où vient le langage. Celui-ci toujours, avant toute question, et dans la question même, revient à de la promesse. Ce serait aussi une promesse de l'esprit.». Derrida J., Ibid., pp. 114-115 et Heidegger M., Le déploiement de la parole dans Acheminement vers la parole, p. 159 : «Qu'apprenons-nous quand nous pensons et repensons assez cela ? Que ce n'est pas questionner qui est le propre geste de la pensée, mais : prêter 1'oreille à la parole où se promet ce qui devra venir en la question.»

En interrogeant le mot «esprit» et le parcours heideggerien qui s'étend du cours sur Schelling (1936) à la conférence sur Trakl (1953), tel que Derrida nous le propose, nous constatons que Heidegger avait distingué le Geist du spiritus latin, pour ensuite reprendre la question du pneuma grec, en finissant par le distinguer du pneuma lui- même comme souffle, avant d'établir une détermination plus originaire qui ne se dit proprement qu'en allemand : 1'esprit-en-flammes. Ce qui nous importe, pour le moment, c'est la structure que Derrida impose à sa compréhension de Heidegger.

Le procédé heideggerien est simple : d'une part, 1'établissement d'une différence entre la détermination métaphysique et une essence originelle, d'autre part, la méditation du second pôle, d'un nouveau site, identifié à la parole grecque, et enfin une recherche au-delà de la langue grecque. Derrida nous montre que ce mouvement de pensée détermine 1'élaboration heideggerienne de la question de l'esprit. Bon nombre de questions chez Heidegger obéissent à cette règle et constituent des figures d'une même structure générale.

Cette structure s'impose à la question de la vérité, selon Zarader dans La dette impensée272 et Derrida dans Heidegger et la question273 274. Selon elle, Heidegger, dans un premier temps, rétrocède de la veritas au dévoilement (alèthéia), mais il reconnaît, au terme de son oeuvre, que 1'alèthéia surgit dans la perspective de 1'homoiôsis. Heidegger ne renonce pas, écrit-elle, à la nécessité de penser la vérité comme dévoilement, mais il reconnaît que cette essence originelle n'appartient pas à 1'expérience grecque ni à la nomination grecque de la vérité, pas même sous la forme d'un impensé.

De là, Heidegger est conduit au dépassement de !'alèthéia vers une détermination plus originaire, soit la possibilité de toute présence, dont Heidegger indique 1 ' essence en allemand : Wahrnis2741. La situation est différente lorsque Heidegger interroge la pensée. Heidegger passe de la pensée, entendue comme logique, au logos initial, ensuite il se détourne de la méditation de ce logos initial pour

272 Cf., Zarader M., Ibid., pp. 185-187. 273 Cf., Derrida J., Ibid., p. 89.

274 Cf., Heidegger M. , La parole d'Anaximandre dans Chemins qui ne mènent nulle part, pp. 419-420. On peut aussi lire : Heidegger M., Concents fondamentaux où il est question dans la seconde partie du dire initial de l'être dans la parole d'Anaximandre.(Cf., Heidegger M., Ibid., pp., 123-158).

prendre en considération le site originel de la pensée, site allemand :

Gedanc.

«Mais le rapport entre ce qui se dit dans le Gedanc et ce qui se réserve dans le logos [initial] reste indécidé : Heidegger n'affirme nulle part que la saisie de 1'essence originelle exigerait un dépassement de la parole grecque, un saut par-delà ce qu'elle nomme.»275

Quant à nous, nous considérons De l'esprit comme un aboutissement dans un passage important vers la question de la politique de Heidegger et des questions d'ordre éthique dans 1'oeuvre de Derrida. Les thèmes abordés y sont encore nombreux, mais leur accès facilité par la forme plus complète que Derrida leur donne dans cet essai. En choisissant d'éviter la question de la politique (nazisme) de Heidegger dans sa forme classique (vulgaire), nous respectons les enjeux de la pensée derridienne et ceux de notre propre travail.

Le parcours théorique conduisant Derrida de De la arammatoloaie à

De l'esprit est-il cohérent ? Derrida respecte-t-il son programme

philosophique, élaboré dès la première partie de De la arammatoloaie. en se faisant 1'interprète de certains textes de Heidegger ? Disons oui, à sa façon originale, soit d'une manière grammatologique et aporétique, comme nous tentons de le démontrer276.

275 Zarader M., La dette impenses, p. 186. C'est ce que nous laisse penser, selon elle, la dernière leçon de Ou'appelle-t-on penser ? (Cf., Heidegger M., Ibid., pp. 225-226). Le détour par le vocable allemand n'est pas inoffensif, même si ce rapport reste indécidé. Ce détour n'est pas plus inoffensif, selon nous, dans La

parole d'Anaximandre lorsque Heidegger pose les mêmes questions dans un contexte

différent (Cf. Heidegger M., La parole d'Anaximandre, dans Chemins oui ne mènent nulle part, p. 419).

276 En situant De l'esprit (1987) et L'oreille de Heidegger. Philopolémologie

(Geschlecht 4) (1989) dans l'axe d'un passage qui amène Derrida à s'intéresser de

plus en plus au politique, aux textes politiques et à la politique de Heidegger, nous restons fidèle aux développements de la pensée derridienne : «Le rapport de Heidegger au nazisme n'est pas le seul motif ni peut-être même le motif tout court du travail de Derrida. Derrida a certes essayé de mettre en avant des liens qui pouvaient exister entre son propos et la polémique sur «Heidegger et le nazisme», mais il ne l'a fait qu'après coup. Nous ne disons pas, bien entendu, que le thème du nazisme n'est pas présent dans son livre, mais il n'y est que marginalement.» (Cf., Boutot A., Derrida (J.), De 1'esprit, dans Annuaire philosophique 1987-1988.

p. 59).

Nous serions plus enclin à déclarer que Derrida n'abandonne pas dans De l'esprit !'interrogation grammatologique de la question de la politique heideggerienne. Même

Heidegger, dans Être et Temps (1927), affirme avoir la volonté d'éviter un certain nombre de mots, parmi ceux-là le mot «esprit» (Geist) . Avant d'en venir au principal enjeu de son commentaire, Derrida souligne certains éléments qui le conduiront à une interprétation plus décisive. Ainsi, Derrida rappelle qu'en 1953, dans le texte que Heidegger consacre à Trakl, texte intitulé La parole dans

l'élément du poème et publié dans Acheminement vers la parole277.

Heidegger souligne que le poète a toujours pris soin d'éviter le

«geistig». «Et, visiblement Heidegger l'en approuve, et pense avec lui.

si ce n'est pas l'objet de notre étude, la thèse que nous soutenons ne contredit pas 1'approche derridienne de cette question dans De l'esprit, elle suspend plutôt le débat qu'elle engage dans un tout autre contexte que le nôtre. Politiques de 1'amitié. c'est aussi le titre d'un séminaire donné en 1988-89. Les séminaires qui le précèdent sont groupés sous le titre général de La nationalité et le

nationalisme philosophiques : 1. Nation, nationalité, nationalisme (1983-84), 2. Nomos, Logos, Topos (1984-85), 3. Le théologico-politique (1985-86), 4. Kant, le Juif, l'Allemand (1986-87), 5. Manger l'autre. Rhétoriques du cannibalisme (1987-

88) . Ceux qui les suivirent concernaient justement les Questions de la responsabilité (1989-93 ) . Ces renseignements sont tirés du livre intitulé Politiques de l'amitié (p.ll). Tout cela nous permet de considérer le passage aux questions politique et éthique que Derrida effectue dans ses recherches et ses publications. De l'esprit (1987) se situe au milieu et au début de cet axe. Au milieu, quant à la chronologie, au début, quant à son contenu, lié à la question de la politique de Heidegger.

D'autres publications à propos de la ou du politique, de 1'éthique et de la loi, outre Politiques de l'amitié viennent confirmer ce jugement : Pour Nelson Mandela (1986), un texte publié dans Poikilia (1987), intitulé Chôra, un autre publié dans Phénoménologie et politique (1990), texte intitulé Interpretations at war ; L'autre cap (1991) , Donner la mort (1992), publié dans L'éthique du don, enfin Spectres de Marx (1993) et Force de loi (1994) . Tous ces textes abordent des sujets liés au politique et à 1'éthique. Les renvois entre eux sont très nombreux. Même si Derrida n'y renie pas ses recherches passées, le passage aux questions politiques est évident. Nous classons Politiques de l'amitié et L'oreille de Heidegger dans cette série.

Enfin, on peut lire avec intérêt 1'ouvrage de J.-F. Lyotard, Heidegger et les Juifs, où il est question de la relation philosophique entre Heidegger et Cari Schmitt. Derrida consacre lui aussi de nombreuses pages à 1'oeuvre de Schmitt dans la première partie de son livre Politiques de l'amitié. On peut lire aussi, s'il est question d'histoire et de politique, un texte de C.H. Zuckert intitulé

Derrida's New [Hi]story, texte publié dans Postmodern Platos (pp. 226-253).

Cette dernière remarque appuie notre thèse du passage derridien à la question politique dans ses lectures de Heidegger, vers la fin des années quatre-vingt. On peut lire aussi Écrits politiques (1933-1966) de Heidegger. Ce volume rassemble les textes de Heidegger qui ont un rapport direct à sa prise de position politique en 1933-1934.

Mais cette fois, ce n'est plus Geist [esprit humain], ni même geistlich [esprit religieux] qu'il s'agit d'éviter, mais geistig [le spirituel].»278

Cette première constatation de Derrida est accompagnée d'une série de questions : que veut dire «éviter»278 279 ? Comment délimiter clairement la différence entre ces deux textes de Heidegger ? Que s'est-il passé entre les deux ? Comment comprendre que Heidegger ait tout de même utilisé ce mot pendant plus de vingt-cinq ans, c'est-à-dire entre 1927 et 1953 ?

Le thème de l'esprit occupe une place majeure dans les développements de la pensée heideggerienne. Afin de circonscrire cette place, Derrida propose trois axes de recherche : 1) une explication avec les langues, les traductions, pour suivre les transformations réglées de ce mot chez Heidegger, 2) une explication avec le lexique entourant ce mot dans les séminaires sur Schelling, Hölderlin et Trakl280, enfin, 3) une explication avec la pensée du Geist, là où elle est liée aux questions de l'être et de la vérité, de 1'histoire de la pensée ou de 1'impensé, «[...] je préfère toujours le dire au pluriel, des pensées ou des impensés de Heidegger.»281 Cette dernière explication avec Heidegger attire plus particulièrement notre attention, si on considère attentivement notre propre cadre de recherches : les figures de la différance. Comprenons que Derrida entend identifier et interpréter grammatologiquement ces impensés en les recomposant en différance, et que notre intention est de juger de la cohérence de ces deux gestes philosophiques.

Il faut aussi relever ou souligner, si notre volonté est de comprendre cette intervention de Derrida, dans toutes les remarques préliminaires qu'il propose au lecteur : une hypothèse de travail et la

278 Derrida J., Heidegger et la question, p. 11. Dans la même veine, on peut lire avec intérêt un recueil de textes publié sous le titre La religion (1996), dans lequel Derrida publie un texte intitulé Foi et savoir.

279 Derrida donne les exemples des guillemets et de la rature non négative en forme de croix. «Éviter» ne peut vouloir dire «taire». On peut lire à ce sujet le livre de Allemann B. , Hölderlin et Heidegger. Allemann soutient la thèse contraire : les guillemets entourant le mot «esprit» sont sans importance. (Cf., aussi, Derrida J., Heidegger et la question. p. 83).

280 Cf., Heidegger M., Schelling. Hölderlins Hymne «Der Ister» et Acheminement vers la parole.

mise à jour de quatre fils conducteurs dans cette première interprétation thétique282 de la pensée de Heidegger283 . L'hypothèse de ce travail d'interprétation de Derrida est, à première vue, assez simple : suivre la trace du «spirituel heideggerien». Mais, c'est une hypothèse de lecture dont il connaît déjà le résultat.

«Il y va de la vérité de la vérité pour Heidegger, une vérité dont la tautologie n'est même pas à découvrir ou à inventer. Elle appartient à 1'au-delà et à la possibilité de toute question, à 1'inquestionnable même de toute question. Le Geist ne peut que rassembler cet entrelacement dans la mesure où il est, pour Heidegger, nous le vérifierons, un autre nom de l'Un et de la

Versammlung, l'un des noms du recueil et du

rassemblement. »284

pour le moins conducteurs qui comme autant de En plus de cette hypothèse de travail,

grammatologique285, Derrida propose quatre fils ordonnent son commentaire. Nous les considérons

questions qu'il adresse à certains textes de Heidegger : il entend soulever la question de la question heideggerienne, la question du privilège non questionné de 1'essence questionnante de la pensée. Derrida cite et traduit La question de la technique : «Car le questionnement est la piété de la pensée.»286 Qu'en est-il alors de

282 Nous nous permettons d'utiliser ce néologisme afin de souligner encore une fois, que Derrida considère ce texte comme un véritable essai. Et, que même s'il n'épuise pas le sujet, cet essai propose une thèse au lecteur.

283 Dans ses nombreuses remarques préliminaires, Derrida rappelle que l'un de ses séminaires propose une lecture du Timée de Platon, une lecture de ce qui se rapporte à la Khôra, sujet que Heidegger aborde dans Introduction à la métaphysique. Cela montre, une fois de plus, à quel point la pensée heideggerienne est présente dans 1'oeuvre de Derrida. (Cf. Derrida J., Khôra (1987), publié dans Poïkilia. Études offertes à Jean-Pierre Vernant (1987) et Khôra (1993)). Ce texte s'inscrit dans la mouvance de la pensée de la différence.

284 Derrida J., Heidegger et la question, p. 20. Soulignons que, outre le fait que Derrida reste fidèle à son programme grammatologique d'une pensée de la «différance», que ce résultat, celui où il est question «de la vérité de la vérité», renvoie aux premières pages de De la arammatoloaie.

285 Cette expression n'exclut pas la pensée de la différence. Au contraire, et c'est le but de notre travail de le montrer, la pensée grammatologique se confond avec la pensée de la différence.

286 Derrida J., Heidegger et la question, p. 21. Et, Heidegger M., La question de

la technique dans Essais et conférences, p. 48 : «Car 1'interrogation est la piété

cette piété ? demande Derrida. Comment comprendre ce privilège accordé au questionnement ? Il ne s'agit pas de le comprendre à l'abri de toute question, ni à l'abri d'une pensée de 1'impensé287. De quoi est-il alors question ? Du Geist ? De 1'esprit ? C'est la première question que Derrida se propose d'aborder, c'est-à-dire 1'esprit comme nom que Heidegger donne à cette unique possibilité inquestionnée de la

question. Ensuite vient la question de la technique chez Heidegger :

«L'essence de la technique n'est pas technique.»288 Cet énoncé de Heidegger maintient la possibilité de la pensée questionnante, «[...] qui est toujours pensée de l'essence.»289 290, à l'abri de la technique comme savoir régional ou métaphysique. Il s'agit donc, dans ce contexte derridien de 1'interprétation de certains textes de Heidegger, d'analyser cette non-contamination et de considérer la nécessité d'une contamination. En d'autres mots, il s'agit d'analyser un contact inévitable avec la technique, contaminant à 1'origine la pensée ou la parole :

«Contamination, donc, de la pensée de 1'essence par la technique, donc de 1'essence pensable de la technique par la technique, le privilège de la question ayant quelque chose à voir, déjà, toujours, avec cette irréductibilité de la technique.»29°

La question de 1'essence n'est pas simple, toute notre attention est donc requise, si nous voulons clarifier la complexité de cette dernière intervention stratégique. Derrida entend montrer que 1'«esprit» nomme aussi ce que Heidegger veut sauver de toute contamination (destitution). Mais «[...] ce qui sauve [l'esprit] ne se

heideggerien accordé au questionnement plutôt qu'à 1'interrogation comme «piété de la pensée» soit plus évident. «Dans ce qui suit nous questionnons au sujet de la technique. Questionner, c'est travailler à un chemin, le construire. [...] Le chemin est un chemin de la pensée. [...] Tous les chemins de la pensée conduisent [...] à travers le langage.» Heidegger M. , Ibid., p. 9. C'est ce que laisse entendre la traduction.

287 Cf., Heidegger M., Ou' aooelle-t-on penser ?. p. 118. Et, Derrida J., Psvché. Inventions de l'autre, p. 616. Ce détour nous apprend que Derrida a déjà abordé le thème de 1'impensé en 1'associant au «rassemblement» heideggerien. On peut lire à ce sujet le texte qui a inspiré Derrida : Lacoue-Labarthe P. , Typographie dans Mimesis des articulations.

288 Derrida J., Heidegger et la question, p. 21. 289 Derrida J., Ibid., p. 21.

laisserait pas sauver de cette contamination.»291.

La troisième question reprend la problématique de 1'interprétation de la main dans 1'opposition entre le Dasein humain et 1'animal ; dans le contexte d'une interprétation grammatologique, cette interprétation de la main domine la pensée heideggerrenne dans les questions du sens de l'être, de la destruction de 1'onto-théologie et de 1'analytique existentiale. Cette interprétation ne se libère pas des

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