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un vote en mars en faveur du projet de loi de reCapitalisation de la fsliC à hauteur

Dans le document UNE FRAUDE PRESQUE PARFAITE (Page 118-121)

de 15 milliards de dollars

L’autre miracle était encore plus improbable : tenir tête à Wright et critiquer ses actions avait presque permis le vote de la recapita-lisation de la FSLIC sous la forme que nous souhaitions. Ce second (quasi-)miracle prouvait trois choses. D’abord, Gray était du bon côté, et Wright et la Ligue du mauvais. Ensuite, la faiblesse de nos oppo-sants avait empêché Wright de réagir efficacement à nos arguments au sein du Comité des opérations bancaires de la Chambre. Enfin, il y avait parmi les membres de ce comité et dans son personnel tech-nique certains fidèles serviteurs authentiques de l’intérêt public, qui étaient prêts à aller contre la volonté d’un speaker exceptionnelle-ment puissant et vindicatif et d’une puissante association profession-nelle. J’ai déjà évoqué les deux premiers points. Voyons le troisième.

Jusqu’ici, mon analyse a mis l’accent sur les efforts du Bank Board et de nos adversaires. Ce qui risque de laisser croire implicite-ment que ce sont nos efforts qui ont été à l’origine du quasi-miracle du Comité des opérations bancaires de la Chambre. En réalité, le facteur le plus important a été la force d’un groupe bipartisan de membres du comité qui sont parvenus à la conclusion que la recapi-talisation de la FSLIC était vitale. Les dirigeants de ce groupe étaient (par ordre alphabétique) Tom Carper (démocrate du Delaware), Henry B. Gonzalez (démocrate du Texas), Jim Leach (républicain de l’Iowa) et Buddy Roemer (démocrate de Louisiane) 1.

Rien que cette liste est improbable, et ce pour deux raisons : d’abord, bien que le groupe fût bipartisan (il était en réalité « non partisan »), la plupart de ses membres étaient démocrates. On se dira que leur décision de recapitaliser n’est peut-être pas si étonnante.

1. Stan Parris (républicain de Virginie) doit avoir au moins une mention honorable : il s’est battu pour alerter l’opinion sur la gravité de la crise des caisses d’épargne.

Les démocrates étaient en général moins favorables à la déréglemen-tation que les républicains, notamment en 1987. Gray n’a d’ailleurs jamais compris pourquoi si peu de démocrates soutenaient ses efforts de reréglementation qui désespéraient tant l’exécutif. Mais puisque la recapitalisation de la FSLIC était un projet de loi de l’administra-tion Reagan, la première quesl’administra-tion à poser était : pourquoi si peu de parlementaires républicains soutenaient ce projet ? Jim Leach était membre d’une espèce en voie de disparition : les républicains modé-rés, et il était bien connu pour son penchant à contrarier les vœux de l’administration. Aucun des républicains orthodoxes du Comité des opérations bancaires n’a pris le leadership pour soutenir la recapita-lisation de la FSLIC.

La majorité des membres du groupe était démocrate, ce qui était révélateur du fait que le speaker n’avait pas réussi à rallier les mem-bres de son parti à sa cause, même s’il n’avait pas caché son vif inté-rêt personnel à obtenir leur soutien, s’il avait présenté le problème comme un combat du parti, et s’il leur avait demandé personnelle-ment leur appui. Ce troisième élépersonnelle-ment est particulièrepersonnelle-ment impor-tant. Comme Barry (1989) le souligne à plusieurs reprises :

La plus grande pression que peut exercer un speaker est de demander. C’est considérable (p. 102).

Même s’il disait ne rien imposer – « dites-moi, s’il vous plaît, ce que vous en pensez », écrit-il [dans des notes aux démocrates sur les questions fiscales] –, on lisait entre les lignes un message bien plus affirmé : Il y aura des impôts.

Êtes-vous avec moi ou non ? Êtes-vous un ami ou un ennemi ? (p. 145, souligné dans le texte original.)

Pression ? Quelle pression ? Le speaker ne fait rien de plus que demander votre aide.

Rien de plus… (p. 446, souligné dans le texte original).

La prise en otage par Wright de la recapitalisation de la FSLIC à l’instigation des patrons-escrocs a été l’une des initiatives crucia-les qui vinrent ébranler ce colosse aux pieds d’argile. Barry (1989, p. 238) donne quelques éléments sur ce qui s’est passé :

Au sein de la Chambre, ce sujet posait des problèmes à Wright. Il voulait une enveloppe de 5 milliards de dollars, mais le Comité des opérations bancaires

semblait plus enclin à proposer une enveloppe de 15 milliards. Le secteur était en ruine, et plus vite on en déblaierait les gravats, moins cela revien-drait cher sur le long terme…

Wright et son collègue du Texas Mike Andrews ont fait part, au cours d’une réunion à huis clos du groupe démocrate du Comité des opérations bancaires [le 19 mars 1987], de leurs préoccupations au sujet des régula-teurs, et ils ont expliqué pourquoi ils avaient peur de leur donner trop de pouvoir.

Le contexte de cet appel personnel de Wright aux démocrates du Comité des opérations bancaires de la Chambre est révélateur.

Comme l’indique clairement le livre de Barry, Wright connaissait en 1987 un soutien sans faille à la Chambre sur ses priorités et la presse le couvrait d’éloges. Barry (1989, p. 387) résume ainsi l’am-pleur de son pouvoir :

Wright semblait exercer un contrôle absolu sur la Chambre [en septembre 1987], il n’était pas loin de concurrencer la suprématie du président.

Ce sujet prioritaire était le seul sur lequel il risquait de ne pas être suivi, malgré les très nombreux atouts dont il jouissait. La recapita-lisation de la FSLIC était, au mieux, une « priorité » de quatrième ou de cinquième ordre pour l’exécutif. Son adversaire principal, Gray, était faible et en proie à la haine des hommes forts de l’administra-tion Reagan. La Ligue avait une puissance politique immense ; ses membres étaient unis ; la recapitalisation de la FSLIC était sa seule et unique priorité ; et elle soutenait pleinement Wright. De notre côté, nous avions réussi à nous assurer l’appui des agents immobi-liers et de la National Association of Home Builders, l’association nationale du bâtiment. C’était un joli coup. Cela dit, la recapitali-sation de la FSLIC n’avait bien sûr jamais été prioritaire pour eux ; leur soutien était certes réconfortant, mais très peu actif. Wright, lui, jouissait d’un soutien bipartisan, incarné par le représentant Bartlett. La délégation texane était célèbre pour sa puissance et sa solidarité. De hauts responsables de l’État du Texas, en particulier l’attorney general Mattox, avaient mis leur poids dans la balance.

Wright tenait à sa merci le président du comité, St Germain, en raison de sa vulnérabilité face aux accusations éthiques. En toute logique, le speaker aurait dû pulvériser ses adversaires.

Or, Wright savait, grâce aux renseignements que lui donnait sa “Whip organisation 2” (présidée par Coelho), qu’il risquait de perdre le vote au Comité des opérations bancaires de la Chambre.

Rien ne s’était déroulé comme prévu pour le speaker. Certes, en rencontrant personnellement St Germain et d’autres démocrates importants en janvier, il avait pu enrayer l’avancée du travail sur le projet de loi, mais il y avait plus perdu – en capital politique et en vulnérabilité aux critiques de la presse – que gagné. Sa tentative d’intimider Gray en le faisant interroger par Barnard sur Vernon Savings et Independent American s’était retournée contre lui (et contre Gaubert). La réunion du 10 février avait été un fiasco pour le speaker. Gray, qui jusqu’alors s’était incliné, refusait désormais d’intégrer à sa reréglementation la moindre faveur supplémentaire.

En obligeant le Comité des opérations bancaires de la Chambre à enquêter sur la façon dont le Bank Board supervisait les caisses texa-nes, Wright avait considérablement affaibli sa position, car cette initiative avait révélé que les victimes présumées étaient des escrocs et les présumés « fachos » des professionnels consciencieux qui ten-taient de faire le travail dûment esquivé par leurs prédécesseurs.

L’audition, censée illustrer avec éclat le règne de la terreur, avait mis dans l’embarras les tenants de l’indulgence. Les menaces de Mattox contre Gray et Selby avaient été si brutales qu’elles avaient nui à la réputation du premier et non des seconds. La presse s’était retour-née contre Wright et (c’était le plus vexant) en faveur de Gray. Il n’y avait plus personne au sein du comité sur qui Wright pût compter pour diriger la lutte contre la recapitalisation de la FSLIC.

Si perdre était désagréable, perdre face à Gray, un homme qu’il exécrait personnellement, était impensable. Wright décida donc d’intervenir lui-même.

C’est dans ce contexte que Wright et Andrews se sont exprimés devant les membres démocrates du Comité des opérations bancai-res de la Chambre le 19 mars 1987. Ce type de réunion était rare – le speaker s’adressant à huis clos au groupe démocrate d’un comité pour en solliciter le soutien. L’événement donne plusieurs indications sur la situation. D’abord, Wright savait qu’il était sur le

2. Organisation chargée d’assurer la discipline de vote des membres d’un parti [Note de l’Institut Veblen].

point de perdre au Comité des opérations bancaires de la Chambre.

Deuxièmement, ce vote comptait beaucoup pour lui, c’est pourquoi il dépensait un capital politique considérable pour tenter de gagner la partie. Plus grave : il liait son prestige de dirigeant au succès de ce vote. S’il le perdait, il allait compromettre l’image de toute-puis-sance qu’il avait soigneusement cultivée. De fait, son érosion avait déjà commencé : les démocrates du comité savaient que Wright voulait absolument barrer la route à la recapitalisation de la FSLIC, et pourtant plusieurs étaient prêts à s’allier aux républicains pour l’en empêcher.

Troisièmement, il demandait à ses collègues de le soutenir en tant que démocrates. Il transformait en objectif du parti le retrait d’un projet de loi qui n’était pourtant pas à la base un enjeu d’af-frontement entre partis et qui jouissait même au départ d’un sou-tien bipartisan. Mayer (1990, p. 238) rapporte les propos tenus par Wright devant le groupe :

L’économie [du Texas] traversait une passe difficile, mais il n’y avait rien de fondamentalement malsain dans les caisses d’épargne. Le problème, c’était Gray et Roy Green de la Federal Home Loan Bank de Dallas, un nid d’agents de réglementation républicains qui essayaient d’éliminer de bons démocra-tes et de gros contributeurs du parti démocratique [sic]. C’était le devoir des démocrates du comité de se mettre en branle pour mettre fin à cette situa-tion, en commençant par limiter le projet de loi de recapitalisation de la FSLIC à 5 milliards de dollars au grand maximum.

À en croire les souvenirs de Henry Gonzalez, Wright avait assuré que le Bank Board « sauvait les républicains et condamnait les démocrates. […] Je lui ai dit : donnez-moi des preuves. Et comme les preuves n’arrivaient pas, je n’ai rien fait » (Mayer 1990, p. 238). Barry ne se demande pas pourquoi Wright n’a jamais présenté le moindre début de preuve. S’il avait pu prouver ses accusations, il l’aurait fait.

Day (1993, p. 253) écrit que le speaker a raconté des « horreurs » sur les régulateurs.

Il était tout à fait inhabituel pour Wright de produire autant d’efforts pour rallier ses collègues démocrates à sa cause. Malgré cela, et malgré le fait que les parlementaires démocrates savaient que cette question lui tenait à cœur et qu’elle touchait directe-ment aux intérêts de ses administrés, trois démocrates décidèrent

de prendre la tête de l’offensive prorecapitalisation de la FSLIC, une situation pour le moins incroyable. D’autant plus que voter afin de couler le projet de loi ne leur aurait probablement causé aucun tort politique. A contrario, il y avait de fortes chances que leurs efforts en faveur d’une bonne décision se concluraient par un échec.

Deux des dirigeants qui soutenaient la recapitalisation venaient d’États où ils risquaient fort de pâtir de cette prise de position : Gonzalez était du Texas (San Antonio) et Roemer de Louisiane. Toutes les caisses d’épargne du Texas et de Louisiane s’opposaient au projet de loi de recapitalisation de la FSLIC à hauteur de 15 milliards de dollars et soutenaient une indulgence onéreuse. Si nombre d’entre elles fustigeaient en privé les patrons-escrocs, en public toutes accu-saient la chute brutale des cours du pétrole d’avoir provoqué une récession régionale. Gonzalez et Roemer prenaient un vrai risque : passer pour des traîtres aux yeux de leurs électeurs. Voter en faveur du projet de recapitalisation à hauteur de 15 milliards de dollars ne leur rapporterait rien : pas une voix, pas un dollar de contributions de campagne.

Tout cela faisait d’eux, bien sûr, des soutiens inestimables pour le Bank Board. Si des démocrates du « pays du pétrole » nous soute-naient, nous ne pouvions décidément pas être des « fachos ». Si ces élus étaient prêts à risquer d’éveiller la colère des puissants intérêts de leurs circonscriptions pour lesquels ce projet était la priorité absolue, les autres membres du comité, venus d’États à l’économie prospère, n’allaient tout de même pas hésiter à payer le petit prix politique d’un soutien à la recapitalisation de la FSLIC 3. Nul ne pou-vait prétendre que Gonzalez ou Roemer ignoraient les problèmes du Texas et de la Louisiane ou n’avaient aucune sympathie pour les difficultés de ces États. Et tous deux étaient des démocrates prêts à s’opposer au speaker.

3. Si Gonzalez avait une circonscription politiquement très sûre, l’une des rares façons dont il aurait pu la perdre était de passer pour un traître au Texas. De plus, on n’avait pas besoin de lui faire perdre une élection pour le punir. Le speaker avait d’innombrables moyens de lui rendre la vie désagréable.

Dans le document UNE FRAUDE PRESQUE PARFAITE (Page 118-121)