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Ce Que nous aurions dû retenir de la débâCle des Caisses d’épargne

Dans le document UNE FRAUDE PRESQUE PARFAITE (Page 185-200)

1. la fraUde est Un vrai problèMe, et les fraUdes patronales font coUrir des risqUes exceptionnels

Des fraudes de toute sorte ont été commises pendant la débâ-cle, mais la fraude patronale a été l’une des principales causes des pertes financières. La fraude patronale est d’ailleurs à l’origine des scandales financiers que nous vivons actuellement.

Malheureusement, la pensée économique standard n’a pas tiré les bonnes leçons de la crise des caisses d’épargne. Voici la position de l’économie standard formulée par deux de ses représentants, Easterbrook et Fischel (1991, p. 285) :

[Une] réglementation contre la fraude n’est pas un ingrédient essentiel, ni même important, des marchés des titres.

2. il est iMportant de coMprendre les MécanisMes de la fraUde L’origine de nombreux échecs analytiques et prédictifs très embarrassants des experts financiers est claire : ils n’ont pas com-pris comment opèrent les fraudes patronales. Le consultant finan-cier Bert Ely, par exemple, pensait que la fraude constituait un épiphénomène parce qu’il était très rare de voir des PDG piquer de l’argent dans la caisse (Ely 1990). Les patrons-escrocs ont toujours su et pu duper les plus grands économistes, parce que ceux-ci ne comprenaient pas comment les PDG transforment les comptables et les principes comptables en armes offensives de la fraude et en boucliers contre les autorités de réglementation.

Nous commençons aujourd’hui à mesurer l’importance de la confiance dans une économie. Les économistes de toutes tendances idéologi-ques en conviennent : c’est l’une des ressources les plus importantes (Stiglitz 2003, p. 459 ; Fukuyama 1995). L’un des intérêts conceptuels de l’article d’Akerlof de 1970 sur les Lemons Market (les marchés des voitures d’occasion) est de montrer à quel point une fraude patro-nale massive peut tuer toute confiance 2. Un large éventail d’experts et d’acteurs économiques ont observé que l’érosion de la confiance, provoquée par la vague de fraudes patronales, a poussé des millions d’investisseurs à se retirer de la Bourse, ce qui a provoqué une perte colossale de capitalisation boursière (Stiglitz 2003, p. 459). Elle a été de 9 000 milliards de dollars, donc, s’il est exact que l’érosion de la confiance y a largement contribué, les pertes indirectes provoquées par la fraude patronale ont été dévastatrices 3.

Les scandales actuels ont eux aussi engendré de nombreux coûts économiques indirects ; là encore, les pertes d’emplois et de pen-sions de retraite dominent le tableau. Enron et ses co-conspirateurs (pratiquement tous les grands vendeurs d’énergie en Amérique et plusieurs sociétés de production d’électricité) ont délibérément provoqué des pannes d’électricité en Californie, augmenté consi-dérablement le prix du courant et acculé à la faillite les sociétés californiennes de distribution d’électricité. (Ces fraudes patrona-les visaient patrona-les clients, pas patrona-les créanciers.) Parallèlement à cela,

2. Tous les exemples qu’utilise Akerlof dans son article sont des fraudes patronales dont l’objectif est de voler le client et non les créanciers et les actionnaires. Les fraudes patronales des caisses d’épargne et les vagues qui les ont suivies ciblaient en général ces deux dernières catégories. Néanmoins, les fraudes patronales modernes prennent souvent pour cible les clients. Enron et ses co-conspirateurs, par exemple, ont créé et exploité la « crise » de l’électricité en Californie ; les fonds mutuels ont largement abusé de leur clientèle ; Tenet Healthcare a été accusée de pratiquer des actes chirurgicaux superflus dans un hôpital, ce qui aurait causé la mort de plusieurs patients, et de surfacturer frauduleusement ses services aux caisses publiques d’assurance-maladie ; et, à une date antérieure, Koch Industries avait fraudé au détriment des petits producteurs de pétrole.

3. Si la perte de confiance n’a pas été un problème majeur pendant la débâcle des caisses d’épargne, c’est à cause de la garantie des dépôts. Les créanciers des caisses étaient presque entièrement composés de déposants assurés. Ils faisaient confiance à la FSLIC, pas à la caisse. La FSLIC n’a jamais perdu cette confiance, parce que la population était convaincue qu’aucun président ou Congrès ne la laisserait se mettre en défaut de paiement (aucune entité politique qui l’aurait fait n’y aurait survécu). Toutes les compagnies privées qui assuraient les caisses de l’Ohio, du Maryland et de l’Utah, en revanche, se sont effondrées quand les déposants ont perdu confiance.

4. les vagUes de fraUdes patronales provoqUent d’iMMenses dégâts Les fraudes patronales individuelles causent de lourdes pertes, mais lorsqu’elles arrivent par vagues, les dégâts causés prennent une tout autre ampleur : ils deviennent systémiques. Les domma-ges financiers directs atteignent des niveaux vertigineux : plusieurs dizaines de milliards de dollars pendant la débâcle et des centaines de milliards dans les scandales actuels.

Les dommages financiers indirects sont encore plus importants.

Pendant la débâcle, ils ont principalement pris la forme de bulles immobilières régionales. Ces dernières ont accentué la saturation du marché immobilier et ont fait empirer la chute brutale des valeurs qui a frappé tout le monde, même les acteurs honnêtes du marché. Les bulles gaspillent les ressources de la société en distor-dant leurs allocations, quand elles gonflent tout autant que quand elles éclatent. La fraude envoie des signaux de prix inexacts qui éloi-gnent de plus en plus les marchés de l’efficacité. Les patrons-escrocs des caisses d’épargne maintenaient les prix de l’immobilier arti-ficiellement élevés en augmentant leurs prêts ADC et leurs inves-tissements immobiliers directs dans des marchés où les taux de logements vacants étaient comparables à ceux constatés en temps de récession. Leurs investissements frauduleux ont contribué aux récessions du Texas, de la Louisiane et de l’Arizona. D’autres dom-mages financiers indirects ont été infligés aux salariés des caisses d’épargne, qui ont perdu leur emploi et leur retraite avec les failli-tes de leurs caisses ; aux actionnaires innocents ; et aux victimes des ventes d’obligations pourries sans valeur d’ACC. Le secteur des caisses d’épargne n’était pas un gros acheteur d’obligations pour-ries, mais il comprenait le groupe le plus important de « captifs » de Milken. Ils ont joué un rôle crucial dans la surévaluation des obligations pourries, source de mauvaise allocation et de gaspillage des ressources sociales.

Les scandales actuels ont provoqué des dégâts financiers indi-rects considérablement plus grands. Ils ont à nouveau créé des saturations de marché désastreuses, en particulier dans le secteur des télécommunications (ADSL, etc.). Mais leur effet économique indirect le plus nocif a été d’éroder la confiance. Les fraudes opè-rent en créant de la confiance – dont elles abusent. En conséquence, la fraude est le plus puissant acide existant pour ronger la confiance.

5. les patrons-escrocs transforMent les contraintes traditionnelles contre les abUs en aides à la fraUde

Les patrons-escrocs ne se contentent pas de neutraliser les contrô-les internes et externes, tels que contrô-les commissaires aux comptes exté-rieurs. Ils pervertissent ce qui devrait être un contrôleur en allié.

Il faut laisser ici la parole à Keating. Grogan, son homme à tout faire politique, l’avait mis en garde : débaucher Atchison d’Arthur Young juste après qu’il a donné son « opinion sans réserve » à Lincoln Savings (et quadrupler son salaire) risquait de discréditer l’inté-ressé 4. Atchison avait joué un rôle important pour assurer des « opi-nions favorables » à ACC/Lincoln Savings, recruter les Cinq de Keating et intervenir devant le Bank Board. Grogan, semble-t-il, ne voulait pas que son patron répète l’erreur commise avec Henkel et gâche un atout aussi précieux. Il rapporte ainsi la réaction de Keating :

Il était vert de rage. Il disait que ces mollusques de juristes ruinaient l’en-treprise, qu’il avait besoin de comptables doués. Que les avocats ne rappor-taient jamais un centime à la caisse. […] Et que c’érappor-taient les comptables et les commerciaux qui faisaient rentrer l’argent (U.S. Senate Committee 1990-1991a, 14 décembre 1990, séance du matin, transcription 49).

Et il le disait au sens propre, car à Lincoln, c’étaient bien les comp-tables qui « faisaient rentrer l’argent » (fictif, certes). Toutes les fraudes patronales des caisses d’épargne étaient des fraudes comptables. Et toutes les caisses fraudeuses ont pu obtenir une opinion sans réserve des cabinets d’audit les plus prestigieux, pendant des années. Aucun d’eux n’a révélé une fraude patronale dans une caisse d’épargne.

Pire encore. La décision de deux cabinets d’audit de mettre un terme à leur contrat avec Lincoln Savings, et le fait que Keating était un patron-escroc notoire n’a pas empêché Peat and Marwick (cabinet d’audit) de proposer dans la foulée ses services à Keating. Après quoi ce cabinet a publié des opinions favorables à une vente frauduleuse conçue pour créer un profit fictif massif, ainsi qu’à une pseudo-tran-saction réciproque conçue pour faciliter la vente fictive de Lincoln

4. Bon conseil, face à des agents de contrôle normaux. O’Connell a réagi de cette façon ; mais pas Dochow, Stewart, Wall et Martin.

de grands cabinets d’audit ou d’avocats se sont engagés dans la promotion de mécanismes antifiscaux frauduleux transitant par les paradis fiscaux, avec pour résultat une augmentation en flèche de la fraude fiscale des entreprises. Enron était si actif dans ces fraudes qu’il vendait ses services en tant que consultant en « élimination des prélèvements fiscaux des entreprises ».

Les impacts indirects non financiers des fraudes patronales des caisses d’épargne ne sont pas quantifiables. L’un d’eux est le scandale politique. La manipulation du speaker Wright par les patrons-escrocs est de notoriété publique. L’éclatement de cette affaire a affaibli Wright dans l’exercice de ses fonctions et contri-bué à sa démission. Le recrutement des Cinq de Keating a considé-rablement compromis l’ambition du sénateur McCain d’accéder à la présidence. Étoile montante du parti républicain au début de 1987, il était devenu un boulet politique en septembre de la même année. Aujourd’hui, il fait campagne pour réformer la poli-tique. Sa situation et celle du pays sont-elles meilleures ou pires parce que Keating l’a convaincu de peser contre le Bank Board ? Toujours est-il que les patrons-escrocs des caisses d’épargne ont profondément atteint notre système politique. Pour ma part, j’es-time que ces patrons-escrocs ont sérieusement endommagé notre système.

Les effets politiques et sociaux des vagues de fraudes patronales sont très nets. En Russie et dans certains autres pays de l’ex-bloc soviétique, ils sont dramatiques : chute spectaculaire de l’espé-rance de vie, montée de la violence, effondrement du respect pour les institutions occidentales et forte augmentation des taux de pauvreté et de morbidité. Ces effets sociopolitiques ont rendu beaucoup de Russes hostiles aux États-Unis, et ils alimentent des politiques économiques qui pourraient causer de nouveaux dégâts (Stiglitz 2003).

Les marchés efficaces ne sont ni naturels ni inévitables. Les mar-chés sont des institutions modelées par le droit, la culture et les mœurs. Ils peuvent être sujets aux fraudes patronales. La vigilance peut nous permettre de nous débarrasser de ces fraudes une bonne fois pour toutes ; il est essentiel de rester vigilant en permanence.

Une réglementation efficace est un facteur clé de l’efficacité et de l’intégrité des marchés.

Malheureusement, la pensée économique standard n’a rien retenu de ces leçons. Face à ce passé gênant de complicité de leurs cabinets les plus prestigieux avec les patrons-escrocs, avocats et comptables se sont simplement accordés sur la riposte à mettre en place : réduire au maximum leur responsabilité financière devant les tribunaux.

Des dirigeants du barreau et de la comptabilité ont témoigné devant la National Commission on Financial Institution Reform, Recovery and Enforcement en 1993. Ils y ont furieusement dénoncé les pour-suites judiciaires de l’OTS et de la RTC, qui leur avaient imposé, col-lectivement, de verser plus d’un milliard de dollars dans le cadre de règlements négociés. Ils n’ont présenté aucune excuse, endossé aucune responsabilité, suggéré aucune réforme de leurs pratiques.

C’est ma discipline et profession initiale, le droit, qui s’est montrée la moins professionnelle. Elle n’a procédé à aucune réforme jusqu’à l’arrivée de la vague suivante de fraudes patronales, dix ans après la débâcle des caisses d’épargne. Les plus grands cabinets d’avocats du pays ont, à nouveau, aidé avec zèle les patrons-escrocs à spolier et détruire leurs clients. (Dans le style : « il était devenu nécessaire de détruire le village pour le sauver 6 ».) Même après cela, ils ont continué à résister à tout changement, et il a fallu finalement les forcer à réfor-mer leurs règles éthiques (qui l’étaient si peu) interdisant aux avocats de dénoncer des crimes financiers en cours.

Le bilan au sein de la profession des experts-comptables est plus mitigé. Elle a tenté de nettoyer plusieurs normes comptables qui avaient permis des abus pendant la débâcle. Mais, globalement, elle pensait que la débâcle n’avait rien à lui apprendre sur la comptabilité.

Un document de l’époque le montre dans des termes frappants. C’est un extrait d’une interview de Dan Guy, chef du service audit de l’Ameri-can Institute of Certified Public Accountants (AICPA), en janvier 1994 :

Question : Dans quelle mesure pensez-vous que des faiblesses de la procédure d’audit ont contribué aux défaillances comptables dont on accuse le secteur des caisses d’épargne ? Les agents de l’autorité de contrôle […] font remarquer deux grands défauts dans les audits qu’ils ont vus : un manque de scepticisme professionnel et une volonté d’accepter la position du client.

6. Allusion à un célèbre communiqué militaire de la guerre du Vietnam [NdT].

Savings. Les deux arnaques visaient à éviter une prise de contrôle par l’autorité de réglementation.

Keating a bien montré que les patrons-escrocs utilisent les cabi-nets d’audit pour faire bien plus que bénir des transactions et une comptabilité frauduleuses. Il s’est servi d’Arthur Andersen pour bourrer les dossiers de souscription et de garanties des obligations pourries afin de tromper les inspecteurs. Il s’est servi de la lettre honteuse et malhonnête de démission d’Andersen et du courrier tout aussi scandaleux d’Atchison attaquant l’inspection de la FHLBSF pour recruter les Cinq de Keating 5. Les sénateurs ont souli-gné que la renommée dont jouissaient les cabinets d’audit Andersen et Young les avait conduits à croire aux assertions de Keating (U.S.

House Banking Committee 1989, 3, p. 669-671) ; Stewart et Dochow ont été dupés de la même façon. ACC n’aurait pu dépouiller les veu-ves sans les opinions sans réserve d’Arthur Young.

Les patrons-escrocs recrutaient constamment de brillants avocats et d’éminents universitaires pour les aider à frauder. Les avocats rédi-geaient les transactions réciproques qui camouflaient les fraudes ini-tiales. Acheter des experts en évaluation de biens était encore plus facile que se payer des commissaires aux comptes et des juristes. Les évaluations grossièrement gonflées de ces agents immobiliers sous-tendent toutes les fraudes patronales des caisses d’épargne. Elles permettaient aux auditeurs extérieurs de « se fier » aux experts de l’immobilier. Cela assurait au cabinet d’audit et au patron-escroc une protection importante contre d’éventuelles poursuites au civil.

Comme l’explique Mayer (1990, p. 285), « après tout, les clients qui ont mauvaise réputation paient mieux que les autres ». Et ce sont les patrons-escrocs qui payaient le plus : l’argent n’est pas un problème pour eux puisqu’ils contrôlent la caisse ; les experts et spécialistes recrutés pour défendre une société vont en réalité passer leur temps à défendre un PDG qui la pille. La défense acharnée de leur client est pervertie en complicité servile mais lucrative. Les vrais défenseurs des intérêts du client, c’étaient ceux-là mêmes que ces avocats com-battaient : les fonctionnaires de l’autorité de contrôle.

5. La démission d’Andersen aurait dû être un carton rouge pour Keating. Mais il a menacé de poursuites judiciaires le cabinet d’audit, qui a alors transformé sa lettre de démission en attaque contre la FHLBSF.

Keating a utilisé la lettre d’Andersen pour recruter les Cinq de Keating.

Il y a quinze ans, quand le monde financier a été secoué par le scandale des caisses d’épargne, le secteur de la comptabilité a été confronté à une crise qui n’est pas sans ressembler à celle qu’il affronte aujourd’hui. Il y eut une mul-tiplication des procès, des millions de dollars étaient payés dans des règle-ments négociés et l’image des experts-comptables s’était effondrée. […]

Selon Jack Henry, associé-directeur à la retraite de l’agence de Phoenix d’An-dersen, il y a eu à l’époque des caisses d’épargne un changement majeur dans le secteur, à cause de l’accumulation des procédures judiciaires. « Nous étions fatigués de servir de punching-ball… »

Les plus grands cabinets d’audit du pays, dont Andersen de Chicago, ont décidé de contre-attaquer. Ils ont constitué une coalition de lobbying. Ils ont déversé des millions de dollars dans les campagnes politiques…

Les cabinets les plus prestigieux ont fait pression avec succès pour obtenir une législation fédérale qui rende plus difficile aux investisseurs de porter plainte contre eux. La loi de 1995 a été une victoire majeure pour la profession. Elle n’a été acquise qu’après un vote du Congrès pour passer outre au veto du pré-sident Bill Clinton – son tout premier (Chicago Tribune, 13 février 2002).

Easterbrook et Fischel (1991, p. 282) ont écrit, à une date où Fischel savait, par son expérience personnelle (il a représenté des patrons-escrocs des caisses d’épargne), que cette affirmation était indéfendable 8 :

Les meilleures entreprises doivent prendre des mesures supplémentaires pour convaincre les investisseurs de leur qualité. L’une d’elles, traditionnelle,

8. Black (2003, p. 22-40). Les juges, en particulier les juges d’appel, ont l’avantage exceptionnel de pouvoir déclarer dans des opinions de la cour que leurs théories sont exactes. Le juge Easterbrook a utilisé cet atout pour juger qu’il ne fallait pas autoriser un plaignant à tenter de prouver qu’un cabinet d’audit pouvait être poursuivi en justice, parce qu’il serait « irrationnel » qu’un cabinet d’audit fasse quoi que ce soit qui l’expose à des poursuites. Une théorie qui ne peut être falsifiée n’est évidemment pas une théorie, mais un dogme. Les cabinets d’audit, en réalité, donnent couramment leur opinion sans réserve à des sociétés massivement insolvables et dirigées par des escrocs. Ils aident les patrons-escrocs à créer des revenus fictifs et à camoufler les pertes réelles. Ils le font essentiellement pour des raisons rationnelles : parce que les patrons-escrocs leur paient d’énormes commissions pour des activités extérieures à la vérification des comptes, et en raison de problèmes d’agent (les intérêts du partenaire du cabinet d’audit, qui subit d’intenses pressions pour amener des clients lucratifs s’il ne veut pas être mis à la porte, sont souvent différents de ceux du cabinet). Mais les commissaires aux comptes agissent aussi sur des modes que le juge Easterbrook jugerait peut-être « irrationnels ». Un article de mon collègue Robert Prentice (2000) ridiculise la thèse selon laquelle des vérificateurs n’aideront jamais un patron escroc.

Réponse : Je ne vois aucun problème de norme qui ait été repéré par ces agents dans leur examen de la crise des caisses d’épargne (Craig 1994).

La même autosatisfaction régnait chez la plupart des experts-comp-tables spécialisés dans la détection des fraudes. Un important ouvrage, Accountant’s Guide to Fraud Detection and Control (2e éd.), a eu la mal-chance d’être publié en mars 2000 (juste avant qu’Enron ne se déclare en faillite) avec ce communiqué de l’éditeur : « La fraude [sur les titres]

est aujourd’hui correctement détectée par des vérificateurs indépen-dants (les comptables publics agréés) dans leurs audits annuels. »

Par la suite, la profession a tenté, malgré une très forte résistance de sa base, d’amener les experts-comptables à envisager le risque de fraude dans la préparation des audits. Le Financial Accounting

Par la suite, la profession a tenté, malgré une très forte résistance de sa base, d’amener les experts-comptables à envisager le risque de fraude dans la préparation des audits. Le Financial Accounting

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