• Aucun résultat trouvé

3) LA VOLONTE DE LA CAUTION ABOLIE PAR LA VIOLENCE

Dans le document La protection de la caution (Page 63-67)

La volonté de la caution doit être libre de toutes pressions et de toutes contraintes. Lors de la conclusion du contrat, la caution peut avoir subi des violences. Conjuguant ses efforts avec l’erreur et le dol, la violence, contrainte exercée sur la volonté de la caution, est un des moyens de protéger l’intégrité du consentement. Mais à la différence du dol ou de l’erreur, ici,

le consentement est donné en connaissance de cause299. Il n’est toutefois pas librement donné,

dans la mesure où il a été inspiré par la crainte. C’est donc la volonté qui est abolie300. L’article 1112 C. civ. évoque un « mal considérable et présent ».

Les articles 1111 et 1113 du Code civil confirment la prédominance de la volonté contractuelle en précisant que la violence peut être exercée sur une personne autre que le

298Cass. civ. 1re, 3 juillet 1996, Bull. civ. I, n°288 ; D. 1996, Somm. p.323, obs. Ph. Delebecque ; JCP.E. 1996, n°1078, p.368 ; JCP.G. 1997. I. 4033, n°1, obs. Ph. Simler ; Juris-data, n°002903 ; LPA, 23 mai 1997, p.16, note Lambert-Wiber ; Defrénois, 1997, p.920.

299M-A. Frison- Roche, Rapport de synthèse sur l’échange des consentements, op. cit.

63

cocontractant. En théorie, la violence semble pouvoir être plus facilement retenue que le dol puisqu’elle peut émaner du créancier mais aussi d’un tiers comme le débiteur principal. Mais pour que la caution puisse se prévaloir de la violence, encore faut-il qu’elle ait donné son

consentement en considération « d’un mal considérable et présent »301. Le critère de

déclenchement de la protection par l’annulation du contrat réside donc dans une réelle atteinte

à l’intégrité du consentement de la caution302. Le législateur ne définit pas avec précision la

notion de violence. Ce silence laisse de ce fait place à une large interprétation des juges. Au demeurant, cette appréciation se fait in concreto en fonction des circonstances, des cautions concernées.

La violence est donc considérée à travers la crainte qu’elle fait naître et qui a vicié le consentement de la caution. Ce dernier n’est pas valable en présence d’une violence caractérisée. Comme l’écrit le professeur Ghestin, « la violence est une contrainte exercée sur la volonté d’une personne pour l’amener à donner son consentement ». Ce n’est pas la violence elle même qui, à proprement parler, constitue un vice du consentement, mais la crainte qu’elle inspire à la victime. La violence de la caution doit avoir été déterminante de son consentement. La crainte doit donc être ressentie à la formation du contrat de

cautionnement303, et l’acte de violence doit présenter une certaine gravité304.

La violence joue dès lors un rôle protecteur mais dans des circonstances spécifiques. Plus que l’erreur et le dol, elle présente un caractère exceptionnel ; mais comme eux, elle entend préserver l’intégrité de la volonté de la caution. Pourtant, « vice d’exception », la violence est moins souvent invoquée par la caution que l’erreur ou le dol. En effet, envisagée de façon stricte, la violence est rarement soulevée dans la pratique du cautionnement ; certainement parce que, comme nous l’avons dit, elle relève d’attitudes tout à fait exceptionnelles, étrangères au comportement habituel des contractants. D’autant que la sécurité des transactions conduit à n’annuler les contrats de cautionnements que dans des conditions

extrêmement rigoureuses305.

301Art. 1112 C. civ.

302D. Garez, « Les vices du consentement de la caution », op.cit.

303Article 1112 al 1er C. civ., « un mal …présent »

304Article 1112 al. 1er C. civ. , « un mal….considérable »

64

Aussi, de nombreuses demandes formulées par les cautions sur le fondement de la violence

ont été rejetées306. Ce rejet repose généralement sur le défaut de preuve du vice307. Les juges

du fond sont souverains quant à l’appréciation de cette violence que doit prouver la caution

qui s’en prévaut, en se fondant sur des faits précis308.

Néanmoins, il arrive qu’un tel vice soit admis. La violence dont il s’agirait sera surtout une violence morale qui se manifestera sous la forme d’une menace ou d’un chantage qui pousse la caution à conclure le contrat de cautionnement par peur du « mal » auquel elle se trouve

exposée. La contrainte subie doit véritablement « emporter le consentement »309.

Ainsi, le rôle joué par la violence, vice pouvant affecter la volonté de la caution, demeure très marginal en matière de cautionnement. Mais à l’heure où l’on souligne l’influence du droit de la consommation protecteur de la partie faible dans le contrat, il est possible que la violence

retrouve un regain d’intérêt au sein de cette sûreté310.

306Ex. CA Douai, 10 février 2005, Data n°2005-279945 ; CA Aix-en-Provence, 23 septembre 2004, Juris-Data n°2004-256276 ; CA Aix-en-Provence, 2 décembre 2003, Juris-Juris-Data, n°2003-242420 ; CA Paris , 7 novembre 2002, Juris-Data, n°2002-194194 ; Cass. com. 28 mai 1992 ; D. 1992, p.166, note P. MORVAN ; Cass. com. 23 juin 1992, n°90-14642, Inédit, RJcom. 1993, p. 294, note M-H. Monserié .

307Cass.com. 7 janvier 2004, Inédit, n°00-11692.

308Cass. com. 16 mai 2006, n°05-15794 ; Cass. civ. 4 mai 1999, n°97.13985 ; Cass. com. 1er octobre 1996, Bull. civ. IV, n°219, D. 1996. p.241.

309Cass. com. 28 mai 1991, Bull. civ. IV. n°180 ; D. 1991, Somm. 385, obs. Aynès ; RTDciv. 1991, n°3, p. 773, obs. M. Bandrac ; Defrénois 1991, art. 35119, n°82, p ; 1120, obs. L. Aynès : En l’espèce, une société familiale est mise en redressement judiciaire. Afin d’obtenir que le président de ladite société et son épouse couvrent les dettes de la société et se portent cautions, le syndic de la procédure et le président du tribunal de commerce menacent le couple d’une remise en cause de leur changement de régime matrimonial intervenu 3 ans plus tôt. Les juges considèrent que cette menace constitue une violence morale qui entraîne la nullité de l’engagement du conjoint du dirigeant. Mais il étonnant de constater que dans la même affaire, ce même vice a été écarté lorsqu’il a été invoqué par le dirigeant lui-même. Voir également Douai, 29 juin 2006, RD. banc. fin. 2007, n°66, obs. D. Legeais : Membre d’une communauté religieuse, une personne avait été contrainte de s’engager comme caution.

65

Conclusion sur les vices du consentement de la caution

A l’étude de l’erreur, du dol et de la violence, on constate que la théorie civiliste des vices du consentement joue un rôle essentiel dans les mécanismes de protection de la caution, mais elle demeure insuffisante. La piste du vice pour dol reste tout de même celle qui offre le plus de chance de succès à la caution à ses prétentions d’annulation de son engagement ; encore faut-il qu’elle démontre par exemple que « le créancier lui a dissimulé le caractère

irrémédiablement compromis ou lourdement obéré de la situation du débiteur »311.

L’impuissance de la théorie des vices du consentement à garantir une protection efficace à la caution tient notamment à deux raisons principales. Tout d’abord, la loi et la jurisprudence, nous l’avons vu, n’admettent le vice du consentement que dans des circonstances exceptionnelles soumises à des conditions rigoureuses. Avec constance, la jurisprudence considère que la théorie des vices du consentement a principalement pour vocation de protéger les cautions profanes. Le vice doit de fait être particulièrement caractérisé pour que le cautionnement souscrit soit annulable.

En outre, lorsque la caution invoque un vice du consentement, elle doit en faire la preuve, ce qui se révèle très difficile en pratique.

Dès lors, ne pouvant trouver entière satisfaction à travers la théorie des vices du consentement pour protéger efficacement la caution, il convient de se pencher sur d’autres moyens de défense. Qu’en est-il de la cause et de l’objet du cautionnement ? (Section 2).

311Cass.com. 24 mars 2015, 10.381 ; Cass.com. 16 juin 2015, N°14-10375 ; Cass.com. 27 mai 2015, n°14-14.128 ; CA Orléans, 15 mai 2014 , n°13-01843, RD ; banc. fin. 2014, n°170, note D ; Legeais ; Cass.com. 23 septembre 2014, n°13-20776, RD. banc. fin. 2014, n°200, note D. Legeais : La Haute juridiction considère que « le défaut d’information peut justifier une annulation du cautionnement pour dol du vice du consentement ». Pour d’autres décisions récentes : http://WWW.legifrance.gouv.fr

66

Dans le document La protection de la caution (Page 63-67)

Outline

Documents relatifs