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INTRODUCTION JURISPRUDENTIELLE DE L'EXIGENCE DE PROPORTIONNALITE PAR LE TRUCHEMENT DE LA RESPONSABILITE

Dans le document La protection de la caution (Page 153-156)

§2) LA PROTECTION PRETORIENNE CONTRE LE CAUTIONNEMENT EXCESSIF

A) INTRODUCTION JURISPRUDENTIELLE DE L'EXIGENCE DE PROPORTIONNALITE PAR LE TRUCHEMENT DE LA RESPONSABILITE

CIVILE

Le rôle conféré à l'initiative jurisprudentielle qui sanctionne les créanciers en raison de la conclusion d'un contrat manifestement disproportionné est essentiel. Ce rôle actif et même

déterminant va se manifester en 1997 dans le très remarqué arrêt Macron723. En l'espèce, un

avaliste s'était engagé auprès d'une banque à hauteur de 20000000 francs. Une somme exorbitante sans commune mesure avec ses capacités financières quand on sait que les revenus mensuels de la caution dirigeante s'élevaient à 37500francs avec un patrimoine dont le montant était inférieur à 4000000 francs. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, l'établissement de crédit a assigné la caution en paiement . Cette dernière fait alors valoir en justice le caractère manifestement disproportionné du cautionnement pour lequel elle s'était engagée.

Mais au regard du caractère commercial des opérations de l'espèce , l'article L.313-10 C.cons., que nous avons étudié, était inopérant car le prêt avait été accordé pour financer les besoins d'une activité professionnelle. Pourtant, la jurisprudence va s'en inspirer et donner gain de cause à la caution. Pour ce faire, la Chambre commerciale, sans vraiment se référer à la disposition consumériste, va retenir le caractère manifestement disproportionné du cautionnement en sanctionnant le banquier fautif ayant contracté de mauvaise foi. Avant de conclure, le créancier avait le devoir de récolter auprès de la caution toutes les informations relatives à ses revenus et à sa fortune. En s'abstenant, il a commis une faute et doit en conséquence réparer le dommage occasionné à ce garant. L'objectif de l'arrêt est surtout de préciser les modalités d'appréciation de la disproportion en fixant le sort particulier du dirigeant caution. Par cette décision , la Cour de cassation donne une lueur d'espoir à toutes cautions confrontées jusque là à un mur consumériste . D'autant que la protection offerte par

cet arrêt Macron semble concerner aussi bien les personnes physiques que morales724.

723Cass.com. 17 juin 1997 ; Bull.civ.IV , n°188; RDbancaire et bourse 1997 , p.221 , note M. Contamine-Raynaud ; RTDciv. 1998 , 157 , obs. P. Crocq ; Defrénois 1997 , art. 36703 , n°158, p;1424 , note L. Aynès ; D.1998 .208 . note J. Casey ; JCP1998.I. 103 , obs. Ph. Simler ; RTDcom.1997.662 , obs. M. Cabrillac ; Dr. sociétés oct.1997 .1424 , obs. Th. Bonneau .

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Mais ce vent clément va vite tourner dans une affaire similaire , l'arrêt Nahoum du 8 octobre

2002725. Ce dernier vient limiter la portée de la jurisprudence Macron en prenant davantage en

compte les intérêts du créancier garanti et non plus uniquement ceux des cautions . Aussi , pour admettre le caractère disproportionné du cautionnement , les juges vont faire preuve d'une grande vigilance en établissant une distinction entre les cautions averties et celles qui ne le sont pas .

Dans l'affaire rapportée , les faits étaient les suivants : monsieur Nahoum et son fils , promoteurs immobiliers , s'étaient engagés cautions solidaires pour leur entreprise pour un montant de 20 millions de francs , une somme considérable par rapport à leur possibilités financières . D'autant que la crise de l'immobilier qui avait fait des ravages n'allait pas les épargner . Les opérations immobilières pour lesquelles ces cautions dirigeantes avaient contracté les prêts se sont révélées désastreuses . Poursuivies par le créancier , ces dernières ripostèrent en soulevant le caractère excessif de leurs engagements par rapport à leurs revenus. Contre toute attente , la Cour de cassation n'est pas allée dans leur sens en posant un principe d'appréciation des cautionnements souscrits beaucoup plus stricte pour les cautions que celui annoncé dans l'arrêt Macron . Un revirement que la Haute juridiction expliquait par le fait que ces cautions devaient « démontrer que la banque aurait eu sur leurs revenus , leurs patrimoines et leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération immobilière entreprise par la société , des informations qu'elles-mêmes auraient ignorées ». La rigueur de l'attendu sonne le glas de la jurisprudence Macron . De fait , seule la concomitance de l'ignorance des cautions solidaires et la connaissance de la banque lors de la conclusion du contrat aurait pu justifier la mise en jeu de la responsabilité dudit créancier . L'arrêt déplace ainsi le débat de la proportionnalité et de la responsabilité sur le terrain de l'information détenue ou non par l'établissement de crédit . La considération de la qualité de la caution revêt encore ici une importance primordiale . Les cautions Nahoum en leur qualité de cautions intégrées et averties n'ont donc pu jouir des

faveurs des juges qui réservent le régime protecteur aux seules cautions profanes726 . Ainsi par

725Cass.com. , 8 oct. 2002 ; Bull.civ. IV , n°136 ; JurisData n°2002-015.772 ; JCPE 2002 , 1730 , note D. Legeais ; JCPG 2003 . I.124 , n°6 , obs. Ph. Simler et Ph. Delebecque ; D. 2002 , p.414 , note C. Koering ; JCPG 2003 .II. 10017 , note Y. Picod .

726Cass.1re civ. , 4 mai 2012 , n°11-11.464 ; Cass.com. 2 octobre 2012 , n°11-28.331; RD.bancaire et fin. 2012 , n°179 , obs. A. Cerles ; Banque et droit , nov.-déc. 2012 , p.58 , obs. E. Netter, RTDcom.2013.122, obs. D.Legeais ; Dr. et patr. fev. 2013 , p.82 , note Ph. Dupichot ; Cass.com. 13 févr. 2007 , Bull.civ. IV. , n°31; Cass.com. 13 nov. 2007 ; RTDciv.2008 .328 , obs. P.Crocq ; RD.bancaire et fin. 2008 , n°9 , obs. D. Legeais ; Banque et droit , n°117 , 2008 , p.52 , note Rontchevsky ; Cass.1re civ. 10 mai 2005 , Bull.civ. I. n°200; Cass.com. 20 sept. 2005, Bull.civ. IV. , n°176 ;Cass.civ. 1re , 6 avril 2004 ; D.2004, somm.2707 , note Aynès ;

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exemple , dans une autre affaire , une caution cogérante de l'entreprise débitrice se verra débouter de sa demande sur les mêmes motifs que ceux exposés dans l'arrêt Nahoum : « la caution ne démontrait pas , ni même ne prétendait , que le créancier aurait eu sur ses revenus , son patrimoine et ses facultés de remboursement des informations qu'elle même aurait

ignoré »727. Il sera désormais plus difficile pour les cautions dirigeantes , surtout intégrées , de

se libérer de leur engagement car , considérées comme ayant une connaissance parfaite de la situation de la société cautionnée .

Mais n'en déplaise aux juges , un an après l'arrêt Nahoum , le législateur va , par le biais de l'article L.341-4 du Code de la consommation de la loi Dutreil pour l'initiative économique du 1er août 2003, donner l'occasion à toutes les cautions personnes physiques ayant souscrit un cautionnement auprès d'un créancier professionnel et ce, quel que soit l'objet de la dette

cautionnée , d'échapper à leur obligation728. Comme nous l'avons vu dans la partie consacrée

précédemment à la protection consumériste , cette disposition qui généralise l'exigence de proportionnalité devient un moyen de défense redoutable mais qui comporte des imperfections . C'est peut-être ce qui explique que la jurisprudence ait voulu apporter des ajustements en tempérant l'exigence de proportionnalité dans le cautionnement et limiter ainsi les facultés d'actions des cautions pour rechercher la responsabilité des créanciers . Il en va de l'avenir de la sûreté qui doit retrouver toute son efficacité . Cette appréciation prétorienne nuancée se ressent jusque dans la sanction infligée en cas de cautionnement excessif qui prône une réponse mesurée (B).

Cass.com. 25 mars 2003 , RD. bancaire et fin. 2003 , n°135 , note D. Legeais ; JCP2003.I.176 , obs. Ph. Simler Cass.civ. 1ère , 9 juillet 2003 , Bull.civ. I . n°167 ; JCPE 2003 .1590 , obs. J. Casey ; D.2004 . 204 , obs. Y. Picod ; RTDciv. 2004.124 , note P. Crocq ; RDbancaire et fin. 2003, n°12 , obs. D. Legeais ;

727Cass.com. 17 déc.2003 ; Bull.civ.VI , n°206 ; RD. bancaire et fin. 2004 , n°65 , obs. D. Legeais ; JCP2004.II.10072, note J. Casey .

728Ex. Cass.com. 15 janvier 2015, n°13-23489 ; Cass.com. 27 janvier 2015, n°13-27625 ; Cass.com. 27 janvier 2015, n°13-25202 ; Cass.com. 10 février 2015, n°13-27141 ; Cass.com. 10 février 2015, n°13-19121 ; Cass.civ. 1ère, 3 juin 2015, n°14-13126 14-17203 ; Cass.com. 22 septembre 2015, n°14-22913 ; Cass.com. 29 septembre 2015, n°14-21693 ; Cass.civ. 1ère, 14 octobre 2015, n°14-22087.

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B) L' INSTAURATION D'UNE SANCTION RAISONNABLE ET PROPORTIONNEE

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