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1) LE CAUTIONNEMENT, UN CONTRAT STRUCTURELLEMENT DESEQUILIBRE

Dans le document La protection de la caution (Page 88-91)

Dans la réalisation du contrat de cautionnement, la caution a peu de marge de manœuvre. Or, on sait pertinemment que l'absence de phase de négociation augmente le risque de vices du consentement et l'inégalité entre les contractants est d'autant plus forte.

Lorsqu'on observe le contrat de cautionnement, celui-ci possède toutes les caractéristiques du

contrat d'adhésion441. La nature contractuelle de ce contrat d'adhésion a soulevé de vives

critiques chez Monsieur Saleilles et de nombreux auteurs après lui qui dénoncent l'hypocrisie

d'un tel engagement en soulignant que « le contrat d'adhésion n'a de contrat que le nom »442.

En effet, le libre exercice de la volonté individuelle dans ce dernier fait défaut. Les conditions générales du contrat s'imposent à l'adhérent qui n'a d'autre choix que de les accepter. Dès lors, « le contrat n'est plus le lieu de rencontres et de conciliations d'intérêts divergents, mais le

moyen pour la partie la plus forte de dicter ses propres conditions »443 . Pour s'en convaincre,

441C'est en 1901 que le terme de "contrat d'adhésion" est apparu dans l'ouvrage de Saleille, « De la déclaration de volonté.Contribution à l’étude de l’acte juridique dans le Code civil allemand », Pichon, 1901. Pour un développement sur les idées de l’auteur, voir l’article « Raymond Saleilles, Le contrat d’adhésion », par P.Y. Gautier et F. Chénedé, Revue des contrats, 1996.

442Saleilles, op. cit. ; Voir aussi sur « la prétendue nature contractuelle du contrat d’adhésion » : V. Pichon, Des contrats d’adhésion, Leur interprétation et leur nature,Thèse, Lyon, 1909 ; J. Dollat, Les contrats d’adhésion, Thèse, Paris, éd. Larose et Tenin, 1905 ; L. Duguit, Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, Félix Alcan, 2èd., 1920 : « D’accord de volontés je n’en vois point ; je n’aperçois qu’une déclaration unilatérale de volonté » ; M. Hauriou, observation sous CE, 23 mars 1906, S. 1908, 3 , p.17 : « Les actes d’adhésion n’ont de contractuel que le nom ; ce sont des adhésions à des actes de nature réglementaire ». 443J. Ghestin et I. Marchessaux-Van Melle , Les contrats d'adhésion et les clauses abusives en droit français et en

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l'exemple du cautionnement est édifiant.

En effet, les contrats de cautionnements se présentent sous la forme de contrats-types444. Cela

signifie que des contrats dont la rédaction sera entièrement et préalablement réalisée par les créanciers, plus spécifiquement les établissements de crédits, seront présentés à la caution sans qu’elle puisse réellement répliquer. Ces professionnels se trouvent alors dans une position exclusive qui les conforte pour composer à leur guise les clauses du contrat de

cautionnement445 en n’hésitant pas à multiplier certaines stipulations destinées à réduire les

droits des cautions ou au contraire en insistant sur certaines obligations particulières qui s'imposeront de fait à ces dernières446.

On devine alors les conséquences néfastes d'une telle attitude pour les cautions. Des aspects que Monsieur Mousseron avait bien exposés en déclarant que « l'absence de négociation qui caractérise ces contrats-types est la conséquence à la fois de la répétition des contrats entraînant des conditions contractuelles standardisées et d'un rapport de force se caractérisant par l'infériorité économique et psychologique de la partie à laquelle ces clauses sont

opposées »447. C'est exactement ce qui arrive aux cautions qui ne peuvent qu'accepter en bloc

ou refuser ces contrats standardisés proposés par les créanciers. Ne pouvant en discuter aucun terme, la négociation a donc peu de place dans cette sphère contractuelle totalement contrôlée par les créanciers qui dictent malheureusement leurs conditions aux cautions.

Dès lors, les cautions sont placées devant un choix crucial qui n'est pas sans nous rappeler celui qui s'offrait à Bossuet et à qui Dieu, « sans autre miséricorde que de lui laisser l'option de supplice », lui demanda « de choisir entre la famine, la peste et le choléra ». Autant dire que la position de la caution est peu enviable. Confrontées aux nécessités personnelles et professionnelles que représente la conclusion du cautionnement, les cautions n'ont d'autres alternatives que de se plier à ces conditions unilatéralement rédigées par leurs cocontractants.

droit européen , Rapport français , in La protection de la partie faible dans les rapports contractuels , comparaisons franco-belges , sous la dir. de J. Ghestin et M. Fontaine , LGDJ , Bibl. de dr. privé, 1996 , T.261 , n°1 ; Voir également sur la question du pouvoir déséquilibrant, V. Lasbordes , Les contrats déséquilibrés , éd. Université Aix-Marseilles 2000 ; J. Y. Choley , L'offre de contracter et la protection de l'adhérent dans les contrats d'adhésion , Thèse Aix 1974 ; G. Berlioz , Le contrat d'adhésion , LGDJ , Bibl. De droit , T.132 , 1975 , préf. Goldman ; A. Rieg , Contrat-type et contrat d'adhésion , in études de droit contemporain , 1970 ; A. Popovici , Les contrats d'adhésion , un problème dépassé ? , in Mélanges L. Baudoin , 1974 .

444A. Rieg , Contrat-type et contrat d'adhésion , préc.

445M.N. Jobard-Bachelier, V. Brémond, M. Bourassin, op.cit. 446Préc.

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En outre, ces contrats sont des imprimés-types448 avec « des clauses stéréotypées et

dactylographiées » qui sont bien souvent incompréhensibles par les cautions, surtout

profanes449. Démunies devant la technicité de l'acte, ces dernières prennent uniquement

connaissance de ces formules toutes faites qui demeurent pour la plupart complètement abstraites. Seule l'adhésion des cautions au contrat importe. D'ailleurs, cette demande d'adhésion est clairement affichée dès le début du contrat à travers une formule classique qui énonce plus ou moins que « l'engagement de caution présentement contracté comprend les clauses et conditions suivantes auxquelles la caution adhère sans exception ni réserve ». Les mots sont lâchés ! Le déséquilibre qui en découlera placera nécessairement la caution dans une position fortement handicapante.

Toutefois, l'adhésion n'en est pas moins l'expression d'une volonté450. C'est juste « un mode

particulier d'acceptation »451. Selon certains auteurs, l'absence de négociation dans ces

contrats pré-rédigés n'abolit pas totalement la volonté de l'adhérent452. Si son rôle est réduit,

cette volonté demeure. Ainsi, comme a pu le souligner Monsieur Ghestin, « si l'on peut reprocher au contrat d'adhésion de permettre l'inclusion de clauses abusives, il a l'avantage de traduire au moins la volonté de l'une des parties et de constater l'adhésion de l'autre à cette

volonté »453. C'est pourquoi, dans ce climat hostile, des mécanismes de protection, véritables

remparts à l'arbitraire des créanciers, deviennent indispensables. Aussi, longtemps occultée, l'information précontractuelle apparaît comme un bon compromis pour contrebalancer l’inégalité relevée dans le contrat de cautionnement et ainsi permettre à la volonté de la caution de mieux s'exprimer (§2).

448A. Rieg , Contrat-type et contrat d'adhésion , préc ; M.N. Jobard-Bachelier, V. Brémond, M. Bourassin, op.cit.

449Préc.

450V. Lasbordes , Les contrats déséquilibrés, op.cit .

451D. Dereux , « La nature juridique des contrats d'adhésion » , RTDciv.1910 , p.507 .

452Marty et Raynaud, Droit civil, Paris, 1962, T.II.V.I, p.103 : « [….], une discussion des clauses de la convention n'a jamais été considérée comme une condition de validité du contrat et elle peut parfaitement aboutir à une capitulation du plus faible des contractants devant les exigences du fort », p.106 ; G. Ripert, « Pour la formation du contrat, la loi exige deux consentements, elle ne mesure pas au dynamomètre la force des volontés », La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4ème éd., 1949.

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§2) LA PROTECTION DE LA CAUTION PAR UNE INFORMATION

Dans le document La protection de la caution (Page 88-91)

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