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L’INFLUENCE DU RAPPORT CAUTION-DEBITEUR SUR LA PROTECTION DE LA CAUTION

Dans le document La protection de la caution (Page 42-47)

§1) LA PROTECTION INTRINSEQUE DE LA CAUTION DANS L’OPERATION DE CAUTIONNEMENT

B) L’INFLUENCE DU RAPPORT CAUTION-DEBITEUR SUR LA PROTECTION DE LA CAUTION

Les relations qui composent l'ensemble contractuel, leur extrême imbrication ne sont donc pas sans incidences sur le contrat de cautionnement. En effet, les irrégularités qui pourraient affecter chacune d'elles devraient avoir une répercussion sur l'ensemble de l'opération de cautionnement et par voie de conséquence sur la protection de la caution au cours de la mise en œuvre de la sûreté189.

Lorsque la caution consent à aider le débiteur principal à répondre de sa dette, elle le fait le

plus souvent, pour ne pas dire toujours190, en raison de sa personne, de la confiance qu’elle lui

porte et qui découle des liens familiaux, amicaux et professionnels. C’est la cause même de

son engagement191. Aussi, lorsque certains évènements viennent bouleverser ses prévisions en

modifiant ses rapports avec le débiteur, c’est tout naturellement que la caution tentera de s’en

prévaloir pour se libérer de son obligation192. L’ « intuitu personae » inonde le

cautionnement193. L’influence de la personne du débiteur sur le consentement de la caution est

évidente. Pour autant, peut-elle invoquer dans ses rapports avec le créancier les changements

187J. François, « Le problème de la nature juridique du contrat caution-débiteur », op. cit 188Ph.Simler, Cautionnement et garanties autonomes, op. cit.

189J. Ngafaounain, Les Mécanismes de protection de la caution, op. cit. .

190D. Legeais, Droit des sûretés et les garanties de crédit, op.cit.

191C. Atias, « Par la grâce du droit : la cause de l’engagement de la caution », Mélanges M. Cabrillac, p.339.

192M. Rèmond-Gouilloud, « L’influence du rapport caution-débiteur sur le contrat de cautionnement », op. cit. ; J. François, « Le problème de la nature juridique du contrat caution-débiteur », op.cit.

193D. Houtcieff, « Contribution à l’étude de l’intuitu personae, remarques sur la considération de la personne du créancier par la caution », RTD 2003, n°1, p.3.

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touchant le débiteur principal ?

« Logiquement, la nature de sûreté du cautionnement devrait écarter toute conséquence nuisible au créancier d’une modification affectant la personne du débiteur principal ou la

sienne propre »194. Mais quand survient le décès du débiteur principal, son divorce avec lui,

ou son départ de la société cautionnée, la caution s’estimant dans son bon droit n’hésite pas à faire valoir ses changements.

Si dans le cadre du décès du débiteur principal, la caution est allégée de son obligation de

couverture qui concerne les dettes survenues après la mort de la personne cautionnée195, la

libérant ainsi que partiellement196 ; la jurisprudence, attachée à la sécurité juridique, va minimiser les mobiles liés aux relations de la caution avec le débiteur principal pour ne retenir que la cause objective de son engagement qui réside dans la volonté de garantir la dette principal197. Une position stricte prise à l’égard de la caution qu’elle affirme dans l’arrêt Lempereur en énonçant que « la cause de l’obligation de la caution est la considération du

crédit accordé par le créancier au débiteur principal »198.

A partir de là, il devient particulièrement compliqué pour la caution cherchant à se décharger

d’invoquer par exemple son divorce avec le débiteur199 ou de mettre en avant la fin de ses

fonctions dans l’entreprise cautionnée200, sauf si elle érige les fonctions occupées en condition

essentielle de son engagement201 . Néanmoins, s’agissant du divorce, le législateur avec la loi

194C. Mouly, M. Cabrillac, Droit des sûretés, 5ème éd. Litec, 1999.

195En revanche son obligation de règlement qui reprend toutes les dettes nées avant le décès du débiteur subsiste : C. Mouly, Les causes d’extinction du cautionnement, op.cit.

196Cass.com., 2 juin 2004, JCP G 2005.II.10004, obs. Rivol ; RD bancaire et bourse, juillet-août 2004, 159, note D. Legeais ; Cass.com. 1er avril 2003 ; RD. bancaire et fin. Juillet-août 2003, 137, note D. Legeais.

197Cass.com., 28 mai 2002 ; Bull. Joly 2002, p.1042, note G. Baranger.

198Cass.com., 8 novembre 1972 ; Bull.civ.IV, n°278 ; RTDcom.1973, 294, note R. Houin ; D.1973, 753, obs. Ph. Malaurie; Rép. civ. Dalloz : Cautionnement, n°75, note P. Jestaz .

199Ex. Cass.com. ,19 janvier 1981 ; Bull.civ. IV, n°32 ; CA Paris 24 octobre 1995 ; RJDA, 2/96, n°252 ; Cass.com.28 février 1977 ; Gaz. Pal. 1977, 1, p.190 ; Cass.com.24 juin 1969 ; JCP.1970.II.16221, obs.Prieur. Sur les difficultés rencontrées par la caution en cas de divorce, voir : P. Simler, Cautionnement, J. Class. civ. fasc. 65, n°73 ; P. Rebibou, Le cautionnement consenti par une personne mariée, Thèse, Univ. De Nice, 1996 ; P. Ancel, « Effets d’un cautionnement donné par un époux après la dissolution de la communauté », RD. bancaire et bourse 1988, p.10 ; Ch. Mouly, « Le cautionnement donné par une personne mariée », Defrénois 1988, art.34163 ; J.M. Olivier, « La caution et sa famille », Les Petites Affiches, n° spéciale du 25 avril 1986, p.23. 200Ex. Cass.com. , 28 mai 2002, n°98-22.281 ; Pour d’autres exemples, on peut se référer au rapport de H. Le Dauphin, « Le point de la jurisprudence de la Cour de cassation relative au cautionnement des dettes sociales par leurs dirigeants », Rapport de la Cour de cassation 1993, p.25 : Cass.com., 6 décembre 1988, Defrénois 1989, art. 34482, obs. Aynès ; Cass.com. 24 avril 1990 ; Bull.civ. IV, n°117 ; Gaz. Pal. 1990, 133.

201Ex. Cass.com. 24 avril 1990 ; Bull.IV, n°117 ; Cass.com. 3 novembre 1988 et 6 décembre 1988 ; JCP E.1989.I.18172.

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du 2 août 2005 relative aux petites et moyennes entreprises est venu tempérer la rigueur jurisprudentielle à l’égard du conjoint caution qui divorce en prévoyant que « lorsque le divorce est prononcé, si des dettes ou sûretés ont été consenties par les époux solidairement ou séparément dans le cadre de la gestion d’une entreprise ; le tribunal de grande instance peut décider d’en faire supporter la charge exclusive au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel ou à défaut la qualification professionnelle ayant servi de fondement à l’entreprise »202. Cette protection de « la caution divorcée » n’a pas fait l’unanimité de la doctrine qui comptera d’un côté ceux qui y voient un danger pour la sécurité juridique et par conséquent une atteinte à l’efficacité du cautionnement puisque la mesure donne aux juges

l’opportunité de prononcer son extinction203 ; de l’autre côté des auteurs qui sont plus dans la

nuance en voyant dans cette disposition « une règle de contribution en époux »204. Dans cette

analyse, le créancier n’a pas perdu son droit de poursuite à l’égard de la caution. Il s’agit davantage pour cette dernière qui a payé la dette de pouvoir réclamer à son conjoint les

sommes avancées205. Au demeurant, cette approche est plus en adéquation avec les exigences

du cautionnement206.

La réticence des juges à reconnaître la libération de la caution sur le fondement d’une cause subjective est tout à fait compréhensible. Mais pour rester dans le cas du dirigeant caution, peut-on « sérieusement affirmer que la banque a le droit d’ignorer que la caution s’engage en raison de ses fonctions alors que ce sont précisément celles-ci bien plus que la solvabilité du

dirigeant social, qu’elle prend en considération ? »207, ce à quoi Monsieur Aynès ajoute « il

serait absurde de nier que , dans l’esprit de la caution comme celui de la banque, la qualité de

dirigeant et les pouvoirs qu’elle implique n’ont pas été essentiels »208. Certes, encore une fois,

le débiteur est un tiers par rapport à la caution. Néanmoins, si l’on part du principe que l’établissement de crédit a exigé le cautionnement du dirigeant social en raison des liens qui l’unissent à la société débitrice, on peut raisonnablement penser que cette qualité est entrée

202Article 1387-1 du Code civil

203P. Crocq, « Les bons sentiments ne font pas les bons textes », D.2005.2025 ; S. Piedelièvre, « Le nouvel article 1387-1 C.civ. (ou l’utilisation d’un pavé par un ours) », D.Affaires 2005, p.2138 ; Réf. D. Legeais, Droit des sûretés et les garanties de crédit, op.cit.

204P-F. Cuif, « Le nouvel article 1387-1 du Code civil : sens et devenir d’un texte contesté », RLDC décembre 2005, p.23.

205P.F. Cuif, op. préc. , D. Legeais, préc.

206D. Legeais, préc.

207Aynès, obs. sous Cass.com. 3 novembre et 6 décembre 1988 ; D.1989, p.185.

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dans le champ contractuel209. Et dès lors que cette qualité n’est plus, l’obligation de la caution

doit en principe disparaître210. Aussi, face aux difficultés rencontrées par la caution,

l’appréhension du cautionnement par la notion du groupe peut être un remède intéressant en donnant à la cause subjective toute sa place et avoir ainsi une certaine incidence sur le caractère obligatoire du contrat de cautionnement211. Il s’agit de s’éloigner de l’analyse de l’indépendance du contrat de cautionnement pour mettre en lumière la complexité de la sûreté personnelle afin d’en faire profiter la caution en reconnaissant « l’unité économique de la

fonction du contrat de cautionnement »212.

L’influence du rapport débiteur-caution sur la protection de cette dernière n’est donc pas anodine. Elle nous amène à la question de savoir si la caution peut soulever la nullité relative du contrat principal pour vice du consentement du débiteur principal ? Pour certains, la réponse est évidente. En effet, « en sanctionnant par une nullité le dol, l’erreur ou la violence, le droit a entendu protéger le contractant dont le consentement a été vicié. Le vice du consentement affecte ce que chacun a de plus personnel, sa liberté de décision. Partant, on voit mal comment la caution appellerait le jeu d’une protection dès lors que ce n’est pas sa liberté qui a été viciée mais celle du débiteur »213. Cette position qui s’appuie sur une

application stricte de l’article 1116 du Code civil214 trouve matière dans la jurisprudence qui

s’attèle à ne prendre en considération que le contrat de cautionnement pour débouter la

caution en précisant la qualité de tiers du débiteur audit contrat215. A travers l’autonomie du

contrat de cautionnement, la sécurité juridique au profit du créancier devient une priorité pour

les juges216. Malheureusement, il est regrettable que cette solution jurisprudentielle ne tienne

pas compte « ni des caractères reconnus du contrat du cautionnement, ni du statut de chaque partie au sein de ce contrat. Ce qui veut dire que les dispositions de droit commun ne s’adaptent pas, à certains égards, à ce type de contrat lequel s’identifie, dans une large mesure,

209C. Mouly, Les causes d’extinction du cautionnement, op.cit.

210« La cause de l’engagement de la caution ayant disparu, celui-ci devient caduc » : C. Mouly, préc.

211J. Ngafaounain, Les Mécanismes de protection de la caution, op. cit. .

212V. Ripert, et Boulanger, Traité de droit civil, T.II, n°186, p.78.

213Ph.Simler, cité dans le Rapport de Mme Pinot, Arrêt n°254, 31 janvier 2012 : http://www.courdecassation.fr/jurisprudence2/chambres_mixtes_2740/pinot.

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« Les manœuvrespratiquées par l’une des parties exclut de son domaine les agissements des tiers ».

215Ex. Cass.com., 13 novembre 2002, n°95-18.994 ; Cass.civ. 1ère, 20 mars 1989, n°87-15450 : « (…) même dans un contrat unilatéral tel que le cautionnement, le dol ne peut entraîner la nullité de la convention que s’il émane de son cocontractant » ; Cass.com. 26 janvier 1988, n°85-17.662 : « Bien qu’il soit accessoire à l’obligation du débiteur envers le créancier, le cautionnement est une convention conclue entre la caution et le créancier, à laquelle le débiteur n’est pas partie ».

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au groupe de contrats »217.

Toutefois, Dans un arrêt en date du 11 mai 2005218, la 3ème Chambre civile reconnaît à la caution le droit de se prévaloir « du dol dont a été victime le débiteur principal, combien même ce dernier ne l’avait pas soulevé ». Cette évolution fondée sur l’équité, et qui admet implicitement l’influence du groupe de contrats dans le cautionnement, permet de mieux protéger la caution en comblant les lacunes de la logique du droit commun au contrat de cautionnement.

Conclusion chapitre 1

Malgré les bouleversements qu’a connu le cautionnement, celui-ci ne s’est pas bilatéralisé. Il reste bien un contrat unilatéral. Mais les différentes obligations légales et prétoriennes qui sont apparues au fil du temps pour protéger la caution l’ont profondément affecté, au point où il va cumuler de nombreux handicaps. Cette dimension non négligeable appelle désormais à une lecture différente de cette sûreté personnelle.

En ce sens, l'influence exercée par le groupe de contrats sur les rapports contractuels n'est pas à prendre à la légère. De cette combinaison de contrats spécifiques, par nature isolés et

indépendants, va naître un ensemble de contrats indivisibles219. Cette invisibilité, « notion qui

vient cimenter le contenu d'un tout », va associer le sort du contrat de cautionnement au

contrat principal220. Cette liaison d'accessoire va se révéler être une véritable protection de la

caution en lui permettant de soulever dans ses relations directes avec le créancier les exceptions tirées d’un rapport d’obligation qui lui est pourtant étranger221. En vertu de ce

rapport hiérarchique222, nous mesurerons cette dimension au niveau de la formation du

cautionnement, mais également au stade de son exécution où elle sera tout aussi importante.

217Obs. Jourdain, sous Cass.civ. 21 juin 1988 ; JCP G .1988.II.15236.

218Cass.civ. 3ème, 11 mai 2005, n°03-17682. 219B. Teyssié, Les groupes de contrats, préc.

220D.Grimaud, Le caractère accessoire du cautionnement, préf. D. Legeais, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2001.

221D.Grimaud, Le caractère accessoire du cautionnement, préc.

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Aussi, le respect de la réalité complexe du cautionnement et par le même coup l'efficacité de la protection de la caution passent nécessairement par une approche globale de ce contrat. Dans la mesure où on ne peut les traiter séparément, le principe de l'interdépendance entre la sûreté et la créance garantie par la caution permet ainsi de tenir compte de la dynamique du groupe223, et dans lequel le rapport caution-débiteur ne doit pas être négligée224. Cette approche doit nécessairement déboucher sur un renouvellement de la conception du

cautionnement225 qui offrait une meilleure protection à la caution, notamment en comblant les

insuffisances des théories du dol, de l’erreur, de la cause par exemple. Le groupe de contrats est ici, pour employer la terminologie de Monsieur Teyssié, « facteur d'uniformisation des rapports contractuels »226.

CHAPITRE 2 : L’INSUFFISANCE DES MOYENS TRADITIONNELS DE

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