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Les deux volets de l’int´ egration technologique : nouvelles perspectives

ganisationnelle dans le processus d’int´ egration technologi que

2.4 Les deux volets de l’int´ egration technologique : nouvelles perspectives

Les deux volets de l’int´egration technologique que nous venons de mettre en ´evidence ont pour but commun de souligner que la gestion des connaissances et des comp´etences de la firme constitue l’une des conditions de sa croissance. La performance des firmes se comprend avant tout dans leur capacit´e `a combiner leurs comp´etences sur le court terme et `a les renouveler dans le long terme. Aussi, l’adaptation des firmes au changement technologique repose-t-elle sur leurs capacit´es organisationnelles `a int´egrer les connais- sances n´ecessaires au processus d’innovation et au maintien de leur comp´etitivit´e. Si la probl´ematique de l’int´egration des connaissances a d´ej`a ´et´e maintes fois analys´ee dans la litt´erature ´economique, la question de la nature des connaissances dans le processus d’int´egration n’a pas, `a notre connaissance, ´et´e soulev´ee. En identifiant les connaissances fondamentales et les connaissances appliqu´ees comme relevant de la distinction entre les connaissances abstraites et g´en´erales et les connaissances concr`etes et locales, nous d´epassons la vision traditionnelle selon laquelle la connaissance fondamentale rel`everait de la recherche scientifique et la connaissance appliqu´ee de la recherche industrielle, ne restreignant plus les acteurs de la recherche fondamentale aux seuls acteurs issus des uni- versit´es ou autres laboratoires de recherche publics.

2.4 Les deux volets de l’int´egration technologique : nouvelles perspectives

diff´erentes connaissances dans le but de rendre performante une activit´e productive. De nombreux auteurs ont soulign´e que cette activit´e r´eside, d’une part, dans la n´ecessit´e pour la firme de faire de la R&D au sein de ses fronti`eres et, d’autre part, dans sa capacit´e `a lier ses savoirs et ses savoir-faire pass´es aux nouvelles opportunit´es technologiques. Aussi, les travaux portant sur l’int´egration et la capacit´e des firmes `a innover adoptent-ils g´en´eralement une approche de la gestion des connaissances en termes d’apprentissages ex- ternes. En effet, l’angle d’analyse de ces diff´erentes ´etudes s’inscrit dans une dynamique d’innovation o`u les connaissances proviennent de nombreux acteurs d´ecrivant un r´eseau de connaissances que la firme doit ˆetre en mesure d’identifier et d’assimiler pour rester innovante. Si ces analyses sont importantes, il nous semble que l’approche en termes d’apprentissage interne est tout aussi n´ecessaire.

En effet, au-del`a de la n´ecessit´e pour les firmes de disposer de capacit´es organisation- nelles contribuant `a l’assimilation de connaissances externes, la capacit´e d’int´egration de la firme se situe ´egalement dans sa capacit´e `a combiner ses propres comp´etences. Aussi, situons-nous la capacit´e des firmes `a combiner leurs propres comp´etences dans leur ca- pacit´e `a investir dans de la connaissance de nature fondamentale. De nombreux auteurs ont par le pass´e soulign´e la corr´elation positive entre le stock de connaissances et la ca- pacit´e de la firme `a innover (Griliches 1979, Gambardella 1995, Nesta & Saviotti 2005). Toutefois, ces travaux n’effectuent pas de distinction quant `a la nature des connaissances composant la base de connaissances de la firme. Or, en raison de sa nature abstraite et g´en´erale, la connaissance fondamentale contribue `a la compr´ehension des liens qui unis- sent divers sous-probl`emes par la mise en rapport de faits a priori distants ou ´etrangers les uns des autres. En cons´equence, nous faisons la proposition suivante :

Proposition P1 Dans un processus d’apprentissage interne, le stock de connais- sances fondamentales contribue positivement `a l’innovation.

Au-del`a de l’enjeu cognitif relatif `a la mise en commun de ph´enom`enes a priori dis- tants ou ´etrangers les uns des autres, nous avons ´egalement soulign´e les cons´equences de la production de ce type de connaissances pour l’organisation de la recherche. Parce que les connaissances abstraites et g´en´erales ont une port´ee plus large que des connaissances plus concr`etes et locales, de nombreux acteurs appartenant aux industries innovantes ont pu se sp´ecialiser dans la production de connaissances fondamentales favorisant ainsi le march´e de la connaissance et une division intellectuelle du travail. Les connaissances fondamen- tales permettent en effet une d´econtextualisation du processus d’innovation en permettant d’att´enuer la contrainte locale li´ee aux processus d’exp´erimentations et d’essais-erreurs qui

Chapitre 2 - Les principes d’int´egration des connaissances pr´evalait jusqu’alors. D`es lors que la contrainte locale s’estompe, le coˆut li´e au transfert de connaissances d´ecroˆıt. Les producteurs de connaissances fondamentales, en raison de leur nature abstraite et g´en´erale, d´etiennent des avantages comparatifs en se sp´ecialisant dans certaines ´etapes du processus d’innovation incitant par cons´equent les acteurs `a re- courir aux alliances strat´egiques. Le recours aux alliances strat´egiques li´e `a la division intellectuelle du travail doit ˆetre cependant contraint par un certain d´eterminisme tech- nologique en raison du caract`ere cumulatif des connaissances.

Dans ce contexte et parce que nous avons d´ecrit les firmes comme des processeurs de connaissances, nous nous interrogeons sur les d´eterminants cognitifs de ces collabo- rations. Car si la production de connaissances abstraites et g´en´erales facilite le recours aux alliances strat´egiques, cette nouvelle organisation de la recherche suppose n´eanmoins une certaine redondance des savoirs entre les firmes dans la mesure o`u les firmes doivent disposer d’une certaine capacit´e d’absorption afin d’acqu´erir les connaissances externes. L’un des principaux enjeux des collaborations r´eside dans la volont´e des firmes d’acqu´erir des connaissances nouvelles dans le but de produire. Or, l’acquisition de connaissances nouvelles n’est pas sans coˆut pour la firme du fait de la part tacite de la connaissance. De plus, les firmes sont contraintes par un certain d´eterminisme technologique en rai- son du caract`ere cumulatif des connaissances. C’est pourquoi, au-del`a de la question de l’acquisition des connaissances, c’est la question de l’int´egration des connaissances entre firmes qui nous int´eresse. En identifiant la notion de coh´erence technologique, Nesta (2001) pose la question de la diversification technologique au regard des relations entre les diff´erentes technologies qui composent le portefeuille technologique de la firme. Ap- pliquant ainsi le concept de coh´erence des march´es (Teece et al. 1994) `a l’analyse des comp´etences technologiques de la firme, l’auteur identifie la coh´erence non plus comme un processus de combinaison des activit´es, mais comme le degr´e de compl´ementarit´es des services rendus par les technologies. Cette d´efinition de la coh´erence technologique offre l’avantage de distinguer, d’une part, les technologies d´etenues par les firmes et, d’autre part, les services rendus par ces technologies.

Par la mise en ´evidence du concept de coh´erence technologique, il est ainsi montr´e que la diversification technologique ne rel`eve pas d’un processus al´eatoire mais que les firmes, dans le cadre d’une activit´e productive, int`egrent des connaissances dans le but d’obtenir des synergies productives, autrement dit des compl´ementarit´es technologiques. L’int´egration des connaissances est donc le processus qui permet une diversification coh´erente des connaissances au sein de la firme. Les travaux portant sur la coh´erence technologique

2.5 Conclusion

montrent que les firmes qui int`egrent leurs bases de connaissances de mani`ere coh´erente sont plus performantes que des firmes aux bases de connaissances non int´egr´ees (Nesta 2001, Nesta & Saviotti 2005, Nesta 2008). D`es lors qu’au sein de la firme la coh´erence technologique oriente les strat´egies de diversification technologique, il nous semble que le choix pour deux acteurs d’entrer en collaboration doit ˆetre motiv´e par cette mˆeme volont´e d’obtenir des synergies productives.

A notre connaissance, les travaux portant sur la coh´erence technologique n’ont pour cadre d’analyse que la firme, aucune ´etude n’ayant ´et´e faite sur la question de la coh´erence technologique dans le cadre de l’apprentissage externe. Parce que les compl´ementarit´es technologiques ont ´et´e identifi´ees comme un facteur discriminant de la performance des firmes, nous faisons l’hypoth`ese que l’´etude de la coh´erence technologique commune `a deux acteurs peut ˆetre un facteur explicatif du choix du partenaire. Autrement dit, deux acteurs d´ecident d’entrer en collaboration si la mise en commun de leurs bases de connaissances favorisent des compl´ementarit´es technologiques. L’int´egration technologique est alors envisag´ee sous l’angle de l’apprentissage externe, d´ecrivant ainsi le processus relatif `a la mise en coh´erence des bases de connaissances de deux acteurs. En cons´equence, nous faisons la proposition suivante :

Proposition P2 Dans le cadre de l’apprentissage externe, la coh´erence technologique commune `a deux acteurs contribue `a la formation d’alliances strat´egiques.

2.5

Conclusion

Au terme de ce chapitre, nous avons identifi´e deux probl´ematiques nouvelles des proces- sus d’int´egration des connaissances. En nous int´eressant aux principes d’int´egration des connaissances, nous avons cherch´e `a comprendre les logiques inh´erentes aux strat´egies d’accumulation des comp´etences technologiques des firmes. Parce que nous avons d´efini la firme comme un processeur de connaissances, nous situons la source de ses avan- tages comp´etitifs dans la gestion de sa base de connaissances. Le but ´etant alors de d´efinir les modalit´es de construction des bases de connaissances des firmes qui pour rester comp´etitives doivent ˆetre en capacit´e de renouveler leurs comp´etences sur le long terme. La compr´ehension de la dynamique des technologies ainsi que des sources des connais- sances `a l’origine de ces technologies est essentielle d`es lors que l’on s’int´eresse `a la capacit´e des firmes `a s’adapter au changement technologique et `a innover.

Chapitre 2 - Les principes d’int´egration des connaissances Face `a un changement de paradigme technologique, l’´emergence et l’introduction d’une nouvelle technologie peut ˆetre un facteur de perturbation importante pour les firmes, positive pour les nouveaux entrants, potentiellement mena¸cante pour les firmes en place. Aussi, les firmes doivent-elles ˆetre en mesure d’organiser leurs connaissances en fonction de l’instabilit´e de leur environnement. Or, en raison de la nature tacite, cumulative, complexe et incertaine des technologies, les firmes suivent une d´ependance au sentier qui contraint leurs choix technologiques et organisationnels. Les firmes suivent des routines mat´erialis´ees dans des processus d’apprentissages divers qui d´eterminent ce qu’elles sont capables de bien faire. La construction des bases de connaissances des firmes consti- tue par cons´equent une variable d´eterminante de leur capacit´e `a r´eagir au changement technologique. Les travaux portant sur la diversification technologique ont montr´e que les firmes diversifient leurs comp´etences de fa¸con `a pouvoir saisir les opportunit´es tech- nologiques mais que cette diversification reste stable dans le temps, les firmes accumulant des connaissances au voisinage de leurs connaissances existantes.

En identifiant les principes d’int´egration des connaissances, nous soulignons que la compr´ehension de l’acquisition de technologies n’est pas suffisante pour expliquer la ca- pacit´e des firmes `a s’adapter au changement technologique et `a innover. Au-del`a de la question de l’acquisition des connaissances, se pose la question de la capacit´e des firmes `a combiner leurs connaissances de fa¸con `a produire de nouveaux produits et de nouveaux proc´ed´es qui assurent leur comp´etitivit´e sur le long terme. Or, les connaissances `a com- biner dans le processus d’innovation sont de nature diverses. En nous concentrant sur l’analyse des connaissances fondamentales, nous avons mis en ´evidence deux principes d’int´egration des connaissances : la coh´erence technologique et la dimension verticale des connaissances. Si ces deux principes ont d´ej`a fait l’objet de nombreux travaux, l’originalit´e de notre approche r´eside dans l’application de ces deux principes `a de nouveaux domaines d’analyse.

Les travaux portant sur la d´etention d’un stock de connaissances fondamentales iden- tifient g´en´eralement ce stock comme une capacit´e organisationnelle permettant aux firmes d’int´egrer les connaissances externes. C’est donc sous l’angle de l’apprentissage externe ou encore des relations inter-organisationnelles que ces travaux traitent de la question des connaissances fondamentales. En faisant la proposition P1, nous arguons que la d´etention d’un stock de connaissances fondamentales est tout aussi n´ecessaire dans le cadre de l’apprentissage interne. Autrement dit, en raison de la dimension verticale des connaissances fondamentales, nous faisons l’hypoth`ese que la d´etention d’un stock

2.5 Conclusion

de connaissances fondamentales favorise les processus d’int´egration des connaissances au sein de la firme. Cette proposition P1 pose donc la question de l’int´egration intra- organisationnelle des connaissances fondamentales.

De la mˆeme mani`ere, les travaux portant sur la coh´erence technologique sont g´en´era- lement d´evelopp´es sous l’angle de l’apprentissage interne. En analysant les bases de connaissances des firmes, ces travaux montrent que le degr´e de coh´erence technologique des firmes a un impact sur leur performance. Dans ce contexte, et parce que nous avons montr´e que la production et l’utilisation des connaissances fondamentales avaient per- mis une nouvelle division du travail favorisant le recours aux strat´egies de collaboration, nous appliquons le concept de coh´erence technologique `a l’´etude des relations inter-firmes. Bien que la production de connaissance fondamentale ait favoris´e la d´econtextualisation des connaissances produites, les firmes recourant aux alliances strat´egiques doivent ˆetre en capacit´e d’int´egrer les connaissances de leurs partenaires afin d’innover. En faisant notre proposition P2, nous appliquons le concept de coh´erence technologique `a un cadre d’apprentissage externe et faisons l’hypoth`ese que la coh´erence technologique est un fac- teur d´eterminant de l’entr´ee en collaboration de deux acteurs. Cette seconde proposition P2 pose donc la question de l’int´egration inter-organisationnelle des connaissances.

La deuxi`eme partie de la th`ese aura pour but d’investir notre premi`ere proposition P1. Nous appliquons cette proposition `a l’´etude des connaissances biotechnologiques et de leurs impacts sur l’innovation pharmaceutique. La troisi`eme partie de la th`ese aura pour but d’investir la proposition P2 que nous appliquons `a l’´etude des alliances strat´egiques dans l’industrie pharmaceutique. Chacune de ces parties se d´ecomposera en deux chapitres, le premier d’ordre th´eorique explicitant plus pr´ecis´ement notre proposi- tion g´en´erale et un second chapitre d’ordre empirique destin´e `a tester nos propositions th´eoriques.

Partie II

L’int´egration intra-organisationelle