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cession, compl´ ementarit´ e et accumulation des connaissan ces

4.1 La performance innovante des grandes firmes pharmaceutiques

4.1.1 Ant´ ec´ edents th´ eoriques et empiriques

L’´emergence des biotechnologies de nouvelle g´en´eration a constitu´e dans les ann´ees 1970 un changement de paradigme scientifique et technologique que les grandes entreprises pharmaceutiques ont ´et´e parmi les premi`eres `a envisager comme de nouvelles opportunit´es technologiques dans leurs activit´es de R&D (Orsenigo 1989). Ces avanc´ees scientifiques et technologiques ont, en effet, co¨ıncid´e avec un d´eclin de la productivit´e de l’industrie pharmaceutique. Alors que les d´epenses de R&D ne cessent d’augmenter, le nombre de nouvelles mol´ecules introduites sur le march´e ne cesse de diminuer (Cockburn 2004, PHRMA 2009, Pammolli et al. 2011). DiMasi et al. (1991) et DiMasi et al. (2003), es- timant respectivement les coˆuts moyens de R&D de nouvelles mol´ecules introduites sur le march´e entre 1970-1982 et 1980-1999, montrent que ces coˆuts ont consid´erablement augment´e passant de 231 `a 802 millions de dollars am´ericains. L’une des raisons de ces coˆuts tr`es ´elev´es r´eside dans le nombre de candidats m´edicaments qui ne seront jamais introduits sur le march´e en raison de probl`emes de toxicit´e, de dosages inappropri´es, de difficult´es de production ... (Grabowsky 2003). Or, la croissance de l’industrie pharma-

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ceutique a r´esid´e dans la vente d’un grand nombre de mol´ecules portant sur des maladies affectant les populations `a grande ´echelle tels que les probl`emes cardiovasculaires, les ma- ladies chroniques telles que le diab`ete et le cholest´erol, les maladies psychiatriques (les antioxiolitiques, les antid´epressifs, les antipsychotiques), les maladies infectieuses. Ces m´edicaments sont le r´esultat des progr`es effectu´es dans le domaine de la chimie, dont les avanc´ees ont ´et´e consid´erables au cours du dix neuvi`eme et d´ebut du vingti`eme si`ecle. Or, ces progr`es se sont trouv´es limit´es dans les ann´ees 1970 avec une diminution du nombre de m´edicaments pr´esentant de nouvelles indications th´erapeutiques, malgr´e une hausse des d´epenses de R&D (Pignarre 2004).

Dans ce contexte, les biotechnologies de nouvelle g´en´eration sont apparues comme le moyen de renouveler les pipelines de m´edicaments des grandes entreprises pharma- ceutiques. L’´etude de l’impact des biotechnologies sur l’industrie pharmaceutique a fait l’objet de nombreux travaux. Des auteurs ont soulign´e la nature complexe et multi- disciplinaire des connaissances biotechnologiques (Orsenigo 1989, Arora & Gambardella 1994a, Gambardella 1995, Nightingale 2000, Pisano 2006). L’une des principales avanc´ees permises par les biotechnologies r´eside dans l’´evolution des m´ethodes de mass random screening `a celles de rational drug design. Associ´ee aux progr`es de l’informatique et de traitement des donn´ees, la meilleure compr´ehension des ph´enom`enes qui sous-tendent le fonctionnement et la manipulation des organismes vivants ont permis d’am´eliorer signi- ficativement les m´ethodes traditionnelles d’essais et d’erreurs de d´ecouverte de nouvelles mol´ecules th´erapeutiques (Arora & Gambardella 1994a, Gambardella 1995, Nightingale 2000, Nightingale & Mahdi 2006, Hopkins et al. 2007). Ces progr`es ont permis de r´eduire le temps associ´e au criblage et au traitement des mol´ecules. Grˆace aux biotechnologies, les scientifiques peuvent se concentrer sur les mol´ecules qui ont la probabilit´e la plus ´elev´ee de passer les essais cliniques, et ainsi ´eviter les mol´ecules pr´esentant des effets non d´esir´es sur les patients. Les travaux de Nightingale (2000) et Nightingale & Mahdi (2006) souli- gnent plus particuli`erement que l’am´elioration des techniques d’exp´erimentation (li´es `a l’automatisation, `a la r´eduction du temps n´ecessaire aux exp´erimentations, aux m´ethodes de d´ecouverte in silico2) ont permis des effets d’´echelle importants dans le processus

d’innovation pharmaceutique3.

Toutefois, Gambardella (1995) montre que bien qu’il y ait eu des progr`es significa-

2Recherches effectu´ees par des simulations num´eriques.

3Les auteurs s’inscrivent dans un cadre d’analyse chandlerien du changement technologique o`u les

firmes afin de b´en´eficier d’´economies d’´echelle et de champ doivent adapter leurs technologies et leurs structures organisationnelles.

Chapitre 4 - Int´egration des connaissances et innovation : une ´etude empirique tifs des activit´es de R&D, il n’y a pas eu de changement radical dans la d´ecouverte de m´edicaments. L’un des principaux impacts des biotechnologies sur l’innovation phar- maceutique a ´et´e davantage de r´eduire le taux d’´echec de mol´ecules test´ees plus que d’accroˆıtre le taux de succ`es. Parce que le nombre de nouvelles mol´ecules introduites sur le march´e ne semble pas augmenter malgr´e l’exploitation des biotechnologies, un certain scepticisme semble aujourd’hui ´emerger au sein de l’industrie pharmaceutique, des or- ganismes financiers et des organismes de r´egulation (Hopkins et al. 2007). Il semblerait en effet que les promesses d’´evolution de la recherche m´edicale ne se refl`etent pas dans la r´ealit´e (Pisano 2006), posant la question du mythe de la r´evolution biotechnologique (Hopkins et al. 2007). De ces doutes port´es sur la productivit´e des connaissances biotech- nologiques, se pose la question plus large des d´eterminants de l’innovation pharmaceu- tique. Cette question a fait l’objet de nombreux travaux de nature empirique, traitant g´en´eralement des relations entre l’innovation, la R&D et les caract´eristiques des firmes ou de leur environnement. Plus particuli`erement, l’´etude de la relation entre la taille des firmes, les efforts de R&D et le changement technologique a donn´e lieu `a de nom- breux travaux empiriques appliqu´es au cas de l’industrie pharmaceutique, dont le coeur th´eorique r´eside dans les travaux de Schumpeter (1950).

Les th`eses de Schumpeter (1950) ont marqu´e l’analyse de l’organisation industrielle et de l’´economie de l’innovation en mettant en ´evidence que les grandes entreprises sont plus innovantes que des firmes de plus petite taille en raison de leur pouvoir de march´e. Les grandes firmes sont plus `a mˆeme de saisir les opportunit´es technologiques, et donc les risques du processus d’innovation, en raison des avantages que leurs conf`erent leur taille. Trois avantages principaux sont avanc´es. Tout d’abord, les coˆuts fixes li´es aux activit´es de R&D sont tr`es ´elev´es. C’est pourquoi les grandes firmes, par leurs plus grandes ressources, et par leur pr´esence sur divers march´es disposent d’un revenu plus ou moins continu, leur permettant de mieux supporter les coˆuts ´elev´es de R&D. Ensuite, cette base financi`ere leur permet de davantage financer les produits ou projets de recherche risqu´es, inh´erents `a l’activit´e de recherche. Enfin, la stabilisation des divers projets de recherche peut donner lieu `a des ´economies d’´echelle et des ´economies de champ (Schumpeter 1950, Panzar & Willig 1981, Cohen 1995, Cohen & Klepper 1996). L’industrie pharmaceutique, par son histoire, constitue un choix int´eressant d’application `a l’´etude de la relation entre la taille des firmes, les efforts de R&D et l’innovation. Le coeur de l’innovation pharmaceutique a longtemps ´et´e le fait de grandes entreprises pharmaceutiques dont la plupart a ´emerg´e au d´ebut du vingti`eme si`ecle. La comp´etitivit´e de ces grandes firmes repose essentiellement sur le processus de R&D et sur l’introduction de nouveaux produits (de nature radicale

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ou incr´ementale) sur le march´e, ce qui implique de maintenir activement des strat´egies orient´ees vers l’innovation (Cefis et al. 2006). L’analyse des d´eterminants de l’innovation constitue de ce fait une question majeure de l’´etude de l’industrie pharmaceutique.

Les r´esultats des diverses estimations empiriques testant l’existence d’´economies d’´e- chelle sur la productivit´e des firmes divergent. Alors que les travaux de Comanor (1965), Vernon & Gusen (1974) et Graves & Langowitz (1993) soulignent l’existence de ren- dements d’´echelle d´ecroissants dans les activit´es de R&D, Schwartzman (1976) mon- tre l’existence de rendements d’´echelle croissants dans l’industrie pharmaceutique. Les travaux de Jensen (1987) sugg`erent que ni la taille ni le budget allou´e `a la R&D ne contribuent significativement `a la productivit´e marginale de la recherche. La similarit´e de ces divers travaux r´eside dans les donn´ees utilis´ees qui sont des donn´ees agr´eg´ees au niveau des firmes pharmaceutiques, ´etudiant la productivit´e au regard de la relation entre l’output mesur´e par l’introduction d’un nouveau m´edicament (pond´er´e par les ventes ou l’efficacit´e th´erapeutique) et les mesures d’inputs de R&D (les d´epenses de R&D ou le nombre d’employ´es affili´es aux activit´es de R&D). Les travaux de Henderson & Cock- burn (1996) et Cockburn & Henderson (2001) pr´esentent un int´erˆet `a la fois analytique et m´ethodologique dans la mesure o`u leurs donn´ees portent sur les programmes de recherche men´ees individuellement au sein de la firme.

Analysant la relation entre la taille de la firme et les efforts de R&D sur l’innovation (mesur´ee par le nombre de brevets), les auteurs mesurent les ´economies d’´echelle et de champ, respectivement durant la phase de d´ecouverte de m´edicaments (Henderson & Cockburn 1996) et la phase de d´eveloppement de m´edicaments (Cockburn & Henderson 2001). Les r´esultats des travaux portant sur la phase de d´ecouverte de m´edicaments sugg`erent un effet taille significatif sur la productivit´e des firmes. Quant aux ´economies d’´echelle et de champ, les r´esultats montrent que ce sont des d´eterminants contribuant positivement `a l’innovation. En revanche, les r´esultats concernant la phase de d´evelop- pement de m´edicaments ne montrent aucune ´evidence d’une contribution d’´economies d’´echelle `a la productivit´e des firmes. Seules les ´economies de champ semblent avoir un effet sur la performance des grandes firmes pharmaceutiques. L’´etude de donn´ees relatives `a des programmes de recherche men´es individuellement au sein de la firme a ´egalement ´et´e mobilis´ee dans les travaux de DiMasi et al. (1995), qui au-del`a des ´economies d’´echelle, s’int´eressent aux coˆuts de R&D engag´es pour produire de nouveaux m´edicaments. Dis- tinguant la taille des firmes par leurs ventes, les r´esultats de leurs travaux montrent des ´economies d’´echelle substantielles durant les premi`eres phases de d´ecouverte et de

Chapitre 4 - Int´egration des connaissances et innovation : une ´etude empirique d´eveloppement pr´e-cliniques des mol´ecules, et des coˆuts de R&D d´ecroissants avec la taille de la firme.

D’autres auteurs se sont int´eress´es `a l’exp´erience (li´ee `a l’apprentissage des firmes) comme variable d´eterminante de l’activit´e d’innovation au sein de l’industrie pharma- ceutique (Danzon et al. 2005, Boerner & Macher 2006, Nerkar & Roberts 2004). Ainsi, Danzon et al. (2005) testent l’impact de l’exp´erience (exp´erience totale de la firme et exp´erience dans un domaine th´erapeutique) en distinguant trois p´eriodes dans la phase de d´eveloppement des m´edicaments. Les auteurs montrent des effets significatifs de l’exp´erience totale de la firme durant les phases d’essais cliniques les plus complexes et les plus tardives, i.e. durant les phases deux et trois. De plus, leurs r´esultats mon- trent un effet positif des externalit´es de connaissances entre firmes durant la premi`ere phase d’essai clinique. Boerner & Macher (2006), mesurant l’exp´erience au sein d’un domaine th´erapeutique, montrent que les ´economies d’´echelle, les ´economies de champ et l’exp´erience ont des effets positifs sur la phase de d´eveloppement d’un m´edicament. De la mˆeme mani`ere, Nerkar & Roberts (2004) montrent que l’exp´erience technologique (mesur´ee par le nombre de brevets dans un mˆeme domaine th´erapeutique) a un effet positif et significatif sur les premi`eres ann´ees des ventes de nouveaux m´edicaments. Les travaux de Arora et al. (2009) identifient, au-del`a des ´economies d’´echelle et de champ, les strat´egies de s´election de projets menant `a des essais cliniques, r´efletant ainsi les diff´erences de comportement entre les firmes d’une mˆeme industrie. Leurs r´esultats in- diquent que les strat´egies de s´election consituent un facteur d´eterminant de la performance entre les firmes.

L’ensemble de ces ´etudes portant sur les d´eterminants de l’innovation au sein de l’industrie pharmaceutique, bien qu’il soit pertinent, ne traite pas sp´ecifiquement de l’impact des connaissances biotechnologiques sur la productivit´e des grandes entreprises pharmaceutiques. Dans un contexte de remise en question de la productivit´e des biotech- nologies, il nous semble qu’un des aspects relatifs aux cons´equences des biotechnologies a ´et´e n´eglig´e ces derni`eres ann´ees : leur impact sur le processus d’innovation pharmaceu- tique traditionnel. Dans la lign´ee des travaux de Griliches (1998), Nesta & Saviotti (2005), Gambardella (1995), Jaffe (1986), Henderson & Cockburn (1996), Cockburn & Henderson (2001) qui ont mis en ´evidence une relation positive entre le stock de connaissances et les activit´es d’innovation des firmes, nous avan¸cons que les connaissances biotechnologiques, parce qu’elles sont des connaissances de nature fondamentale, contribuent positivement aux activit´es d’innovations traditionnelles des grandes entreprises pharmaceutiques.

4.1 La performance innovante des grandes firmes pharmaceutiques

4.1.2

Bases de connaissances, int´egration des connaissances et