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approche duale fond´ ee sur les comp´ etences

2.1 Les strat´ egies d’accumulation des comp´ etences technologiques

2.1.1 Les r´ egimes technologiques

La notion de r´egime technologique permet de mettre en ´evidence les d´eterminants du changement technologique et des processus d’innovation dans une industrie. Cette no-

Chapitre 2 - Les principes d’int´egration des connaissances tion propos´ee par Nelson (1982) repose sur deux grands principes (qui d´ependent de la nature de la technologie) : les conditions d’opportunit´e technologique et les con- ditions d’appropriation des connaissances. Par la suite, Malerba & Orsenigo (1993, 2000) ont enrichi cette notion en consid´erant un r´egime technologique comme la com- binaison particuli`ere de certaines propri´et´es fondamentales de la technologie : les op- portunit´es technologiques, les conditions d’appropriation des connaissances, les conditions d’accumulation des progr`es technologiques et les propri´et´es des bases de connaissances.

Les opportunit´es technologiques d´ecrivent l’accessibilit´e des firmes `a la connaissance, ainsi que le champ et la probabilit´e pour les firmes d’innover quel que soit le montant investi dans la recherche. Aussi, de fortes opportunit´es technologiques caract´erisent-elles un environnement non contraint par la raret´e et dans lequel les incitations `a innover sont ´elev´ees. Ces opportunit´es peuvent ˆetre d’origine externe ou interne `a la firme et sont en partie d´etermin´ees par les contraintes institutionnelles et organisationnelles qui affectent les relations entre les firmes (Orsenigo 1989). Aux conditions d’opportunit´e technologique s’ajoutent les conditions d’appropriation des connaissances. Celles-ci conditionnent les in- citations `a innover des firmes dans la mesure o`u elles d´eterminent les moyens pour les firmes de se prot´eger de l’imitation et de b´en´eficier de retours sur leurs investissements. Les conditions d’appropriation des connaissances diff`erent selon les secteurs et les do- maines scientifiques et techniques qui y sont mobilis´es.

La mise en ´evidence des conditions d’accumulation des conditions technologiques im- plique que les connaissances et les activit´es innovantes des firmes suivent une d´ependance au sentier dans la mesure o`u les connaissances d’aujourd’hui reposent sur les connais- sances d’hier et qu’elles d´eterminent les connaissances de demain. L’accumulation des connaissances est un concept central de la th´eorie ´evolutionniste qui se traduit plus parti- culi`erement par la mise en ´evidence des notions de paradigmes technologiques et de trajec- toires technologiques (Dosi 1982, 1988, Dosi & Nelson 2009). La notion de paradigme tech- nologique est d´efinie comme l’ensemble des mod`eles, des artefacts et des heuristiques qui permettent la r´esolution des probl`emes s´electionn´es par la firme, et qui d´ependent `a la fois d’un ensemble de principes d´eriv´es des sciences et d’un ensemble de r`egles sp´ecifiques des- tin´ees `a acqu´erir de nouvelles connaissances. Tout paradigme repose sur une base de con- naissances qui permet la r´esolution des probl`emes s´electionn´es. Au sein de ces paradigmes, il existe diff´erentes trajectoires technologiques qui d´eterminent la direction dans laquel- le les efforts en mati`ere de R&D doivent ˆetre poursuivis pour r´esoudre les probl`emes s´electionn´es. Le r´egime technologique est ainsi compos´e de plusieurs paradigmes et tra-

2.1 Les strat´egies d’accumulation des comp´etences technologiques

jectoires technologiques qui r´ev`elent l’existence d’un certain d´eterminisme technologique qui conditionne les activit´es innovantes des firmes. Comme le souligne Orsenigo (1989), “technologies develop relatively ordered and autonomous paths following strongly finalised and selective directions” (p. 8). Le sentier technologique auquel sont contraintes les firmes peut ˆetre red´efini lorsqu’apparaissent des discontinuit´es technologiques, donnant lieu `a l’´emergence de nouveaux paradigmes et trajectoires technologiques. Les bases de connaissances des firmes sont donc d´eterminantes dans la capacit´e des firmes `a r´eagir face `a ces nouvelles technologies.

Les bases de connaissances, qui constituent la derni`ere variable permettant de d´ecrire le r´egime technologique selon Malerba & Orsenigo (1993, 2000), repr´esentent l’ensemble des ressources et des comp´etences cognitives, ainsi que l’ensemble des proc´edures d’ap- prentissage qui rel`event des activit´es innovantes de la firme. Les bases de connaissances sont constitu´ees de connaissances complexes, diverses dans leurs sources et dont le degr´e de codification peut ˆetre vari´e. Ces bases de connaissances d´eterminent les routines organisationnelles des firmes ce qui implique une diff´erenciation des strat´egies des firmes face au changement technologique. La consid´eration analytique de la base de connais- sances dans la th´eorie de la firme ´evolutionniste apporte un ´el´ement de r´eponse `a la diver- sit´e des performances observ´ees au sein d’une mˆeme industrie. Les sources d’h´et´erog´en´eit´e se trouvent au sein de la firme, dans son organisation, dans ses processus d´ecisionnels, dans ses connaissances scientifiques et techniques. La distribution des connaissances scien- tifiques et techniques n’est pas homog`ene au sein d’une industrie, si bien que leurs bases de connaissances constituent l’un des piliers de leurs performances h´et´erog`enes (Nesta 2001). De la mise en perspective des r´egimes et des trajectoires technologiques, il apparaˆıt que l’organisation de la base de connaissances des firmes constitue une variable d´eterminante de la capacit´e des firmes `a r´eagir au changement technologique. C’est pourquoi nous allons nous int´eresser plus particuli`erement `a la notion de diversification technologique qui permet d’aborder les ´el´ements constitutifs de la base de connaissances des firmes.

2.1.2

La diversification technologique

Face `a un environnement technologique instable, les firmes pour rester comp´etitives doivent ˆetre en mesure de d´ecoder les nouvelles connaissances scientifiques et techniques susceptibles d’ˆetre int´egr´ees `a leur base de connaissances. Patel & Pavitt (1997) et Granstrand et al. (1997) se sont int´eress´es `a la relation entre diversification technologique

Chapitre 2 - Les principes d’int´egration des connaissances et diversification des produits. Leurs travaux de nature empirique portant respectivement sur l’´etude de 400 et 440 grandes firmes am´ericaines, europ´eennes et japonaises ont mis en ´evidence deux r´esultats principaux. D’une part, la diversification technologique au sein des grandes firmes est sup´erieure `a celle de leurs march´es. D’autre part, il existe une distribution des comp´etences au sein de la firme qui n’est pas restreinte aux comp´etences centrales, comme cela a ´et´e montr´e par Prahalad & Hamel (1990). Parce que les technolo- gies pr´esentent des caract´eristiques qui diff`erent de celles des produits, il est n´ecessaire pour les firmes de diversifier leurs comp´etences technologiques (Granstrand et al. 1997).

Les auteurs distinguent quatre types de comp´etences : les comp´etences centrales ou les comp´etences distinctes, les comp´etences de background, les comp´etences de niche et les comp´etences marginales. Les comp´etences distinctes ou centrales correspondent aux comp´etences qui donnent un avantage technologique `a la firme face `a la concurrence, aussi la firme attribue-t-elle une large part de ses ressources `a ce type de comp´etences. Les comp´etences marginales donnent lieu `a peu d’investissements, mais concernent des domaines technologiques pouvant se r´ev´eler ˆetre des opportunit´es technologiques futures majeures. Les comp´etences de background d´efinissent les domaines technologiques qui permettent `a la firme de coordonner et de profiter des changements technologiques dans la chaˆıne de production. Les comp´etences de niche enfin sont les comp´etences qui concer- nent un nombre tr`es faible de domaines technologiques qui d´ebouchent sur une position comp´etitive de niche. L’ensemble de ces comp´etences est distribu´e diff´eremment selon les secteurs d’appartenance des firmes et permet notamment d’expliquer l’h´et´erog´en´eit´e qui caract´erise les diff´erents secteurs d’une ´economie.

La n´ecessit´e d’avoir des comp´etences technologiques ainsi distribu´ees r´esulte de l’exis- tence de trois forces majeures : l’opportunit´e d’introduire de nouvelles technologies dans les produits et les syst`emes de production afin d’am´eliorer leurs performances et leurs fonctionnalit´es, la pertinence continue des anciennes technologies et la coordina- tion de l’innovation et du changement dans les principaux produits avec les change- ments compl´ementaires que cela implique dans le syst`eme de production et la chaˆıne d’approvisionnement (Granstrand et al. 1997, p. 9). Parce que l’environnement tech- nologique des firmes est complexe et instable, les firmes doivent ˆetre capables d’identifier les nouvelles opportunit´es scientifiques et technologiques qui peuvent constituer une dis- continuit´e technologique, d’o`u la n´ecessit´e de disposer de technologies diversifi´ees, permet- tant d’identifier, de comprendre et d’acqu´erir les nouvelles technologies n´ecessaires au processus d’innovation. Au-del`a de l’identification des opportunit´es technologiques, la

2.1 Les strat´egies d’accumulation des comp´etences technologiques

diversification technologique permet de tenir compte de l’interd´ependance des techniques qui est le r´esultat du processus d’accumulation des connaissances. Les connaissances d’aujourd’hui permettent de modifier et d’am´eliorer les produits et les technologies cr´e´es hier, de mˆeme que les syst`emes de production dans lesquels sont engag´es divers acteurs.

La prise en compte du changement technologique par les firmes conditionne la ges- tion de leur portefeuille technologique et par l`a mˆeme de leurs comp´etences. Comme le notent Patel & Pavitt (1997) “management solves problems and makes improvements through step-by-step experimentation, in which changes are made in one feature or com- ponent at a time, and ends and means re-interpreted in the light of the subsequently observed changes. [...] This method is called ‘learning’ [...].” (p. 143). Les proc´edures d’apprentissage des firmes face au changement technologique `a travers le learning by us- ing, learning by doing (Rosenberg 1982) permettent aux firmes de mesurer l’utilit´e d’une technologie en l’utilisant et en la pratiquant au travers d’un syst`eme d’essais-erreurs. Ces proc´edures d’apprentissage conditionnent les choix d´ecisionnels des firmes dans la mesure o`u l’apprentissage de nouvelles technologies repose au pr´ealable sur les ressources et comp´etences cognitives des firmes. Les auteurs constatent que les firmes, de fa¸con g´en´erale, doivent disposer de comp´etences distribu´ees dans le but de saisir la complexit´e des produits et des syst`emes de production, mais que l’´evolution de ces comp´etences reste stable dans le temps, ce qui permet d’expliquer la diff´erenciation des profils tech- nologiques des firmes selon leurs secteurs d’activit´es. L’accumulation des connaissances suit une d´ependance de sentier qui contraint le choix d’acquisition de nouvelles connais- sances scientifiques et techniques.

Des travaux de Patel & Pavitt (1997), Granstrand et al. (1997), nous retenons que les firmes sont contraintes, par leur environnement, `a diversifier leurs technologies dans le but de saisir des opportunit´es technologiques, mais que cette diversification tech- nologique reste stable au regard des bases de connaissances de firmes et de leurs proc´edures d’apprentissage. Au-del`a des contraintes li´ees aux comp´etences pass´ees et `a l’environ- nement technologique, la construction des bases de connaissances des firmes doit ˆetre motiv´ee par leur volont´e d’ˆetre capables de renouveler leurs comp´etences technologiques dans le but d’innover. Ceci suppose une certaine logique dans les strat´egies technologiques des firmes. Or, pour comprendre les logiques inh´erentes aux strat´egies d’accumulation des comp´etences technologiques des firmes, il est n´ecessaire d’analyser plus particuli`erement les processus d’int´egration des connaissances, que nous avons d´efinis comme la capacit´e des firmes `a combiner des connaissances dans le but de rendre performante une activit´e

Chapitre 2 - Les principes d’int´egration des connaissances productive (Criscuolo & Nesta 2011).

2.1.3

Vers une th´eorie de l’int´egration des comp´etences tech-