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cession, compl´ ementarit´ e et accumulation des connaissan ces

4.2 Les choix m´ ethodologiques

4.2.1 Les difficult´ es de mesurer la connaissance

L’estimation empirique de la production de connaissances n’est pas une tˆache ais´ee car la connaissance, par nature, est un bien intangible et par cons´equent difficile `a mesurer. De la mˆeme mani`ere, l’activit´e d’innovation est une activit´e complexe que l’activit´e de R&D `a elle seule ne suffit pas `a expliquer (Kleinknecht & Verspagen 1989, Mansfield 1984, Acs & Audrestch 2003). Toutefois, la reconnaissance des savoirs comme facteur de croissance ´economique a conduit les chercheurs `a s’int´eresser au processus d’innovation, `a la mani`ere dont les firmes peuvent innover et `a l’impact du changement technologique sur la productivit´e des firmes et des ´Etats. Aussi, les ´economistes se sont-ils attach´es ces derni`eres d´ecennies `a construire des bases de donn´ees de plus en plus compl`etes, destin´ees `a mieux sp´ecifier les mesures capables de d´ecrire les bases de connaissances des firmes. Toutefois, l’une des difficult´es li´ee `a la description des bases de connaissances des firmes tient au fait que la connaissance est `a la fois un input et un output.

A la fois source de richesses et richesse elle-mˆeme, la connaissance pr´esente la caract´e- ristique de pouvoir par elle-mˆeme engendrer de nouvelles connaissances (Foray 2000). D`es lors, les mesures mobilis´ees dans la fonction de production de connaissances peuvent ˆetre utilis´ees `a la fois comme input et comme output. De mani`ere g´en´erale, quatre types de mesures sont mobilis´es dans les divers travaux empiriques traitant de la performance des firmes et de leurs bases de connaissances : la R&D, les brevets, les citations de brevets, et l’introduction de nouveaux produits (Hagedoorn & Cloodt 2003, Acs & Audrestch

Chapitre 4 - Int´egration des connaissances et innovation : une ´etude empirique 2003). A l’exception de la R&D, consid´er´ee comme un input, les autres mesures sont diversement utilis´ees `a la fois comme un facteur de performance et comme un indicateur de performance. Nous revenons ici sur l’utilisation de chacune de ces variables.

• La R&D

L’indicateur de R&D est g´en´eralement mesur´e sur la base des d´epenses de R&D refl´etant les efforts en termes de ressources que la firme investit afin de produire des produits inno- vants. La prise en compte de la R&D dans l’analyse des industries de haute technologie peut ´egalement refl´eter les comp´etences technologiques des firmes dans la mesure o`u les d´epenses investies s’inscrivent dans des routines qui d´eterminent ce que la firme sait bien faire (Nelson & Winter 1982, Nelson 1991, Henderson & Cockburn 1994). Les d´epenses de R&D ne refl`etent pas uniquement les efforts pr´esents de la firme mais ´egalement les r´eussites pass´ees, qui constituent les comp´etences que la firme a su d´evelopper dans une perspective de plus long terme et qui peuvent ˆetre facteur `a la fois d’allocation des ressources futures et de production de futurs produits innovants (Hagedoorn & Cloodt 2003). La m´ethodologie d´evelopp´ee par Griliches (1979) appel´ee PIM (“the permanent inventory method ”) en est l’illustration dans la mesure o`u l’auteur d´efinit le stock de connaissances de la firme i `a l’ann´ee t comme la somme des connaissances produites en t et des connaissances pr´ec´edemment d´etenues par la firme en t − 1 4.

• Les brevets

Les brevets comme indicateur de performance sont sujets `a plus de controverses (Pavitt 1988, Archibugi 1992, Griliches 1998). Trois principales critiques sont exprim´ees `a l’encontre de la mesure des brevets. La premi`ere tient au fait que les brevets ne constituent qu’une certaine dimension de la production de connaissances au sein d’une firme. La deuxi`eme r´eside dans les diff´erences sectorielles qui existent dans la propension des firmes `a innover. La troisi`eme porte sur la diff´erence entre le nombre de connais- sances produites et le nombre d’innovations commercialis´ees. En effet, un brevet ne conduit pas n´ecessairement `a une innovation, aussi est-il difficile de distinguer les in- ventions commercialis´ees des inventions non commercialisables. Pour autant, malgr´e ces critiques, l’utilisation des brevets reste un bon indicateur des firmes productrices de con- naissances (Patel & Pavitt 1995, Acs & Audrestch 2003). Ceci est d’autant plus vrai

4.2 Les choix m´ethodologiques

dans les industries o`u la question de l’appropriation des connaissances est essentielle, comme l’industrie pharmaceutique, car la comp´etition s’exerce d’abord sur les connais- sances produites (Grabowsky 2003). De plus, les critiques portant sur l’utilisation des brevets comme indicateur de performance perdent de leur pertinence d`es lors que l’on cherche `a mesurer les comp´etences technologiques des firmes et non leur performance innovante (Nesta & Saviotti 2005, Nesta 2008). C’est pourquoi davantage qu’un out- put, les brevets constituent une mesure interm´ediaire d’output qui donne des indications sur le d´eveloppement des comp´etences technologiques des firmes (Acs & Audrestch 2003).

• Les citations de brevets

L’utilisation des citations de brevets comme indicateur de performance s’est d´evelopp´ee `a partir des ann´ees 1970 (Hall et al. 2000, Jaffe & Trajtenberg 2002a). L’hypoth`ese qui sous-tend l’utilisation de cette mesure est qu’il existe une relation positive entre l’importance d’un brevet et le nombre de fois o`u ce brevet est cit´e dans les futurs brevets attribu´es (Acs & Audrestch 2003). Cette mesure pr´esente ainsi un caract`ere qualitatif car elle permet de tenir compte de l’´evolution du changement technologique et de la propri´et´e d’accumulation des connaissances dans le processus d’innovation. Les progr`es effectu´es par le pass´e contribuent `a la production de connaissances futures, ce dont les brevets permettent d’attester, car la demande d’application d’un brevet requiert que soit cit´e l’ensemble des brevets pass´es utilis´es li´es `a l’invention, r´ev´elant ainsi l’´etat de l’art dans le domaine technologique concern´e (Hagedoorn & Cloodt 2003). L’utilisation des cita- tions de brevets permet d’am´eliorer les indications relatives `a la valeur ´economique des brevets. Hall et al. (2005) montrent que les stocks de brevets pond´er´es par leurs citations sont plus fortement corr´el´es `a la valeur de march´e mesur´ee par le Q de Tobin des firmes que les stocks de brevets eux-mˆemes. L’une des autres indications que permettent de r´ev´eler les citations de brevets r´eside dans la description de la port´ee g´eographique des flux de connaissances entre les inventeurs et les titulaires des brevets (Jaffe et al. 1993). L’utilisation des citations de brevets comme indicateur de performance est aujourd’hui au cœur d’un vaste programme de recherche, dont t´emoigne la publication de l’ouvrage Patents, Citations and Innovations, A Window on the Knowledge Economy par Jaffe & Trajtenberg (2002b).

Chapitre 4 - Int´egration des connaissances et innovation : une ´etude empirique • L’introduction de nouveaux produits

Associ´ee `a une mesure directe de l’activit´e d’innovation, l’utilisation de l’introduction de nouveaux produits comme indicateur de performance remonte aux ann´ees 1970 avec la construction par le Gellmann Research Associates pour le National Science Foundation d’une base de donn´ees identifiant 500 innovations majeures mises sur le march´e entre 1953 et 1973 aux USA, au Canada, en Grande Bretagne, en Allemagne de l’Ouest et en France (Acs & Audrestch 2003). Par la suite dans les ann´ees 1980, d’autres bases de donn´ees de ce type seront construites, dont les bases de donn´ees SPRU (Science Policy Research Unit) (base de donn´ees GB) et SBIDB (Small Business Administration’s Inno- vation Data Base) (base de donn´ees US), qui contiennent respectivement 4 378 et 8 074 innovations majeures (ibid ). L’introduction de nouveaux produits constitue la mesure id´eale de l’activit´e d’innovation. Mais l’une des difficult´es de la construction de ce type de bases de donn´ees r´eside dans le fait que ce sont g´en´eralement les entreprises par le biais de la presse qui font l’annonce des introductions d’innovations sur le march´e, et que peu de v´erifications sont effectu´ees par les organismes en charge de la construction des bases de donn´ees (Hagedoorn & Cloodt 2003). Pour autant, cet indicateur reste d’un grand d’int´erˆet analytique d`es lors que l’on ´etudie la relation entre la taille de la firme et le changement technologique ou encore entre la structure de march´e et le changement technologique (Acs & Audrestch 2003).

Depuis les ann´ees 1970, grˆace aux progr`es de l’informatique et du traitement des donn´ees, la sp´ecification de ces mesures n’a cess´e de s’am´eliorer fournissant aux ´econom`e- tres les donn´ees permettant d’analyser empiriquement les questions relatives au change- ment technologique. L’´etude de la fonction de production de connaissances permet de mesurer l’impact de la base de connaissances sur la productivit´e des firmes. Elle consiste `a faire reposer une mesure d’output sur un ensemble de ressources mises en commun. La mesure d’output `a expliquer, indicateur de performance, diff`ere selon les auteurs, certains privil´egiant les mesures d’ordre financi`ere, telles que le profit r´ealis´e, la valeur de march´e, le Q de Tobin, tandis que d’autres privil´egient les brevets ou encore l’introduction de nouveaux produits et proc´ed´es. De la mˆeme mani`ere, l’estimation et la sp´ecification des inputs diff`erent selon les mod`eles de fonction de production de connaissances, certaines de ces variables passant de variables `a expliquer `a variables explicatives, comme les brevets, la part de march´e, ou encore l’introduction de nouveaux produits. Il n’existe pas de d´emarche m´ethodologique ´etablie pour expliquer et mesurer la performance. Toutefois,

4.2 Les choix m´ethodologiques

les mesures de d´epenses de R&D et les brevets sont les donn´ees le plus couramment utilis´ees pour construire les variables destin´ees `a d´ecrire les bases de connaissances des firmes (Nesta 2008).

Notre propos est d’´etudier la performance innovante des grandes entreprises pharma- ceutiques. Dans ce but, nous utilisons comme indicateur de performance l’introduction de m´edicaments introduits sur le march´e et comme facteur de performance l’accumulation des brevets pond´er´es par leurs citations, qui permettent de d´ecrire et de saisir au mieux les comp´etences technologiques d´etenues par les firmes. La probl´ematique de ce chapitre motive ce choix, dans la mesure o`u nous voulons mesurer l’impact de la d´etention des connaissances biotechnologiques sur les activit´es d’innovation non biotechnologiques des grandes entreprises pharmaceutiques. La section qui suit pr´esente les diff´erentes bases de donn´ees mobilis´ees ainsi que les mesures de nos mod`eles construites au moyen de celles-ci.