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PRÉSENTATION ET ANALYSE DES DONNÉES

1. Composition de la TQSR

1.2 Nature des vo

1.2.1 Voix de l’expertise

La voix de l’expertise s’est fait entendre dans les délibérations lors des propos tenus par les participants experts des questions de sécurité routière. À quelque occasions, cette voix a créé une certaine distance entre les membres qui se disent experts en sécurité routière et les autres pour qui ce domaine ne fait pas partie de leur champ de compétence et pour qui les considérations de sécurité sur les routes ne s’inscrivent pas parmi leurs préoccupations quotidiennes.

Des fois on a l’impression que les discussions ressemblent beaucoup plus à une discussion autour d’une table de cuisine ou autour d’un pot de bière, qu’autant d’autres fois on est sur d’autres patinoires où est-ce qu’on est plus. Et le défi c’est d’essayer de ramener ça vraiment aux faits. (Louis, chercheur en sécurité routière)

Pour la majorité, les représentants dont l’expertise se rapporte à un milieu autre que celui de la sécurité routière apprécient les connaissances acquises dans ce domaine en participant aux activités de la Table. Plusieurs avouent néanmoins s’être sentis perdus ou désorientés à quelques reprises lors de discussions au contenu plus spécialisé. De l’avis de ces participants, la teneur technique et complexe des propos tenus par les experts ne rejoint pas nécessairement les préoccupations réelles et pratiques vécues dans leur milieu. Ces représentants ne comprennent pas toujours la pertinence et l’à-propos de cette voix d’expertise. Selon leur champ de compétence, les experts en sécurité routière

emploient généralement un langage spécifique et spécialisé à leur domaine qui peut devenir nébuleux ou incompréhensible pour ceux qui n’y sont pas familiarisés. Ce qui peut sembler tout à fait naturel et routinier pour certains représentants peut également contribuer à exclure des discussions certains participants moins à l’aise avec ce genre de réalités et les déclarations auxquelles elles donnent lieu.

Moi des bouts quand je regarde, bon qu’on a les résultats des rapports de recherche […] je ne comprends rien. Aller jusqu’où ça commence vraiment à dire, à rendre ça un petit peu plus, entre guillemets, rustique, où là je suis capable de m’approprier un petit peu ces données-là pour en faire quelque chose, je me demande ce que je fais là. Mais je suis conscient par exemple que ça parle à d’autres qui sont à la Table aussi. Il n’y a pas rien que moi dans cette Table-là. Ça parle à d’autres, tant mieux. (Dominic, représentant d’association du milieu de l’industrie)

Au sein même de cette voix de l’expertise s’opposent deux conceptions quant à la fonction d’expert à la Table. D’une part, certains considèrent le manque d’expertise des participants comme un élément ralentissant les travaux de la Table étant donné les explications et les clarifications qu’ils doivent fournir lors des délibérations. Selon cette conception, cette expertise en sécurité routière leur occasionne en outre un important travail de vulgarisation en amont des réunions plénières afin de réfléchir et de préparer leurs démonstrations et leurs argumentations afin qu’elles soient les plus intelligibles possible pour l’ensemble des participants.

Quand tu es spécialiste de quelque chose, tu le sais, tu le crois, tu as raison. Il y a dix ans de recherche qui en témoigne. Mais ce n’est pas tout d’avoir raison. Mais c’est sûr que pour les spécialistes de contenu des fois tu te dis, comment ça qu’ils ne comprennent pas ça. Comment ça telle affaire, ou comment ça ils ne le voient pas. […] Mais ça peut être très frustrant quand tu es spécialiste dans quelque chose. (Josée, chercheure en sécurité routière)

D’autre part, la seconde conception de cette voix de l’expertise envisage plutôt cette différence sur le plan des compétences de chacun comme une occasion d’éducation et de partage de connaissance entre les participants. Les partisans de cette conception de l’expertise alimentent volontiers le contenu des discussions en matière de sécurité routière. Quant aux autres participants, ils apportent un éclairage complémentaire selon leurs spécialités. Cette voix experte cherche à s’inspirer des contraintes et des préoccupations exprimées par les représentants des différents milieux et de leurs activités.

C’est important que l’industrie du camionnage soit là pour faire connaître les mesures, faire connaître les actions qui visent cette industrie-là. C’est important que le taxi soit présent. Parce que, c’est comme nous autres avec Québec. Si Québec ne sait pas quels sont nos problématiques, c’est quoi les irritants ou les difficultés qu’on a, la réalité, pour s’adapter, ils ne peuvent pas adopter des mesures en conséquence ou des mesures porteuses qui vont nous permettent de diminuer le bilan. La même chose pour toutes les industries qui sont présentes. […] Fait que c’est pour ça que des fois la Table, comme je vous dis, c’est bon pour connaître ce qui se fait, c’est bon pour aller chercher l’input auprès de ceux qui sont vraiment concernés. (Laurie, représentante des milieux policiers)

Cette voix soutient également que l’étendue du domaine de la sécurité routière et les innombrables problématiques qu’il renferme rendent impossibles la connaissance et la maîtrise de tous les sujets étudiés et de toutes les questions soulevées. Selon cette voix, le titre d’expert en sécurité routière témoigne plutôt d’une expertise spécifique propre à un champ précis ou à une thématique particulière dans ce vaste domaine d’activité.

Pour ma part, le fait de répéter ou de dire la même chose, moi je trouve que ça fait partie de notre travail aussi. Ça ne m’a jamais dérangée. C’est la rançon d’être expert. Ça sert à quoi d’être expert si ce n’est pas pour. En fait, comme titre d’expert en sécurité routière, la sécurité routière c’est tellement large. Moi je vous dis, il y a plein de sujets là-dedans

que vraiment je ne connais pas, pas plus que plein d’autres personnes là. L’alcool, le cellulaire, donc moi aussi j’apprends. (Caroline, fonctionnaire)