• Aucun résultat trouvé

LA TABLE QUÉBÉCOISE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

1. Origine de cette initiative de collaboration interorganisationnelle

Malgré une hausse du nombre de véhicules en circulation et du nombre de titulaires de permis de conduire, le bilan routier a connu une baisse constante au Québec, passant de 2 209 décès en 1973 à 610 en 2001. Toutefois, en 2005, le nombre de décès sur les routes a augmenté à 707 morts, puis à 720 en 2006, une hausse de 9 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. Ce bilan routier représente, pour 100 000 habitants, le décès sur les routes québécoises de 9,6 personnes, comparativement à 7,5 décès par 100 000 habitants sur les routes françaises et à 6,3 décès par 100 000 habitants en Ontario (TQSR, 2007). En comparaison avec ces autres administrations, pour être aussi performant que la France, le Québec aurait dû enregistrer, en 2006, un bilan de 566 décès au lieu des 720, et de 476 décès pour égaler l’Ontario. Confronté à cette détérioration du bilan routier depuis quelques années, le ministère des Transports du Québec (MTQ) devait donc entreprendre une démarche afin de se pencher sur la problématique de l’insécurité sur les routes et d’obtenir des appuis pour proposer de nouvelles politiques et mettre en œuvre des actions.

Avec l’objectif annoncé de créer des conditions favorables à la construction de consensus autour de mesures innovantes et efficaces pour améliorer la sécurité sur les routes, le MTQ et plus spécifiquement les gestionnaires de la Direction de la sécurité en transport ont mis sur pied, au cours de l’année 2005, la TQSR. Avant la création de cette table de concertation, au Québec, il n’existait aucune entité regroupant tous les acteurs engagés de près ou de loin en sécurité routière. En réalité, avant 2005, aucune place, aucun forum ne permettait aux acteurs concernés de réfléchir collectivement et de discuter de cet enjeu de société afin de cibler les problèmes et les diverses mesures et politiques à mettre en application. Au contraire, plusieurs divergences d’opinions et d’actions entre les différents acteurs, notamment le MTQ et la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), les amenaient à travailler en parallèle plutôt qu’unir leurs forces et leurs compétences respectives. Les interventions se réalisaient majoritairement à la pièce et donc, dans un isolement relatif les unes des autres. En plus de manquer de coordination, les actions entreprises s’attaquaient généralement qu’à une seule thématique souvent restreinte puisque la majorité des acteurs ne bénéficiaient pas d’une connaissance globale et contextuelle de l’ensemble des enjeux de sécurité routière.

Au départ, le Conseil national de sécurité routière (CNSR) en France a inspiré la création de la TQSR. Créé par décret en 2001 par le Comité interministériel de la sécurité routière, le CNSR est spécifiquement dédié à améliorer la sécurité sur les routes françaises. Cet organisme est composé d’une cinquantaine de membres issus du Parlement et de l’administration publique, des collectivités locales et des institutions nationales concernées, des entreprises, des associations et des fondations œuvrant dans le domaine de la sécurité routière, ainsi que du milieu médical (CNSR, 2005). Conçu

comme un lieu de débat et une instance de conseil pour les autorités, le CNSR propose au gouvernement des mesures en faveur de la sécurité routière et procède à l’évaluation des actions engagées par les pouvoirs publics. Ainsi, chaque année, le CNSR réalise des contrôles et des vérifications afin d’évaluer la portée des interventions. Le CNSR peut également entreprendre des études sur tous sujets touchant la sécurité sur les routes françaises. Dans tous les cas, le CNSR est tenu de produire des rapports qu’il remet au ministre chargé des Transports. Depuis sa création, le bilan routier en France s’est considérablement amélioré, passant de 7 720 décès en 2001 à 4 857 en 2005, notamment grâce à l’installation, en 2003, de radars photographiques sur le territoire français, une mesure rendue possible entre autres en raison des activités du CNSR (ONISR, 2006).

L’idée à l’origine de la TQSR reposait ainsi sur la création d’un forum équivalent au CNSR afin de faire avancer le débat et la cause de la sécurité routière au Québec, comme ce fut le cas en France. Quelques gestionnaires et professionnels de la Direction de la sécurité en transport du MTQ et de la Vice-présidence à la sécurité routière de la SAAQ, accompagnés de quelques policiers de la Sûreté du Québec et de chercheurs, ont d’ailleurs participé à des missions franco-québécoises afin d’échanger avec les responsables du CNSR et de comprendre son fonctionnement. La structure et la manière de fonctionner de la TQSR sont toutefois très différentes de celles du CNSR. D’abord, au sein de la TQSR, les décisions se prennent par consensus, alors que le CNSR procède par vote. Le CNSR dispose également de son propre budget de recherche et de fonctionnement, tandis que le MTQ soutient les activités de la TQSR par l’entremise de ses propres budgets. Néanmoins, la direction du MTQ comme celle de la SAAQ jugeaient inspirants les résultats obtenus en France à la suite de la création du CNSR et

souhaitaient développer au Québec cette même vision intégrée et globale de la sécurité routière.

Une telle formule de table de concertation représente un processus avec lequel les sous- ministres, les gestionnaires et les professionnels du MTQ sont familiarisés et habitués de composer, tout comme ceux associés aux autres ministères du gouvernement. Avant la création de la TQSR en 2005, au moins cinq autres forums d’échange et de concertation regroupant des acteurs publics et privés du domaine des transports existaient au MTQ, entre autres le Forum du camionnage et la Table de concertation gouvernement industrie sur la sécurité des véhicules lourds qui ont respectivement été créés en 1998 et 1999, le Forum maritime, celui sur le transport aérien et le Forum sur l’industrie du taxi ont, pour leur part, été mis sur pied au cours des années 2004 et 2005. Malgré l’existence de quelques forums, les questions de sécurité routière étaient donc traitées par des entités sectorielles dispersées et fragmentées.