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PRÉSENTATION ET ANALYSE DES DONNÉES

1. Composition de la TQSR

1.1 Enjeux de représentation

1.1.2 Représentants du gouvernement

Pour d’autres acteurs, principalement ceux provenant du milieu gouvernemental, être représentants à la TQSR signifie d’être présents, d’écouter les discussions et de conseiller au besoin. En général, ces participants interviennent peu dans les délibérations et ne prennent pas position sur les questions soulevées, pas plus qu’ils ne se prononcent sur les décisions à prendre. Leur apport à la Table consiste essentiellement à transmettre de l’information qui pourrait éclairer et venir enrichir la discussion.

Nous on va plutôt intervenir dans le sens où on va donner des conseils aux ministères qui ont des domaines de mission qui, à l’égard desquels lorsqu’ils veulent entreprendre de faire des choses, qu’il y a des choses à faire avec le milieu municipal. C’est là qu’on intervient. Nous on n’est pas des experts en sécurité routière. On est des experts en ce qui à trait au fonctionnement, à ce que sont les municipalités, comment ça fonctionne, quels sont leurs moyens, quels sont leurs besoins. (Philippe, fonctionnaire)

Cette catégorie regroupe également des acteurs qui, d’un point de vue explicite, ne peuvent pas librement parler au nom de l’organisation qu’ils représentent. Leur rôle à la TQSR est donc limité. Leur participation se conforme aux orientations et aux directives ciblées par leur organisation. À la TQSR, ces représentants se positionnent alors selon les contraintes et les demandes de leur organisation respective.

Par contre, on pourrait se retrouver, et je veux dire ça va sûrement arriver à un moment donné ou comme expert je peux penser blanc, mais j'ai une orientation politique qui pourrait être différente. Je présume que le jour où on parlera sérieusement du 0.05 alcool, j'aurais peut-être à ce moment-là des commandes différentes de celles que j'ai

eues jusqu'à aujourd'hui. Dans le sens où je vais peut-être devoir, là on va me demander de prendre en considération tout l'aspect développement économique et comme ville on décidera peut-être de s'opposer à une mesure comme celle-là. Donc là je serai pris d'abord à la défense, à essayer de convaincre mon organisation qu’il faut prendre une direction qui, sur le plan technique, semble justifiée. Et si je réussis tant mieux, si je ne réussis pas je vais devoir défendre la position de la ville quand je vais aller m'asseoir à Table. (Mathieu, représentant du milieu municipal)

Entre autres, les fonctionnaires des différents ministères et organismes gouvernementaux du Québec se retrouvent dans des situations où, en aucun cas, ils n’appuieront explicitement une position sur des questions ou des enjeux dont aucune orientation n’a été officiellement proposée et discutée au sein du ministère qu’ils représentent. Ils ne peuvent donc pas adopter publiquement, que ce soit d’un point de vue juridique, politique ou administratif, une position qui engagerait de quelque manière que ce soit le ministère ou le ministre qu’ils représentent.

Comment tu fais pour contribuer à l’avancement des travaux là, sans pour autant, en tenant compte que s’il faut que tu fasses avancer, il ne faut quand même pas que tu cherches à faire avancer plus vite que ce que le ministère veut faire. Ou il faut que tu fasses avancer dans le sens que le ministère veut avancer. Comment tu fais pour concilier les deux? Parce que quand tu es en réunion [plénière], tu n’es pas avec le sous- ministre. Comment tu fais pour concilier ça? […] Ça nous pose des foutues contraintes nous autres les ministères. Vous savez comment ça marche les ministères. Il faut aller valider. […] Mais nous autres les ministères là, c’est nous dont les boss ce sont à eux qu’on va dire, vous aviez dit que vous le feriez et vous ne le faites pas. C’est eux autres qui sont dans le trouble, qui sont imputables. Fait que nous autres quand on fait progresser des travaux, il faut respecter ça aussi. Et il y a des fois la façon dont la Table a fonctionné ça été difficile pour les ministères de dire qu’on est capable de faire progresser la position de notre ministère. (Philippe, fonctionnaire)

Certains représentants du gouvernement ont également vécu des moments délicats et même conflictuels où ils détenaient de l’information qui aurait pu faire avancer les délibérations et les négociations à la Table, mais dont il était impensable de rendre publique auprès de tous les participants puisqu’ils engageaient justement le ministère ou le ministre qu’ils représentaient à la TQSR.

Mais je ne peux pas, mais je ne pouvais pas amener le sujet comme je l’amène avec tous les tenants et les aboutissants parce que c’est une place publique. La Table était publique. N’importe qui pouvait sortir de là, et des fois les journalistes attendaient à la porte. Alors moi je ne peux pas tenir le même discours. Je suis fonctionnaire. J’ai une obligation de réserve. Je ne peux pas ouvertement critiquer l’inaction du gouvernement dans ce dossier-là. (Claire, fonctionnaire)

Cette contrainte a sans doute contribué à ce que le processus de concertation déborde des frontières officielles de la Table, que des négociations se soient déroulées en dehors des réunions plénières. Confrontés à l’impossibilité de pouvoir s’exprimer autour de la Table devant tous les autres participants, ces représentants ont utilisé des canaux informels pour s’exprimer auprès des personnes concernées. La prise de position par consensus convient généralement bien à ces acteurs puisqu’elle n’exige pas des représentants qu’ils appuient explicitement et formellement des propositions de la Table pour que ces dernières puissent néanmoins progresser.

Alors, on a été obligé de développer des lieux en dyade. La Santé publique, ils ont une capacité de reddition de compte, ils ont le droit de parler sur la place publique eux autres. Ben oui ils ont le droit c’est leur mission. Alors, on n’était pas, on ne jouait pas, on n’était pas des joueurs égaux. (Claire, fonctionnaire)

Les représentants du milieu gouvernemental connaissent évidemment bien le fonctionnement de l’État. Les tables de concertation constituent un mécanisme de

collaboration souvent employé par le gouvernement. Pour certains, il s’agit simplement d’un forum supplémentaire parmi tous les autres auxquels ils participent déjà. Les représentants d’associations se trouvent également en terrain connu puisqu’ils doivent fréquemment participer à des instances de ce type pour défendre leurs intérêts. L’expérience et la familiarité avec ce genre de processus de concertation ont permis à ces participants d’être rapidement plus productifs au sein des délibérations.