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2. Collaboration interorganisationnelle

2.2 Rôle des coordonnateurs

Les initiateurs et les coordonnateurs d’une collaboration interorganisationnelle jouent un rôle fondamental dans la mise en œuvre et le fonctionnement de cet exercice collectif. Il peut s’agir d’une seule personne ou d’un groupe d’individus, de l’un ou l’autre des paliers du gouvernement, de l’une ou l’autre de ses instances ou représentants, d’une organisation privée ou sans but lucratif, d’un regroupement de chercheurs ou de parties prenantes. Peu importe leur genre, les coordonnateurs de collaboration ne bénéficient pas tous de la même force d’influence et ne recourent pas nécessairement aux mêmes stratégies pour mener l’exercice collectif. Ils peuvent, par exemple, disposer d’une influence formelle, comme celle du gouvernement, ou d’une influence informelle basée sur leur connaissance, leur expertise et leur crédibilité au sein d’un réseau d’acteurs ou d’un domaine en particulier.

Dans des situations où les coordonnateurs procèdent de manière proactive dans la mise sur pied d’une collaboration interorganisationnelle et qu’ils disposent d’une influence formelle, ils peuvent recourir à leur autorité et à leur contrôle des ressources pour convaincre les acteurs de participer à l’exercice collectif dont ils sont les maîtres

d’orchestre. Dans ce contexte, la participation des acteurs est généralement motivée par le fait qu’ils craignent d’être désavantagés s’ils ne s’engagent pas et préfèrent alors essayer de tirer profit de leur participation. Nous verrons que ce fut en partie le cas de la Table québécoise de la sécurité routière (TQSR) à ses débuts.

The central attribute of the convener is power and control over resources, because a mandated collaboration is held together (at first) by participants’ fear of what they will lose if they do not participate and possibly by their expectations of gaining something from a bilateral relationship with the convener. (Gray et Wood, 1991, p. 152)

La connaissance du domaine d’activité et des acteurs qui le composent permet aux coordonnateurs d’inviter ceux qui sont pertinents et légitimes, ou ceux qui souhaitent être entendus, en regard de l’objectif de la collaboration et de leur habileté à participer à ce genre d’activité collective. À ce sujet, Gray (1989) soutient que le rôle des coordonnateurs d’une collaboration « is to identify and bring all the legitimate stakeholders to the table » (p. 71). Cette même auteure souligne toutefois qu’il n’est pas nécessaire que les coordonnateurs regroupent l’ensemble des parties prenantes d’un domaine d’activité pour atteindre les objectifs escomptés. Par exemple, les coordonnateurs peuvent décider de limiter la participation des acteurs à ceux qui souhaitent véritablement travailler collectivement sur la problématique identifiée. Ils peuvent également associer ceux qui détiennent le plus grand pouvoir d’influence et la plus grande autorité dans le domaine avec ceux susceptibles de proposer des idées et des solutions novatrices. Les coordonnateurs peuvent aussi simplement inviter la très grande majorité des acteurs touchés de près ou de loin par la situation. Dans un tel cas, l’effet créé par ce regroupement collectif peut susciter l’intérêt et la conscientisation d’acteurs qui, au départ, ne se sentaient pas concernés par le sujet de la collaboration et même,

plus largement, la population en général. Ce type d’effet a joué un rôle majeur dans le cas de la TQSR comme nous le verrons plus loin.

Autant la participation de l’ensemble des acteurs ne garantit pas le succès de la collaboration, autant le refus de participer de certains ne conduit pas obligatoirement à des préjudices. Néanmoins, les interactions et les processus qui sous-tendent la collaboration sont influencés par la présence ou l’absence de certains acteurs. En effet, les auteurs Gray et Wood (1991) mentionnent que « stakeholders who are excluded can possibly interfere with the adoption of agreed-upon outcomes by introducing damaging information or by calling into question the legitimacy of the process » (p. 155). Dans une collaboration interorganisationnelle, ce n’est donc pas le nombre d’acteurs qui importe, mais plutôt leur pertinence et leur coordination (McGuire, 2006).

C’est pourquoi les coordonnateurs d’une collaboration représentent des éléments importants d’efficacité en favorisant et en pilotant stratégiquement les processus de délibération et de négociation à la base de l’adoption et de la mise en œuvre de politiques et d’actions novatrices. En raison de leur aptitude et de leur habileté de leaders et d’administrateurs, ils établissent des procédures de fonctionnement, stimulent et encadrent les interactions au sein des activités de la collaboration. Leurs attitudes mobilisatrices peuvent favoriser la création de liens entre les divers acteurs. Ces relations passent autant par des canaux formels et informels de communication, par la technologie que par les interactions directes entre les personnes (Innes et Booher, 1999). Ces liens contribuent à coordonner les actions et à créer les relations nécessaires au partage de connaissance et d’une confiance mutuelle entre les participants. À cet égard,

McGuire (2006) affirme que : « The more points of contact among network members, it is argued, the better the communication and the greater the trust » (p. 38). Tout en faisant preuve d’impartialité et de neutralité, les coordonnateurs de la collaboration interorganisationnelle jouent ainsi un rôle essentiel dans la construction d’une confiance réciproque et d’un sentiment d’appartenance.

Le style de leadership adopté par les coordonnateurs participe également aux succès d’une collaboration interorganisationnelle. Étant donné la diversité d’intérêts et de préoccupations qui entrent en jeu dans un tel exercice collectif, les processus de délibération et de négociation requièrent la présence de leaders capables de guider et d’animer des discussions constructives. Par exemple, avec une direction centralisée et dominante, les participants risquent de se sentir exclus du processus de délibération. Avec un leadership sous l’influence des autorités politiques, les discussions peuvent demeurer à un niveau normatif sans aucune réelle volonté de changement d’opinion ou d’action. Dans un cas comme dans l’autre, le succès et les résultats de la collaboration sont compromis. À l'inverse, avec un ascendant participatif les interactions et les délibérations favorisent la communication et le partage de perspectives et d’orientations productives (Mohammed, 2001).