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La violence et l'agressivité

3- Différences et similitudes une question de contexte

3.1 Différences et similitudes appliquées au concept de genre

3.1.2 Différences et similitudes, émotions et comportements

3.1.2.1 La violence et l'agressivité

Les hommes ont la quasi-exclusivité du comportement violent. Comme le disent Molinier et Welzer-Lang dans la citation de la conclusion du point précédent, les hommes sont reconnus comme ayant la capacité de se battre et avoir un certain « droit » à la violence envers ceux qu'ils dominent physiquement et en particulier les femmes (Molinier, Welzer-Lang, op. cit : 77). Si les hommes se sentent en droit d'exercer une telle violence et de se battre c'est que ce genre d'action est attendu de leur part, car c'est un comportement considéré comme normal et naturel pour eux. (Ibid.).

Dès lors, il devient condamnable pour une femme d'avoir le même genre d'action violente, car il serait considéré comme anormal ou pire comme déviant. Ceci pourrait trouver une confirmation dans la condamnation sans appel des culturistes femmes puisque celles-ci pourraient être le symbole de la perte de l'exclusivité de la force et donc du potentiel de violence. Selon Gilbert on dit des femmes violentes qu'elles sont anormales ou folles, mais de toute façon, elles sont déviantes par

rapport au modèle qui veut que ce soient les hommes qui soient violents. Elles ne correspondent pas à leur stéréotype qui les veut douces et passives (du moins pour les femmes occidentales blanches). (Gilbert, 2002).

Bien sûr les femmes peuvent être violentes malgré tout, mais leur violence sera interprétée différemment de celle des hommes. Selon Campbell, les femmes violentes sont perçues comme incapables de se maîtriser alors que les hommes violents sont perçus comme tentant de prendre le contrôle sur l'autre ou les autres. (Campbell, 1993 : 1)

Comme pour confirmer cette différence entre la violence masculine et la violence féminine, Gaborit fait remarquer qu'

« Il existerait dans le langage courant, notamment en anglais et en français, une distinction entre prendre le contrôle, qui serait un élément masculin, et perdre le contrôle qui relèverait davantage du féminin [...]. La violence tournée vers l'extérieur serait donc davantage une représentation de la violence masculine que la violence féminine. À l'inverse, la violence féminine s'apparenterait davantage à ce que Sigmund Freud nomme l'hystérie [...]. Pour les femmes, la menace provient donc de l'intérieur, alors que pour les hommes elle viendrait de l'extérieur. L'agression pour les femmes servirait à relâcher une tension interne, alors que les hommes pourraient retirer d'une possible agression un sentiment de supériorité, d'estime et de confiance en soi et même des bénéfices sociaux en terme de capital social. Les différentes représentations sociales sur le genre, la violence et la domination ont donc des répercussions au niveau social. » (Gaborit, op. cit. : 23)

L'agressivité des femmes s'extériorise plutôt verbalement alors que celle des hommes s'exprime plutôt physiquement. (Green, 1998 : 8). Mais Green ne pense pas que cette différence d'expression provient de nature différente, mais plutôt d'une socialisation différenciée selon le sexe. (Ibid.) Ce seraient les rôles de genre qui influenceraient le type de violence que l'on considère approprié pour notre sexe et celui auquel on recourra. (Ibid. : 11) Et le même schéma de comportement se retrouve chez les enfants du primaire, cette socialisation différenciée et l'intégration de schémas de comportement particuliers aux hommes et aux femmes en ce qui concerne la violence, commence donc très tôt dans la vie. (Ibid.) De leur côté, les recherches de Bushman et Anderson montrent que les différences sont négligeables en ce qui a trait à la violence verbale (1998 : 33). Par contre, ils ont découvert des différences entre les gens selon les types de personnalité. (Ibid. : 34)

Cette tendance à vouloir régler les conflits par la violence ne semble pas être aussi naturelle qu'elle le paraît. En fait, le milieu social et/ou la culture influent grandement sur la possibilité de voir une personne tenter de régler ses problèmes par

un acte violent. À titre d'exemple voici ce qu'en dit Green « [...] Americans may be more likely to think of violent solutions to problems than persons form most other industrial nations. » (Ibid. : 16). En plus de stéréotypes propres aux femmes et aux hommes en ce qui concerne la violence, il semble donc y avoir une culture de la violence qui soit diffusée, entretenue et pratiquée par ses membres et celle-ci est différente de celle de voisins pourtant culturellement proches. La guerre serait la variable qui affecte le degré de violence toléré ou encouragé au sein d'une population particulière. « Violence may therefore become embedded in social norms that prescribe the conditions under which aggression is an acceptable, and even socially desirable, behavior. » (Ibid.)

Même si d'autres facteurs entrent certainement dans le processus d'augmentation et d'acceptation sociale de la violence, le fait que l'on puisse faire une corrélation entre un fait social de grande envergure (comme la guerre) et la violence qui imprègne la culture par la suite, n'est pas sans donner quelque validité à la thèse voulant que le recours à la violence soit socialement construit, cependant, d'autres chercheurs ne partagent pas cet avis.

Les défenseurs de la thèse biologique ont pour argument que la violence des hommes est une faculté adaptative à l'origine de leur succès reproductif, celle-ci serait comparable au comportement violent des chimpanzés même si chez les hommes elle ne s'exprimerait pas toujours. (Geary, op. cit. : 215). On admet cependant que les femelles ont aussi un certain degré de violence chez les primates. Néanmoins, cette violence n'est pas aussi intense que celle des mâles parce que celle-ci est principalement orientée vers un accaparement de nourriture ou attirer l'attention d'un mâle, les deux devant mener à une meilleure survie des petits de la femelle et donc augmenter son succès reproductif, la violence des femelles ne mène donc jamais à la mort d'une des deux opposantes. (Ibid. : 235).

On explique cette différence par le fait que les mâles peuvent risquer de perdre la vie dans un combat parce que les bénéfices qu'ils retirent d'une victoire sont potentiellement plus importants que leur propre vie en cas de défaite alors que pour les femelles, leur vie est trop précieuse dans tous les cas compte tenu de leur investissement parental. (Ibid. : 238).

À partir de ces constats sur les primates ou du moins sur les chimpanzés et les gorilles, on infère que la violence des hommes est un héritage biologique alors que chez les femmes, on ne fait pas de lien direct avec le comportement des femelles

primates ou du moins on minimise son importance en extrapolant des liens avec d'autres comportements que l'on considère typiquement féminins. Chez les femmes on parle d'agression relationnelle ou indirecte comme la médisance, la création de rumeurs, les atteintes à la réputation ou l'ostracisme (Ibid. : 236), ce qui est tout à fait en lien avec ce qui est socialement le plus généralement admis comme étant la violence des femmes. On admet cependant que dans certains cas, comme, par exemple la polygynie imposée aux femmes dans certaines cultures peut mener au meurtre des enfants des coépouses. On attribue cela à une meilleure possibilité de succès reproductif des meurtrières puisque leurs propres enfants jouiront de plus de ressources et donc auront plus de chances de survie. (Ibid. 240)

Cependant, il n'y a pas que pour les femmes pour lesquelles on fait des extrapolations. Geary avoue que, dans les sociétés monogames, la violence des hommes s'est transformée pour devenir essentiellement une accumulation de succès culturel. « Achieving cultural success is simply another means of achieving control and increasing one's ability to exercise one's reproductive preferences, but this influence is not achieved by force. » (Ibid. : 244)

Dans ces mêmes sociétés, les femmes « [are] competing [...] for the more desirable bachelors. » (Ibid.)

Dans les sociétés monogames, Geary fait donc le lien entre le désir de succès social et culturel des hommes, soit le pouvoir, l'argent et le contrôle qu'ils permettent d'exercer sur d'autres êtres humains et la violence qu'ils ont hérité de leurs ancêtres. Il est donc légitime pour un homme de désirer se faire une place dans la hiérarchie du pouvoir et de l'argent, car ce besoin est inscrit dans ses gènes. Pour les femmes, par contre, cette violence ne peut s'exprimer que par une violence relationnelle afin d'éloigner les rivales potentielles de l'homme qui les intéressent. (Ibid. : 245) Pour les femmes, il n'y aurait donc pas d'origine biologique au désir de succès social et culturel. La violence qu'elles ont héritée de leurs ancêtres, ne leur permet pas de justifier un désir de pouvoir, d'argent ou de contrôle sur d'autres êtres humains, car comme le dit Geary « Most women will have the opportunity to marry and reproduce, whether or not they are culturally successfull. » (Ibid.) On peut alors se demander s'il n'est pas justifié de penser qu'une femme de pouvoir, ou une femme qui veut acquérir de la richesse et y parvient, n'est pas une femme contre nature.