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5- Le terrain

5.1 Les généralités

5.1.3 Féminité/virilité

Il semble que la description de la féminité et de la virilité ait été plus aisée à faire que celle des hommes et des femmes. Les gens ont beaucoup plus associé les deux termes aux stéréotypes de genre, ce qui a été plus productif et aussi plus diversifié. L'intervention d'Élise touche de nombreux aspects, allant de l'apparence au comportement.

« […] pour moi quelqu'un de féminin, c'est la fille toujours habillée jupe, talons hauts, extra féminin, il y a des variations, des nuances. La jupe, les talons, le maquillage, les cheveux coiffés, elle va brailler, c'est du papotage de filles, que j'appelle. Encore un extrême. C'est féminin. Puis la virilité, ça peut aller jusqu'au Gino. Je vais montrer mes muscles, je vais montrer que je suis beau, séducteur un peu. Mais ce sont des extrêmes, il y a des nuances, mais viril c'est mâle, c'est fort, à la limite, ça peut être rassurant, protecteur. C'est lui qui conduit le char. » (Élise)

Le terme de stéréotype a été prononcé là aussi, mais c'était pour y souscrire et non s'y soustraire. « Pour moi, la féminité, j'ai juste des images de stéréotypes de la Barbie et de ressembler à ce modèle, les blondes. » (Frédérique)

L'idée, donc, de la féminité ainsi que de la virilité est reliée aux stéréotypes. Plusieurs répondants, donnent une image assez négative et restrictive de ce que sont les femmes et les hommes, rejoignant l'idée de Carrié.

« Le système binaire de catégories sexuées essentialise, cloisonne et oppose, voire provoque un déterminisme sur le plan des représentations, des pratiques et des comportements sociaux. Ces différenciations fondées sur le sexe binaire sont sources de discriminations et d'inégalités qui obligent les individus à jouer une partition écrite d'avance par les normes, les valeurs, les pratiques institutionnelles. » (Carrié, 2007 : 16)

L'image de l'homme viril a été assez fertile, rattachant cette idée à la force et à la domination. « C'est ça, quand tu considères que quelqu'un est viril, tu peux le mettre dans l'équation de mon père est plus fort que le tien. T’es capable de dire, il est fort, il est homme, il est viril. » (Myriam). La virilité a aussi été décrite comme un désir d'action, un désir de réaliser des choses, le dynamisme, le travail, la réalisation (Brice).

Myriam, Allie et Anne ont trouvé qu'un homme pouvait ne pas être viril, à ce moment-là elles ont employé les qualificatifs suivants : « mou », « efféminé »,

« lopette », « faible », « doux », « homme rose », « homme qui se laisse manger la laine sur le dos ». Après y avoir réfléchi quelques instants, elles en sont venues à la conclusion qu'il y avait des degrés dans la virilité, et qu'un homme doux pouvait aussi être viril, mais qu'à ce moment là il s'éloignait du stéréotype. Philippe et Guillaume ont employé le terme « moumoune » pour l'opposer à l'homme viril.

Anne a aussi fait une relation entre la virilité et le milieu social. Elle l'associait plus à un milieu populaire, alors que dans les couches élevées elle voyait plutôt les hommes comme des « gentlemen ».

Myriam, Allie et Anne ont noté que la société avait changé et que la virilité était moins bien vue qu'avant, qualifiant de « colon » celui qui la mettrait un peu trop en avant. Mais comme elles avaient fait une équation entre virilité et milieu populaire, il est difficile de savoir si leur condamnation touchait réellement la virilité ou si elle touchait un comportement qu'elles reliaient à une classe à laquelle elles étaient moins habituées. Après une longue réflexion concertant la virilité et la féminité, Myriam a conclu que c'étaient des stéréotypes qui faisaient une opposition entre les extrémités, sous-entendant que la population en général se situait quelque part entre les deux et ne correspondait donc pas à ces modèles extrêmes.

Plusieurs ont fait référence à la force et à la musculature des hommes virils. Bertin a même noté que la virilité était située entre 25 et 35 ans, Brice l'a reliée à la jeunesse. Presque tous ont fait référence au côté construit de la virilité et/ou de la masculinité et au manque de naturel de ces constructions. Ce qui pourrait rejoindre les résultats de certains chercheurs comme Gaborit (op. cit.) et la théorie de l'habitus de Bourdieu (section 2.1) qui associent les stéréotypes à la culture et la socialisation plutôt qu'à la biologie.

Pour le côté féminité, les participants ont fait des références à « la grâce, » « la délicatesse », « la douceur », allant même jusqu'à invoquer « la déesse » (Bertin). Plus souvent que pour les hommes, les répondants ont fait ressortir l'importance des accessoires pour les femmes féminines: des vêtements, de la coiffure, du maquillage, des souliers à talons hauts.

Pour Philippe, la féminité s'exprime aussi par les sujets de conversation. « Après, il faut qu'elle parle de sujets de femme, de théâtre, de toiles, de boucles d'oreille, où elle s'est faite coiffer, combien ça a coûté. » Alors que pour Guillaume et Myriam, c'est l'expression des émotions qui la caractérise.

Il semble que pour l'ensemble des répondants leur description de la virilité puisse rejoindre dans une certaine mesure le début du premier sens de la définition de Molinier et Welzer-Lang.

« La virilité revêt un double sens : 1) Les attributs associés aux hommes, et au masculin : la force, le courage, la capacité à se battre, le "droit" à la violence et aux privilèges associés à la domination de celles, et ceux qui ne sont pas, et ne peuvent pas être virils : les femmes et les enfants…2) La forme érectile et pénétrante de la sexualité masculine. […] La virilité est l'expression collective et individualisée de la domination masculine. » (Molinier, Welzer-Lang, op. cit. : 77)

Deux participants ont fait le lien entre la domination et la virilité, avec l'idée que l'homme doit « prendre le lead ». Une seule personne a fait référence à la possible violence. Alors que trois répondants ont plutôt indiqué que la virilité ferait référence non pas à la violence, mais à l'aspect protecteur.

De plus, certains ont établi qu'une partie des hommes n'était pas virile. Guillaume a aussi rejoint l'aspect sexuel de la définition puisque pour lui la virilité c'est la sexualité. Brice a fait un lien avec la séduction. Personne n'a fait de lien entre d'une part la « forme érectile et pénétrante de la sexualité masculine » et d'autre part la virilité comme l'ont fait Molinier et Welzer-Lang dans la citation précédente.

La virilité comme la féminité ont été liées à l'aspect physique, mais de manière largement plus importante pour la virilité. Alors qu'on a plus souvent fait appel à l'aspect matériel des accessoires de mode pour la notion de féminité.

Ces deux idées ont été associées à des traits de comportements très stéréotypés. Mais la majeure partie des répondants s'est entendue pour dire d'une part que ces comportements étaient artificiels et d'autre part qu'il s'agissait de descriptions extrêmes qui ne représentaient pas la réalité.