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Description des hommes et des femmes

5- Le terrain

5.1 Les généralités

5.1.2 Description des hommes et des femmes

Cette question (Question 1, annexe V) a laissé plus d'un répondant quelque peu déconcerté. Même si chacun sait exactement ce que sont un homme et une femme et ne s'y trompe généralement pas quand il en rencontre un ou une dans la rue, personne ne s'était déjà demandé à quoi le terme d'homme et le terme de femme faisaient référence. Chacun se repose sur le présupposé que les autres savent de quoi il s'agit sans jamais avoir à l'expliciter. Cette question, simple en-soi, a finalement forcé chacun à énormément de réflexion pour arriver à exprimer quelque chose.

Une personne a explicitement posé dès le départ sa vision générale de la description des hommes et des femmes : celle-ci était basée sur les différences. « Je n'ai pas réfléchi à ça beaucoup. Qu'est-ce que je dirais comme différence…» (Marie)

Plusieurs des toutes premières réponses font appel aux différences physiques. Parmi elles, certaines font appel à l'aspect animal des êtres humains en ce sens que les répondants font références au mâle et à la femelle de l'espèce. La moitié au moins mentionne l'aspect plus ou moins mécanique de la reproduction de l'espèce et de la nécessité d'avoir des êtres masculins et féminins pour arriver à cette fin.

La majorité aborde aussi sous une forme ou sous une autre la capacité biologique des femmes à donner la vie, ce qui semblait être une considération différente de la précédente. En effet, le fait d'être enceinte est considéré comme une caractéristique propre des femmes, quelque chose qui les définit intrinsèquement. Alors que reproduire l'espèce semblait être une tâche collective partagée par les deux parties et donc relevait plus de la similitude.

Trois personnes parleront des chasseurs-cueilleurs. «Puis il y en a une qui est attachée au service de collecte puis au soin des enfants au départ en tout cas. Puis les mâles sont occupés aux aspects de territoire et de nourriture. » (Bertin). Myriam et Allie feront aussi référence aux chasseurs-cueilleurs.

Pour Guillaume, sa première remarque a été de dire : «Pour moi, il n'y a pas de différence tellement. Ce sont deux êtres humains. Puis il y en a plein de différences aussi. ». Cet aspect contradictoire allait être la marque de commerce de Guillaume, qui a, tout au long de l'entrevue, fait ressortir de nombreuses similitudes aussitôt contredites par des différences (ou l'inverse). Même si Guillaume l'a exprimé clairement au tout début de son entretien alors que les autres répondants ne l'on pas aussi clairement défini, cette façon ambivalente de concevoir les membres de l'espèce humaine a été le principal moteur des discussions dans la totalité des échanges. Un peu comme si chacun pouvait voir que les différences annoncées dans les stéréotypes étaient réelles, mais qu'en même temps, et de façon récurrente, chacun trouvait dans son environnement immédiat et/ou moins immédiat une ou plusieurs personnes (voire lui-même) qui venait remettre en question ces stéréotypes en agissant ou en étant à l'opposé. Cette ambivalence rejoint ainsi la pensée de Badinter lorsqu'elle dit :

« En vérité nous sommes tous des androgynes parce que les humains sont bisexués, sur plusieurs plans et à différents degrés. Masculin et féminin s'entrelacent en chacun d'entre nous, même si la plupart des cultures se sont plu à nous décrire et nous vouloir d'un seul tenant. La norme imposée fut le contraste et l'opposition. Il revient à l'éducation de faire taire les ambiguïtés et d'enseigner le refoulement de l'autre partie de soi. L'idéal est d'accoucher d'un être humain uni sexué : un homme "viril" une femme "féminine". Mais les adjectifs révèlent ce que l'on veut cacher : toute une série d'intermédiaires possibles entre les deux types idéaux. En réalité, le dressage atteint plus ou moins bien son but, et l'adulte garde toujours en lui une part indestructible de l'Autre. » (Badinter, 1986, op. cit. : 269)

Dans leur description de ce qu'est un homme ou une femme, certains après avoir nommé des différences, en viennent aussi à dire qu'il y a des ressemblances, mais sans élaborer, sans les nommer ou en les exprimant vaguement ainsi : « L'espèce comme telle, c'est celle qui a deux bras, deux jambes, une tête un cerveau, ça c'est commun aux deux. » (Brice)

Anne fera référence aux différences émotionnelles alors que Brice mettra l'accent sur une similitude de caractères.

Au sujet de l'aspect physique, rares sont ceux qui ont parlé des exigences esthétiques imposées par la culture. Cependant, dans l'esprit de Bertin, les femmes sont tout de même celles qui ont une sorte de monopole de la beauté : « Puis les femmes sont en général l'aspect séduisant de la race. Les hommes sont moins séduisants. »

La force et la taille supérieures des hommes sont aussi ressorties comme élément différenciateur à plusieurs reprises. «Physiquement, une femme ne peut pas être un homme et l'inverse non plus. […] Mais quand je parle de physique, je parle de la force physique, une femme c'est pas pareil, ce n'est pas conçu comme un homme, avec les muscles. » (Philippe).

De son côté, Marie fait ressortir un aspect plus traditionnel de la perception de la place des hommes et des femmes, reliant les hommes à l'extérieur et les femmes à l'intérieur. « Les hommes sont dans l'extérieur, dans le faire et dans l'agir. […] Les femmes sont plus au niveau du senti. ». Il faut cependant noter que dans sa vision de l'extérieur et de l'intérieur, elle ne parle pas nécessairement de répartition physique de l'espace (quoiqu'elle puisse aussi en faire partie). Elle lie plutôt l'extérieur à une sorte d'activité et l'intérieur à une sorte de passivité. C'est intéressant dans le cas de Marie, parce que plus loin dans l'entrevue elle dira que son compagnon a une tendance à se refermer sur le couple et sur la maison, en disant cela elle fait un grand geste avec ses deux bras visant à rassembler l'espace et à le ramener vers sa poitrine. Elle explique ensuite qu'elle a une tendance à l'ouverture sur le monde et elle fait le mouvement inverse partant de sa poitrine elle ouvre les bras en un large mouvement vers l'extérieur.

En ce qui concerne la description des hommes et des femmes, les participants se sont surtout attachés à chercher les différences. La majeure partie des gens ont dichotomisé sa réponse dès le départ. Je n'avais pas demandé ce qui différenciait les hommes et les femmes, mais il semble que les répondants aient pensé que le plus représentatif, serait de les mettre en contraste.

Il ressort aussi que les gens ont hésité à faire des descriptions diversifiées de plusieurs aspects. Ceci est illustré par le fait que les descriptions s'en tiennent à de très petits détails en ce qui concerne « l'être homme » ou « l'être femme »: comme la place des uns et des autres au travail, la force physique ou la capacité de reproduction.

Les hésitations ont peut-être, au moins dans certains cas, été amplifiées par la peur de tomber dans des stéréotypes, le mot ayant été prononcé. Certains des répondants ont donc voulu aller au-delà ou à côté afin de ne pas mettre de l'avant des clichés populaires.