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3- Différences et similitudes une question de contexte

3.1 Différences et similitudes appliquées au concept de genre

3.1.1 Différences et similitudes physiques

3.1.1.1 La taille

Il est toujours possible de séparer l'humanité en groupe et en sous-groupes et à trouver des moyennes qui soient statistiquement significatives. Dans cette section sera exploré le genre de discours qui peut être fait en prenant en considération une certaine différence au sein même d'une des deux catégories sexuelles (soit la différence intragroupe entre les grands (moyens) et les petits hommes) afin de parvenir à des conclusions diverses.

Selon Herpin, qui a fait son étude sur les Français en France, les intellectuels sont plus grands que les travailleurs manuels et les employés agricoles (Herpin 2003 : 72).

Ce qui est intéressant dans ces résultats, c'est que l'on peut voir une division sociale entre le fait d'être « grand » et ce lui d'être « petit ». Herpin passe en revue ce qui peut être à l'origine des différences de taille entre les gens, mais plus particulièrement entre les hommes. Il mentionne que l'alimentation dans l'enfance a une incidence dans les pays pauvres (Ibid. : 73), mais dans les pays riches « […] le travail précoce -- dont l'âge auquel la personne quitte l'école est l'indice -- a des effets néfastes sur la taille définitive pour les hommes […]. » (Ibid. : 74), pour les femmes, on ne le sait pas puisqu'il ne le mentionne pas; on ne sait donc pas si les femmes qui restent à l'école sont plus grandes que celles qui quittent l'école jeunes, ou si les

femmes sont « petites » peu importe leur instruction. Mais le fait que les hommes resteraient à l'école plus longtemps qu'auparavant expliquerait, selon lui, le grandissement plus important des hommes depuis trente ans soit 4,5 cm pour les hommes et seulement 3 cm pour les femmes (Ibid. 73). Pourtant les femmes vont bien plus à l'école qu'avant.

Cependant dans son explication, Herpin explique que le fait que les hommes fassent des travaux moins durs aujourd'hui et restent plus longtemps à l'école justifie l'écart de grandissement moyen entre les hommes et les femmes. Mais il ne semble pas se pencher réellement sur ce qui touche les filles ou les femmes, on comprend donc difficilement sa remarque sur l'écart de taille.

Mais un peu plus loin, il mentionne que le fait que les filles commencent jeunes à travailler ne les empêche pas de grandir autant que les garçons parce que « […] leur travail rémunéré ne nécessite pas autant de force que celui des hommes lorsqu'il commence avant la fin de l'adolescence. » (Ibid. 74). Il avance donc l'idée que ce serait plutôt le manque d'exigences de force physique du travail des jeunes filles (comparé au travail des jeunes garçons) qui prévalait auparavant et qui continue à prévaloir qui fait que les femmes ne gagnent pas autant que les hommes à rester sur les bancs de l'école.

Il ne parle pas non plus des garçons qui commencent un sport, demandant de la force, avant la fin de l'adolescence. Ceux-ci sont-ils plus petits que ceux pratiquant d'autres, pas ou peu de sports ?

Puis il arrête là les comparaisons entre les hommes et les femmes, ne cherchant pas à savoir si, par exemple dans le milieu ouvrier qu'il cite, les filles n'ont pas commencé à travailler aux tâches domestiques non rémunérées bien avant que les garçons ne commencent leur travail rémunéré et que ceci peut avoir une incidence sur leur croissance et si ceci serait toujours en vigueur. De plus, lorsqu'il parle de nutrition dans l'enfance comme n'ayant pas d'influence dans les pays riches, il ne mentionne nulle part les contraintes sociales imposées aux filles par l'entremise, de leurs pairs, de leur mère, des médias, de la publicité, de la mode, des top modèles, des actrices et le discours incessant sur la taille, la minceur, les régimes et les diètes, il ignore aussi le phénomène de l'anorexie. Or selon la biologiste et paléoanthropologue Peyre, l'alimentation peut avoir une grande importance sur la stature des individus.

« D'une manière générale, le dimorphisme sexué est plus manifeste chez les groupes humains où garçons et filles, hommes et femmes ne se nourrissent pas de la même manière, car ces différences de régime alimentaire, surtout durant la croissance, laissent des traces importantes sur l'os. » (Peyre, op. cit. : 44)

Il est dès lors assez aisé de se demander s'il a suffisamment fouillé le sujet en ce qui concerne les femmes. Bien que son article porte sur l'influence de la taille sur la réussite des hommes, son article comporte de nombreux tableaux comparatifs entre les hommes et les femmes et il en parle à de nombreuses reprises. Il semble qu'il y ait une lacune dans son analyse concertant certaines données qui peuvent avoir de l'influence sur la taille des femmes. Il semble considérer la petitesse des femmes comme une évidence naturelle alors que la différence moyenne de la taille entre certains groupes d'hommes semble être socialement construite.

Selon son analyse, les hommes grands ont de meilleurs emplois, de meilleurs revenus et ont plus de chance de se retrouver en couple.

Selon lui, le plus grand succès au travail ou en amour dans la vie des hommes grands, semble dépendre de la capacité (de la volonté ?) des hommes à se maintenir sur les bancs de l'école assez longtemps pour devenir suffisamment grands.

Mis à part le fait qu'il aurait été intéressant d'avoir les mêmes statistiques pour les femmes, il serait aussi intéressant de comparer les petits hommes et les grandes femmes et voir lesquels réussissent mieux dans leurs études et leur vie professionnelle et en amour, afin de déterminer si la taille influe aussi la réussite des femmes ou d'autres comparaisons du même type, il y aurait certainement là des résultats statistiquement significatifs, qui pourraient justifier une théorie ou une autre. En poussant aussi la comparaison dans le sens de certaines des affirmations d'Herpin, on pourrait aussi, éventuellement, avancer que si ce sont les hommes qui tiennent les rênes du pouvoir politique et celles de la finance c'est parce qu'ils sont en moyenne plus grands que les femmes. Herpin avance en effet que « La taille élevée d'un homme est perçue comme une aptitude à commander, compétence cachée que ne mesure pas la qualification scolaire, mais qui compte dans la poursuite d'une carrière professionnelle. » (Ibid. : 89)

Finalement l'article d'Herpin montre que dans la société française en général, il existe une discrimination envers les hommes de petite taille, que ce soit en ce qui a trait à l'emploi ou à la sélection d'un compagnon par les femmes.

Du côté du sport, on peut se rendre compte que la taille a une importance sociale en particulier la grande taille chez les hommes entre les hommes. Sur le site de Wickipedia, qui n'est pas un site à caractère scientifique et peut donc être considéré comme représentatif de l'opinion populaire, à la page « Human height » on écrit que « Epidemiological studies have also demonstrated a positive correlation between height and intelligence. » (Wickipedia, 2010), les administrateurs ont noté que c'était douteux et il n'y a pas de référence pour cette affirmation. Mais si on relie cette affirmation à l'article de Herpin, on pourrait être porté à croire que si les cadres supérieurs sont plus grands que tous les autres hommes, c'est parce qu'ils sont plus intelligents, ou qu'ils sont plus intelligents parce qu'ils sont plus grands et c'est pourquoi ils ont de meilleurs emplois. Il est possible de voir entre les deux perceptions une sorte de continuité entre le fait scientifique et la croyance populaire, bien qu'il soit fort peu probable que l'intelligence soit une caractéristique biologique des hommes grands, le fait est néanmoins générateur d'imaginaire.

Il semble que l'on puisse faire une équation qui pourrait donner à penser que pour réussir sa vie, il vaut mieux être grand, du moins quand on est un homme.

Sur même site de Wickipedia que cité plus haut, on peut aussi voir, sur la moitié de la section texte de la page (plus de la moitié si l'on extrait le très long tableau des tailles à travers le monde), l'intérêt des auteurs pour les sports où la grande taille est un avantage. On peut voir là une valorisation plus ou moins consciente de la grande taille. Les sports présentés sont les sports les plus connus en Occident. Il n'existe que deux sports sur dix-sept pour lesquels on mentionne des femmes, soit l'aviron et le tennis, et un seul sport pour lequel la petite taille est un avantage. Ce paragraphe ne comporte qu'une ligne et aucun athlète n'est présenté. Cette énumération des sports pour athlètes masculins de grande taille permet de voir l'intérêt populaire pour cet aspect de l'anatomie humaine ainsi que sa valorisation sociale. Les sports parmi les plus valorisés exigent que les athlètes soient de grande taille. Herpin dans son article, montre que dans ce domaine les déboires des petits hommes commencent très tôt « […] les adolescents de petite taille ne sont pas, en moyenne, favorisés par la plupart des activités sportives obligatoires où la haute taille est souvent un avantage. » (Herpin, Op. cit. : 80), ce qui permet sans doute à l'adolescent petit d'anticiper la moindre valorisation des petits hommes en général.

En ce qui concerne l'amour, Herpin note un peu plus loin que les adolescents de petite taille sont aussi désavantagés par rapport à leurs collègues plus grands en ce qui concerne les filles, car ils ont l'air d'être plus jeunes. (Ibid.)

Cependant, il note que les ouvriers ne sont pas moins en couple que les cadres (Ibid : 74), car au sein même du découpage social qu'il a effectué, il note que la taille a une incidence sur la possibilité d'avoir une vie de couple. « La taille des hommes a donc bien des effets nets sur la vie de couple, effets qui ne se confondent pas avec ceux du milieu social. Être petit est un handicap pour la mise en couple quel que soit le niveau social […] » (Ibid.)

Il note que l'homme « apporteur de ressource » est un critère important pour les femmes. Les statistiques qu'Herpin met de l'avant prouvent que les grands gagnent plus que les petits, ce qui nuit aux hommes petits pour se trouver une partenaire lorsqu'ils sont jeunes. Mais il dit douter que ce fait puisse être pris en compte par les gens (car ils n'en sont pas conscients). (ibid. : 83). Cependant quelques lignes plus loin, il écrit que plus tard dans leur vie les petits « […] ont fait la preuve de leur sérieux et apparaissent comme apporteurs fiables de ressource. » (Ibid) ce qui leur permet alors de se trouver une compagne. Mais c'est une déduction qui ne peut manquer d'étonner, car s'il n'y a aucun lien entre la taille et les ressources dans l'esprit des gens et donc des femmes lorsqu'elles voient un petit homme jeune, comment pourraient-elles prendre en considération le fait qu'il est un apporteur fiable de ressource quand il est plus âgé, puisque de toute façon, il aura moins de succès dans sa carrière qu'un grand et que cette perspective n'a pas changé au cours de son vieillissement ? Ne pourrait-ce être plutôt le fait que les femmes jeunes4 voient

en ces hommes matures quelqu'un qui possède déjà des ressources alors que les hommes du même âge qu'elles (quelle que soit leur taille) n'en ont pas encore (plutôt que quelqu'un qui a prouvé qu'il pouvait en avoir). Il se pourrait aussi que les hommes petits plus âgés soient intellectuellement et émotionnellement plus matures que leurs concurrents plus jeunes ce qui pourrait être un attrait. Il se pourrait aussi, tout simplement, que le bassin de femmes jeunes est plus grand que celui des femmes plus âgées qui sont déjà en couple avec des plus grands, ce qui expliquerait que les petits ont plus de choix chez les jeunes femmes et donc se retrouvent plus souvent avec l'une d'entre elles.

Ce sont diverses possibilités que n'a pas envisagées Herpin (il n'envisage la maturité que sous l'angle de l'emploi (Ibid.). Pour être certain que ce soit l'argent qui attire les jeunes filles vers les petits matures, il aurait fallu savoir si les petits matures et pauvres avaient moins de chance de se trouver en couple que les petits matures et riches.

En ce qui concerne l'amour, Herpin fait mention d'une norme sociale qui favoriserait les grands hommes (Ibid. 86). Cette norme exige que le couple soit assorti c'est-à-dire que l'homme soit plus grand que la femme. Ce qui favoriserait les grands dans une certaine mesure, mais il ne faut pas que l'écart soit trop grand. (Ibid.)

Cependant, il ne parle pas explicitement de norme sociale ou de stéréotypes sociaux favorables aux grands hommes. Il ne dit pas que cela pourrait jouer en ce qui concerne les possibilités d'emploi. Ce fait est particulièrement étonnant, car il explique que la taille ne joue pas pour les fonctionnaires qui doivent passer un concours et ne sont donc pas vus par leurs futurs employeurs qui les jugent sur les résultats d'examen écrits alors qu'elle joue pour les employés qui doivent se présenter en personne à une entrevue. (Ibid. : 81). Il ne tire aucune conclusion des faits qu'il présente et ne fait aucune recherche sur la possibilité que soit utilisé un filtre social, un préjugé négatif, qui discriminerait les petits (pas seulement en amour).

Pourrait-on penser que les hommes petits, qui ne sont pas en moins bonne santé (Ibid. : 83) ne sont pas moins travailleurs, ni moins forts, ni moins efficaces dans leur travail (Ibid. : 76), soient discriminés sur la seule base de leur taille parce que celle-ci les fait plus ou moins consciemment ressembler à des femmes puisque celles-ci sont considérées comme ayant le monopole de la petite taille et que pour un homme le fait d'avoir un attribut spécifiquement féminin les dévalorise socialement ?

Mais en allant plus loin, il est aussi possible de se poser la question à savoir si les femmes elles-mêmes, ne sont pas discriminées dans plusieurs domaines simplement sur la simple application générale de la règle qui veut qu'elles soient petites et que l'on attribue aux grands des capacités supérieures dans à peu près tous les domaines, et ce, en dépit du fait que les statistiques semblent démontrer qu'ils n'ont pas plus de capacités que les autres, comme le démontre l'étude d'Herpin sur les différences entre les petits hommes et les grands hommes.