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5- Le terrain

5.1 Les généralités

5.1.4 Les rôles sexués

Plusieurs ont fait référence à leur propre socialisation, à son contexte. Les interventions montraient une conscience de différences qui peuvent émerger selon la diversité des environnements dont ils ont connaissance. Élise nous informe que son identité a été façonnée par le fait qu'elle vient d'une famille de sept filles dans un milieu agricole, le manque de garçons l'ayant en quelque sorte poussée à en devenir un par besoin; besoin d'un garçon pour prendre en main la ferme paternelle, et besoin pour elle d'être reconnue pour sa valeur personnelle plutôt qu'ignorée dans ce qu'elle nomme « le paquet de filles ».

On peut faire un parallèle entre le vécu d'Élise et ce que rapporte Saladin d'Anglure (voir section 1.1.2). Bien sûr, la situation est ici différente en ce que c'est Élise de son propre chef, qui a consciemment joué le rôle de garçon. Alors que chez les Inuits, ce sont les parents qui décident d'élever leur fille en garçon. Mais la similitude des deux situations se situe dans le fait que dans les deux cultures on dichotomise les activités des garçons et des filles et que pour une raison ou une autre, on en vient à avoir une fille qui doit faire des activités de garçon, ceci implique que le choix est donc possible.

Pour Guillaume, les choses se sont passées un peu autrement, puisqu'il avait des sœurs, cependant, l'absence quasi totale de son père et la façon dont sa mère élevait ses enfants à modelé sa façon d'être un homme.

«Moi, dans mon entourage, les gars c'était tough, puis les filles faisaient la vaisselle puis le ménage, mais chez moi, ça a toujours été l'inverse. Mes sœurs pouvaient prendre un marteau, ma mère a construit la maison, comme un gars. Moi à trois ans, je lavais la vaisselle. Puis le samedi matin, gars comme fille, c'était tout le monde, on faisait le ménage, puis chacun à tour de rôle on avait notre tour de vaisselle. […] Nous on était élevé également. Moi je n'ai jamais senti la différence.» (Guillaume)

Dans sa description, Guillaume, s'attarde à bien décrire les rôles sexués traditionnels et la façon dont ils étaient vécus dans son milieu familial. Malgré ce qu'il dit dans ce passage, ce n'est pas tant que chez lui les choses étaient inversées, mais plutôt que tout le monde faisait de tout, comme il le mentionne à la fin. Il semblerait donc que l'absence du père doublée de la volonté de la mère d'élever ses enfants de façon similaire ait contribué à une socialisation différente de leur environnement immédiat, soit un milieu ouvrier.

Il est aussi possible, comme le fait Philippe, de faire intervenir la socialisation, tout en niant son impact. « On [nous les garçons] a été élevé plus avec notre père, on […] faisait des choses de gars, comme peinturer un char, changer l'huile, ce n'est pas que vous êtes pas capable de le faire [vous les filles (s'adressant directement à moi)], mais un gars c'est ça. » (Philippe). Pour lui, faire des activités de gars avec son père est une chose naturelle, un peu comme si les jeunes garçons avaient des dispositions particulières pour travailler sur une auto. Le fait que les filles puissent le faire est reconnu, mais comme cela ne semble pas naturel, le manque de légitimité pour leur sexe est, en quelque sorte, sous-entendu.

La plupart des répondants ont fait au moins une référence au côté construit de certains comportements sociaux. « Les femmes sont plus attentionnées, mais ça

c'est très culturel, on n'est pas comme ça. Les femmes sont peut-être plus attentionnées que les hommes. Je ne sais pas. » (Anne). On sent dans cette réponse toute l'ambivalence par rapport à une possible construction d'un comportement et sa possible origine naturelle. Dans la remarque suivante aussi, quoique là, Élise commence par faire une affirmation de différence, puis elle en vient à faire ressortir le côté construit des choix de métiers par exemple. Choix qu'elle a fait elle-même, puisqu'elle est opératrice de machinerie lourde.

« Moi je viens de la campagne, mais j'ai toujours senti une séparation entre les sexes. Les activités de gars, les activités de fille, c'est plus traditionnel. Les hommes travaillent, mais les femmes quand tu as des enfants, c'est à la maison. Sortir des métiers traditionnels, oui, on a accès à ça, mais ça demande des efforts. » (Élise)

Ce que l'on ne sait pas de sa remarque c'est si elle pense que c'est plus facile pour les hommes de faire des métiers traditionnellement masculins parce qu'ils sont faits pour ça ou s'ils le font parce que leur socialisation leur ouvre ces voies. Elle ne nous dit pas si elle a dû faire des efforts parce qu'elle est une fille biologique (et donc pas faite pour ça) ou parce que dans son milieu c'était mal accepté.

Finalement, Anne soulève un point d'intérêt, à savoir que certains comportements pourraient être obligatoires, pour un sexe alors que l'autre pourrait avoir les mêmes, mais être libre de choisir de n'en rien faire. « […] la femme faut qu'elle se montre plus attentionnée, plus attentive au niveau des enfants. Puis l'homme peut se permettre, pas de ne pas l'exprimer ou de rien faire, mais il n'est peut-être pas obligé d'être aux petits soins. » (Anne)