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4- Différences, similitudes réalités et artéfacts

4.3 Les similitudes

Le sujet des similitudes entre les hommes et les femmes n'est indéniablement pas un champ de recherche privilégié. Tout d'abord, comme cela a déjà été mentionné, il est fort moins probable qu'un article scientifique soit publié s'il a comme sujet les similitudes, ou la réfutation de différences, ensuite, un article dans les médias populaires a aussi très peu de chances d'être publié, les deux combinés ensemble produisant une impression de différences allant au-delà de leur importance réelle.

Cette impression peut, dès lors, justifier la perception de différences ou la création de différences là où, il n'y a en fait que similitude. « In the social construction of gender, it does not matter what men and women actually do; it does not even matter if they do exactly the same thing. The social institution of gender insists only that what they do is perceived as different. » (Lorber, 1991 : 279)

Mais plus que cela, c'est l'importance que l'on accorde socialement aux tâches accomplies par les hommes qui leur donnent de la valeur, conséquence

16 Cet exemple pourrait être considéré comme anecdotique puisqu'il ne concerne qu'une quantité

infinitésimale de personnes, cependant son importance symbolique est primordiale compte tenu de l'importance sociale accordée à ce genre de récompense honorifique et compte tenu aussi des modèles de leur sexe que ces femmes offrent aux petites filles.

obligée de son accomplissement par une personne à qui la valence différentielle des sexes accorde la meilleure part. Et la similitude faite différence acquiert aussitôt une valeur marchande ainsi que du prestige.

« [L]es mêmes tâches peuvent être nobles et difficiles, quand elles sont réalisées par des hommes, ou insignifiantes et imperceptibles, faciles et futiles, quand elles sont accomplies par des femmes; comme le rappelle la différence qui sépare le cuisinier de la cuisinière, le couturier de la couturière, il suffit que les hommes s'emparent de tâches réputées féminines et les accomplissent hors de la sphère privée pour qu'elles se trouvent par là même ennoblies et transfigurées [...] » (Bourdieu, 1998, op. cit. : 86)

On pourrait arguer que ce genre de différence n'est que sociale qu'elle est construite, mais que son origine est biologique ce qui la justifie. Cependant, même si on se fie sur la biologie, les similitudes sont plus souvent la règle que l'exception. « Humans occur in two basic biological types, male and female. By concentrating on sex differences, however, scientists have emphasized the ways in which men and women differ. The fact is they are more alike than different. » (Mitchel, 1981 : 193)

Kimmel voit une dimension politique à la volonté de mettre en valeur les différences: « […] the idea that we are from different planets, that our differences are deep and intractable, has a political dimension : To call the "other" sex the "opposite" sex obscures the many ways we are alike. » (Kimmel, op. cit. : 14)

Il arrive qu'un chercheur fasse de la recherche de similitude un objet d'étude. C'est le cas de la psychologue Janet Shibley-Hyde qui a d'élaboré La « Gender Similarities Hypothesis » (Shibley-Hyde, 2005, op. cit.). La chercheure a fait l'étude de 46 méta-analyses afin de déterminer si celles-ci pouvaient supporter son hypothèse et de fût le cas.

Son étude portait uniquement sur des variables psychologiques. Son hypothèse est la suivante : « The gender similarities hypothesis holds that males and females are similar on most, but not all, psychological variables. That is, men and women, as well as boys and girls, are more alike than they are different. » (Ibid. : 581) Elle explique comment elle a procédé : « To evaluate the gender similarities hypothesis, I collected the major meta-analyses that have been conducted on psychological gender differences. » (Ibid. : 582). Il est à noter que pour évaluer son hypothèse sur les similarités, la chercheure n'a pu faire appel à des méta analyses portant sur les similarités, mais a dû, au contraire faire appel à celles portant sur les

différences, ce qui d'une part fait ressortir avec acuité le manque d'études publiées sur le sujet des similarités et d'autre part la difficulté de la recherche en ce domaine.

Afin d'évaluer les similarités entre les hommes et les femmes, Shibley-Hyde a étudié la valeur de l'effet. Elle s'est basée sur les valeurs définies par le statisticien Cohen (1969, 1988) afin de déterminer l'importance des différences. Ces valeurs sont présentées ainsi : 0.20 est considéré comme un petit effet, 0.50 un effet moyen et 0.80 grand effet. (Shibley-Hyde, op. cit. : 586). Afin d'illustrer ce que peut représenter un petit effet de 0.20, l'auteure le présente sous forme de courbe (voir annexe II). Cet effet converti en pourcentage représente un chevauchement de la distribution de 85 % et un non-chevauchement de 15 %. (Ibid. : 587). Le résultat de son analyse indique que sur toutes les variables étudiées 78 % d'entre elles montrent une valeur de l'effet petite ou proche de zéro (Ibid.) L'auteure appuie sur le fait que « The small magnitude of these effects is even more striking given that most of the meta analyses addressed the classic gender differences questions--that is, areas in which gender differences were reputed to be reliable, such as mathematics performance, verbal ability, and aggressive behavior. » (Ibid. : 586)

Malgré qu'elle note que certaines différences aient eu des résultats plus élevés, elle n'en relève pas moins que le contexte de l'étude peut grandement influencer les résultats, par exemple, elle note pour un comportement particulier « [T]he gender difference in helping behavior can be large, favoring males, or close to zero, depending on the social contex in which the behavior is measured. » (Ibid. : 589)

Pour Shibley-Hyde, le contexte est un élément essentiel des études sur le genre faisant ressortir toutes les variabilités possibles de résultats, allant de plus différent à plus similaire. « The magnitude and even the direction of gender differences depend on the context. These findings provide strong evidence against the difference model and its notions that psychological gender differences are large and stable. » (Ibid.).

La chercheure affirme qu'il y a des coûts sociaux à l'exagération de l'amplification des différences entre les sexes.

« It is time to consider the costs of overinflated claims of gender differences. Arguably, they cause harm in numerous realms, including women's opportunities in the workplace, couple conflicts and communication, and analyses of self-esteem problems among adolescents. Most important, these claims are not consistent with the scientific data. » (Ibid. : 590)

Même si de nombreux scientifiques s'accordent pour reconnaître qu'il existe des différences entre les hommes et les femmes (cf. Ellis et al., op. cit.). C'est l'explication de la cause de ces différences qui, bien souvent, les séparent, comme par exemple Geary (op. cit.) qui trouve une origine biologique à de nombreuses différences qu'il semble trouver plutôt importantes et la psychologue Matlin (op. cit. : 39) qui trouve plutôt une origine culturelle à de nombreuses différences psychologiques (personnalité et aptitudes). Elle suppute la chose suivante : « Il est fort probable que davantage d'hommes que de femmes seront cadres supérieurs et que davantage de femmes que d'hommes seront secrétaires. Mais, si les hommes et les femmes jouaient des rôles similaires au sein d'une culture, ces différences sexospécifiques seraient pratiquement inexistantes. » (Ibid.)

S'il devait s'avérer que l'hypothèse des similitudes est celle qui est la plus réaliste, il se pourrait alors que la supputation de Matlin puisse, un jour, finir par devenir réalité.