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« Beaucoup de villes d’eaux ont une image forte qui fait partie intégrante de l’identité de telle province. Leur visage, leur urbanisme spécifique, leur décor théâtral, leur charme un peu désuet, leur aspect verdoyant et paisible sont autant d’attraits majeurs »1. Ainsi, Bagnoles de l’Orne, ville de 2 600 habitants située en plein cœur de la forêt des Andaines, est connue et reconnue pour sa cure thermale2.

1.1. Une brève histoire de la station thermale

Avant d’en dresser un portrait plus détaillé, il convient de souligner qu’aujourd’hui encore, cette ville se distingue de ses voisines. Elle est un endroit qui semble hors du temps, où il fait bon se balader, se changer les idées, « faire un break ». L’Office de tourisme du Grand Domaine de Bagnoles de l’Orne présente d’ailleurs la ville comme « le théâtre de la

représentation d'un nouvel art de vivre alliant la nature, la convivialité, le bien-être et la

distraction »3. La particularité de Bagnoles de l’Orne, au-delà du fait qu’elle représente la

1 BOYER Marc, Le Thermalisme dans le grand sud-est de la France, Grenoble, PUG, 2005, p. 11. 2 Des photos du Lac et du Château de Bagnoles de l’Orne sont disponibles en annexe n° 4. 3 Site internet de l’Office du tourisme : http://www.bagnolesdelorne.com. Consulté en avril 2014.

seule station thermale du grand ouest français, tient à ses particularités géographiques. Totalement ceinte de forêt, et organisée autour du grand lac, la ville voit le jour le 29 juin 1913, à la faveur de territoires pris à la Ferté-Macé, Couterne et Tessé.

La ville se développe très largement au début du XXe siècle. De nombreux bâtiments sont construits à cette époque. De la gare au grand hôtel des thermes, en passant par le casino ou le grand hôtel du lac, Bagnoles de l’Orne est, avant la première guerre mondiale, un lieu prisé par la bonne société. L’architecture Belle Epoque qui la caractérise renforce ce côté luxueux et distingué. Sans être ostentatoire, la ville inspire la détente avec ses paysages quasi romantiques. On vient se divertir au casino, au tennis club, et à partir de 1927, au golf. Lieu de villégiature, Bagnoles de l’Orne ainsi que son établissement thermal vont jouir de la visite de plusieurs têtes couronnées telles que le Roi Ferdinand Ier, la reine Marie de Roumanie, et d’hommes politiques tels qu’Edouard Herriot, autant de personnalités qui vont forger sa renommée. Néanmoins, sans source ni cure thermale, nulle doute que Bagnoles de l’Orne serait aujourd’hui, sinon sympathique, une ville comme une autre. À l’instar de la neige pour les stations de ski, l’eau a permis à la ville de se développer économiquement et en termes d’image. En effet, l’activité thermale façonne la ville de Bagnoles. Cette activité trouve son origine dans plusieurs légendes médiévales. L’une des versions reprise comme argument publicitaire relate l’histoire du seigneur Hugues de Tessé, qui, sentant arriver la mort de son fidèle cheval dénommé « Rapide », l’abandonna en forêt avant de rentrer à pied. Une fois à son château, il fût étonné d’y trouver son cheval étincelant, et devenu visiblement plus fort. Il suivit alors l’animal vers les eaux de Bagnoles. Après lui-même s’être abreuvé, il se sentit, lui aussi, rajeuni4.

Un manuscrit « de 1339 évoque la source de « Bagnolles en Couterne en Maine »5. Néanmoins, c’est seulement au XVIIe siècle que la source est connue. La première professionnalisation de la cure est datée de 1691. Ses deux propriétaires, issus du milieu médical, s’attachent à construire maisons et bains. Or, quelques années plus tard, la fontaine devient propriété de Pierre Hélie, considéré comme le premier promoteur de l’établissement thermal. C’est au XVIIIe siècle que son fils, Louis Hélie, Sieur de Cerny, en devient le propriétaire. Il publie alors son « Traité des eaux minérales de Baignoles »6 en 1740, et manie judicieusement les artifices de la publicité pour vanter l’image de son établissement et celle de la ville. Successivement, l’établissement passe dans les mains de plusieurs autres propriétaires

4 Le MAG du bien-être made in Normandie, « La Normandie avec « un grand air » ! », B’o Resort, saison 2015, p. 54.

5 FOUBERT Jean-Marie, Bagnoles de l’Orne, Médecin – Santé – Nature, OREP Editions, 2009, p. 8. 6 Ibidem.

qui marquent de leur empreinte son développement. De nombreux aménagements sont déployés tout au long de la seconde moitié du XVIIIe siècle. En 1812, deviennent propriétaires le négociant Alexandre Lemachois et le riche marquis de Sommariva, qui, amoureux de Bagnoles de l’Orne, y consacre des sommes importantes. Une ère de prospérité débute. Ce n’est qu’au début du XXe siècle, avec l’acquisition par la famille Moulin-Roussel que d’importants travaux d’agrandissement et de modernisation des installations seront entrepris.

1.2. L’établissement B’o Resort et le discours publicitaire du séjour à Bagnoles de l’Orne

Aujourd’hui, sous l’appellation B’o resort (signifiant station de vacances de Bagnoles de l’Orne), s’est développé le complexe thermal à travers plusieurs entités7. Il regroupe, en effet, deux bâtiments réservés aux soins : d’un côté, B’o spa thermal depuis mars 2012 (anciennement appelé « pavillon Cerny ») ; de l’autre, B’o thermes8. L’entreprise B’o resort, c’est aussi B’o Résidences des thermes, établissement trois étoiles, qui comprend B’o restaurant et salon de thé, B’o cottage résidence de charme, établissement quatre étoiles ouvert en juin 2013, ainsi que le Pavillon des fleurs, où exercent les médecins thermaux et où se tiennent diverses conférences organisées tout au long de la cure.

Bien que reposant sur de vieilles légendes médiévales, les bienfaits des eaux Bagnolaises sont scientifiquement démontrés si bien que la source de Bagnoles de l’Orne a été déclarée d’intérêt général public en 1908. L’eau de la source (située sous le hall du B’o Thermes) jaillit à une température de 24,6 degrés. Après une datation au carbone 14, il est établi que cette eau a environ deux mille ans et son origine profonde d’environ huit cents mètres. Pendant de nombreux siècles, cette eau s’enrichit dans les profondeurs du sol et remonte par les failles de la roche granitique, ce qui explique ses propriétés. L’eau est alors tout à la fois riche en oligo- éléments (fer, cuivre, magnésium) et en gaz dissous, faiblement minéralisée, caractérisée par un pH très bas (4.31), et enfin très légèrement radioactive. Toutes ces propriétés lui permettent de collectionner de nombreux principes actifs. Cette eau est vantée pour ses vertus anti- inflammatoire, décongestive, cicatrisante, sédative, antistress, et neuroendocrinienne sur l’hypophyse. C’est à cette faveur que l’établissement thermal de Bagnoles de l’Orne propose aux curistes trois orientations thérapeutiques : la phlébologie, la gynécologie ainsi que la rhumatologie. Si, historiquement, la station axait ses soins autour de la phlébologie, puis plus tard de la gynécologie, son orientation thérapeutique en

7 Un plan du B’o Resort à l’échelle de la ville est disponible en annexe n°5.

rhumatologie avec l’application d’argile anti-inflammatoire vont faire d’elle « la station de la jambe ».

Depuis les années 2000, l’établissement accueille de 11 000 à 12 000 curistes par saison. Bien que la ville ait construit sa renommée et son image sociale grâce aux thermes, les promoteurs du tourisme Bagnolais semblent aujourd’hui soucieux de réorienter cette image afin d’en faire une ville accessible pour l’ensemble des populations9. En effet, sentant sensiblement la fréquentation chuter à la fin du XXe siècle, l’ensemble des acteurs du tourisme local, épaulés par le maire de la commune, a l’idée de promouvoir un « Grand Domaine » sur le principe des stations de ski. Ce « grand domaine » propose alors, au-delà du tourisme vert caractérisant la commune, une orientation « bien-être » pour la famille, avec

« un package pour toute la famille, sur un même espace géographique ». Pivot essentiel du projet, le parc hôtelier va investir largement dans l’offre bien-être. Mais d’autres acteurs vont permettre son développement. Bagnoles de l’Orne jouit alors d’une quarantaine de restaurants, et, depuis mars 2012, du B’o spa thermal.

« Avec son spa, l’établissement se tourne vers le tourisme de bien-être »10. Le B’o resort proposait néanmoins depuis les années 2000, comme d’autres stations thermales françaises, des soins de remise en forme axés entre autres sur des massages et des soins de beauté du corps. L’ouverture du spa a été largement commentée dans la presse locale et régionale. Le journal Au

fil de la Normandie titre d’ailleurs : « Bagnoles de l’Orne invente le Bien-être à la Normande

». Il souligne par ailleurs que « le spa ne se substitue pas à la médecine thermale qui conserve

à Bagnoles toute sa place. L’offre bien-être s’y ajoute simplement ». Enfin, il avance l’idée que

« le Grand Domaine de Bagnoles de l’Orne s’apparentera alors à l’idée que l’on peut se faire

d’un "Center Parcs" à ciel ouvert, ou plus précisément d’une station de ski ». Pour sa part,

l’Office de tourisme du Grand Domaine de Bagnoles de l’Orne présente la station comme « le

théâtre de la représentation d'un nouvel art de vivre alliant la nature, la convivialité, le bien-

être et la distraction »11. Or, c’est avant tout une ville touristique. En effet, Bagnoles de l’Orne

devient à l’initiative du développement du « Grand Domaine Bagnoles de l’Orne » une station orientée autour de quatre axes majeurs et complémentaires : la ville de Bagnoles de l’Orne ; la source thermale et ses thermes ; le quartier Belle-Epoque ;

9 En effet, le B’o Resort et l’Office de tourisme de Bagnoles de l’Orne ont développé ensemble un discours autour de la station de Bagnoles de l’Orne. Ils ont ainsi produit, à travers leurs plaquettes publicitaires et autres sites internet, l’image d’une station thermale réputée d’abord, puis d’une station verte permettant d’atteindre le bien- être ensuite. La stratégie marketing qu’ils ont mise en place tend, en valorisant le territoire autour de ses atouts, à jouer sur l’imaginaire des touristes pour que ces derniers s’identifient au discours véhiculé.

10 L’Orne Magazine, juillet 2012.

ainsi que la forêt des Andaines. Ce « grand domaine Bagnoles de l’Orne » propose donc une unicité de lieu où « tous les profils de clientèles sont concernés : l’adepte du spa qui vient se

relaxer, l’urbain en quête de sport et de nature et les familles recherchant un programme pour

chacun dans un cadre sécurisé »12.

Ainsi, en créant le B’o spa thermal, puis une année plus tard, le B’o Cottage, « résidence de charme », un élan nouveau est donné au tourisme bagnolais. Le président des Thermes ne cache d’ailleurs pas son ambition d’attirer vers son établissement de nouvelles « tribus ». Ainsi, dans le magazine Le MAG du Bien-être en Normandie, il propose un édito dans lequel il vante les mérites de sa structure : « Sans ostentation, mais avec une touche d’élégance, de modernité

et un très haut niveau de confort, B’o Resort a réuni tous les ingrédients nécessaires à un séjour inoubliable. Qu’elles soient amicales ou familiales, les tribus y trouveront matière à des

bonheurs renouvelés »13. Attirer une clientèle diversifiée caractérise bien la volonté de

l’entreprise B’o Resort. Par ailleurs, le B’o spa thermal propose « la découverte du bien-être

aux extraits de pommes à cidre ». Là où le thermalisme est historiquement fondé sur des

principes hygiénistes et médicaux, le bien-être est plutôt un univers de plaisir. Ainsi, les personnes en situation de vieillissement subissant les affres de l’âge et éprouvant des difficultés corporelles ne sont plus seulement la clientèle ciblée. Le magazine précise : « B’o Resort c’est

une résidence, un spa… De quoi répondre à toutes les envies de détente en famille, avec une résidence incluant des services comme le club Tib’O pour les enfants, la tanière des ados… ; envie de détente en amoureux, avec un spa proposant des soins en cabine duo ; envie de détente en solo, avec un tarif préférentiel à certaines dates dans l’année […] Toute la famille y trouve

son compte, même les enfants ! »14. L’aspect médical du thermalisme est euphémisé jusque dans

la dénomination « B’o spa thermal », pour mieux mettre en avant le « spa », synonyme de bien- être.

2. B’o Thermes, B’o Spa thermal : un découpage spatial au cœur de