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Une relation privilégiée avec les activités physiques d’entretien

ESSAI DE TYPOLOGIE

C INQUIEME C HAPITRE

3. Une relation privilégiée avec les activités physiques d’entretien

Là où Vincent Caradec caractérisait la vieillesse comme un ensemble de nouvelles difficultés sur le plan fonctionnel et sur le plan social, les clés de réussite du vieillissement actif seraient de concilier les deux facteurs essentiels que sont la pratique d’activités

physiques permettant d’évoluer dans un corps mieux adapté au vieillissement et le maintien d’un capital social important. En effet, et même si tous les protagonistes interviewés ne sont pas encore dans une phase avancée du vieillissement, les activités physiques occupent également chez eux une place de choix dans leur quête du mieux-être corporel.

Alain, Pauline et Claudine fréquentent le B’o spa pour pratiquer régulièrement des activités physiques. Ils peuvent en témoigner avec conviction. Si Alain a fait pendant de nombreuses années de la plongée sous-marine et s’il pratique également la marche nordique en dehors de la structure en plus des cours d’aquagym au B’o spa, ces séances sont pour Pauline et Claudine la principale forme d’entretien physique de leur corps. La pratique de l’aquagym devient ici comparable à l’analyse de Pascal Duret quand il souligne, à propos des bodybuildeuses, que « ne pas se résigner à leur condition (physique) leur sert de principe d’accomplissement de soi »10. C’est ce qu’expose d’ailleurs Alain (soixante et un ans): « Puis

un beau jour je me suis dit bon, bah, faut que je bouge [...]. Je suis venu ici pour me changer les idées, il fallait que je fasse quelque chose de moi ». Alain est effectivement présent dans la

structure deux à trois fois par semaine pour s’entretenir et conserver le potentiel qu’il a retrouvé. « Par habitude je sais que c’est bénéfique. Au départ niveau cure thermale et ensuite bon bah

est venu l’entretien. Ce que j’appelle l’entretien physique et psychique en venant régulièrement parce que tout est basé là-dessus, sur la régularité » souligne-t-il. Il a longtemps pratiqué la

marche nordique avec un ancien coach sportif de la structure. Ensemble, ils ont parcouru de nombreux kilomètres, ce qui lui a permis de s’initier et de se confirmer dans cette pratique pour aujourd’hui dispenser des cours dans une association bagnolaise, Bagnoles Oxygène, dont il devenu membre du bureau cette année11. Ces pratiques d’entretien lui sont également chères car elles lui permettent de stimuler un réseau amical important à ses yeux : « Les relations

amicales sont des relations d’activités sportives parce que tout le petit noyau amical, on s’est rencontré grâce à l’activité sportive ».

Pour Pauline (trente-huit ans) et Claudine (soixante-dix sept ans, inscrite à l’année aux cours d’aquagym, Bagnoles de l’Orne), comme mentionné ci-dessus, la démarche est différente. Pauline est en effet très peu familière du monde sportif. Elle souligne d’ailleurs que si elle est venue pratiquer l’aquagym ici, c’est uniquement dans un but médical à la base : « c’était lié

à la maladie parce que moi je n’ai jamais, jamais, jamais fait de sport avant. C’est le premier sport. J’ai du faire, allez, trois ans d’équitation au collège et puis…

10 DURET PASCAL, « Body-building, affirmation de soi et théories de la légitimité », in BROMBERGER Christian, DURET Pascal, KAUFMANN Jean-Claude, LE BRETON David, DE SINGLY François, VIGARELLO Georges, Un corps pour soi, Paris, PUF, 2005, p. 48.

Qu’est-ce que j’ai du faire ? J’ai fait un peu de badminton, enfin rien... ». Néanmoins, elle se

rend compte que cette pratique lui est aujourd’hui indispensable : « Quand je ne peux pas venir

à la gym, c'est-à-dire en décembre, janvier, février, quand c’est fermé, j’ai un manque et ça par exemple je ne pensais pas du tout. Je pensais que le sport, c’était pas fait pour moi et que ça ne m’apporterait rien. Par exemple, ma hantise tous les ans quand ils ouvrent c’est " est-ce qu’ils vont avoir une séance le mercredi après-midi" parce que moi je ne peux que le mercredi après-midi […]. Après, je ne peux pas mettre de mots dessus, exactement sur ce que ça m’apporte mais je sais que quand c’est fermé, ça me manque ! ».

Claudine (soixante-dix sept ans) qui pratiquait beaucoup d’activités physiques quand elle était plus jeune a elle aussi investit le spa dans l’idée de se « débloquer » : « Quand j’étais

jeune, j’ai fait beaucoup de sport. Malheureusement avec ma profession [banquière retraitée] j’ai tout laissé tomber et avec le temps j’étais de plus en plus rouillée, je me baissais je ne pouvais plus me relever, etc. Et l’aquagym m’a amené beaucoup, les bains aussi m’ont amené beaucoup ».

Le goût pour les activités physiques d’entretien du corps est aussi présent dans les témoignages d’autres clients qui côtoient moins régulièrement la structure. Relativement jeunes, Bernadette (cinquante-huit ans), Emmanuelle (cinquante-neuf), ainsi que Pascal et Nathalie (quarante-cinq et quarante-deux ans, séjour d’un week-end, Le Havre) incarnent en effet ce développement. Bernadette l’illustre d’ailleurs parfaitement en soulignant qu’il s’agit pour elle d’un état d’esprit complet : « C’est important d’abord pour se tenir en bonne santé et

puis c’est suivant le contexte. En général si vous faites du sport vous ne fumez pas, vous ne buvez pas, bon on mange mais on essaye de faire modérément et ainsi de suite ». Pascal et

Nathalie révèlent la même attraction pour les activités physiques. Pascal a en effet été cycliste pendant de nombreuses années avec les charges d’entrainements inhérentes à la pratique. Il a arrêté par manque de temps à la naissance de son premier enfant. Néanmoins, Nathalie, présidente de son club de randonnée, l’entraine aujourd’hui dans cette nouvelle activité : « Moi je suis un peu née avec des chaussures de randonnée aux pieds, c’est un peu ma vie donc

entre guillemets. Je n’ai toujours connu que ça donc bon, ça me permet de voir du monde et puis de sortir. Et puis même avec les enfants, bah du coup on en fait aussi, avec les enfants, on les emmène et puis, non c’est accessible à tout le monde ».

Pour le public sensiblement plus âgé, les activités physiques sont souvent pratiquées avec l’idée de freiner un vieillissement corporel qu’ils redoutent. Si Jean-Charles considère à quatre- vingts neufs ans qu’il n’est plus assez actif et qu’il devrait davantage marcher tout au long de l’année, pour les autres il n’en est rien. De Michèle, soixante quatre ans, à Catherine,

quatre-vingts deux ans, ces interviewés sont encore largement actifs pour leur âge. Maryse incarne parfaitement cette description. Encore très active à soixante-dix ans, son entretien corporel à travers les activités physiques l’occupe de manière significative comme l’atteste la liste de ses activités : « Encore le yoga, oui bon pas le tennis parce que j’ai eu une tendinite il

y a deux ans donc j’ai arrêté. Là je voudrais reprendre, ça va mieux, je voudrais reprendre le golf. Mais je fais marche, natation et yoga. J’ai fait du Tai Chi, beaucoup, pendant cinq ans. J’ai arrêté le Tai Chi là et je fais le yoga ». Très spirituelle, cet investissement dans la pratique

d’activités physiques n’est pas anodin pour elle comme l’exprime cette autre intervention : «

donc je vais commencer par m’aimer et justement faire des cures, à éviter ou freiner le vieillissement, faire de la marche, faire des exercices, faire du yoga pour être bien dans ma peau, aimer mon corps maintenant […] ».