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ESSAI DE TYPOLOGIE

DES ESPACES THERMAU

5. Les ponctuels ou le désir de la découverte

Je caractérise enfin sous l’appellation dite de « ponctuels » l’ensemble des individus qui se rendent au spa thermal de manière plus opportune. Contrairement aux curistes, les ponctuels entretiennent avec l’espace thermal une relation beaucoup plus lâche. Ils viennent, pour une grande majorité, dans une visée médicale, entretenant avec la cure une pratique traditionnelle. Néanmoins, ils ne recréent pas d’habitudes dans l’espace thermal comme peuvent le faire les curistes. Leur pratique s’apparente à des essais de différents espaces thermaux, une collection de différentes cures dans l’optique de choisir celle qui leur correspond le mieux. Dès lors, ils évoluent dans un rapport consumériste à la cure, détaché d’émotions liées à la ville. En paraphrasant Olivier Bessy, Marc Lohez parle de loisir de santé caractérisant un thermalisme moins exclusivement médical14. Flânant d’une cure thermale à une autre, ils deviennent des touristes de santé, à la recherche de la cure leur apportant le maximum de bénéfices.

Ces ponctuels investissent ainsi le B’o spa thermal soit le matin pour y réaliser une demi- journée d’initiation à la cure, soit, pour la majorité d’entre eux qui sont curistes matinaux au B’o Thermes (et quelques fois au B’o spa), pour s’offrir un après-midi de soins, une formule bien-être ou encore des séances d’activités physiques (aquagym, marche nordique, relaxation ou gymnastique douce). Les ponctuels sont animés par la volonté de réaliser un « test » au B’o spa, une découverte, en vue d’une cure prochaine ou d’un séjour bien-être. Si ce type de population, hybride, peut avoir les mêmes pratiques que les hédonistes ou les curistes, il est généralement présent dans la structure thermale en tant qu’accompagnateur du conjoint ou d’un membre de la famille.

De ce fait, les ponctuels ont une pratique traditionnelle de l’espace thermal, en ce qu’ils réalisent pour la plupart une cure côté B’o thermes (ou, pour une minorité, une initiation de cure côté spa). Néanmoins, ils investissent le B’o spa thermal de manière totalement ponctuelle et se confrontent aux offres modernes proposées. C’est le cas quand ils viennent réaliser une demi- journée de soins bien-être l’après-midi.

En créant successivement le B’o spa thermal et, l’année suivante, le B’o cottage résidence de charme, l’établissement B’o Resort a souhaité diversifier sa clientèle. Suivant le mouvement national des stations thermales, il a repositionné son offre, d’abord sur un

14 LOHEZ Marc, « Thermalisme et tourisme : les évolutions récentes en France », L’information géographique, vol. 64 n°4, 2000, p. 317.

tourisme de remise en forme puis, aujourd’hui, sur un tourisme de bien-être naturel, de sorte que le B’o Resort accueille aujourd’hui en son sein plusieurs types de clientèles aux attentes variées. Dès lors, sans renier l’image médicale qui a fait la réputation du thermalisme, il l’euphémise pour continuer à attirer plusieurs types de populations aux attentes diverses et, ainsi, attirer un public toujours plus nombreux.

CONCLUSION

Tout au long de cette étude, j’ai cherché à répondre à l’hypothèse selon laquelle le repositionnement des stations thermales, qui a évolué d’une pratique hygiéniste vers des offres nouvelles de bien-être, a bouleversé l’expérience du thermalisme traditionnel. Dans le but d’attirer une clientèle plus importante, les stations thermales, en se conformant à l’idéal véhiculé à travers la société, proposent aujourd’hui un univers permettant d’atteindre le bien- être. Dès lors, la clientèle se diversifie. L’espace thermal n’est plus uniquement conçu comme le lieu où l’on vient soulager une pathologie corporelle. Réaliser un séjour thermal, c’est aussi, aujourd’hui, venir goûter à la possibilité d’acquérir un complet sentiment de bien-être. Celui-là même qui pourra être réinvesti dans notre vie quotidienne, loin de cette parenthèse, pour affronter l’ensemble des tensions qui façonnent notre quotidien.

L’individu contemporain évolue dans une société qui véhicule avec force l’injonction à se réaliser soi-même sans aide extérieure. Alain Ehrenberg rappelle par ailleurs que « nous sommes désormais sommés de devenir les entrepreneurs de nos vies »1. L’individu qui évoluait jusqu’au milieu des années 1960 dans une société ultra-normative doit aujourd’hui s’épanouir seul et réussir sa vie pour son bien-être personnel mais également au nom de la société. Se conformer aux valeurs du sport (au sens large), qui se sont répandues dans de nombreux secteurs, permettrait d’atteindre cet idéal. Dès lors, la pratique d’activités physiques a explosé depuis la fin des années 1980. L’individu actif est devenu le modèle à suivre. En donnant une attention toujours plus grande à son corps, il lutte contre le poids des âges. En effet, devenir entrepreneur de sa vie permet de freiner le processus d’un vieillissement souvent redouté. Dès lors, dans cette même société où l’individu vieillissant a longtemps incarné l’image d’un « fardeau » pour la collectivité, réussir son vieillissement à travers une prise en charge corporelle importante et en atteignant l’idéal de bien-être souhaité est devenu un objectif partagé.

Dans cette perspective, investir les stations thermales apparaît comme une solution idéale permettant de conjuguer différents facteurs nécessaires à un vieillissement réussi. En effet, l’ensemble des clients présents à l’intérieur de l’établissement thermal B’o Resort est animé par une sensibilité importante donnée au corps. Qu’ils souffrent ou non de pathologies et qu’ils aient ou non un âge avancé, ils redoutent pour la plupart ce processus de

vieillissement. De ce fait, l’investissement (à tous les niveaux) de la structure thermale permettrait de freiner ce mécanisme. Ainsi, mobiliser du lien social, s’évader de son quotidien en laissant loin de soi les tensions de la vie, regagner ou entretenir la mobilité corporelle permettent de mieux prévenir l’avancée en âge et dès lors de se conformer avec les idéaux sociétaux.

Réaliser une enquête de type ethnographique au sein du B’o spa thermal de Bagnoles de l’Orne a permis d’aboutir à ces résultats. En effet, cet établissement offre à ses clients, depuis mars 2012, des services thermaux traditionnels et des prestations nouvelles, accueille en son sein de nombreux clients en quête de bien-être. Néanmoins, leurs caractéristiques et leurs attentes divergent. Au-delà de cette dichotomie tradition-modernité, ils investissement temporellement l’établissement de manière différente. Dès lors, se croisent dans un même espace plusieurs populations. D’abord, les curistes qui, en séjournant trois semaines dans la station, espèrent acquérir le bien-être à travers un soulagement corporel et l’aménagement d’une nouvelle vie entre parenthèses. A l’opposé de ces derniers, les hédonistes sont pour leur part en quête d’un bien-être immédiat. S’évader d’un quotidien hyperactif aux tensions omniprésentes et investir un cadre sécuritaire proposant l’évasion leur permet d’atteindre leur idéal. Se distinguent également les abonnés de l’établissement, habitués de la structure et ayant réinstauré de nombreuses habitudes à l’intérieur de cet espace. Ils obtiennent quant à eux leur idéal de bien-être en développant des relations sociales importantes et en soulageant des pathologies corporelles ayant marqué leur itinéraire de vie. Enfin, les ponctuels constituent le dernier type de population qui investit le B’o spa thermal. Si ces derniers ne viennent au spa que de manière très brève et aléatoire, leur passage s’apparente plutôt à une initiation, sorte de premier pas dans ce nouvel univers.

L’ensemble de ce travail aura ainsi permis d’observer la manière dont les individus côtoyant un espace hybride combinant offre de bien-être et soins thermaux traditionnels tentent d’accéder au bien-être. Attirés par des professionnels du marketing, ils s’identifient à l’imaginaire déployé par l’image sociale de la station et de la ville. Néanmoins, cette étude pourrait être enrichie à l’avenir. En effet, si l’enquête réalisée à Bagnoles de l’Orne permet d’avoir une vision précise des expériences de la cure contemporaine, la compléter par une analyse comparative avec une autre station donnerait à l’ensemble une visée plus générale. De plus, se rendre au plus près des promoteurs publics du tourisme local ainsi que des acteurs commerciaux et marketing des établissements thermaux s’avérerait riche de sens pour appréhender les enjeux en présence dans la création de l’image sociale de ces lieux. En effet, l’idéal de bien-être étant une notion largement subjective, il parait indispensable de

s’intéresser à la manière dont des professionnels façonnent l’imaginaire des individus en présence. Dès lors, cette étude semble pouvoir être encore approfondie.