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La catastrophe du 27 février 2010 au Chil

5.3.2. Le village de Dichato

Dichato est un village côtier situé sur la baie de Coliumo, entre les monts de Coliumo et la pointe de Pingueral. Le village est formé par la rencontre de deux deltas d’estuaire. Dichato s’étend sur une superficie de 122 hectares et est traversé par l’estuaire de Dichato. Le village appartient à la région du Bio-bío, à la commune de Tomé et au département de Concepción, et il est situé à 10 kilomètres au nord de la ville de Tomé (capitale communale).

Selon le recensement de l’année 2002, la commune de Tomé dénombrait une population totale de 52.440 habitants, et le village de Dichato comptabilisait une population urbaine de 3.488 habitants et une population rurale de 488 habitants. La baie et ses 2.400 mètres de plages de sable blanc, font du village une station balnéaire très fréquentée pendant les mois d’été. Ainsi, une grande partie des logements de Dichato sont des résidences secondaires, et la plupart de ces propriétés de vacances appartiennent à des habitants de la ville de Chillan.

Le village de Dichato est édifié en 1826 par José Miguel Reyes, et abrite environ 200 habitants. Les activités économiques étaient basées sur l’extraction du charbon, la pêche et l’agriculture maraîchère248.

L’arrivée du train à Dichato en 1916 a provoqué l’affluence de nombreux vacanciers, notamment en provenance de la ville de Chillan, éveillant l’attrait touristique pour le village. La ligne Rucapequén–Concepción relie Chillan à la capitale régionale, en passant par Dichato. Dès lors que Dichato s’affirme comme station balnéaire des habitants de Chillan, le village évolue, reçoit de nouveaux investissements, des constructions de maisons de vacances se multiplient et s’accompagnent de commerces et services associés au tourisme.

En 1939, un tremblement de terre a affecté la ville de Chillan et a mis fin à l’activité charbonnière. Ce tremblement de terre conduit le Gouvernement du Chili à créer la

248 Rafael Miranda, Geografía e Historia de la Comuna de Tomé. Litografía Westcott y Co, Concepción, Chili, 1926. Cité par Carolina Carstens, Gabriela Huepe, Rememorando Dichato. Un paseo por paisajes y relatos. [Concepción], Santiago de Chile, Consejo Nacional de la Cultura y las Artes, 2011.p. 33.

CORFO (Corporation de Promotion) pour impulser le développement après la catastrophe. Ces dernières années, l’activité touristique de Dichato a encore augmentée, et avec elle le développement des hôtels et de la restauration sur le littoral249. De nouveaux quartiers sont apparus avec les premiers programmes du MINVU, et suite au Gouvernement de l’Unité Populaire et aux tomas de terreno, (les appropriations de terrains décrites dans le chapitre 3, comme outil de lutte pour l’obtention de logements)250.

Au début des années 1990, avant la fin de la dictature, les militaires ont privatisé le service ferroviaire, entraînant la fermeture des stations du fait de leur déficit de rentabilité. Dichato a fait les frais de cette décision. L’interruption du trafic ferroviaire a considérablement impacté le flux de vacanciers, qui s’est excessivement réduit. Cependant, le tourisme s’est vite réactivé, grâce aux liaisons par bus et par automobile.

Le statut de station balnéaire génère une importante source d’emplois pour les habitants du village. La structure sociale de Dichato était basée sur le travail indépendant, principalement pour les services et le commerce. Avant le tsunami, la plupart des habitants de Dichato vivaient des revenus de la saison estivale. Ils n’étaient pas habitués à la vie communautaire hors de la cellule familiale, ils travaillaient indépendamment ou dans l’affaire familiale ; ainsi, la cohésion et la coopération sociales des quartiers n’étaient pas très développées. Dans l’une des péninsules de la baie de Dichato a été construit un établissement balnéaire privé et luxueux, du type gatted community, nommé Pingueral, qui se distingue dans la carte par son tracé radial. La construction des résidences secondaires des hôtels touristiques et des restaurants de Dichato offrait du travail aux ouvriers indépendants ainsi qu’aux femmes du village, employées comme femmes de ménage et cuisinières. L’affluence de vacanciers à Dichato et Pingueral pendant l’été stimulait ces activités informelles, dynamisait le commerce et la restauration et permettait même aux habitants de louer des chambres ou des emplacements de camping dans leur propriété. Des familles ont ainsi adapté la configuration de leur logement pour les aménager en petits hôtels ou en gîtes de vacances. Toute cette dynamique estivale leur apportait suffisamment de revenus pour vivre correctement tout le reste de l’année.

Cependant, la principale activité de l’économie locale est la pêche artisanale. Il n’y a pas d’industries ou de grandes entreprises implantées dans la station balnéaire, raison pour laquelle on n’y trouvait pas beaucoup de syndicats ou d’associations d’ouvriers hormis

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Alejandra Sandoval et Susana Aravena, (éd.), Dichato, nuestra tierra. Éditions SUR, Santiago de Chile, 2011, [En ligne], http://www.sitiosur.cl/r.php?id=922#sthash.Z1TILY6F.dpuf p. 43-45. 250 Alejandra Sandoval et Susana Aravena, (éd.), Op.cit., p. 53-54.

celles des pêcheurs et des colleteurs d’algues. La pêche et la collecte des algues étaient les seuls secteurs qui impliquaient un degré de coopération et de cohésion sociale au-delà de la sphère familiale. Ce sont aussi des activités rattachées au territoire du quartier Villarica où est concentrée l’organisation des activités de la pêche et de la collecte des algues.

Carte 05 – La baie de Coliumo, De gauche à droite : Le village de Coliumo, le village de Dichato, et l’ensemble résidentiel de Pingueral. Le quartier de Villarica est placé dans le littoral au nord du village. Source : Dichato, nuestra tierra. Editions SUR, Santiago de Chile, 2011, p. 74.

Image 02 – Vue de la station balnéaire de Dichato depuis la mer. Photo prise avant le tremblement de terre et le tsunami. Source : Rememorando Dichato. Alerce Talleres Gráficos, 2011, p. 33.

(1) La destruction causée par le tsunami

Après avoir éprouvé le tremblement de terre, vers trois heures du matin, les pompiers ont donné l’alerte de l’imminence du déferlement d’un tsunami, et ont appelé la population à se réfugier en hauteur, sur les collines avoisinantes. Mais en parallèle, la présidente de la République Michelle Bachelet et le Bureau National d’Urgence du Ministère de l’Intérieur (ONEMI) ont appelé au calme par l’intermédiaire de la radio nationale, en démentant le risque d’un tsunami ; c’est la raison pour laquelle des personnes ont décidé de rester chez eux, ou même de redescendre des collines, après avoir fui Dichato. Malheureusement, trois vagues ont touché Dichato, la dernière à sept heures du matin. Des vagues de 6,5 mètres de hauteur ont déferlé sur la côte et le centre-ville, et ont englouti l’estuaire de Dichato, détruisant des complexes résidentiels comme Miramar, El Sauce, Chacra Alicia, Campos Deportivos et Jorge Montt. Le tsunami a causé la destruction de trois ponts routiers et quatre ponts piétons, la caserne de pompiers, des équipements publics, et partiellement l’école élémentaire et le commissariat de police.

Les vagues ont ravagé près de 80% de la superficie du village (80,34 hectares et 1.343 logements détruits251). La population a dû s’installer en hauteur, abritée dans des tentes improvisées, puis les familles ont été réparties dans des tentes de campagne fournies par l’armée. Des aides aux victimes sont arrivées de toute part, des citoyens, des militaires, des pompiers, des secouristes, des agents de police experts en reconnaissance digitale, etc.

252. Au mois de mai, le Gouvernement avait déjà achevé la construction de premiers

logements d’urgence, hors des zones à risque. Pendant les premiers mois qui ont suivi le désastre, les autorités ont coupé l’électricité dans les secteurs bas du village, pour éviter l’établissement de la population dans ces zones à risque. Le quartier de Villarica est situé dans un secteur de la côte qualifié par le plan de reconstruction comme « zone à haut risque en cas de nouveau tsunami ». Mais les habitants ont installé un campement d’urgence non autorisé qui n’a pas été démonté. Ce campement a reçu très peu d’aide humanitaire, les autorités ont poussé la population à partir vers les campements d’urgence construits par le Gouvernement. Malgré les contraintes, les réfugiés de ce camp ne cèdent pas. Une bonne organisation interne leur a permis de négocier avec les autorités le maintien de leur installation, en attendant mieux. Pour ces travailleurs de la mer, le rapport au territoire est essentiel. Ils sont en effet très attachés à leur emplacement stratégique dans la baie. Ils sentaient donc le besoin de rester pour défendre leur territoire. Ce quartier est celui qui a lutté le plus ardemment et dès les premiers moments pour maintenir son territoire et empêcher les expropriations.

Image 03 – Le village de Dichato avant et après le tremblement de terre et le tsunami. Source : Google Earth. Source : www.emol.com.

252 CIPER Chile, « Cómo viven los perdonados por el tsunami: entre la ayuda y el absurdo », PEÑA Cristóbal, SKOKNIC Francisca, depuis la zone côtière du Maule et du Bío Bío, 5 mars 2010, [En ligne], www.ciperchile.cl , Consulté le 5 mars 2010.

Image 04 – Photo aérienne avec modélisation de la zone affectée par le tsunami. Source : Plan de Reconstruction Borde Costero Región del Bio-bío.

(2) La reconstruction de Dichato

Les victimes sans abris ont été réparties par le Gouvernement dans des camps autorisés, aussi appelés Aldeas le temps d’achever la reconstruction des logements. Selon les données du Gouvernement du Chili, dans la région du Bio-bío ont été établies 76 aldeas, dont 11 dans la commune de Tomé et 3 dans le village de Dichato. Les trois camps de Dichato sont El Molino avec 460 logements d’urgence, Nuevo Amanecer de Dichato avec 25 logements et Iglesia Villa Fresia avec seulement 14 logements253. Cependant d’autres sources, basées sur des relevés de terrain254 relèvent dans le campement El Molino 2.850 personnes, dispersés dans seulement 519 mediaguas, faisant de ce campement le plus grand et le plus dense du pays.

Le drame touchant le village et le sentiment de familiarité qu’éprouvaient bon nombre de personnalités publiques pour cette station balnéaire, ont placé Dichato sur le devant de la scène nationale ; il a longtemps été considéré comme le symbole de la catastrophe dans les villages côtiers du pays. Les autorités locales et nationales ont ainsi

253 PRBC 18, Plan de Reconstrucción Borde Costero 18 localidades.

254 Universidad de Concepción. Programa para la Reconstrucción de la Región del Bio-bío, Centro de Ciencias Ambientales EULA-Chile, Informe Ambiental, Calidad de Agua para Consumo Humano y Manejo de Residuos Sólidos Domésticos en Aldeas de Emergencia de Coronel, Dichato y Lota, Août 2010 [En ligne] www.eula.cl/doc/Informe%20Aldeas.pdf.

réservé un traitement prioritaire au village. Le ministre de l’économie, de la promotion et du tourisme, Juan Andrés Fontaine, émet l’idée de faire de Dichato « l’emblème de la reconstruction et de la croissance »255.

Le projet de plan directeur de Dichato est inclus dans le Plan Littoral de 18 localités (PRBC-18). Ce plan littoral est appliqué par l’architecte Sergio Bariswyl, tandis que le plan de Dichato est mis à exécution par l’architecte Ivan Cartes. Le plan du village de Dichato propose de nouveaux espaces publics le long du front de mer et de la rivière. Ces espaces publics comprennent des parcs et un bois d’amortissement en cas de tsunami, un centre sportif, des promenades et pistes cyclables, la reconversion de la rue principale en boulevard… Les équipements publics seront édifiés à une altitude considérée comme sans risque. Il s’agit de la nouvelle école de Dichato, de la maison de la culture, du centre communautaire, le terminal de bus, la maison de santé, le commissariat de police et la délégation municipale - car Dichato n’a pas de mairie.

Suite au tsunami, seuls les quartiers hauts de Dichato sont occupés, la vallée et la côte étant pratiquement désertes, hormis quelques constructions isolées encore debout - certains commerces et restaurants ont même rouverts. Le site sur lequel s’est établi le campement El Molino appartient à l’entreprise forestière Arauco et, selon les informations communiquées par les autorités, elle a loué ces terrains au Gouvernement du Chili pour une période de deux ans. Cependant, deux ans après la catastrophe, les logements définitifs pour les habitants du campement ne sont pas encore construits ; le campement est resté sur place plus de trois ans.

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Blog de Dichato al dia, « Queremos que Dichato se convierta en el emblema de la reconstrucción ». [En ligne], www.dichatoaldia.cl. Consulté le 17 avril 2010.