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Les espaces publics physiques

6.3. Les espaces publics de Talca

6.3.3. La notoriété des problèmes de Talca

Les espaces publics qui accueillent les organisations de citoyens pour manifester et se faire entendre ne sont pas nécessairement ceux fréquentés au quotidien par les victimes. En effet, les espaces publics privilégiés pour les regroupements d’opposants sont ceux qui offrent un maximum de visibilité pour les revendications. Sont tout particulièrement visés par cette popularité, les lieux historiques et symboliques majeurs du pays. Dans ces espaces publics physiques, les manifestations s’exposent plus facilement devant la presse et à l’opinion publique. Les mouvements citoyens cherchent, à travers des manifestations sur des avenues et des places dotées d’un certain degré de représentativité et de visibilité publiques, à présenter, à « publiciser » leurs requêtes. La Plaza de Armas, place centrale la plus importante de la ville de Talca, est située dans le centre historique et administratif de la ville. Des bâtiments d’importance entourent la Plaza de Armas, comme la Cathédrale,

l’Intendance, la Mairie, la Poste et le Gouvernement Régional du Maule313. Les manifestants

ne s’y trompent pas, et la Plaza de Armas fut ainsi de nombreuses fois, dans le passé, la scène de diffusion d’informations, de recommandations et d’exhortations à l’action des habitants. D’autres espaces publics symboliques, comme la Plaza Cienfuegos à Talca (ex Plaza Las Concentradas) ou à Santiago la Plaza de la Constitución et le palais du Gouvernement chilien, ont également été le support de revendications.

Le 25 mai 2010, sous le slogan « Reconstruction participative, solidaire et juste, maintenant ! », les organisations de victimes314 qui n’avaient pas encore reçu une solution satisfaisante pour leur situation d’urgence ou pour la reconstruction de leurs logements, se sont réunies sur la Plaza Cienfuegos avant de défiler à travers toute la ville, pour finalement amener leur cortège devant la mairie de Talca afin de remettre une lettre de licenciement symbolique au maire et à l’intendant régional. Cette action symbolique illustre la désapprobation des habitants à l’égard des décisions de reconstruction prises par les autorités. Talca a accueilli de nombreuses manifestations de ce genre, et a participé activement aux manifestations nationales315. Le mouvement citoyen de Talca, « Talca con todos y todas » a réussi à se faire connaître et à assoir sa légitimité à travers de nombreuses activités et manifestations organisées dans les espaces publics de la ville.

L’espace public physique a également été le lieu privilégié des commémorations de victimes. Durant le défilé « un an sans reconstruction », le 27 février 2011, les habitants ont organisé un concert et une veillée à la mémoire des victimes de la catastrophe. La Plaza Cienfuegos a été choisie pour recevoir cette action collective dirigée par le mouvement d’habitants « Talca con todos y todas ». Le Mouvement National pour une Reconstruction Juste a proposé de hisser des drapeaux noirs pour symboliser un an sans reconstruction et a invité chaque localité à installer un logement d’urgence ou mediagua dans un lieu central, pour attirer l’attention des médias et des autorités sur la situation précaire endurée par les habitants, un an après la catastrophe À Talca, les organisateurs ont recouvert la mediagua de papier, et tous les passants étaient libres d’écrire ce qu’ils voulaient exprimer à propos de la

313 Avant les dégâts occasionnés par le tremblement de terre de 2010, le Gouvernement Régional du Maule siégeait dans le bâtiment O’higgins : il est utilisé aujourd’hui par le Ministère Public. 314 La manifestation a été organisée par la communauté scolaire des « Écoles Concentradas », le Comité des « Sans Terre », les voisins de la Défense des édifices Manuel Larraín, le collège de Professeurs, la délégation régionale du collège d’Architectes, le mouvement Citoyen « Talca con todos y todas » et d’autres organisations sociales et citoyennes de Talca.

315 Le 27 février 2011 correspond à une manifestation « anniversaire », un an après la catastrophe. Le 21 mai 2011 correspond à la communication publique du bilan des dégâts par le président de la République. Le 16 juillet 2011, le mouvement national a appelé à une manifestation sous le slogan « deux hivers sans reconstruction ».

reconstruction. La majorité des commentaires récoltés dénonçaient et réclamaient aux autorités locales et nationales, de manière autoritaire ou suppliante, des solutions concrètes et effectives. D’autres commentaires exprimaient des frustrations personnelles générées par le processus de reconstruction de la ville. La mediagua, en tant que support de communication et de revendication, remplit la même fonction que l’illustre statue parlante romaine Pasquino, placée dans l’espace public, sur laquelle sont apposés des messages de protestation à l’encontre du Gouvernement.

Le deuxième anniversaire de la catastrophe, en 2012, a lui aussi été marqué par des événements commémoratifs dans l’espace public. Une enquête publique a également été programmée le 27 février, durant laquelle 413 personnes se sont exprimées via des tables de vote installées sur la Plaza Cienfuegos et au Marché Central316.

D’autres « célébrations » du deuxième anniversaire sans reconstruction ont également été organisées, comme un rassemblement face au bâtiment du SERVIU (Service national de logement et d’urbanisme), une manifestation artistique des travailleurs du Marché Central, une messe dans l’immeuble détruit de la Población Manuel Larraín, et un nouvel hommage aux victimes du tremblement de terre sur la Plaza Cienfuegos. Les autorités municipales n’ont pas assisté à ces évènements.

-T2-

Le 27 février 2013, pour la 3e commémoration de la catastrophe, le Mouvement National pour une Reconstruction Juste et les diverses organisations de la ville de Talca, ont aménagé un itinéraire collectif nommé « Les visages de la reconstruction ». Il relie les quartiers et constructions emblématiques du processus de reconstruction, pour exposer ses difficultés, les projets inexistants, inadéquats et inaboutis. Selon les organisateurs, 17,6% des logements ont été reconstruits dans le centre-ville317. A contrario, le quatrième anniversaire de la catastrophe a suscité moins de rassemblements au sein des espaces publics, témoignant de l’abandon des habitants, qui ont baissé les bras.

316 Le vote est une initiative du « Réseau d’organisations pour la Reconstruction », qui a lancé, le 25 février 2012, la Consultation Nationale pour la Reconstruction, afin de récolter l’opinion des citoyens sur le processus.

317 Journal Maulee, « Recorrido por Talca muestra puntos sin resolver a tres años del terremoto », 26 février 2013, http://www.maulee.cl/recorrido-por-talca-muestra-puntos-sin-resolver-a-tres-anos-del- terremoto/ , Consulté 28 février 2013.

Chapitre 7

L’espace public politique face à l’urgence et la