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10. HOSPICE GENERAL – PERIODE 1998-2008

10.2 Vidange des mots et voilement des principes d’ordre commun

Depuis le début de notre exposé, nous avons souligné la difficulté à esquisser les contours de ce que nous nommons le « langage managérial ». Pour autant, nous sommes d’avis que, lorsqu’il est « mis en œuvre », celui-ci devient saillant, comme dans les propos de Cuénod, cités précédemment. En effet, on retrouve les caractéristiques typiques des formules dites « managériales » dont le sens apparaît mouvant et le fond flou. Plus concrètement : Que veut dire « mettre en œuvre l’autonomie et la responsabilité », « incarner cette responsabilité dans l’organisation », ou encore « l’autonomie n’est rien sans la responsabilisation » ? S’ajoute à cela que Cuénod ne spécifie pas la nature ni de cette responsabilité, ni de cette autonomie.

On repère également, pour la première fois, des procédés typiques qui consistent à inverser le sens ordinaire des mots (« la responsabilité c’est l’autonomie » valant alors aussi bien qu’un la « guerre c’est la paix »). On comprend ainsi mieux le type de dénonciation qui touche ce langage qui semble participer à bloquer la pensée critique (Bihr, 2017, p.11). En effet, derrière une phrase telle que « la responsabilité de chacun […] est engagée dans les objectifs de l’Hospice général » que peut-on rétorquer ? Le sens de la formule apparaît en effet si « incertain », qu’il devient difficile d’y opposer quelconque argument. Autrement dit, les principes d’ordre commun qui sous-tendent les propos de Cuénod sont ici si peu évidents à identifier que le message du directeur tend à perdre sa dimension politique.

Un autre aspect marquant, à cette période, est la volonté d’associer les cadres à ce que nous pourrions nommer la « conduite du changement » au sein de l’HG :

« Une formation des membres du Comité directeur a été visée. A partir de celle-ci, un plan d’action a été défini ; il comprend l’organisation de la formation des cadres et la mise en place des tableaux de bord pour chaque service. Son but est de déterminer des indicateurs pertinents pour chaque secteur, dans un souci de transparence, pour avoir une vision qualitative et quantitative des activités de l’institution » (1998, p.5).

Bien que ce passage soit bref, des éléments importants peuvent être dégagés : En l’occurrence, on saisit que l’HG en « formant » ses cadres aux nouvelles modalités de l’action semble avoir désormais

vocation de les « fédérer » autours d’une « nouvelle vision »76 (Divay & Gadea, 2008). A nouveau, ce type de passage laisse apparaître un paradoxe : l’autonomie et la responsabilité77 de tous les collaborateurs et collaboratrices est promue, pourtant, on a le sentiment que cette autonomie (ici celle des cadres) est toute relative, ceux-ci étant ensuite appelés à diffuser les pratiques et les méthodes auxquelles ils/elles ont été formé.e.s par la hiérarchie.

Cette tendance semble se confirmer puisqu’on voit apparaître de « nouveaux métiers » au sein de l’HG comme les « contrôleurs de gestion » chargés de mettre en œuvre les nouveaux dispositifs tels que les tableaux de bords.

(1999)

Il s’agit ici d’un changement majeur puisque ces « planneurs78 » (Dujarier, 2015) vont être chargés de développer des indicateurs qui vont ensuite servir à orienter l’action. D’un côté ces contrôleurs vont donc être amenés de planifier l’activité, de l’autre, les acteurs de terrains (ici les AS plus spécifiquement) vont devoir l’exécuter.

En 2001, on comprend que le déploiement de nombreux outils de management a cependant certainement entraîné des critiques79 :

« Il est certain que le « bug » qui a touché l’Hospice général n’est pas unique, beaucoup de grandes entreprises en sont parfois victimes. Mais, le social s’égare-t-il ainsi à vouloir se doter d’outils qui ne devraient servir que les entreprises commerciales ? Certainement pas ! Nous n’avons pas le choix. Si l’action sociale veut être crédible, tant auprès du public qu’auprès des décideurs, elle doit se doter de ces outils indispensables. Cependant, ceux-ci doivent être et rester asservis à la mission qui est la nôtre et non l’inverse. Cela se pose en termes de valeur ! » (Cuénod, 2001, p.2).

Dans ce passage, dans lequel on apprend par ailleurs que la mise en place de ces nouveaux dispositifs ne s’est pas faite sans souci technique, on peut aisément deviner le type de critiques auxquelles a fait face l’HG. En l’occurrence des critiques soulignant, sans doute, le caractère désincarné de ces nouveaux outils, incapables de prendre en compte les nombreuses dimensions invisibles de l’activité

76 En 2002, les auteurs notent : « les missions principales du Comité directeur sont l’élaboration et la mise en œuvre de la vision et de la stratégie de l’institution » (p.14).

77 Dans son article « La responsabilité, une technique de gouvernementalité néolibérale ? » (2007), Émilie Hache montre bien comment cette « responsabilité » est devenue l’un des outils majeurs de l’État à partir des années 1990 soucieux de privilégier les « techniques de gouvernement indirectes ». Or, elle montre que cette

« responsabilité » prend le plus souvent le caractère d’une injonction (perdant à l’occasion sa potentialité émancipatrice) tout en occultant les individus ne bénéficiant pas des moyens pour être « responsables ». Dans le contexte de l’HG qui connaît un temps de crise et une diminution de moyens, on peut alors s’interroger sur la possibilité des professionn.el.le.s de réellement exercer leur autonomie et leur responsabilité.

78 La particularité de ces « planneurs » est qu’ils vont encadrer l’activité des « autres » sans pour autant entrer en interaction avec eux et avec leur réalité. Par conséquent le rapport social devient alors abstrait et désincarné (Dujarier, 2015, p.70).

79 Critiques dont on peut présumer qu’elles ont été assénées par une partie des travailleurs.ses sociaux, par des militant.e.s issus du monde associatif et des personnalités politiques se situant plutôt à gauche de l’échiquier politique.

et plus particulièrement celles rattachées au travail social. Ces critiques, de nature civique, peuvent se comprendre du fait que la définition des services publics s’est précisément construite sur l’opposition critique à l’égard d’une définition d’un service marchand (Boltanski & Thévenot, 1991). Ainsi, il est possible de supposer que l’HG, en se dotant d’outils propres au secteur privé, s’est vu soupçonné d’être en train de dévier de sa finalité première, à savoir la recherche du bien commun et de l’intérêt général.

Or, il est intéressant d’observer que Cuénod, bien que n’étant pas insensible à ces critiques (au point d’y faire allusion dans son billet), y répond par une mise en équivalence de la grandeur civique (que défendent ceux qui se trouvent du côté de la critique), avec la grandeur de renom « si l’action sociale veut être crédible tant auprès du public qu’auprès des décideurs ». Ainsi, la mise en place des nouveaux dispositifs techniques n’est ici plus seulement justifiée parce qu’elle permet à l’HG de fonctionner plus efficacement, mais bien parce qu’elle participe à rendre l’opinion public et, celle des dirigeant.e.s, plus favorable et ainsi à susciter leur adhésion. Dès lors, on perçoit combien les réformes qu’engage l’HG sont loin d’être déconnectées de la réalité de l’opinion public80.

Torracinta, en 2001, adopte une posture différente de celle de Cuénod en rapport aux problèmes

« techniques » que rencontre l’HG, celui-ci signifiant que « [les] collaborateurs ont été confrontés à des problèmes informatiques qui ont suscité tensions et interrogations » et qu’« il est normal que cette adaptation ne se fasse pas sans difficultés et crispations », pour ensuite ajouter que « la poursuite des réformes engagées continuera de s’appuyer sur un cadre de référence, des valeurs et une éthique professionnelle » (2001, p.1). On observe ainsi que Torracinta tente quant à lui d’apaiser les critiques, d’une part en relevant qu’il est conscient des difficultés qui pèsent sur les collaborateurs et collaboratrices, d’autre part, en tâchant d’assurer que ces transformations n’affecteront pas les valeurs qui fondent l’action des professionnel.le.s.

Au regard des importantes mutations sociétales, de l’augmentation des bénéficiaires, de la complexification des situations, Cuénod persiste et défend, dans le même rapport (!), l’importance que l’HG s’adapte continûment et cela en créant « de nouveaux comportements professionnels » (2001, p.2).

En 2002, alors qu’une crise est en train de débuter au sein de l’HG, Torracinta retrouve sa « verve » critique en allant jusqu’à relever, dans son billet annuel, que « la réorganisation et ces réformes ne se font pas sans tensions et difficultés » et que « l’informatique ne répond pas toujours rapidement aux demandes et a des situations de plus en plus complexes » (p.4). Ainsi, contrairement à Cuénod, Torracinta évoque bien les limites de ces dispositifs dans la pratique. Pour autant, celui-ci souligne bien que « ces changements sont indispensables » si l’HG veut « continuer à assumer les missions qui [lui] ont été confiées » (p.4). Dans ses billets de président, Torracinta nous laisse supposer qu’il est probablement « tiraillé » entre des injonctions paradoxales : la nécessité de standardiser l’activité pour permettre (a priori) plus d’efficience d’un côté, et l’importance de respecter le « cadre de référence » des professionnel.le.s de l’autre.

80 Cela nous permet de penser que la mise en place d’outils « gestionnaires » répond donc très clairement à une demande générale d’« adaptation » des services chargés de mettre en œuvre la politique d’aide sociale face aux différentes mutations sociales. On saisit donc que la remise en cause de la gestion de l’aide sociale, pendant les années ayant précédé la crise économique, est justifiée du fait qu’émergent des problèmes sociaux nouveaux.

10.3 Crise interne : l’Hospice général acculé

La crise qui débute au sein de l’HG résulte, entre autres, des graves problèmes informatiques juste relevés, mais aussi d’importantes difficultés en matière de gestion financière81. Dans les RA, cette crise n’est évidemment pas présentée « telle quelle », mais Cuénod souligne tout de même que l’HG

« n’a plus la maîtrise de son système d’information » et qu’il va tout faire pour « rétablir la situation », cela en développant les « stratégies appropriées » dans le but de « restaurer la confiance » (Cuénod, 2002, p.5). En 2003, au cœur de la tempête, les auteurs tentent d’assurer que le « service de contrôle » met tout en œuvre pour « améliorer [la] fiabilité du système d’information » (2003, p.2) et signifient, par ailleurs, qu’un « Service de la qualité » a été spécifiquement créé afin de s’assurer de la bonne mise en œuvre des « procédures institutionnelles » (2003, p.10).

Fortement inquiet par la situation, le Conseil d’État décide cependant de nommer quelqu’un pour faire une enquête interne (Lopez, 2019). Les résultats sont accablants pour l’HG, entraînant le

« remerciement » immédiat de Cuénod. Dans un article du Temps paru en juillet 2003, on rapporte notamment que Cuénod est unanimement « taxé de mauvais gestionnaire » et « responsable de l’inertie de l’institution »82. Dans un autre article, paru la même année, on rapporte que « malgré le cri d’alarme des employés » ceux-ci sont toujours « minés par les pannes informatiques » et que « le malaise semble aller au-delà des « bugs » » (le Temps, 2003)83. Lopez nous confirme, en effet, qu’à cette période (2002-2004) une méfiance politique importante s’installe et que les nombreux articles de presse, consacrés aux tumultes touchant l’HG84, vont également participer à donner une très mauvaise image de l’institution auprès du public.

Fin 2003, un nouveau directeur ad intérim est nommé à la tête de l’HG par le Conseil d’État, Monsieur Albert-Luc Haering. Puis, Bertand Levrat est désigné nouveau directeur en 2004. Dès cette période, on observe que les auteurs fournissent un effort remarquable afin de démontrer que les

« commandes ont été reprises » et que le « navire HG » est à nouveau sous-contrôle.

« Une nouvelle Direction qui a immédiatement initié une série de réformes dont les effets vont se faire progressivement sentir au cours des mois qui viennent [...], révision de toutes les procédures financières de l’Action sociale, lancement du projet « Sécurisation des processus métiers et finance […] renforcement du rôle de l’audit85 interne et des procédures de contrôle […] autant d’exemples de la volonté du Conseil d’administration et de la Direction générale de surmonter les obstacles, de résoudre les problèmes et d’éviter leur répétition » (2004, p.2) – « En outre, 2004 a vu la naissance d’une politique de management […] L’Unité d’audit interne vérifie que le système de contrôle en place permet de produire des informations opérationnelles et financières fiables, de préserver les avoirs et les atouts de l’institution, de respecter les règles en vigueur et d’utiliser les ressources au

81 Les éléments concernant la crise de 2002-2004 au sein de l’HG nous ont été rapportés par Mr. Lopez, lors de notre entretien mené en mars 2019.

82 « Le directeur de l’Hospice général genevois quitte ses fonctions », Le Temps, juillet 2003, récupéré le 11.12.2019 de https://www.letemps.ch/suisse/directeur-lhospice-general-genevois-quitte-fonctions

83 « l’Hospice général de Genève, plombé par une panne perpétuelle » (Le Temps, 2003), récupéré le 11.12.2019 de https://www.letemps.ch/suisse/lhospice-general-geneve-plombe-une-panne-perpetuelle

84 Voir notamment : « Un rapport du parlement cantonal genevois accuse : l’Hospice général est à la dérive », Le Temps, mai 2004, récupéré le 11.12.2019 de https://www.letemps.ch/suisse/un-rapport-parlement-cantonal-genevois-accuse-lhospice-general-derive

85 Définition du Larousse : « Procédure consistant à s’assurer du caractère complet, sincère et régulier des comptes d’une entreprise, à s’en porter garant auprès des divers partenaires intéressés de la firme, et, plus généralement, à porter un jugement sur la qualité et la rigueur de sa gestion », récupéré le 11.12.2019 de https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/audit/6414 - Le mot « audit » apparaît 14 fois dans le RA de 2004 (voir tableau annexe).

mieux » (p.5).

Après la crise, on assiste dès lors à une sorte de « renforcement » exemplaire des logiques gestionnaires déjà initiées sous l’air Cuénod. Ainsi, plus de la moitié des rapports de cette période vont concerner les aspects liés à la gestion de l’institution. Les auteurs soulignent notamment que le service

« contrôle de gestion » a fait un effort considérable pour « diffuser les nouvelles procédures de l’Action sociale » (2004, p.2). Lopez, lors de notre entretien, nous évoque en effet que l’année 2004 est marquée par la mise en place de plus de 800 procédures internes censées mieux encadrer l’activité86 et ainsi éviter de nouvelles « dérives » en matière de gestion financières (Lopez, 2019). En effet, ces procédures sont justifiées par les auteurs en cela qu’elles « équivalent à des marches à suivre détaillées qui permettent au terrain de gérer les situations d’une manière rigoureuse et identique. Elles représentent une sécurité financière et une garantie d’équité » (2005, p.10). Bien que la logique industrielle sous-tende la mise en œuvre de ces procédures, il est intéressant de relever que les auteurs s’attachent également à relever leur dimension civique. On comprend ainsi que ces derniers justifient notamment ces procédures standardisées en soulignant qu’elles sont capables de produire de la justice sociale et cela, peut-on supposer, du fait qu’elles reposent sur des critères impersonnels et identiques pour toutes et tous (pour les professionnel.le.s, comme pour les bénéficiaires).

Soucieux de rendre l’institution plus « transparente », les auteurs signifient que le service de contrôle et de gestion « s’est essentiellement attaché en 2004 à remettre à disposition des décideurs des outils de pilotages périodiques fiables et cohérents » (p.11). De nouveaux outils vont dès lors faire leur apparition dès 2005, tels que le « reporting87 » et le « monitoring88 ». En se dotant de ces nouveaux outils, qui sont capables de rendre compte – en tout temps – de l’activité de l’HG au politique, on saisit la place notable que va prendre l’autocontrôle au sein de l’institution89. Notons encore que, dans les RA de 2004 et 2005, l’occurrence des mots « gestion » « contrôle », « procédure », et « réforme » est tout à fait remarquable puisque ces termes apparaissent entre 10 et 35 fois (voir tableau annexe).

Dans certains passages consacrés aux aspects liés à la gestion de l’institution, les auteurs mobilisent un langage si « technique » qu’il devient difficile pour tous les « profanes » d’en saisir le fond :

« Sur le plan de la trésorerie, l’auditeur relève que le cash pooling90 avec l’État est une bonne solution

86 Travail réalisé par le « groupe action procédure », spécialement formé pour « rétablir » la situation au sein de l’HG (Lopez, 2019). quantification qui traduit des situations en résultats chiffrés de façon à les évaluer et les comparer » (Didier &

Bruno 2013, p.26), technique issue du secteur privé, se généralise au sein de l’HG. Notons que dès les années 1990 le benchmarking s’est largement diffusé dans le secteur public. Il s’agit d’une des techniques phares de la NGP, celle-ci produisant des analyses permettant de prendre des décisions afin de rendre l’organisation plus efficiente (Didier & Bruno, 2013).

90 « Le "cash pooling" est une technique de centralisation des opérations de trésorerie que pratiquent des sociétés appartenant à un même groupe financier. Cette pratique permet la centralisation de leurs écritures financières en permettant d'équilibrer tous les comptes de ces sociétés. La centralisation s'effectue entre les mains de la société

et permet de réaliser des économies sur les frais bancaires. PwC91 préconise de documenter les processus d’élaboration des prévisions de trésorerie et les contrôles associés. La visibilité en continu des activités de l’Hospice général s’accentue et PwC salue dans ce domaine la création et la fusion de tableaux de bord et du reporting92 financier. Ces innovations vont faciliter la compréhension des informations en croisant données financières et données métier » (2005, p.13).

Ce passage est en effet « troublant » tant il est éloigné des registres « propres » à l’action sociale. On peut supposer que la mobilisation de ce langage très technique, fait partie des moyens de « prouver » au politique que l’HG est de nouveau « entre de bonnes mains » et, surtout, qu’il est capable de gérer l’enveloppe budgétaire octroyée par l’État93.

En outre, en signifiant que l’auditeur (PwC) a salué les décisions de gestion prises par l’HG, cela semble confirmer le souci de l’HG de convaincre qu’il est à nouveau capable de mettre en œuvre la politique sociale de façon maîtrisée. A cette fin, on peut ainsi émettre l’hypothèse qu’après la crise institutionnelle de 2002-2004, il « va de soi » pour les auteurs de mettre les réorganisations internes au centre des RA.

*

Les bouleversements institutionnels et les tensions avec le politique auront-ils eu raison de Torracinta ? On ne peut le savoir mais, à l’occasion de son dernier « message présidentiel », Torracinta tire des constats qui semblent bien nous le suggérer :

« Découvrir le monde politique de l’intérieur, ses jeux de pouvoir et sa tentation de trouver un bouc émissaire à ses difficultés ou de ne pas assumer les décisions qu’il a imposées, aura été une expérience unique. Comme l’aura été la prise de conscience de l’étroitesse de la marge de manœuvre des élus et du poids croissant de l’administration […] Au cours de ces douze années, l’Hospice général a profondément changé. L’institution que j’ai découverte en 1994 avait encore un parfum du passé […]

la volonté légitime de l’autorité politique de mieux contrôler l’usage de la subvention accordée, tout cela a conduit à une transformation, je devrais dire à une mutation, de cette institution plus que centenaire. Le bouleversement a été profond et les réformes nombreuses, notamment ces deux dernières années. Lorsque je suis arrivé à la présidence de l’Hospice, je me suis interrogé sur la justification de son statut d’établissement autonome, compte tenu de son importance pour la politique sociale du canton. Et puis, avec le temps, j’ai découvert et apprécié les vertus de cette autonomie et l’attachement des collaborateurs à une institution qui a une histoire originale. Mais, au cours des ans, la réalité quotidienne m’a aussi prouvé que cette autonomie est devenue très relative et que l’intervention de l’État – fort légitime compte tenu de l’importance de la subvention – est de plus en plus sensible. N’ayant qu’une autonomie de façade, le Conseil d’administration – et son président ! – se trouvent placés dans un rôle ambigu et la Direction est confrontée en permanence à deux légitimités, à deux exigences » (2005, p.2).

Dans ce dernier message, dont on peut dire qu’il est dénué de toute « langue de bois », Torracinta

Dans ce dernier message, dont on peut dire qu’il est dénué de toute « langue de bois », Torracinta