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6. ELEMENTS DE CONTEXTE

7.2. Montée en puissance de la logique managériale

Comme bien décrit par les sciences sociales, c’est dans ce contexte de crise et de « nouvelle gouverne néolibérale » (Bresson & al., 2013, p.2) que la NGP va se présenter comme la réponse pragmatique face aux nouvelles préoccupations. Jusque-là tenue à l’écart du champ du travail social, la NGP vise à transposer au secteur public et associatif le modèle du marché et des entreprises privées (Bresson, 2013, p.77). Celle-ci induit une notion de rendement et de rationalisation des coûts au sein de l’action sociale dont on exige désormais qu’elle démontre justesse et efficacité (Astier, 2007, p.2). Son déploiement va se traduire par deux composantes majeures : la mise en œuvre de nouveaux outils d’évaluation, de contrôle de l’activité des organisations et des pratiques professionnelles, ainsi que des réorganisations institutionnelles (Molina, 2014, p.55). Le champ du travail social n’a cependant pas connu de « révolution brutale » dans son organisation, mais davantage une « instillation progressive23 de nouveaux principes et outils » (Bonvin & Moachon, 2013, p.206).

Plus concrètement, de nombreuses institutions sociales vont déployer différents principes et outils emblématiques de la NGP tels que le monitoring et les indicateurs de performance, les contrats de prestations, les démarches qualité et les protocoles d’intervention (Bonvin & Moachon, 2013, p.206).

Dans le premier cas, il s’agit de la création de tableaux de bord (monitoring) chargés de mesurer la performance globale de l’institution (p.206). Pour ce faire, différents indicateurs sont mis en place visant à mesurer le travail des agents (nombre de dossiers, de contrat signés, fréquences des entretiens, nombre de mesures actives attribuées, etc. (p.207). Le but étant de rendre certains écarts visibles pour ensuite prendre les mesures nécessaires pour s’améliorer (p.207).

Les contrats de prestations, quant à eux, vont concerner les administrations d’État et des prestataires de services (p.207) (de mesures de réinsertion par exemple). Les missions que s’engagent à réaliser les prestataires de services sont énumérées dans un contrat qu’ils ont négocié avec l’État (Giauque, 2017, p.9). Dans ces contrats, outre les missions et les objectifs principaux, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs sont définis (p.9). Ces derniers visent deux choses : d’une part permettre aux acteurs politiques de récolter les informations nécessaires pour « piloter les politiques publiques » (p.9) et, d’autre part, évaluer si les prestataires de service réalisent les activités pour lesquelles ils sont financés, de manière « efficace et efficiente » (p.9). Les acteurs de terrains sont alors amené.e.s à rendre des comptes de plus en plus précis sur leurs activités (p.9).

23 Cette mise en œuvre progressive s’explique notamment du fait que le contexte helvétique, décentralisé, et fédéraliste est « caractérisé par une culture politique toujours à la recherche du consensus » (Giauque & Emery, 2008, p.61).

Quant aux démarches qualité, il s’agit principalement de protocoles d’intervention visant à établir

« des procédures standards pour tous les usagers » (Bonvin & Moachon, 2013, p.208). En effet, dans de nombreuses institutions, on observe une multiplication d’outils d’accompagnement standardisés tels que le projet individuel ou le contrat d’insertion. Présentés comme les nouveaux moyens incontournables pour concrétiser les capacités des individus à (re)trouver leur « autonomie » (Astier, 2007, p.4), ces outils, qui s’appuient directement sur les principes de la NGP, vont peu à peu venir se greffer sur les instruments d’assistance alors en place. Actuellement, ils ont pris une place stratégique au sein des cadres des régimes de protection (De Jonckheer, 2010, p.329) et sont devenus les moyens indispensables pour les individus afin de s’insérer légitimement au sein de la collectivité (Breviglieri, 2008).

De leur côté, les professionnel.le.s vont être chargé.e.s de mesurer et d’évaluer l’atteinte d’objectifs définis et l’implication des bénéficiaires dans les différentes démarches. Ainsi, en fonction des

« efforts » fournis par les personnes aidées, elles vont percevoir un bonus (par exemple un supplément financier) ou dans le cas contraire, elles peuvent se voir sanctionnées, soit par une réduction de prestation, soit par une suppression complète (Keller, 2012).

Par ailleurs, ces outils vont également servir à guider la pratique des professionnel.le.s, cela en dictant précisément les principales étapes du suivi social (Bonvin & Moachon, 2013, p.207). La standardisation d’outils d’accompagnement devient alors également un moyen de mesurer des pratiques professionnelles qui, jusqu’alors, se revendiquaient « insaisissables ».

Cependant, pour bien comprendre les mouvements de transformation qui ont traversé le travail social, il convient également de saisir le rôle qu’ont joué les institutions du travail social. En effet, en constante recherche de légitimité, le secteur social a fortement participé à se construire une « identité de services » (Bresson, 2016, p.89). En s’« appliquant lui-même des exigences de productivité et d’efficacité » (p.89.) et, corrélativement, en s’efforçant d’inciter les usagers à se responsabiliser pour « développer leur employabilité » (p.89) (entendue par-là que les exigences d’efficacité sont reportées sur le public lui-même).

Il est bien entendu impossible de présenter de manière exhaustive tous les outils et autres approches stratégiques propres à la NGP, d’autant que celles-ci sont loin de former un corpus homogène (Giauque & Emery, 2008). En effet, les déclinaisons de la NGP sont si nombreuses que cette dernière ne saurait être circonscrite « une fois pour toute ».

Dans un ouvrage consacré à la nouvelle gestion publique en Suisse Giauque & Emery (2008) montrent que les recherches ont tout de même permis d’identifier trois types de « modèles » sur lesquels la NGP s’appuie ;

Le modèle de l’efficience ou modèle du marché (1) (p.40). Il se diffuse dès le début des années 1980 et cherche à atteindre l’efficience en comparant (benchmarking) les organismes publics avec le secteur privé. Le modèle du « downsizing », de la décentralisation et de la flexibilité vise à séparer l’opérationnel de la gestion stratégique. Les compétences décisionnelles se voient alors redistribuées aux niveaux les plus proches du terrain. L’idée sous-jacente étant de permettre de développer une gestion plus souple (2). Finalement le modèle de la qualité ou de la recherche de l’excellence (3) qui cherche à insuffler de nouvelles manières d’organiser l’activité et de travailler. On cherche également

« l’amélioration continue » pour aller vers toujours plus de « qualité ». Le recours à des outils capables de mesurer cette progression devient alors systématique.

Giauque & Emery relèvent cependant que ces trois modèles sont à considérer comme des « idéaux de référence » (p.41) puisqu’en pratique on observe plus généralement un « mélange » de ces différents modèles plutôt qu’une séparation nette. Pour aller plus loin que les trois modèles juste présentés, les

auteurs proposent également un tableau plus « nuancé » recensant les caractéristiques principales dites

« typiques » de la NGP24 :

(Giauque & Emery, 2008, p.41) 7.3. L ’emprise notionnelle du tournant managérial

Dans ce mouvement de recomposition managériale du champ du travail social se diffuse simultanément un nouveau langage modifiant peu à peu les mots de l’action sociale (Ion, 1998, p.10).

En effet, dans cette impulsion générale de standardisation d’outils d’accompagnement (tel que le contrat ou le projet) de formalisation des référentiels de compétences et de profondes restructurations organisationnelles (Chauvière, 2007 ; Curie, 2010 ; Molina 2014) apparaît une constellation de notion, qui raisonnent entre elles et qui vont donner un nouveau sens au travail social. S’il semble également peu évident de circoncire ce langage, sa prégnance est pourtant manifeste dans de nombreux supports institutionnels (Vandeveld-Rougale, 2017). Ce « jargon » véhicule dès lors une nouvelle façon de penser et d’agir (Bruno & Didier, 2013 p.54) et renvoie une représentation spécifique du monde, de l’action sociale, de la relation d’aide et oriente les pratiques professionnelles.

24Selon nous, Giauque & Emery sont les auteurs qui sont parvenus à « objectiver » la NGP de la façon la plus convaincante. En annexe, se trouve un autre tableau recensant cette fois-ci une grande partie des outils et principes typiques de la NGP ainsi que des outils que nous avons nous même récoltés sur le terrain. En l’occurrence le « contrat d’aide sociale individuel » de l’HG (dans sa version 1 et 2), « l’évaluation de compétences » ainsi que « l’accord d’objectifs », deux outils utilisés au sein de la mesure d’insertion « Coup d’Pouce ». Bien que le cadre de ce travail ne nous permette pas de proposer une analyse fine de ces outils, nous tenions tout de même à les intégrer car ils permettent de donner une idée plus « concrète » des outils que l’on qualifie de « propres à la NGP ». Nous cherchons ainsi à honorer notre engagement théorique consistant à ne pas appréhender la NGP d’une façon surplombante, mais bien comme un modèle reposant sur des logiques qu’il est possible d’identifier empiriquement, comme nous le verrons par ailleurs dans la suite de ce travail.

Désormais, le bénéficiaire doit « développer son employabilité », réaliser un « projet réaliste » en fixant des « objectifs mesurables », il doit s’« adapter », être « proactif », développer des « savoirs-être » et des « savoirs-faire » dans le but de « renforcer » ses « compétences ». De leur côté, les professionnels doivent « évaluer les ressources » et « développer l’autonomie et la responsabilité » des bénéficiaires, « mesurer les risques » et « l’atteinte des objectifs », etc. Quant à la rhétorique des institutions, elle va porter sur la « modernisation et la simplification des procédures », le recours au

« monitoring », le « développement de l’offre », la « multiplication des partenariats » ou encore l’« optimisation de l’organisation » au travers de « projets innovants ». Autant de terminologies confuses et qui désormais encadrent l’activité des travailleurs.se.s sociaux.ale.s.

Ce lexique « managérial »25, va ainsi progressivement se diffuser et s’imposer aux professionnel.le.s comme « nouveau langage d’action » (Vandeveld-Rougale, 2017, p.25).

Guibert, qui a lui-même abordé cette question en analysant les référentiels des agents des Caisses d’allocations familiales (CAF), en France, a également mis en évidence que dans les années 2000, il s’agissait déjà de « concrétiser/développer/renforcer et maîtriser des risques ». Par la suite, des mots tels que « service, offre, contrôle, performance » sont venus s’ajouter (Guibert, 2010).

Dans son ouvrage intitulé « la novlangue managériale » (2017), Agnès Vandeveld-Rougale décrit quant à elle finement la manière dont ce nouveau lexique a progressé dans différentes sphères du monde professionnel et comment celui-ci participe à ancrer une sorte de représentation idéale de l’institution, de l’entreprise, cela tout en masquant les pratiques quotidiennes de management (p.34).

Dans un contexte d’aide sociale, cette normalisation du langage s’avère effectivement problématique.

D’une part car elle produit une rigidification sémantique qui réduit les possibilités d’appréhension plus large des personnes accompagnées. D’autre part, car les termes tendent à se transformer en « lieux communs » opérant ainsi une réduction des perceptions de la réalité. En effet, ce langage « creux », qui privilégie la « forme » avant le « fond » (Bihr, 2007), s’avère être détaché des principes d’ordre commun (Boltanski & Thévenot, 1991 ; Boltanski & Chiapello, 2011). C’est-à-dire que, tout en permettant d’équiper les indicateurs de mesures et les objectifs contractualisés dans la pratique, il tend à voiler la dimension politique qui entoure les différentes problématiques sociales.

7.4. L’influente critique

Pour bien comprendre les mouvements de transformation qui ont traversé le travail social, et ne pas considérer qu’il s’est subitement vu, par le biais de forces obscures, imposer les mots d’ordre du néolibéralisme, il convient de saisir l’influence qu’ont eu les critiques auxquelles il a été sujet. En effet, dès les années 1970, le travail social a été la cible de critiques virulentes. Décrit comme instrument de pouvoir mis au service d’une fraction dominante, le travail social, sous couvert d’une bienveillance suspendue de tout jugement, aurait en réalité une fonction coercitive et normalisatrice des comportements déviants, comme le soulignaient Donzelot & Roman dans la Revue Esprit de 1998 au titre évocateur « A quoi sert le travail social ? ».

25 Nous retiendrons la définition donnée par Vandeveld-Rougale : « Pratiques discursives (écrites, orales et non verbales) qui véhiculent une conception utilitariste du sujet et des relations humaines, considérés comme des ressources à mobiliser au service de la maximisation du bien-être global. Adressé à des sujets, il vise leur conduite dans des actions collectives. Il agit au niveau individuel et collectif, sur les manières d’être, d’agir et d’interagir avec autrui. Depuis les années 1980, le discours managérial moderne, produit de l’idéologie gestionnaire, promeut une vision économique et entrepreneuriale de l’humain au sein de l’organisation du travail » (Vandevelde-Rougale, 2017, p.194).

« Le travail social se trouvait alors critiqué comme appelé à servir de nouvelles formes de contrôle social, plus sophistiquées que celles, policières ou paternalistes, qui avaient cours au siècle précédent ; plus déguisées aussi, car recourant aux formules d’une sollicitude sans préjugés apparents » (p.8).

Vivement relayée par différents mouvements de gauche, mais aussi par toute une lignée de chercheuses et chercheurs en sciences sociales, cette critique a marqué plusieurs générations de travailleurs.se.s sociaux.ale.s et a, indéniablement, participé aux transformations qui ont touché la profession. François Dubet, tout en avouant lui-même y avoir participé, nous le rappelle en 2002 :

« Une grande part de la littérature sociologique consacrée au travail social a été de nature critique, ne voyant dans les représentations professionnelles et les valeurs des travailleurs sociaux que des sortes de ruses de la domination capitaliste ou des projets disciplinaires » (p.232).

Par la suite, le travail social est à nouveau dénoncé, non plus en raison de sa fonction de « contrôle social » mais de « son inadaptation » (Donzelot & Roman, 1998, p.10). Celui-ci, incapable de remplir sa mission d’intégration des personnes durablement « exclues », ne servirait plus qu’à « assister » les pauvres âmes à la dérive. A noter, également, que ce déplacement de la critique s’explique aussi par le fait que l’action sociale, comme évoqué, fait face dès les années 1980-1990, à l’arrivée d’un nouveau public composé désormais non plus d’« inadaptés de la croissance » (Castel, 1995), mais de personnes exclues d’un marché du travail défaillant.

De nos jours, particulièrement dans la littérature sociologique, et comme nous l’avons évoqué, la critique porte principalement sur l’implantation de logiques gestionnaires issues de la NGP dans le champ du travail social, (dont a découlé ce lexique que l’on qualifie d’« expert »). En effet, cette

« rhétorique de la dénonciation de la marchandisation » (Hardy, 2014) du travail social est présente de manière exemplaire dans le discours des sciences sociales, mais aussi chez les acteurs de terrain.

Comme on vient de le faire, les différent.e,s auteur.e.s y décrivent les dommages produits par ce mode de gouvernance et leurs conséquences néfastes sur les publics accueillis, comme sur les professionnel.le.s. Face aux contraintes économiques (et donc politiques), les institutions du travail social seraient devenues les premières promotrices de l’idéologie néolibérale impliquant que les travailleurs.se.s sociaux.le.s ne « résisteraient » plus, tout comme les « valeurs humanistes » historiquement de la profession, désormais condamnées à la déliquescence.

Pour certain.e.s, le travail social connaîtrait donc aujourd’hui un « retour du contrôle social » (Aballéa, 2013 ; Astier, 2007 ; Chauvière, 2007 ; Foucart, 2005 ; Keller, 2012) renouvelé par des « politiques d’activation » et la mise en place systématique d’outils de mesure et d’évaluation découlant de la NGP.

7.5. Un nécessaire retour critique pour les sciences sociales

Bien que ces travaux soient le reflet d’une réalité indéniable, nous constatons, comme déjà signifié, que le travail social est de plus en plus systématiquement décrit comme s’étant uniformément approprié les exigences d’efficacité promues par la NGP. Or, si nous pouvons en partie faire ce même constat, ne serait-ce qu’au travers des différents « matériaux expérientiels » (Gutknecht, 2016, p.38) récoltés sur le terrain, ou des travaux déjà menés sur cette thématique, nous pensons, cependant, que cette tendance demande à être relativisée.

En effet, les travailleurs.se.s sociaux.ale.s interviennent en réalité dans des cadres institutionnels disparates et répondent de fait à des schémas organisationnels distincts. De plus, construit selon des

généalogies séparées, le travail social ne peut selon nous pas être désigné comme un champ unifié26 (Dauphin, 2009). Il nous semble donc judicieux de considérer que si la catégorie des « travailleurs.se.s sociaux.ale.s » se décline sous des formes plurielles, il en va de facto de même pour ce que nous désignons les « institutions du travail social ». Qu’il s’agisse d’organes étatiques, de fondations de droit privé, d’associations « caritatives » ou « philanthropiques » etc., il apparaît selon nous essentiel de considérer que leurs « logiques internes » sont « multiples » (Thiaudière, 2013) et ne raisonnent par forcément entre elles. Par conséquent, la manière dont le travail social va [pouvoir] se décliner et être mis en œuvre par les professionnel.le.s va, de fait, différer d’une institution à l’autre, parfois même très significativement.

Nous postulons dès lors que les institutions du travail social, bien que toutes touchées par le déploiement de logiques managériales et le lexique spécifique qui en découle, continuent, de façon plus ou moins ostensible, à soutenir des justifications et des postures morales distinctes. Cela, du fait qu’elles ne conçoivent pas identiquement la façon dont le travail social doit se déployer, ni comment la politique publique doit (ou devrait) être mise en œuvre, ni même la manière dont la relation d’aide avec le public visé doit s'échafauder. D’une part parce que ces institutions font face à des contraintes variées (politiques, économiques, organisationnelles, mais aussi logistiques et pratiques), mais également parce qu’elles proviennent de contextes historiques différents, se sont fixé des missions distinctes, et sont soumises à des registres constitutifs qui diffèrent. C’est pourquoi il semble important d’envisager qu’une entité étatique organisée et financée par l’État n’a, en réalité, pas tout à voir avec une fondation financée en bonne partie par des dons privés. Afin d’observer et de questionner la manière dont le travail social s’est transformé et approprié (ou non) le lexique et les nouveaux outils propres à la NGP, il semble donc nécessaire de le faire en fonction du contexte institutionnel dans lequel il se déploie.

Cela étant dit, le lecteur pourra évidemment s’interroger sur le sens de comparer deux institutions du travail social qui apparaissent d’emblée très distinctes ? Effectivement, comme on a déjà pu l’entrevoir dans le chapitre consacré à la présentation du CSP et de l’HG, et comme nous allons le voir dans la suite de ce travail, nos deux institutions semblent, sur certains aspects, diamétralement opposées. Or, nous sommes d’avis que notre démarche est tout de même cohérente et cela pour plusieurs raisons : 1) nos deux institutions ont en commun d’être toutes deux engagées dans la lutte contre la pauvreté (au sens large). Ainsi donc, une grande partie des missions qu’elles poursuivent se recoupent (même si celles-ci ont évolué) 2) Le public qu’elles reçoivent est, pour une bonne part, le même. En effet, elles mettent toutes deux en œuvre un travail social dit « généraliste » destiné à un large public 3) L’HG et le CSP, occupent une place centrale dans le champ de l’intervention sociale suisse, l’HG étant le seul organe chargé de l’assistance auprès des habitant.e.s du canton de Genève, et les CSP, en étant présents dans plusieurs cantons romans, sont parmi les associations/fondations (statuts différents selon les cantons) les plus importantes engagées auprès des personnes démunies. Concernant le CSP de Neuchâtel, cela est d’autant plus le cas depuis qu’il est lié par deux contrats de prestations avec l’État.

4) Les AS qui y sont engagé.e.s sont majoritairement des professionnel.le.s ayant poursuivi des formations semblables et qui ont en commun de réaliser un « travail social » en direction d’un public, même s’il diffère d’un contexte à l’autre. 5) Pour toutes ces raisons, ces deux institutions ne sont, à

26 D’une part parce qu’il est constitué de métiers très disparates ayant chacun ses propres « axes de clivage » et ses « traditions historiques » (Dauphin, 2009) et, d’autre part, parce que la gamme des professions qui le réunit n’ont cessé de proliférer dans le temps26 (Ion & Tricart, 1998, p.5). Ainsi, si la catégorie des travailleurs.ses sociaux.ales trouve une certaine unité dans la perspective d’une « gestion organisée » des « problèmes sociaux » (p.14) celle-ci ne s’est pas formée selon un « processus linéaire d’expansion et de diversifications d’une profession originelle » (Ion & Tricart, 1998, p.20). En réalité, elle est davantage le résultat d’un regroupement de professionnel.le.s sous une même dénomination (Ion & Tricart, 1998). Par conséquent, les pratiques des professionnel.le.s du social se révèlent très diversifiées, tout autant que les référentiels d’action.