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L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

3. Vers les fondements de notre cadre conceptuel

3.1. Les apports de l’ANT et sa portée pour notre recherche _______________________________ 78 3.2. Sa mobilisation dans notre recherche : retracer le réseau et identifier sa convergence ________ 81 3.3. Les limites de l’ANT et ses prolongements_________________________________________ 85

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

Introduction

La théorie de l’acteur-réseau, Actor Network Theory (ANT)27 a été créée à la fin des années soixante-dix avec la notion de traduction empruntée par Callon à Michel Serres (1974), d’où son nom initial « théorie de la traduction ».

La formation de cette théorie est justement un exemple de ce que les auteurs démontrent dans leurs travaux : elle a été le fait de circonstances et de travaux de chercheurs construits simultanément et appuyant les mêmes thèses. D’ailleurs, Callon (dans Callon et Ferrary, 2006) reconnaît lui-même que son but premier n’était pas d’élaborer une théorie : « Les éditeurs28 ont transformé en théorie ce qui n’était pour moi qu’un bricolage » (ibidem, p. 42). Ainsi, cette « théorie » s’est construite sans que le souci de codification dans une perspective scientifique n’ait été premier29.

En effet, dans le milieu des années soixante-dix, des chercheurs du Centre de Sociologie de l’Innovation (CSI) de l’Ecole des Mines (Callon et Latour) s’attachent à l’étude des phénomènes scientifiques et plus précisément aux conditions de production de la science. La question initiale des chercheurs est celle de la construction du discours scientifique. Plus précisément, Callon (1974 cité par Callon et Ferrary, 2006) cherche à comprendre comment circulent les connaissances scientifiques. Il constate alors que c’est au moment de la formulation des problèmes, quels que soient leurs contenus, que se dessinent les espaces de circulation. Ce tout premier texte révèle l’opération de « traduction » et la mise en réseau des problèmes. Parallèlement, Latour et Law (1974 cité par Callon et Ferrary), prenant également leur source dans l’analyse des sciences, montrent que l’inventivité, les créations des génies, sont le hasard de circonstances, les aléas de rencontres et de discussions visant à convaincre d’autres acteurs. Les travaux de ces trois auteurs ont en commun une nouvelle démarche de compréhension des phénomènes : ils s’intéressent aux non humains (les objets) et refusent l’existence de macrostructures, de contextes et de « champs dans lesquels les acteurs étaient plongés par l’analyste qui s’efforçait ensuite de les doter de compétences leur permettant d’éviter une noyade prématurée » (Callon et Ferrary, 2006, p.42). Ces travaux sont alors réunis dans l’ouvrage de Bijker, Hughes et Pinch en 1974, et constituent les premières bases de ce que Latour (2006) appelle la théorie des associations présentée comme une théorie

27Tout au long de la thèse, nous utiliserons indépendamment l’appellation « acteur-réseau » et l’acronyme

« ANT ».

28

Callon (dans Callon et Ferrary, 2006) fait référence à Bijker, Hughes et Pinch (1974) éditeurs de l’ouvrage dans lequel son premier texte sur le réseau et la traduction apparaît.

29 C’est d’ailleurs pour cette raison que des chercheurs comme Cazal (2007) notamment préfèrent la

dénomination « d’approche » de l’acteur-réseau à celle de « théorie » de l’acteur-réseau. Pour notre part, nous utiliserons indépendamment la dénomination de théorie ou d’approche.

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alternative à la théorie du social (représentée par les travaux de Durkheim (1988)). Cette théorie des associations est aujourd’hui internationalement connue sous le nom d’ANT ou acteur-réseau. L’existence de cette nouvelle démarche a véritablement été appuyée par le livre Science en Action de Latour (1989) qui trace les fondements de la théorie de l’acteur-réseau. Dans son ouvrage de 2006, Latour identifie rétrospectivement trois textes fondateurs de l’ANT : « Pasteur, Guerre et Paix des Microbes » (Latour, 1984/2001) ; « Eléments pour la sociologie de la traduction » (Callon, 1986) et « On the Methods of Long-Distance Control : Vessels, Navigation and the Portuguese Route to India » (Law, 1986).

Dans le prolongement de ces travaux fondateurs, les chercheurs du CSI ont progressivement mis en œuvre l’ANT dans d’autres domaines comme l’anthropologie médicale (Callon et Raberahisoa, 1999 ; Raberahisoa, 2006 a, b), la formation des marchés et l’économie, ou les questions de démocraties techniques (Callon, Lascoumes, Barthe, 2001) et très récemment l’étude de la « politisation » ou « économisation » (Callon et Ferrary, 2006). En sciences de gestion, comme le souligne Penan dans l’avant-propos à la conférence de Latour (1996) aux XIIIèmes Journées Nationales des IAE de Toulouse (cité par Cazal, 2007), l’anthropologie des sciences et des techniques propose des concepts qui intéressent les chercheurs en gestion, travaille sur des terrains voisins et partage avec eux un thème fédérateur, l’innovation. Plus précisément, en système d’information, le cadre conceptuel que forme l’ANT connaît un engouement croissant des chercheurs en système d’information depuis la fin des années 1990 (Bloomfield et Vurdurbakis, 1997 ; Walsham et Sahay, , 1999 ; Sarker et al., 2006 ; Heeks et Stanforth, 2007), contrairement au modèle SCOT dont on a souligné la relative désaffection des chercheurs.

En effet, pour les chercheurs en gestion, cette théorie présente deux atouts majeurs.

En premier lieu, elle propose une interprétation originale de la technologie que ce soit en phase de développement ou d’implantation. Elle laisse de côté les approches formelles et fonctionnelles de l’organisation pour privilégier l’étude des processus mettant en jeu les dimensions à la fois techniques et sociales (les processus socio-techniques).

En second lieu, elle constitue une méthode de confrontation au terrain. En effet, les auteurs proposent des guides d’action pour une meilleure compréhension des mécanismes par lesquels les innovations réussissent ou échouent (Akrich et al., 1988a et b, p. 6).

Afin d’exposer de façon claire et intelligible les fondements de cette approche et leur mobilisation dans notre recherche, nous proposons d’articuler cette présentation en trois points.

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œuvre, la théorie de l’ANT permet de dépasser les limites des approches déterministes et interactionnistes. Elle permet en effet de casser les frontières entre technologie et organisation (1.)

Dans un deuxième temps, nous présentons un modèle peu mobilisé par les chercheurs en système d’information : le Réseau Technico-Economique (RTE). En prenant en considération l’hétérogénéité des entités composant le réseau et la dynamique de leurs associations, ce modèle permettra de comprendre que les raisons du succès ou de l’échec d’un projet ne peuvent s’identifier qu’en retraçant le réseau formé ainsi que son évolution (2).

Enfin, dans un troisième temps, nous justifions la portée de l’ANT dans le cadre de notre recherche en présentant les premières pierres nécessaires à l’édifice de notre cadre conceptuel (3.)

1.

L’

ACTEUR

-

RESEAU

(ANT)

OU COMMENT CASSER LES FRONTIÈRES ENTRE

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