• Aucun résultat trouvé

L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

Encadré 3 : Exemple du Kit Photovoltaïque

1.3.1. Une diversité de travaux…

Le cadre conceptuel proposé par l’ANT fait l’objet, depuis le milieu des années 1990, d’un intérêt croissant chez les chercheurs en systèmes d’information (SI) (Walsham, 1997). Malgré l’éventail de références dans lesquelles cette théorie est utilisée, l’ensemble des acteurs s’entendent pour reconnaître son pouvoir explicatif quant à la nature socio-technique des technologies. Comme le précise Virgili (2005), au-delà des premiers travaux qui datent de

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

plus de quinze ans, la reconnaissance explicite de l’ANT en SI a véritablement émergé lors de la conférence IFIP en 1996, où ont été soulignés l’interaction des dimensions sociales et matérielles et le rôle de la matérialité.

Nous proposons de présenter quelques-unes des recherches représentatives de l’utilisation de l’ANT en SI. Le tableau ci-dessous (Cf. Tableau 8) offre une synthèse de ces différents travaux.

Tableau 8 : Exemples d’application de l’ANT dans les travaux de recherche SI

Auteurs Date Objet et Contexte d’étude

Monteiro et Hanseth 1996 L’implantation des EDI dans le secteur hospitalier norvégien Walsham et Sahay 1997 Développement d’un SI globalisant en Inde

Vidgen et McMaster 1996 L’échec de la mise en place d’un système informatisé de parking de voiture Peled 2001 L’étude des réussites des projets d’innovation technologique dans les

organisations publiques.

Tatnall et Burgess 2005 L’implantation de portail de e-commerce dans des PME australiennes Gao 2005 L’élaboration de la stratégie chinoise dans la transformation du marché des

télécommunications

Rorive et Rocher 2005 Le pilotage de trois projets de e-administrations Sarker et al. 2006

Les échecs d’un processus de changement organisationnel (Business

Process Change-BPC) dans une entreprise de télécommunications aux

Etats-Unis

Heeks et Stanforth 2007 Les trajectoires des projets de e-administration (e-government)

D’une manière générale, l’originalité du point de vue de l’ANT a conduit les chercheurs en SI, d’une part à réfléchir sur la nature même de la technologie et son processus de développement et d’autre part, à s’intéresser à tous les types d’inscription d’un point de vue pratique et managérial. En effet, un nombre important d’études en SI, se sont focalisées sur la façon dont les caractéristiques spécifiques inscrites dans la technologie affectent un acteur- réseau.

Latour (1991) et Akrich (2006a, 2006b) ont comparé le processus d’innovation à l’élaboration d’un scénario qui distribue les actions et les rôles autour de l’artefact (Akrich, 2006a et b). Du point de vue des acteurs (innovateurs et concepteurs), les décisions prises peuvent se décrire comme un partage entre ce qui est délégué à l’objet technique (et à son contenu), et ce qui peut être confié à l’environnement au sens plus large. Par exemple, dans le cas du développement d’une technologie, à quoi ressemblera-t-elle ? Que fera-t-elle ? Comment sera-t-elle utilisée ? Quelles fonctionnalités seront privilégiées par les acteurs ? Quelles compétences les utilisateurs devront-ils avoir ? Toutes ces décisions se traduisent par une

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

inscription particulière dans le dispositif technique et met ainsi en place une géographie des compétences. Du point de vue du dispositif technique, son contenu définit un objet à partir duquel les utilisateurs sont invités à imaginer la mise en scène particulière qui qualifiera leur interaction personnelle avec cet objet.

Cependant, le scénario proposé par les concepteurs est souvent modifié au cours de la mise en scène par les utilisateurs dans des situations concrètes. L’utilisateur peut très bien refuser le scénario ou le programme proposé. Latour (1991) parle alors « d’anti-programme », qui peut expliquer l’échec des stratégies de développement au sein desquelles les inscriptions sont trop peu flexibles et réduisent la marge de manœuvre des usagers. L’utilisation de l’artefact suppose l’existence de relations plus ou moins codifiées entre les usagers et les concepteurs : elle signifie l’adhérence à des accords collectifs. Les inscriptions consistent à inscrire les anticipations sur les rôles et les patterns d’usage dans des entités matérielles : comme des artefacts, des documents, des normes, des manuels, ou encore des arrangements et des procédures institutionnelles. Ces inscriptions permettent d’intégrer les hypothèses des développeurs sur l’usage futur dans des formes matérielles et, à terme, représenteront la technologie finale.

Par conséquent, pour Akrich (1993), la superposition et l’ajout d’inscriptions permettent d’accumuler de la force pour rendre le réseau de plus en plus irréversible. Ainsi, à mesure que la technologie est construite, toute une collection d’inscriptions émergent et élargissent le réseau (programme d’actions, de formations, fonctions supports, documentation, etc.).

Les chercheurs en SI se sont justement focalisés sur le renforcement et la multiplication des associations entre entités hétérogènes à travers les inscriptions.

Les travaux de Bloomfield et Best (1992) et Bloomfield et Vurdubakis (1994, 1997) mettent en évidence la flexibilité interprétative des technologies de l’information et des systèmes d’information. Les chercheurs montrent que des SI apparemment similaires ont des formes et des conséquences radicalement différentes suivant le type d’organisation dans lesquelles ils sont implantés. Les auteurs expliquent que ceci est le fait de l’intime liaison entre le contexte au sein duquel le développement a lieu et les processus des traductions et de construction du réseau.

Monteiro et Hanseth (1996) se sont intéressés aux inscriptions et à la manière dont les différents types de matérialité (les artefacts, les documents, etc.) jouent un rôle dans le processus de développement et d’implantation en imposant des « patterns d’usage ». En étudiant l’implantation des EDI dans le secteur hospitalier norvégien, les auteurs expliquent

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

les succès et les échecs subis tout au long de la construction des réseaux à travers les processus de traduction et d’inscription. Ils observent la façon dont ces inscriptions réduisent la flexibilité d’usage de la technologie et l’échec des patterns d’usage prescrits dans la mesure où les usages réels peuvent s’écarter de ceux inscrits dans la technologie. Les résultats de leur recherche montrent que l’échec d’implantation est souvent dû à la nature et la philosophie véhiculée par les méthodologies de développement censées la soutenir. Ces méthodologies traditionnelles (cycle de vie du produit) sont basées sur une séparation du technique et du social et conduisent à séparer artificiellement ce qui relève du technique de ce qui renvoie au contexte social qui accueillera la nouvelle technologie. Cette dichotomie vient annuler toute chance de stabiliser et solidifier le réseau. Ainsi, pour Monteiro et Hanseth (1996), les méthodes de développement devraient intégrer, dans leur philosophie, le principe de non séparabilité entre technique/social.

Quant à Walsham et Sahay (1997), ils expliquent que l’échec d’un projet de SI en Inde est dû au fait que les actants à l’origine du projet n’ont pas réussi à aligner les intérêts de l’ensemble des parties prenantes. De la même façon, pour Vidgen et McMaster (1996), l’échec de la mise en place d’un système informatisé de parking de voiture, provient de la faiblesse des associations constituées entre les différentes parties prenantes, la traduction des intérêts entre humains et non humains ayant échoué. Plus récemment, Tatnall et Burgess (2005), dans le cas de l’implantation de portail de e-commerce dans des PME australiennes, utilisent l’ANT afin de détailler la construction du réseau, les alliances et les changements produits. La mobilisation de l’ANT leur fournit une explication sur les interactions et négociations complexes qui ont pris place entre les humains et non humains. Enfin, Sarker et al. (2006) utilisent la perspective de l’ANT pour comprendre les échecs d’un processus de changement organisationnel (Business Process Change-BPC) dans une entreprise de télécommunications aux Etats-Unis. Pour les auteurs, plusieurs problèmes suggérés par l’ANT comme les erreurs de problématisation, les traductions parallèles, les trahisons et les inscriptions irréversibles d’intérêts, contribuent de façon significative à l’échec du projet. Les auteurs montrent alors que pour les phénomènes socio-techniques, comme le BPC comportant une forte composante politique, une compréhension en termes d’ANT peut permettre aux managers de mieux anticiper et surmonter la complexité émergente.

Plus proche de notre contexte d’étude, des chercheurs en SI se sont attachés à comprendre le déroulement des projets technologiques dans le domaine public grâce à l’ANT.

Peled (2001) compare les projets d’innovation technologique du domaine public dans de nombreux pays. Il en vient à conclure que le processus d’innovation dans le secteur public apparaît comme un processus hautement politique dans lequel quelques acteurs et intérêts

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

deviennent plus forts alors que d’autres restent silencieux. L’auteur souligne alors que l’issue de ces projets est totalement imprévisible. Cette perspective est renforcée par les travaux de Heeks et Stanforth (2007) sur l’étude d’un projet national de e-administration. Leur recherche montre qu’un acteur, qu’il soit global ou local, ne peut à lui seul contrôler la trajectoire du projet de e-government. Les auteurs constatent alors que le leader du projet a tout intérêt à se focaliser davantage sur la combinaison entre la technologie et les acteurs que sur la technologie elle-même, et moins sur la conception que sur les implications de cette conception. Dans une perspective davantage prescriptive, Rorive et Rocher (2005) préconisent le pilotage des projets de e-administration à partir des fondements de la théorie de l’acteur-réseau. Ce pilotage semble devoir s’effectuer par l’identification des acteurs concernés en amont des projets (leurs intérêts et leurs enjeux) ; l’intégration des différentes logiques des acteurs en présence, et la construction et le maintien d’un réseau d’interaction autour de l’innovation.

Enfin Gao (2005) montre que la théorie de l’acteur-réseau permet de comprendre la formulation d’une stratégie nationale. Il démontre que l’application de la théorie de la traduction peut être étendue à l’investigation de mécanismes de formulation de stratégies.

Outline

Documents relatifs